Page précédente Table des matières Page suivante


Exploitation de produits forestiers non ligneux


Aménagement durable des forêts tropicales et subtropicales pour la production de produits autres que le bois


Aménagement durable des forêts tropicales et subtropicales pour la production de produits autres que le bois

G.E. Wickens

L'auteur est ex-Directeur de la Section de l'économie et de la conservation, Jardins botaniques royaux de Kew, Royaume-Uni.

L'auteur décrit les méthodes d'aménagement durable des forêts tropicales et subtropicales pour la production de produits autres que le bois. Pour préserver les équilibres écologiques, il faut optimiser la productivité sans perdre de vue les effets sur l'environnement. Les prescriptions d'aménagement varieront selon la station, les essences, les besoins des populations locales, la politique du gouvernement, etc. L'auteur évoque aussi la possibilité d'associer dans un aménagement durable des objectifs de production de bois et de produits non ligneux, l'utilisation du feu, l'aménagement en taillis avec des cycles appropriés pour obtenir une production soutenue de bois de feu, de poteaux, etc., les moyens d'améliorer la production de produits non ligneux en tirant parti de la variabilité naturelle, de la multiplication végétative ou de la sélection des caractères souhaités, les rotations de cultures, les systèmes agroforestiers et l'agriculture itinérante. Enfin, l'auteur décrit la complexité que peut présenter l'aménagement en vue de la productivité durable et de la conservation des produits non ligneux dans la réserve naturelle nationale de l'Air et du Ténéré, qui s'étend sur 77 000 km2 au Niger.

Introduction

La distinction entre le bois et les autres produits de la forêt est peu précise; les différentes organisations et les différents pays n'utilisent pas les mêmes définitions. Dans les pages qui suivent, nous entendrons par «bois» les bois ronds, les sciages, les panneaux dérivés du bois, les copeaux et la pâte; leur production est souvent le fait d'entreprises commerciales.

Nous emploierons le terme «forêt» dans un sens proche de son acception primitive, à savoir les écosystèmes naturels non clôturés dont les arbres et arbustes constituent un élément essentiel, qu'ils portent un couvert forestier ou qu'il s'agisse de zones essentiellement ouvertes réservées à la chasse. Le terme «forêt» englobe donc toute une gamme de formations, depuis la forêt humide sempervirente jusqu'au désert. Dans ce dernier, toutefois, les arbres et arbustes ne se trouvent guère que dans les oasis et dans les lits des oueds.

Par «produit non ligneux de la forêt», nous entendons tous les matériels biologiques (autres que le bois défini ci-dessus) qui peuvent être tirés des écosystèmes naturels, des plantations aménagées, etc. et qui peuvent être utilisés directement par les populations locales ou commercialisés, ou qui ont une importance sociale, culturelle ou religieuse. Il s'agit donc des végétaux ou parties de végétaux utilisés pour l'alimentation humaine ou animale, comme combustibles, pour la production de boissons, de remèdes, de fibres, de produits biochimiques, etc., ainsi que les animaux à poil, à plumes ou autres utilisés pour leur viande, leur fourrure ou leurs plumes, ou leurs produits tels que le miel, les laques, la soie, etc. L'utilisation des écosystèmes pour les loisirs, comme réserves naturelles ou pour l'aménagement hydrologique est considérée comme un service de la forêt. Le fourrage, selon l'usage de la FAO (Ibrahim dans FAO, 1975), comprend toutes les plantes herbacées ou autres que les animaux d'élevage et le gibier peuvent paître ou brouter. Sont donc considérés comme fourrage les produits non ligneux de la forêt dont s'alimentent les populations animales.

Aménagement pour les produits forestiers non ligneux

Les produits forestiers non ligneux sont un élément essentiel de la stratégie de survie et de développement nécessaire au bien-être de l'homme, du bétail, de la flore et de la faune indigènes. Ils sont souvent considérés comme des produits secondaires de sorte que leur potentiel économique - pour l'économie marchande ou pour l'autoconsommation (cueillette, broutage, viande de gibier) - est souvent inconnu ou méconnu des aménagistes. L'aménagement forestier ne peut plus se limiter à la production de bois. Il doit tenir compte des évaluations d'impact écologique et de l'effet que la production de bois peut avoir sur le bien-être des populations locales par son action sur l'équilibre de la flore et de la faune, par ses effets médicoécologiques, ethno-biologiques, sociologiques, etc.

Le rôle des aménagistes est de maintenir ou d'accroître la productivité des forêts tout en les protégeant contre la surexploitation. Il s'agit de produire des biens et services essentiels tout en veillant à satisfaire les besoins des populations rurales locales. En ce qui concerne les produits non ligneux, l'aménagement doit viser à promouvoir leur valorisation tout en maintenant la productivité ou, si possible, en l'accroissant (Wickens, 1991b).

Les prescriptions d'aménagement visant les produits forestiers non ligneux varient beaucoup selon les besoins et les habitats des espèces visées. Par ailleurs, les prescriptions doivent tenir compte d'autres paramètres tels que les intérêts individuels et collectifs des populations locales, ceux des entreprises extérieures dont les activités sont indépendantes des communautés locales, et les objectifs des organismes publics locaux ou nationaux qui peuvent ou non être inspirés par le souci du bien-être des populations locales. Il n'existe donc pas de prescription universelle.

Tant les forêts naturelles que les plantations sont un riche gisement de produits forestiers non ligneux. Malheureusement, la récolte de ces produits dans la nature est parfois inefficace et destructive. Dans certains cas, les exigences du marché ont amené à remplacer ces produits naturels par des produits synthétiques moins coûteux. La nécessité d'éviter les ruptures d'approvisionnement, comme dans le cas des produits pharmaceutiques, a aussi conduit à utiliser des produits de synthèse. Les quelques produits qui sont difficiles à remplacer, comme le caoutchouc naturel, sont maintenant cultivés en plantation ou sont en voie de l'être, comme le rotin (Poore, 1989). Il faut donc que les entrepreneurs et les responsables des politiques officielles étudient l'offre et la demande et les autres aspects du marché mondial des produits non ligneux de la forêt, qui ont un avenir commercial et qui peuvent ou non intéresser les ruraux.

A un extrême, les ressources naturelles peuvent être aménagées et entretenues par les populations locales sans intervention des pouvoirs publics: c'est ainsi que les populations forestières d'Amazonie, dites «primitives», savent très bien utiliser et protéger les ressources naturelles. Les Amérindiens Kayapó du village de Gorotire, dans le sud de l'Etat de Para au Brésil, utilisent plus de 98 pour cent des 120 essences identifiées dans les bosquets d'espèces ligneuses (apêtê) épars dans la savane arbustive (campo cerrado). Les Kayapó savent même utiliser la litière et le matériau des termitières et des fourmilières pour préparer un substrat amélioré qu'ils vont disposer dans l'apêtê avant d'y planter des espèces sauvages utiles, qu'ils sont parfois allés chercher très loin (Anderson et Posey, 1989).

De même, les Amérindiens Koyapó pratiquent des cycles de culture itinérante sur des parcelles qu'ils abandonnent périodiquement pour créer une succession d'habitats permettant de conserver la flore et la faune. La forêt secondaire est ainsi manipulée en vue de la production durable d'espèces végétales et animales dans les différentes zones de végétation et aux différents stades de reprise (Balée et Gély, 1989). Les gouvernements devront veiller à ce que ces systèmes viables d'aménagement communautaire de la forêt lancent un défi pour pouvoir survivre quand les communautés cesseront d'être isolées du monde extérieur.

L'intégration entre la production ligneuse et non ligneuse peut à la fois être avantageuse pour les populations locales et rendre l'extraction du bois moins agressive pour l'environnement et plus rentable. C'est ainsi que Caldecott (1988) a proposé de réviser la politique forestière au Sarawak en accroissant la production non ligneuse, en allongeant les rotations et en réduisant l'intensité de la récolte de bois. Le manque à gagner qui en résulte est compensé par la valeur des produits non ligneux. Par exemple, dans le sud de la Côte d'Ivoire, dans la forêt nationale de Yapo, composée de plantations et de peuplements naturels, les produits non ligneux ont rapporté, en 1987, 26 000 dollars EU, qui ont contribué à financer le coût de l'aménagement (Falconer, 1990).

Malheureusement, on ne sait pas encore très bien comment aménager les forêts pour diversifier la production. Falconer (1990b) a fait observer qu'en Afrique de l'Ouest, il n'y a pas d'exemple d'activités de foresterie communautaire visant à valoriser les ressources forestières préexistantes. Toutefois, il est difficile de distinguer ce genre d'activités de foresterie communautaire des projets de conservation. Lorsqu'en 1987, le Cameroun a fait de la forêt humide de Korup un parc national, l'objectif était principalement de protéger 125 000 ha de forêt humide à une époque où les forets tropicales disparaissent à raison de 40 ha par minute. En créant une zone tampon et des systèmes agroforestiers autour de Korup, le projet visait à améliorer la productivité des 30 000 petits agriculteurs de la région tout en sauvegardant la forêt de pluie au centre du parc national.

Utilisation du feu

Depuis l'antiquité, le feu est l'outil le plus classique de l'aménagement des terres; le brûlis est pratique courante dans tous les écosystèmes forestiers, arbustifs et graminéens des régions tropicales et subtropicales (Warmington, 1964; West, 1965). Les éleveurs nomades peuvent utiliser le feu comme instrument d'aménagement des parcours pour maîtriser la succession des associations végétales, pour favoriser la pousse précoce de l'herbe en début de saison, pour détruire les mauvaises herbes et les insectes nuisibles et pour réduire la masse de matériel combustible et le risque d'incendie (Edwards, 1984). Le feu peut aussi être utilisé pour défricher ou nettoyer les terres en vue de l'agriculture.

Il est essentiel de comprendre le comportement du feu et ses effets sur la flore et la faune pour l'utiliser comme instrument d'aménagement en vue d'une production durable.

Les effets du feu sur la flore et la faune dépendent de sa fréquence, de son intensité et de la hauteur à laquelle l'énergie thermique est dégagée. La saison est aussi importante. Ainsi, il vaut mieux ne pas brûler les prairies à la fin de la saison des pluies, car beaucoup des plantes pérennes continuent à ce moment-là à déplacer des réserves nutritives des feuilles aux racines où elles les emmagasinent. Le feu stimule la repousse, aux dépens des réserves nutritives stockées dans le système racinaire. Ces plantes sont alors affaiblies et remplacées par des espèces pérennes ou même annuelles résistant mieux au feu et généralement moins appétibles. En outre, le sol dénudé est plus exposé à l'érosion (Scott, 1955).

On peut aussi utiliser le feu pour freiner l'envahissement par les broussailles, pour établir un équilibre entre les espèces ligneuses et les espèces herbacées qui sont en concurrence pour l'eau et les éléments fertilisants et satisfaire les besoins du bétail en pâturage, broutage et ombrage. Un brûlis tardif, avant que les graminées n'aient commencé à repousser, mais assez tard dans la saison pour que le sol reste nu le moins longtemps possible, peut aider à combattre les broussailles (West, 1955). La fréquence des brûlis doit être choisie de façon à empêcher les plants issus de semis ou de rejets des espèces indésirables d'arbres et d'arbustes de fructifier ou de devenir résistants au feu (Kruger, 1984; Mentis et Tainton, 1984).

Les effets du feu sur la survie de la faune sont mal documentés. Les insectes non ailés, les œufs et les mammifères juvéniles peuvent être détruits tandis que les oiseaux et les mammifères adultes peuvent fuir. Le retour des populations animales dépend des modifications que le feu a produites dans l'environnement. Des feux trop fréquents peuvent produire des modifications durables ou même irréversibles de la faune (Bigalke et Willan, 1984).

Une bonne partie des considérations ci-dessus sont tirées des observations faites par Booysen et Tainton (1984) en Afrique australe et ne s'appliquent pas nécessairement à d'autres régions où les conditions écologiques et climatologiques ne sont pas les mêmes. Même dans les régions d'Afrique australe décrites par Booysen et Tainton (1984), l'utilisation du feu et ses effets sur la biomasse sont suffisamment variables pour qu'il soit impossible de recommander une méthode unique de gestion.

Les exemples ci-après montrent comment le feu a été utilisé en Australie et en Amérique centrale pour manipuler la production de produits forestiers non ligneux. Avant la venue des Européens, les aborigènes Alyawara d'Australie centrale vivaient de chasse et de cueillette; ces nomades réglaient leurs déplacements sur les ressources en aliments et en eau; leur migration était donc déterminée par le climat et par la connaissance de l'écologie, de la flore et de la faune. Les Alyawara pensent que la raréfaction de plantes vivrières autrefois importantes est due à la politique du gouvernement qui cherche à réduire l'emploi du feu. Ils utilisaient le feu pour débusquer le gibier, défricher le terrain pour la chasse et la cueillette et dresser leurs camps. La superficie brûlée dépassait rarement le kilomètre carré; mais le feu avait un impact considérable sur l'abondance et la distribution des végétaux comestibles qui prospèrent dans les habitats altérés et il créait des habitats différenciés où les animaux pouvaient trouver du fourrage frais à proximité du couvert intact. On ne sait pas si les Alyawara utilisaient délibérément le feu pour modifier l'environnement, mais il est certain qu'ils connaissaient ses effets (O'Connell, Latz et Barnett, 1983).

Un exemple plus localisé d'utilisation délibérée du feu pour influer sur la productivité d'une espèce unique est fourni par la région de Jaumave dans la Sierra Madré orientale au Mexique. Les paysans utilisent pour couvrir les maisons une plante herbacée pérenne rhizomateuse de la savane, le zacaton (Sporobolus giganteus). Pendant l'hiver, ils brûlent les peuplements de zacaton pour détruire les insectes, éliminer la végétation graminéenne et arbustive concurrente et détruire le matériel mort accumulé. Le feu stimule l'avancée des rhizomes (et donc l'accroissement du peuplement) et la production de chaume plus long et plus épais (Anderson, 1991).

Rejets

On peut traiter en taillis et exploiter selon une rotation appropriée divers arbres et arbustes (Azadirachta sp., Eucalyptus sp., Ziziphus sp., etc.) de façon à obtenir un rendement soutenu de bois de feu, de poteaux pour les clôtures, les murs, les charpentes, les manches d'outils, etc., et pour prolonger la durée de vie au-delà du terme normal pour l'espèce. La coupe des roseaux et des graminées tels que Phragmistes australis et Arundo donax, peut stimuler la croissance des rhizomes (Anderson, 1991).

Amélioration des produits forestiers non ligneux

II existe d'énormes possibilités de valoriser les produits forestiers non ligneux, surtout dans les pays en développement. Les aliments sauvages, par exemple, peuvent fournir un appoint alimentaire considérable, surtout pendant les saisons où les aliments de base classiques manquent. Par exemple, en Afrique de l'Ouest, Dacryodes edulis mûrit pendant la période de soudure, avant la récolte (Okafor, 1991).

Ogden (1990) et Falconer (1990) reconnaissent l'intérêt nutritionnel des aliments produits naturellement par la forêt en tant que source de protéines, d'éléments minéraux et de vitamines. Leur valeur diététique a aussi été observée chez certains peuples du désert, notamment les aborigènes australiens, les juifs d'Ethiopie et les Amérindiens du Mexique et du sud-ouest des Etats-Unis.

A l'instar des arbres produisant du bois d'œuvre, les arbres et arbustes polyvalents présentent une variabilité naturelle qui offre aux aménagistes diverses options pour la conservation, la valorisation et l'utilisation des ressources végétales (Okafor, 1991; Venkatesh, 1988). Ainsi, l'existence parmi les arbres qui donnent des fruits sauvages au Nigeria de variétés taxonomiques présentant des différences considérables dans la phénologie de la floraison, de la fructification et de la feuillaison permet d'intervenir pour prolonger la saison des fruits et autres parties végétales, pour accroître la productivité et pour sélectionner les variétés en fonction de la saison de production (Okafor, 1978; 1991). Ces arbres fruitiers sont notamment Dacryodes edulis, Irvingia gabonensis et Terculia africana spp. africana (Okafor, 1977; 1980; 1991). Par exemple, la saison du fruit d'Irvingia gabonensis peut être considérablement prolongée si l'on cultive en même temps var. gabonensis et var. excelsa qui fructifient respectivement pendant les pluies et en saison sèche.

La multiplication végétative peut se faire par marcottage ou par bouturage herbacé ou ligneux. Les objectifs et techniques d'aménagement peuvent différer selon les variétés. C'est ainsi que pour la production d'aliments, Okafor (1980) recommande d'utiliser des plants marcottés de Terculia africana var. africana, qui produit des fruits de grande taille, afin de réduire la longueur des tiges et la hauteur à laquelle se forment les fruits, tandis que pour les variétés à fruits petits, plus adaptés à la production de pâte de fruit - var. mollis et var. inversa - on pourra utiliser des plants issus de semis.

Agroforesterie et culture par rotation

Von Maydell et al. (1982) définissent l'agroforesterie comme la nouvelle dénomination de la pratique séculaire consistant à intercaler sur la même terre des plantes ligneuses et des cultures agricoles, en y associant éventuellement du bétail. Elle consiste donc à cultiver délibérément des plantes pérennes ligneuses en association avec des cultures agricoles ou avec le pâturage; ces divers types de production peuvent coexister ou se succéder; il y a, en tout état de cause, une interaction écologique ou économique qui peut être positive ou négative entre la végétation ligneuse et les autres composantes du système.

L'agroforesterie permet en outre de cultiver en «plantation» des essences polyvalentes dont la productivité est améliorée ou peut l'être par la sélection ou d'autres méthodes. On peut donc utiliser dans les systèmes agroforestiers des essences sauvages, domestiquées ou semi-domestiquées. Il n'y a pas de ligne de démarcation nette entre la foresterie, l'agriculture et l'horticulture, surtout lorsqu'il s'agit d'obtenir des produits forestiers non ligneux (Wickens, 1990). Selon leur dimension et selon les traditions et les préférences nationales, les cultures de plantation et leur aménagement peuvent donc relever indifféremment de chacune de ces trois disciplines. La distinction est encore compliquée par le développement des pratiques agroforestières depuis le milieu du XXe siècle: en agroforesterie, les arbres deviennent un des éléments de l'assolement, ou bien, dans les cultures en couloir, les cultures annuelles profitent de la présence des rangées permanentes ou semi-permanentes d'arbres ou d'arbustes. On choisit souvent pour ces associations des espèces d'arbres et d'arbustes polyvalentes qui joignent à leurs fonctions agronomiques - réduction de l'érosion, ombrage, amélioration de la fertilité - l'avantage de donner des produits forestiers non ligneux.

Dans les systèmes d'agriculture itinérante, la jachère arbustive est une forme naturelle et inefficace d'agroforesterie. Elle est inefficace parce que la repousse de la végétation ligneuse et sa densité sont à la merci de la régénération naturelle. Par exemple, la rotation gommier-culture de plein champ, autrefois pratiquée au Soudan, consistait traditionnellement en environ quatre ans de culture suivis de 10 à 14 ans de jachère forestière sous Acacia senegal; les autres arbres et arbustes étaient pour l'essentiel éliminés lorsque la terre était défrichée pour la culture. C'est là une décision d'aménagement prise par les paysans pour maximiser la production (dans les limites de la régénération naturelle) de produits non ligneux tels que la gomme arabique, le fourrage, le bois de feu, etc.

A cause de l'urbanisation et de la croissance démographique, la culture itinérante n'est plus une option viable. Sur les terres cultivées en permanence, des rotations sont nécessaires pour maintenir la fertilité. Au lieu de laisser s'établir la jachère forestière, on peut mettre en terre des graines ou de jeunes plants d'arbres pendant la dernière année de culture pour que le sol se régénère sous une culture de plantation; grâce à un espacement régulier, on maximise ainsi l'amélioration du sol et le rendement en produits non ligneux.

Exécution de l'aménagement

Un exemple des mesures d'accompagnement de l'aménagement, nécessaires pour assurer à long terme la productivité et la conservation des produits non ligneux de la forêt, est donné par la réserve naturelle nationale de l'Aïr et du Ténéré qui s'étend sur 77 000 km2 au Niger. La création de cette réserve a été motivée principalement par le souci de protéger la flore et la faune exceptionnelles de cette région contre les déprédations anarchiques des chasseurs et des touristes. Après plusieurs années de sécheresse, les effets d'une surexploitation des terres et de la déforestation étaient clairement visibles. Les habitants ont été consultés à tous les stades de la planification pour que leur bien-être et leur coopération soient assures.

Le programme de développement rural comprenait la promotion des constructions en adobe pour réduire la demande de poteaux de construction, le forage de puits, une action sanitaire, des cours d'alphabétisation, etc. La législation nationale a été complétée par des règlements locaux plus appropriés. Une réserve de faune occupant 12 pour cent de la forêt a été créée au centre de la réserve, dans une zone rarement visitée. La chasse et la consommation de viande de brousse ont été interdites, ainsi que l'utilisation de certaines espèces d'arbres; cette interdiction a été accompagnée de mesures d'aide en faveur des artisans et des autres personnes auxquelles elle portait préjudice.

Conclusion

En conclusion, la foresterie est la science et l'art de gérer et de conserver les forêts et les zones assimilées de façon à produire durablement des avantages économiques, sociaux et écologiques. Elle suppose un aménagement équilibre des ressources forestières en vue d'assurer un rendement optimal de produits forestiers, une faune riche, des ressources abondantes en eau pure, un environnement agréable pour les loisirs dans les zones naturelles, ainsi que dans les établissements ruraux et urbains, et toute une gamme d'autres services et produits. La foresterie utilise les connaissances et l'expérience de nombreuses disciplines et fait appel aux compétences d'autres professions (Conseil des sciences du Canada, 1973).

BIBLIOGRAPHIE

Anderson, A.B. et Posey, D.A. 1989. Management of a tropical scrub savanna by the Gorotife Kayapó of Brazil. Adv. Econ. Bot., 7:159-173.

Anderson, K. 1991. Wild plant management: cross-cultural examples of the small farmers of Jaumave, Mexico, and the south Miwok of the Yosemite Region. Arid Lands Newsl., 31: 18-23.

Balée, W. et Gély, A. 1989. Managed forest succession in Amazonia: the Ka'opor case. Adv. Econ. Bot., 7: 129-158.

Bigalke, R.C. et Willan, K. 1984. Effects of fire régime on faunal composition and dynamics. In P. de V. Booysen et N.M. Tainton, N.M. éds., Ecological effects of fire in South African ecosystems. Berlin, Allemagne, Springer. 426 p.

Booyen, P de V. et Tainton, N.M. éds. 1984. Ecological effects of fire in South African ecosystems. Berlin, Allemagne, Springer. 426 p.

Caldecott, J. 1988. Proposal for an independent review of forestry policy in Sarawak. Londres, Land Associates. (mimeo)

Conseil scientifique du Canada. 1874. A national statement by the schools of forestry at Canadian universities. Ottawa, Canada.

Edwards, P.J. 1984. The use of fire as a management tool. In P. de V. Booysen et N.M. Tainton, éds., Ecological effects of fire in South African ecosystems. p. 349-362. Berlin, Allemagne, Springer. 426 p.

Falconer, J. 1990. La forêt, source d'aliments en période de disette. Unasylva, 41(160): 14-19.

FAO. 1975. Glossary of terms used in pasture and range survey research, ecology and management. AGPC:MISC/34. Rome.

FAO. 1990. The major significance of "minor" forest products. The local use and value of forests in the West African humid zone. Note sur la foresterie communautaire No. 6. Rome.

FAO. 1991. Non-wood forest products: the way ahead. Etude FAO: Forêts No. 97. Rome.

Kruger, F.J. 1984. Effects of fire on vegetation structure and dynamics. In P de V. Booysen et N.M. Tainton éds., Ecological effects of fire in South African ecosystems. pp. 219-243. Berlin, Allemagne, Springer. 426 p.

Mentis, M.T. et Tainton, N.M. 1984. The effect of fire on forage production and quality. In P. de V. Booysen et Tainton, N.M. éds. Ecological effects of fire in South African ecosystems. p. 245-254. Berlin, Allemagne, Springer. 426 p.

Meredith, D. éd. 1955. The grasses and postures of South Africa. Pretoria, Afrique du Sud, Central News Agency. 771 p.

Niamir, M. 1990. Techniques traditionnelles d'aménagement des terres boisées appliquées par les pasteurs nomades africains. Unasylva, 41(160): 49-58.

O'Connell, J.F., Latz, P.K. et Barnett, P. 1983. Traditional and modern plant use among the Alyawara of Central Australia. Econ. Bot., 37: 80-109.

Ogden, C. 1990. Intégrer des objectifs nutritionnels dans les projets de développement forestier. Unasylva, 41(160): 20-28.

Okafor, J.C. 1977. Development of forest tree crops for food supplies in Nigeria. For. Ecol. Manage., 1: 235-247.

Okafor, J.C. 1980. Edible indigenous woody plants in the rural economy of the Nigerian forest zone. For. Ecol. Manage., 3: 45-65.

Okafor, J.C. 1991. Amélioration des essences forestières donnant des produits comestibles. Unasylva, 42(165): 17-21.

Poore, D. 1989. No Timber without trees. Londres, Earthscan.

Scott, J.D. 1955. Principles of pasture management. In D. Meredith, éd. The grasses and pastures of South Africa, p. 601-623. Pretoria, Afrique du Sud, Central News Agency. 771 p.

Venkatesh, C.S. 1988. Genetic improvement of multi-propose tree species. Int. Tree Crops J., 5: 109-124.

Von Maydell, H.J., Budowski, G., Le Houérou, H.N., Lundgen, B. et Steppler, H.A. 1982. What is AGROFORESTRY? Agrofor. Syst., 1: 13-27.

Warmington, B.H. 1964. Carthage. Londres, Penguin.

West, O. 1955. Veld management in the dry, summer-rainfall bushveld. In D. Meredith, éd. The grasses and pastures of South Africa, p. 624-636. Pretoria, South Africa, Central News Agency. 771 p.

West, O. 1965. Fire in vegetation and its use in pasture management. p. 1-53. Mimeographed Publication No. 1. Hurley, Berkshire, Royaume-Uni, Commonwealth Bureau of Pastures and Field Crops.

Wickens, G.E. 1990. What is economic botany? Econ. Bot., 44: 12-28.

Wickens, G.E. 1991. Problèmes d'aménagement forestier: valorisation des produits non ligneux. Unasylva, 42(165): 3-8.


Page précédente Début de page Page suivante