Table des matières - Précédente - Suivante


Les formes d'erosion en masse

[planche photographique 12]

Les phénomènes de mouvement de masse sont très nombreux mais on peut les regrouper en six groupes principaux (figure 56):

- Les glissements lents (creep)

C'est un glissement plus ou moins lent des couches superficielles de la couverture pédologique, généralement sans décollement, qui s'observe assez généralement sur les pentes fortes grâce à la forme couchée des jeunes plants forestiers et à la forme en crosse de la base des arbres adultes. Dans les zones sylvopastorales; la circulation des animaux le long des versants peut également entraîner la formation d'escaliers encadrés par des réseaux de fissures (Moeyersons, 1989).

Une autre forme de creep, causée par les techniques culturales, a été traitée à part: c'est l'érosion mécanique sèche. L'ensemble de ces processus aboutissent, comme l'érosion en nappes et rigoles, au décapage des sommets de collines et à l'empâtement des bas de pentes.

- Les glissements rapides

Les glissements de terrain en planches sont des décollements d'une couche plus ou moins épaisse de sol, glissant sur un horizon plus compact (souvent de la roche altérée), servant de plan de glissement. Ce phénomène est très courant sur les schistes dont le pendage est parallèle à la topographie (pendage conforme) sur les gneiss et sur les marnes en voie d'altération.

FIGURE 56 : Différentes formes d'érosion en masse

GLISSEMENTS RAPIDES

1) Coulées boueuses

2) Glissements de terrain

MOUVEMENTS LENTS

3) Creep (Glissement lent des particules a la surface du sol sur pentes fortes)

4) Erosion mécanique ou érosion sèche (Descente progressive des terres poussés par les outils de travail du sol)

- Charrue à soc
- Charrue à disque
- Herse

- Les versants moutonnés

Formes molles apparaissant dans des conditions humides lorsque les horizons superficiels dépassent le point de plasticité et progressent lentement, comme une pâte dentifrice, entre la trame de racines qui retient l'horizon de surface et l'horizon compact imperméable que représente l'altérité des marnes ou des argilites par exemple.

- Les coulées boueuses (lave torrentielle)

Ce sont des mélanges d'eau et de terre à haute densité ayant dépassé le point de liquidité et qui emportent à grande vitesse des masses considérables de boue et de blocs de roches de taille imposante. Lorsqu'elles viennent de se produire, elles se présentent sous forme d'un canal terminé par une langue de matériaux de texture très hétérogène (cône de déjection). Les matériaux fins sont repris ultérieurement par l'érosion hydrique en nappe ou en rigole, laissant en place une masse de cailloux et de blocs de taille très hétérogène. Elles apparaissent souvent à la suite d'un glissement en planche ou dans une ravine lors d'une averse exceptionnelle nettoyant les altérites accumulées depuis quelques années (Temple, Rapp, 1972).

- Les glissements rotationnels en "coups de cuillère" (figure 57)

Ce sont des glissements où la surface du sol et une partie de la masse glissent en faisant une rotation, de telle sorte qu'il apparaît une contrepente sur le versant. Il s'agit souvent de toute une série de coups de cuillère, laissant au paysage un aspect moutonné. Au creux du coup de cuillère, on observe généralement une zone humide où croît une végétation adaptée à l'hydromorphie (Carex). Il arrive couramment qu'après des périodes très humides, il s'installe un ruissellement sur les bords de la contrepente et ce ravinement fait progressivement disparaître la contrepente, ne laissant qu'un creux dans le versant qu'il est difficile de dissocier d'un ravinement ordinaire.

- Les formes locales

Il s'agit d'éboulements rocheux, de sapements de berges ou d'effondrements de versants qui entraînent des glissements localisés. Ceux-ci sont très fréquents en tête de ravine: ils entraînent l'éboulement de la partie supérieure des lèvres d'une ravine et font progresser la ravine vers le sommet de la colline par érosion régressive. On les retrouve également dans les oueds, en particulier dans les parties concaves de la rivière lorsqu'elle forme un méandre.

Les causes et les processus des mouvements de masse

La cause des mouvements de masse (lents ou rapides) est à rechercher dans le déséquilibre entre d'une part, la masse de la couverture pédologique, de l'eau qui s'y trouve stockée et des végétaux qui la couvrent et d'autre part, les forces de frottement de ces matériaux sur le socle de roche altérée en pente sur lequel ils reposent (pente limites de 30 à 40 degrés = 65 %). Ce déséquilibre peut se manifester progressivement sur un ou plusieurs plans de glissement suite à l'humectation de ce(s) plan(s) ou par dépassement dans la couverture pédologique du point d'élasticité (creeping avec déformations sans rupture) ou de liquidité (coulées boueuses).

FIGURE 57

: Glissement rotationel en coups de cuillère (d'après Neboit, 1991)

Le déséquilibre est le plus souvent brutal et associé à deux types d'évènements isolés ou combinés: les secousses sismiques et les averses orageuses abondantes et intenses (plus de 75 mm en 2-3 heures) (Temple et Rapp, 1972). La circulation rapide de l'eau dans les fissures ou des mégapores (tunnelling) jusqu'à la roche pourrie provoquerait, à une certaine distance de la ligne de crête (5 à 95 mètres à Mgéta, en Tanzanie) ou aux points de rencontre des filets d'eau dans le sol, une pression hydrostatique capable de repousser la masse réorganisée des sols, de décoller celui-ci par rapport à un niveau de fragilité de la roche pourrie: d'où la fréquence élevée des glissements en planche sur les schistes, les gneiss et les matériaux volcaniques poreux déposés sur les roches imperméables (ex. les cendres volcaniques sur dômes granitiques au Rwanda).

Les facteurs qui favorisent ce déséquilibre sont les secousses sismiques, les fissurations suite à l'alternance gel/dégel ou à la dessication des argiles gonflantes, l'altération de la roche, l'humectation jusqu'à saturation de la couverture pédologique, l'humectation du plan de glissement qui devient savonneux (présence de limons issus de l'altération des micas), des roches présentant des plans de clivage ou de fracture préférentiels (argillites, marnes, schistes, roches micassées, gneiss). L'homme peut accélérer la fréquence de ces mouvements de masse en modifiant la géométrie externe du versant (par terrassement, creusement d'un talus pour installer une route ou des habitations, surcharge d'un versant par des remblais, modification des écoulements naturels, érosion au pied d'un versant par une rivière dont le cours est modifié, etc). La végétation intervient également. Temple et Rapp (1972) ont montré dans leur étude sur un milieu de glissements de terrain (debris-slide et mudflow) que 47 % des entailles sont situées sur des champs cultivés (maïs + mil + haricots), 47 % sur des jachères et des pâturages et moins de 1 % dans les zones forestières les plus humides. Même les arbres isolés semblent avoir un effet puisque seules les pistes non plantées d'arbres montrent des traces de glissement de terrain: une rangée d'arbres suffirait pour éviter ces processus. Cependant, quelques gros glissements ont eu lieu dans la zone forestière la plus humide (P = 2000 mm) qui a reçu 185 mm en 72 heures le 23 février 1970. La reforestation n'est donc pas une arme absolue contre les glissements de terrain et le type d'arbres (de forêt) n'est probablement pas indifférent. Les formes convexes des versants, altération en demi-orange), et les vallées profondément entaillées sont aussi des facteurs favorables aux glissements de terrain (Temple et Rapp, 1972; Avenard, 1989; Moyersons, 1989).

Les facteurs de risque de glissement de terrain

D'après Ferry (1987), les facteurs de résistance au glissement d'une couverture pédologique, apparaissent dans l'équation de Coulomb:

S représente la résistance au cisaillement,
C la cohésion du sol,
P la pression normale à la surface du mouvement due à la gravité,
U la pression d'eau intersticielle dans le sol,
F l'angle de frottement interne,
tangente de F. le coefficient de frottement.

Les glissements se produisent lorsque la contrainte de cisaillement dépasse la résistance du sol ou lorsque la limite de plasticité ou de liquidité est atteinte. Le creep est souvent observé lorsque la couverture pédologique est épaisse, la pente forte et le climat très humide. Les glissements de terrain en planche sont favorisés par la présence de gneiss, de schistes ou de cendres volcaniques projetées sur les pentes convexes de schiste ou de granit en cas de pendage dans le sens de la pente, lorsque la couverture pédologique n'est pas très profonde, sur des fortes pentes (> 60 %) ou encore lorsqu'il existe un niveau imperméable ou un plan de contact en forte pente excessivement lubrifié.

Les versants en bourrelets ou moutonnés sont généralement liés à des milieux humides et marneux, de même que les glissements de terrain relationnels. Les sapements de berges et ceux de têtes ou de flancs de ravines, sont généralement liés à la présence d'écoulements qui creusent sous la couverture pédologique jusqu'à l'éboulement du matériau. On peut observer également des effondrements de tunnels provenant de la dissolution de gypse ou de sel ou creusés par des rongeurs à l'intérieur de la couverture pédologique dans lesquels les eaux vont s'engouffrer. Les sapements de berges sont fréquents dans les courbures des rivières et lors de la formation de méandres.

La lutte contre les mouvements de masse

Les méthodes de lutte contre les mouvements de masse sont généralement coûteuses et délicates. Contrairement à la lutte contre l'érosion en nappe ou l'érosion linéaire, il s'agit bien souvent d'éviter que les eaux de pluie ne s'infiltrent dans le sol, n'alourdissent la couverture pédologique et n'atteignent rapidement le plan de glissement. Pour ce faire, on draine le sol en surface pour évacuer le ruissellement vers des zones non dangereuses, généralement les zones convexes d'un versant. On peut drainer en profondeur la zone située au niveau du plan de glissement pour éviter que la pression intersticielle ne décolle la couverture pédologique de la zone stable située en-dessous du plan de glissement.

Une autre méthode consiste à assécher le terrain en augmentant l'évapotranspiration des plantes; par exemple, en plantant des eucalyptus ou d'autres plantes qui ont un pouvoir évaporant important. Il faut cependant éviter que ce végétal n'atteigne des poids trop considérables. Il faut donc maintenir à la fois des arbustes sur le bord des champs et d'autre part, si l'on a introduit des plantations arborées, il faut les gérer en taillis, c'est-à-dire garder le matériel végétal très jeune dans un état où il évapotranspire beaucoup et produit le maximum de biomasse. Il ne faut pas conserver des arbres de très haute taille sur des versants où les risques de glissement sont élevés. Lorsque le plan de glissement est situé proche de la surface du sol, on peut admettre que les racines des arbres exercent une forte résistance mécanique au cisaillement de la couverture pédologique. Par contre, si la surface de glissement potentiel est trop profonde et hors de portée des racines, cette résistance des racines ne joue plus et on peut même penser que la surcharge des versants par la masse boisée risque de faciliter le glissement. De plus, les vents, en transmettant des vibrations au sol par les arbres, joueraient un rôle néfaste qui risque de former des fissurations du sol et donc de favoriser localement l'infiltration des eaux ruisselantes jusqu'au plan de glissement. Il faut favoriser des essences à croissance rapide et à enracinement pivotant et éviter les coupes à blanc qui détruisent toute l'armature de racines dans la couverture pédologique au même moment. Le boisement pourrait agir non seulement par l'action mécanique de son enracinement qui augmente la résistance au cisaillement, mais aussi en modifiant la teneur en eau du sol. Une forêt a une très forte évapotranspiration qui réduit donc la pression intersticielle de l'eau dans la couverture pédologique. En effet, dès que l'on effectue une coupe à blanc, on constate une forte augmentation de l'humidité du sol.

Les méthodes préventives sont les plus importantes. Il faut donc éviter d'installer des infrastructures sur les versants instables, mais si on ne peut faire autrement, il convient de limiter les déblais et remblais qui déséquilibrent les versants. Si l'on est obligé de creuser le versant pour un passage routier par exemple, il faut conforter le talus en augmentant la butée par un masque en enrochement ou un mur de soutènement qui s'oppose au couple de rotation du glissement et améliore le drainage du versant.

Un fossé, à l'amont des routes, doit intercepter les eaux de ruissellement du versant pour les empêcher de s'infiltrer dans les fissures de traction dans la couverture pédologique en amont des déblais. Des drains au niveau de l'altérite de la zone menacée, réduiront la pression hydrostatique.

Au cas où l'on observe des fissures à la surface du sol, par exemple entre les terrassettes formées par la circulation du bétail, le travail de la surface du sol peut aider les eaux d'infiltration à se répartir sur l'ensemble de la couverture pédologique et par conséquent, retardent l'avancement du front d'humectation vers le plan de glissement et améliorent l'évaporation de la masse d'eau (Rwanda: Moeyersons, 1989). Lorsqu'on crée une route sur un versant pentu, il est utile tout d'abord de stabiliser l'assiette de la route par la plantation d'eucalyptus que l'on maintient en taillis sur les talus amont et aval où d'y installer de l'herbe qu'il ne faut surtout pas arracher. On peut aussi installer en amont un mur drainé dont les fondations sont bien ancrées dans la roche. Enfin, en montagne, s'il existe un versant rocheux très pentu, il est possible de jeter un filet en grillage de fil de fer pour amortir la chute des pierres.

En Tanzanie, Temple et Rapp (1972) ont montré que les glissements de terrain en planche sont peu fréquents (1 %) en zone forestière et que même la présence d'arbres isolés peut réduire l'importance de ce processus, en particulier le long des routes. La reforestation n'est cependant pas une arme absolue ni même une méthode généralisable dans les zones de moyenne montagne (comme Mgéta) où la population est dense (170 à 510 habitants par km2 ) et a besoin de ces terres riches et bien arrosées pour vivre (cultures vivrières et légumes exportés vers les villes). Tout au plus, peut-on préconiser d'associer aux plantes annuelles cultivées sur les petites "terrasses escaliers" (un mètre de largeur) des rangées d'arbres sur les crêtes (eucalyptus), sur les talus en bordure des champs (fruitiers) et le long des rivières (bambous, eucalyptus ou autres essences locales) (Rwehumbiza et Roose, 1992).

Au Rwanda, on peut observer que les zones de glissement de terrain situées sur des pentes de plus de 45 % sont souvent plantées en eucalyptus et abandonnées au pâturage. Les habitations sont construites sur un replat creusé dans une zone convexe des versants stables et une double rangée d'eucalyptus dessèchent l'assiette des pistes principales.

CONCLUSION

La lutte contre l'érosion en masse doit avant tout être préventive: cartographie des zones dangereuses, plan d'occupation des sols interdisant toute construction et modification du versant, zone forestière de protection à gestion sous forme de taillis. Cependant, il n'est pas toujours possible d'éviter les cultures sur ces zones fragiles montagneuses souvent plus peuplées que les plaines environnantes car le climat y est plus sain (pas de paludisme) et les terres mieux arrosées.

La lutte contre les glissements de terrain est une affaire de spécialistes qui réclame de gros moyens pour drainer les plans de glissement hors de portée des paysans. Ces investissements de l'Etat ne se justifient que pour protéger des aménagements vitaux: réseaux routiers, villages, barrages, etc... Mais il existe quelques recettes que les paysans implantés depuis longtemps dans la région connaissent bien: il s'agit d'utiliser des arbres - en particulier l'eucalyptus et les bambous - pour dessécher l'assiette des talus et stabiliser les mouvements lents de la couverture pédologique sur les versants pentus et le long des berges. En jouant sur le choix des espèces, on devrait pouvoir transformer ces paysages habités en un bocage stable comme dans le pays Bamiléké (voir chapitre 10).

Enfin, avant de se lancer dans la lutte antiérosive, il faut bien considérer les risques liés aux différents processus d'érosion en chaque zone. En effet, la lutte contre l'érosion en nappe (qui tend à améliorer l'infiltration) et le creusement de fossés de diversion sur les versants de plus de 25 % de pente (qui drainent les horizons superficiels, mais risquent de raccourcir le cheminement de l'eau jusqu'aux plans de glissement) sont souvent à l'origine d'énormes glissements de terrain encore plus catastrophiques. En Tanzanie, Temple et Rapp rapportent qu'à la suite d'une seule averse de 100 à186 mm en trois jours (23-25 février 1973), les dégâts d'un millier de glissements de terrain furent estimés globalement à 500 000 FF, à six morts, neuf maisons détruites, 20 chèvres noyées, 500 ha de cultures anéantis; 14 % des exploitations ont perdu leurs récoltes, les routes furent coupées pendant six semaines par des inondations, etc...

 

Chapitre 8 : L'érosion éolienne


Les processus
Les effets de l'erosion éolienne
Les facteurs modifiant l'importance de l'erosion éolienne
La lutte contre l'erosion éolienne


L'érosion éolienne prend de l'importance en Afrique de l'Ouest dans les zones tropicales sèches, là où la pluviosité annuelle est inférieure à 600 mm, où la saison sèche s'étend sur plus de six mois et où la végétation de type steppique laisse de larges plaques de sol dénudé. Ailleurs elle peut aussi se développer dans des conditions de préparation du sol qui amènent une pulvérisation importante des matériaux superficiels secs.

Les processus

[planche photographique 16]

Le vent exerce sur les particules solides au repos une pression sur la surface exposée au flux d'air, appliquée au-dessus du centre de gravité, auquel s'oppose un frottement centré sur la base des particules. Ces deux forces constituent un couple tendant à faire basculer et rouler les particules lourdes (0,5 à 2 mm).

De plus, la différence de vitesse entre la base et le sommet des particules provoque leur aspiration vers le haut. Les particules les plus légères s'élèvent à la verticale jusqu'à ce que le gradient de vitesse ne les porte plus. Elles retombent alors, poussées par le vent, suivant une trajectoire subhorizontale. En retombant, ces grains de sable transmettent leur énergie à d'autres grains de sable (comme dans un jeu de boules) ou dégradent les agrégats limono-argileux en dégageant de la poussière (Heusch, 1988).

Sur le terrain, on peut observer les trois processus suivants lorsque la vitesse du vent dépasse 15 à 25 km/heure (ou 4 à 7 m/sec.) selon la turbulence de l'air (De Ploey, 1980; Mainguet, 1983; Heusch, 1988) (figure 58).

- La saltation de sables fins (0,1 à 0,5 mm): ce sont les nappes de sable soulevées par vent violent qui circulent sur plusieurs dizaines de mètres sur des surfaces lisses et laissent au sol des nappes de sables ridées (ripplemarks) ou des petites buttes de sable piégées dans les touffes de végétation. Ce sont ces nappes de sable qui flagellent les rochers dans les zones désertiques et leur donnent une forme caractéristique de champignon (corrasion). Elles provoquent de gros dégâts sur les végétaux.

- La déflation entraîne le départ en suspension des particules légères du sol (argiles, limons et matières organiques). Ces poussières sont aspirées par les tourbillons jusqu'à plusieurs milliers de mètres d'altitude pour être ensuite dispersées sous forme de brume sèche ou pour circuler sous forme de nuage sur plusieurs milliers de kilomètres. Ce sont les limons éolisés, arrachés aux steppes périglaciaires qui ont formé les loess; ce sont les poussières du Sahara qui se déposent à Montpellier trois fois l'an et à Paris une à deux fois par an.

- La reptation. Les grains de sable (0,5 à 2 mm), trop lourds pour être aspirés en altitude, sont déséquilibrés par les bourrasques du vent, roulés et traînés à la surface du sol jusqu'en haut des dunes qui progressent ainsi de quelques mètres par heure de vent violent.

FIGURE 58

: Trois processus d'érosion éolienne: suspension, saltation, traction

sol sec, peu cohéent

1. Suspension:

nuage de limons impalpables (ex. poussières en saison sèche = dust bowl) circulation jusqu'à 10 km d'altitude sur des centaines de km de distance

2. Saltation:

grains de sable fin ø = 100 microns


gros dégâts: dunes mouvantes - dégâts aux végétaux

3. Traction à la surface du sol:

• sables grossiers roulant à la surface des dunes


• voiles de sable

LES FORMES DES EDIFICES EOLIENS

La forme des dunes dépend des vents dominants.

Si les vents dominants sont monodirectionnels, les dunes peuvent être linéaires, parallèles à la côte (érigées par les vents qui balayent la plage à marée basse), ou en croissant (barkhane), la partie au vent est en pente douce. Les grains de sable sont poussés par le vent jusqu'au sommet de la pente douce et tombent ensuite sur la pente raide à l'intérieur du cercle. La vitesse de progression décroît lorsque la taille des édifices croît. D'après les études de Bourgoin et Coursin (1956), le long du tracé de la voie ferrée de Mauritanie (Snim), les dunes de 3 m de haut avanceraient de 40 à 80 mètres par an, les dunes de 12 mètres avanceraient de 12 à 35 mètres et celles de 24 mètres de haut, de 8 à 17 mètres.

Pour éviter l'ensablement des voies de communication, on évite de passer dans les zones de dunes vives, on crée un remblai de 50 cm avec une pente très douce (1/5 à 1/10) afin que le vent accélère au franchissement de la route et empêche le dépôt de sable: pour accélérer encore le vent, on dispose quelquefois aux endroits délicats, des panneaux déflecteurs de 3 x 1 m inclinés à 60° ou encore des buttes de sable à section triangulaire à huit mètres de la route dont on coiffe la crête et les flancs d'une couche de 20 à 50 cm de cailloux.

Si les vents dominants sont pluridirectionnels, on peut trouver des dunes sableuses allongées parfois sur plusieurs centaines de kilomètres; tangent au sillage d'un obstacle, le Silk est oblique par rapport au vent résultant annuel. Au cours des tempêtes, le sable migre le long de la dune, parallèlement à l'édifice qui s'allonge selon sa propre direction (Mainguet, 1983). Le profil est formé par deux versants de sable boulant en forte pente, se recoupant en une crête vive.

On peut aussi trouver des dunes pyramidales (ghourd) du sommet desquels s'échappent plusieurs crêtes témoignant de vents multidirectionnels.

Il existe aussi des formes en creux, sortes de couloirs entre deux dunes où le vent s'engouffre et creuse des "yardang". Les nappes de sable ainsi déplacées entre les dunes vont être piégées par des touffes de végétaux. Elles vont petit à petit former ce que l'on appelle des "nebkas" qui en s'agglutinant vont finalement former des dunes de plus en plus grosses.

L'origine des matériaux provient souvent des matériaux détachés préalablement par l'érosion hydrique. Ce sont des sédiments continentaux ou marins, des produits d'altération ou de désagrégation des roches grenues ou alors des matériaux des sols pulvérisés finement par des techniques de préparation du sol, en particulier par l'usage abusif de charrues à disques, en particulier sur des sols volcaniques (ex.: les terres basaltiques du Nicaragua) ou encore les limons dans la Grande Plaine américaine).

Les effets de l'erosion éolienne

- Le premier effet est le vannage des particules légères. L'érosion éolienne est très sélective. Elle exporte à grande distance les particules les plus fines, en particulier les matières organiques, les argiles et les limons qu'elle peut déposer à des kilomètres de distance. L'accumulation de ces limons arrachés par le vent dans les steppes périglaciaires a donné naisance aux loess, terres fertiles qui couvrent de larges espaces en Europe et en Amérique du Nord où s'est développé une agriculture très performante.

- Les formes les plus spectaculaires sont les dunes, accumulation de sables plus ou moins stériles qui migrent au gré des vents au point d'ensevelir les oasis et les cités anciennes.

- La dégradation des croûtes de sédimentation à la surface des sols dénudés ou encore la désagrégation des roches, à leur base, au niveau de leur contact avec le sol (abrasion).

- Les nappes de sable qui circulent à faible altitude (30 à 50 m) peuvent dégrader les végétaux (en particulier les jeunes semis de mil ou de coton dans les zones semi-arides). Finalement, les effets de l'érosion éolienne entraînent un dessèchement du milieu par perte de capacité de stockage des nutriments et de l'eau des terres.

Les facteurs modifiant l'importance de l'erosion éolienne

- L'aridité du climat. Bien que l'érosion éolienne puisse avoir lieu également dans des climats humides lorsque certains mois de l'année sont particulièrement secs (à condition que le sol soit préparé par des techniques culturales qui pulvérisent la surface du sol), on constate en Afrique que l'érosion éolienne ne se manifeste avec une certaine importance que là où les pluies sont inférieures à 600 mm, où l'on observe plus de six mois secs, où l'évapotranspiration potentielle dépasse 2.000 mm, où les sols sont dénudés et la végétation passe d'une savane à une steppe à plages de sol dénudé.

Il faut aussi que la vitesse du vent dépasse un seuil de l'ordre de 20 km/h ou de 6 m/s sur sols secs. Les phénomènes d'érosion éolienne seront d'autant plus importants qu'il existe des vents forts et réguliers ou des bourrasques prenant des directions dominantes.

- La texture des sols. Les sols les plus fragiles sont limonosableux, donc riches en particules comprises entre 10 et 100 microns (Bagnold, 1937). Les sols qui sont plus argileux sont nettement plus cohérents et mieux structurés, donc plus résistants. Les sols à sable grossier et à gravier ou à lourde charge en roche résistent également mieux, les particules étant trop lourdes pour être déplacées par l'érosion éolienne. L'optimum pour l'érosion éolienne se situe autour de 80 microns.

- La structure des sols. Moins les sols comportent en surface de matières qui améliorent la structure (matières organiques, fer et alumine libre, calcaire), et plus ces sols sont fragiles. Par contre, la présence de sodium ou de sel entraîne souvent la formation d'une couche pulvérulente en surface, ce qui favorise l'érosion éolienne.

- L'état de la surface des sols. La pierrosité à la surface du sol, en formant un "pavage", réduit les risques d'érosion éolienne. C'est le cas dans les regs.

La rugosité du sol, laissée par le travail motteux ou par des billons perpendiculaires au vent dominant, ralentit la vitesse du vent au ras du sol et diminue les processus de saltation.

- La végétation. Les chaumes et les résidus de culture fichés dans le sol réduisent la vitesse du vent au ras du sol.

- Enfin, l'humidité du sol augmente la cohésion des sables et des limons, rendant ceux-ci temporairement indisponibles pour l'érosion éolienne.


Table des matières - Précédente - Suivante