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LA COMMUNICATION
pour un développement à dimension humaine

le rôle de la communication
la communication en practique
de nouvelles perspectives


 

AVANT-PROPOS

«La participation de la population devient le problème central de notre époque» déclare le PNUD dans son Rapport 1993 sur le développement humain. Il faudrait y ajouter: «et la communication est l'instrument incontournable de la participation».

Les programmes de développement n'exprimeront véritablement leur potentiel que si les acteurs concernés partagent effectivement leurs connaissances, savoirs et techniques, et si les populations sont motivées et décidées à réussir. Tant que les populations ne deviendront pas le moteur de leur propre développement, aucun apport d'investissement, de technologie ou de facteurs de production ne pourra, à lui seul, améliorer durablement leurs niveaux de vie.

La communication est, à plus d'un titre, au cœur du problème. Elle permet, par exemple, aux planificateurs, dès l'étape de l'identification et de la formulation des programmes de développement, de dialoguer avec la population afin de connaître et de prendre en compte ses besoins, ses attitudes et son savoir. C'est à travers la communication que les bénéficiaires des projets de développement en deviendront les principaux acteurs et assureront leur réussite.

Favoriser la commmunication, à tous les niveaux, permet à la population d'identifier et de hiérarchiser ses propres problèmes, d'y rechercher des solutions collectives et de renforcer son sentiment d'appartenance à des activités qu'elle a elle-même décidé d'entreprendre.

De plus, le développement implique des changements souvent importants dans les systèmes économiques et les modes de vie. La population est-elle suffisamment sûre d'elle-même pour mener à terme de nouveaux projets?

A-t-elle accès aux nouveaux savoirs et connaissances que requièrent ces projets? Comment surmonter l'obstacle de l'analphabétisme? Autant de questions auxquelles les techniques de communication et les médias peuvent répondre, car ce sont de puissants outils pour diffuser les idées et les méthodes nouvelles, en favoriser l'adoption et rendre plus efficaces les tranferts de connaisances et de techniques. La communication est également un instrument précieux pour encourager le travail d'équipe, ce qui améliore la conduite des programmes de développement. Elle permet enfin d'obtenir le soutien des décideurs institutionnels et des bailleurs de fonds.

Nous vivons à l'ère de la communication et son impact sur le développement commence à se faire sentir. La FAO et d'autres organisations ont fait œuvre de pionniers dans ce domaine, et leur expérience montre que les effets de la communication sur le processus du développement peuvent être considérables.

Cette brochure se propose de développer le concept de communication pour le développement en l'illustrant par des exemples concrets, et surtout de montrer comment les méthodes et techniques de communication peuvent servir les objectifs du développement et quelles dispositions doivent être adoptées par les décideurs et les planificateurs pour que la communication joue pleinement son rôle.

Jacques Diouf
Directeur général
Janvier 1994, Rome

 


 

LE RÔLE DE LA COMMUNICATION

Le rôle de la communication est décisif pour promouvir un développement qui prenne en compte la dimension humaine dans le climat de changement social qui caractérise la période actuelle. L'évolution du monde vers plus de democratie, de décentralisation et l'introduction de l'économie de marché créent des conditions favorables pour que les populations deviennent les principaux acteurs du changement. Pour y parvenir, il est essentiel de susciter leur participation et leur capacité d'initiative. La communication a un rôle central à jouer dans ce domaine, mais son potential est encore souvent sous-utilise. Il faut encourager la planification et la mise en œuvre de véritables programmes développement de communication au service du développement.

Le nouveau contexte du développement

Le développement a été le théâtre de changements majeurs, et de nouvelles lignes au débat et les marchés à l'initiative individuelle; les privatisations et l'esprit d'entreprise sont encourages; de nouvelles technologies se répandent et deviennent très largement accessibles; les administrations publiques se rapprochent des usages, quand elles ne sont pas remises directement aux usagers eux-mêmes, afin de réduire les coûts et trouver des partenaires plus disposes a s'engager dans la mise en œuvre de programmes. Les exercices d'ajustement structurel modifient profondément de nombreux secteurs de la production et leurs exigences ont des effets économiques et sociaux directs sur la population.

Les gouvernements des pays en développement ne peuvent plus désormais s'acquitter seuls de leurs fonctions de régulation et d'équilibre social, en particulier dans le monde rural. Les économies nationales sont écrasées sous le poids du service de la dette et les institutions internationales de financement ont imposé aux gouvernements la stricte obligation de réduire les dépenses publiques. Il est désormais indispensable d'obtenir davantage de soutien et de contribution de la population pour rentabiliser le secteur public. Les gouvernements sont donc à la recherche de nouveaux partenaires, parmi les collectivités locales ou les organisations non gouvernementales, et leur demandent d'assumer des responsabilités nouvelles et inhabituelles.

De surcroît, il est clairement apparu, en cette fin de siècle, que le progrès socioéconomique, l'équité, la paix sociale, l'avenir de l'humanité— et peut-être même sa survie — dépendent de notre capacité à relever un certain nombre de défis majeurs:

L'environnement, dans ses rapports avec le développement agricole durable et la production alimentaire, représente un défi énorme. L'exploitation équilibrée et la conservation des ressources naturelles sont un problème de toute première importance. La dégradation de ces ressources est souvent imputable aux populations rurales les plus pauvres qui n'ont pas d'autres solutions pour satisfaire leurs besoins en terres de cultures et en bois de feu. De ce fait, la surexploitation à laquelle les zones forestières sont soumises, avec ses conséquences négatives — érosion et diminution des ressources en eau —, ne pourra être stoppée qu'à travers de nouveaux plans de développement permettant la génération de revenus et la création d'emplois parallèlement à la mise en œuvre de techniques de conservation. Cependant, de telles solutions devront être négociées avec la population qui devra fournir des efforts qui nécessiteront un soutien et une formation appropriés. Les dispositions du Programme Action 21, de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, tenue à Rio de Janeiro en 1992, ne deviendront réalité que si les sociétés, partout dans le monde, modifient profondément attitudes et comportements.

La croissance démographique exerce des pressions sur les ressources naturelles, sur la production vivrière et sur la capacité des gouvernements à assurer les services de base et à proposer des emplois.

La croissance démographique dépend des choix faits par les individus. Permettre aux familles de faire ces choix suppose qu'elles soient mieux informées sur les conséquences de la taille d'une famille, d'une grossesse non désirée et sur les méthodes contraceptives. Cela exige beaucoup plus que la simple diffusion de messages. Il faut d'abord dialoguer avec la population et ses dirigeants afin de comprendre comment ces questions peuvent être présentées pour être socialement acceptées et susciter une action. Il est essentiel de bien analyser les motivations profondes de la population avant de lui proposer des changements dans son mode de vie.

La pauvreté rurale continue de progresser dans de nombreux pays, accélérant l'exode rural et créant des situations économiques et sociales intolérables. La solution réside, bien sûr, dans le développement des zones rurales. De nombreuses communautes rurales s'appuient sur leurs savoirs et systèmes de production traditionnels, qui, dans le passé, leur ont toujours permis de survivre. Cette situation contribue bien souvent à accréditer l'idée que le monde rural est hostile au changement, ce qui n'est pas toujours exact, car les innovations techniques et les changements se sont toujours progressivement intégrés dans les savoirs traditionnels. Les planificateurs devront prendre en compte ces modes d'intégration des innovations avant d'entreprendre un quelconque exercice de programmation. Pour cela, comme pour toutes les activités de développpement rural, la comunication entre communautés locales, planificateurs et décideurs de l'administration centrale est d'une importance cruciale, mais, hélas, les infrastructures de communication sont faiblement développées en milieu rural.

La malnutrition est à la fois cause et conséquence du sous-développement. Au cours des dernières décennies, l'apport énergétique quotidien par habitant a diminué de façon notable dans de nombreux pays. La Conférence internationale sur la nutrition, en décembre 1992, a attiré l'attention sur le fait que 780 millions de personnes dans le monde souffrent de malnutrition chronique et, chaque année, quelque 13 millions d'enfants âgés de moins de cinq ans meurent de maladies infectieuses imputables directement ou indirectement à la faim ou à la malnutrition. Toutefois, l'équilibre nutrionnel ne repose pas seulement sur les disponibilités alimentaires et la situation économique des foyers; il dépend également de leurs connaissances en matière de nutrition et de l'adoption d'une alimentation appropriée. Au stade de la planification, l'intégration de composantes nutritionnelles dans les programmes de développement rural doit faire l'objet d'une attention particuliere, car la nutrition n'y est pas systématiquement prise en compte.

Les femmes représentent également une priorité dans le développement. Dans de nombreaux pays, ce sont elles qui assurent la plupart des travaux. Elles ont montré à maintes reprises leur capacité à mobiliser leur énergie et leur force de travail pour tirer le meilleur parti des ressources disponibles et produire des résultats tangibles et durables. Les femmes ont besoin d'améliorer leurs connaissances techniques et leurs compétences en matière d'organisation et de gestion, car leur contribution a la prise de décision est de plus en plus souvent sollicitée. La communication est essentielle dès lors qu'il s'agit d'aider les groupes féminins à devenir plus autonomes et de nourrir le dialogue entre hommes et femmes sur leurs droits, privileges et responsabilites respectifs.

Les dénominateurs communs - la population et la communication

La facteur humain est le premier facteur commun à tous les problèmes de développement évoqués ici: les résultats dépendront moins des apports matériels et scientifiques que de l'engagement des populations concernées. Le concept de développement est en pleine évolution, et il ne fait aucun doute que cette évolution sera principalement influencée par les facteurs humains. Les objectifs du développement, les modalités et le rythmes de sa mise en œuvre, ses chances de durabilité seront essentiellement déterminés par le niveau d'engagement et de participation de la population, ainsi que par sa capacité à acquérir et à mettre en pratique des compétences ou des savoirs nouveaux. Les investissements scientifiques et matériels seront sans effet s'ils ne sont pas accompanées d'investissements en termes de capital humain, c'est-à-dire que les populations devront avoir accès à l'information, les programmes d'action devront faire l'objet de négociations débouchant sur un consensus, un effort considérable de formation devra être entrepris pour que les apports matériels soient exploités de façon optimale.

La communication est le second facteur commun: si le développement peut être comparé au tissage d'une étoffe par des millions d'êtres humains, le fil de la communication peut en tisser durablement la trame.

D'un côté, la communication est l'instrument qui permet d'instaurer un dialogue et un débat social dans le contexte des importants changements qui sont intervenus dans la structure politique mondiale et qui ont vu se développer une plus grande liberté d'expression.

De l'autre côté, la communication est aussi une intervention délibérée destinée à accompagner de la meilleure façon possible l'évolution économique et sociale. Une stratégie de développement qui utilise les méthodes et les instruments de la communication peut, en s'appuyant sur les valeurs traditionnelles d'une société, aider les populations à comprendre les nouveaux enjeux, a s'y adapter et a acquérir les connaissances et compétences nécessaires pour faire face à ces enjeux. Elle permet également de diffuser de nouveaux messages sociaux à de très vastes audiences.

Les moyens de communication peuvent également être utilisés par la population elle-même pour conduire le changement. En offrant de nouveaux moyens d'expression et de dialogue aux acteurs engagés dans le processus du développement à tous les niveaux de la société, la communication permettra un engagement plus profond de la population, ce qui représente un facteur déterminant pour un développement adapté et durable.

Le défi de la communication en milieu rural

Les activités de la FAO en matière de communication pour le développement s'exercent essentiellement dans le milieu rural, qui est généralement dépourvu des infrastructures, moyens logistiques et compétences techniques nécessaires à une bonne communication. Développer des réseaux de communication avec le monde rural, dans un tel contexte, apparaît comme un défi.

Les pays en développement comptent près d'un milliard d'analphabètes, soit plus du tiers de la population adulte. Les communautés rurales sont souvent éloignées et difficiles à atteindre; les infrastrucutures et les systèmes de communication — journaux, radio, télévision, téléphone, salles de réunion, écoles —, qui tiennent les citadins au fait de ce qui se passe, sont très réduits en milieu rural.

L'enjeu est donc considérable. Il s'agit d'offrir au monde rural un meilleur accès à une information plus abondante et mieux adaptée à ses besoins, de mettre en place des réseaux interactifs de communication pour que l'information soit échangée et partagée entre les communautés rurales elles-mêmes, de faire en sorte que ces communautés puissent faire entendre leur point de vue auprès des responsables et des décideurs et que les planificateurs prennent en compte ces points de vue dans les projet et programmes de développement.

Les technologies et le savoir-faire sont disponibles

Nous vivons à l'ère de la communication. Les médias étendent de plus en plus leurs zones de couverture et les techniques interactives de communication se perfectionnement de jour en jour. La radio, par exemple, est reçue dans les campagnes les plus reculées des pays les moins avancés et les récepteurs bon marché sont disponibles partout. Désormais, des émetteurs et des récepteurs à panneaux solaires pallient de plus souvent le manque d'électricité.

La vidéo est un bon exemple des progrès technologiques dans le domaine de la communication. Il y a un peu plus de 10 ans, c'était encore un média encombrant, en noir et blanc, composé d'une caméra et d'un enregistreur pesant environ 30 kg, nécessitant une source d'énergie, voire un générateurs pour le travail sur le terrain. Cout total de l'équipement: environ 10 000 dollars. Aujourd'hui, un simple camescope fournit des images en couleur de très bonne qualité. Une unité de production vidéo semi-professionnelle, batteries comprises, pèse moins de 3 kg et coûte moins de 3 000 dollars. La taille et le prix des équipements vidéo diminuent chaque année un peu plus, ce qui explique que l'usage du magnétoscope se répand rapidement, même dans les zones les plus reculées.

La production du matériel imprimé, intégrant graphisme et photos, a également connu une véritable révolution, grâce a la publication assistée par ordinateur, qui a fortement réduit les coûts et les délais de production tout en offrant une grande souplesse d'utilisation.

Les moyens communication traditionnels populaires de communication comme le théâtre villageois, la danse, les spectacles de marionnettes et la poésie, ainsi qui la presse rurale liée aux programmes d'alphabétisation et les auxiliaires audiovisuels simples représentent également des canaux très efficaces pour diffuser l'information et accompagner les initiatives des communautés.

Les agents de terrain doivent maîtriser les techniques de communication interpersonnelle pour mieux jouer leur rôles d'animateurs du milieu rural. Ces compétences nouvelles portent aussi bien sur la conduite d'interviews de groupes que sur l'utilisation d'instruments d'animation de débats comme les tableaux à feuilles mobiles, les aides audiovisuelles ou la video. Les techniques facilitent la présentation des informations, l'échange des connaissances et l'apprentissage de techniques nouvelles.

Un regard sur l'avenir

La rapidité des progrès de la technologie de la communication fait que nous sommes déjà entré dans l'ere de la «télécommunications au service du développement rural». Les faisceaux hertziens alimentés par énergie solaire pour les communications téléphoniques, la télécopie et même les liaisons par satellite desservent désormais de plus en plus les zones rurales, leur donnant ainsi, pour la première fois dans l'histoire, la possibilité de rompre leur isolement traditionnel.

De fait, on envisage sérieusement aujourd'hui de créer des centres de télé-enseignement dans les zones rurales en utilisant des terminaux informatiques interactifs, pour diffuser des programmes d'information à partir d'un serveur central, comme on distribue de l'eau ou de electricité moyennant le versement d'une redevance modeste calculée sur la base de la durée d'utilisation du système. Les programmes pourraient consister en images vidéo, en documents sonores au en données informatiques. Cette technologie est déjà disponible, et, son prix baissant rapidement, elle devient de plus accessible; l'emploi de l'ordinateur au village ne relève donc plus de la science-fiction. Une telle existe possibilité contribuerait a réduire l'écart qui entre le monde rural et le monde urbain et à promouvoir le développement des campagnes.

La communication enfin au service du développement

Qu'il s'agisse d'équiper des centres villageois d'apprentissage de terminaux informatiques ou d'exploiter systématiquement les médias traditionnels, le problème de l'utilisation de la communication au service du développement réside moins dans la disponibilité des instruments techniques que dans la volonté politique d'exploiter son potentiel. La communication a déjà beaucoup été utilisée à des fins politiques ou commerciales. Il est temps de la mettre au service du développement.

LA COMMUNICATION EN PRATIQUE

... pour mieux formuler et planifer les programmes de développement

Tout programme de développement qui considère les populations comme de simples bénéficiaires plutôt que comme les principaux acteurs du changement et du progrès est voué a l'échec. En revanche, le succès d'un programme est pratiquement assuré si la population est consultée et associée aux décisions qui engagent son avenir.

En d'autres termes, toute planification des programmes de développement, pour être efficace, doit se fonder sur ce que les gens veulent faire, ce qu'ils sont capables de faire et ce qu'ils peuvent faire de façon autonome et durable. On ne peut obtenir ces informations avec de simples questionnaires d'enquête. Il faut aller bien au-delà, et les techniques de communication permettent de la faire. Des enquêtes approfondies conduites par des personnes formées à la communication interpersonnelle et maîtrisant l'usage interactif de moyens audiovisuels d'investigation du milieu, comme la vidéo ou la radio, peuvent aider les communautés à découvrir leurs problemes, a hiérarchiser leurs priorités, a identifier leurs capacités et leurs besoins. Cette autoanalyse permet de formuler de nouvelles initiatives de développement et de mobiliser l'énergie qui permettra leur réussite.

Connaître le point de vue de la population permet également de guider et d'orienter le travail des planificateurs, des décideurs et des chercheurs. La recherche agronomique, par exemple, peut, sur la base de ces informations, se concentrer sur les problèmes que les agriculteurs souhaitent résoudre et leur fournir des solutions qu'ils soient en mesure d'appliquer. Un processus de communication systématique peut ainsi rapprocher chercheurs et paysans.

Entreprendre une démarche systématique de communication avec la population pour connaître ses opinions, ses potentialités et ses besoins, avant même d'esquisser un programme de développement, voilà la meilleure garantie qu'un planificateur puisse se donner.

Comment répondre à une question à 149 millions de dollars grâce à la planification participative

En 1975, au Mexique, des planificateurs s'apprêtaient à lancer un grand projet de développement rural intégré. Ils voulaient à tout prix éviter que ne se reproduise l'expérience malheureuse d'un projet agro-industriel exécuté dans les années 60. On avait drainé 83 000 hectares, construit des routes, des ponts, des villages, des écoles et des centres médicaux, et pourtant cette énorme opération s'était heurtée à la résistance obstinée de la population et n'avait pas réalisé ses objectifs. Comment alors éviter cet écueil pour un projet analogue, dans lequel on s'apprêtait à investir 149 millions de dollars?

Les planificateurs décidèrent que les communautés rurales, bénéficiares désignés du projet, seraient étroitement associées à sa conception, en espérant qu'elles y apporteraient ainsi leur participation active.

Le processus de communication interactive fut déclenché. On indentifia les opinions et les besoins de la population en ayant recours à des discussions et des débats introduits par le visionnement de séquences vidéo ou l'audition de documents sonores. Cette démarche permit aux paysans de décrire plus clairement leur situation, leurs priorités et leur capacité d'intervention.

De ce dialogue entre les communautés rurales et les planificateurs naquit la première phase (1978-1984) d'un projet extraordinaire: le PRODERITH (Programme de développement rural intégré pour les marécages tropicaux).

Ce programme a réussi à accroître de 50 pour cent les revenus de 3 500 familles d'agriculteurs dans une zone de 500 000 hectares et a formé 500 professionels du développement. De plus, il a permis d'elaborer une méthodologie d'approche du développement rurale qui a été appliquée par la suite à une zone de 1,2 million d'hectares touchant 650 000 personnes.

La communication a joué un rôle décisif à chaque étape de ce projet, depuis la phase de planification jusqu'à l'évaluation en passant par la stimulation de la participation populaire et la formation des paysans. La Banque mondiale, qui a contribué au financement du PRODERITH, considère que c'est l'un des programmes les plus réussis qu'elle ait jamais soutenus et attribue une large part de ce succès au système de communication mis en place. Le coût de ce système n'avait mobilisé que 1,2 pour cent du budget total du projet au terme de sa première phase. Son taux de rendement interne, qui permet de mesurer le succès économique de l'opération, a été de 7,2 pour cent plus éléve que prévu.

 

COMMUNICATION EN PRATIQUE

...pour encourager la participation populaire et mobiliser les communautés

Les stratégies de participation populaire et de mobilisation des communautés visent à ce que les populations prennent elles-mêmes leurs décisions et qu'elles les mettent en œuvre en comptant d'abord sur leurs propres forces.

La mise en œuvre de telles stratégies implique que l'information circule entre les différents groupes concernés et que les expériences et les savoirs des uns et des autres soient confrontés et échangés. Comprendre les enjeux du développement, découvrir ce que d'autres communautés en pensent et connaître les résultats obtenus ailleurs contribue à enrichir le dialogue pour parvenir à des projets consensuels répondant aux besoins de la population et adaptés à ses capacités.

Les agents de terrain formés aux techniques de communication interpersonnelle peuvent être les initiateurs de ce dialogue et de cet échange d'informations. Pour aider les communautés à réfléchir sur leur propre réalité, ils pourront utiliser à l'échelon local des outils de communication interactive simples, comme les tableaux à feuilles mobiles, les cassettes audio, les diapositives ou la vidéo. A plus large échelle, la radio rurale est un outil très populaire, particulièrement adapté pour aborder tous les aspects de la vie rurale et traiter de questions tant techniques que culturelles. Toutes ces activités de communication permettent de mieux analyser les problèmes et de rechercher les solutions les plus adaptées.

Pour obtenir la participation de la population et renforcer sa cohésion, il est important de développer la communication interpersonnelle au sein des communautés. Une bonne utilisation des moyens audiovisuels et des médias facilite ce dialogue et cette recherche du consensus.

Sacrés moutons

Un vétérinaire du Gouvernement du Bénin arriva dans un village des environs de Parakou, au début de 1992, plein de bonnes idées pour aider la communauté à améliorer la production animale. Chèvres et moutons, maigres et maladifs pour la plupart, vagabondaient partout et mettaient la terre à nu. Le vétérinaire conseilla aux villageois de planter des cultures fourragères à croissance rapide, de construire des enclos à bétail et de faire vacciner les bêtes. Mais ces idées furent rejetées immédiatement et fermement par la population. Personne ne faisait confiance à ce fonctionnaire aux idées aussi peu traditionnelles.

Loin de se décourager, le vétérinaire réussit à faire intégrer ce village dans un nouveau projet de communication. Il bénéficia d'une formation en communication interpersonnelle, et bientôt le village fut presque tous les soirs le théâtre de débats passionnés sur les propositions qu'il avait faites.

Aujourd'hui, chacun peut admirer dans ce village de beaux troupeaux de moutons et de chèvres. Presque chaque famille possède un enclos et des jardins fourragers. les moutons sont vendus trois fois plus cher qu'auparavant. Beaucoup investissent pour la premiére fois leurs profits dans Pachat de boeufs de labour.

Ce dont on parle désormais dans le village, ce n'est pas de bœufs, de charrues, de la peine que l'on s'épargne ou même du vétérinaire (qui est parti dans un autre village), mais de commercialisation, d'arnélioration génétique, de taille des troupeaux et d'aliments pour les animaux.

Aux yeux d'un étranger, il pourrait sembler que le vétérinaire, et le débat qu'il a introduit, mériterait des éloges pour les améliorations apportées dans le niveau de vie du village. Mais ce n'est pas l'avis des villageois ... Eux, ils chantent les louanges de leurs moutons.

 

LA COMMUNICATION EN PRATIQUE

... pour changer les modes de vie

Les populations rurales, et en particulier les femmes, éprouvent de plus en plus de difficultés à s'adapter à des situations sociales en transformation rapide qui ont souvent des effets déstabilisants. Par exemple, dans les sociétés où mariage et maternité sont dissociés, les coûts sociaux et économiques de la grossesse des adolescentes pésent lourdement sur les ressources des citoyens et de la nation. Ailleurs, les jeunes ruraux, souvent issus de foyers sans père, se révoltent de plus en plus contre la pauvreté. Dans de tels contextes, les adolescents des taudis urbains abandonnent souvent leurs études, se droguent et sombrent dans la délinquance.

La communication peut aider à aborder le délicat problème de l'évolution des comportements et des modes de vie. Des méthodologies de recherche en communication mises au point récemment permettent de mieux comprendre les motivations profondes qui poussent certaines personnes à adopter tel ou tel mode de vie.

Si ces motivations sont correctement identifiées, les activités de communication pourront être mises en ceuvre de façon plus efficace, en combinant plusieurs approches. Les médias de masse serviront surtout à sensibiliser le grand public aux conséquences sociales de problèmes tels que la fécondité des adolescents, le SIDA ou la toxicomanie. D'autres outils seront employés pour transmettre des informations spécifiques à des publics précis. Les techniques de communication interpersonnelle, par exemple des conseils donnés par des adolescents à d'autres adolescents, pourront développer des mécanismes leur permettant de prendre confiance en eux-mêmes et d'agir pour un avenir meilleur, surtout si ces techniques sont assorties de discussions de groupe et autres outils permettant le dialogue. Des activités de communication sociale basées sur le théâtre de rue et le théâtre villageois par exemple, si elles utilisent une approche réellement participative, pourront provoquer des changements au niveau communautaire et créer le désir d'apprendre chez les adolescents.

Des artistes mobilisés pour une vie meilleure: la communication en matière de population au Malawi

Depuis 1986, aux Comores, au Burundi, au Rwanda, au Kenya, en Ouganda et aux Philippines, des équipes de spécialistes de la communication en matière de population ont tenté d'exploiter divers modes d'expression artistique utilisés dans le milieu rural: tambours, guitares à trois cordes, orchestres villageois, groupes féminins de danse, griots et conteurs, groupes de théâtre, marionnettes. Toutes ces traditions, tout ce talent, tout ce patrimoine culturel basé sur les contes traditionneis, les ancétres, les dieux, los mystéres et les sorciers constituent la trame de la culture villageoise.

Partant de ces expériences, un projet de communication en matiére de population au Malawi a décidé d'inviter des artistes villageois à participer à un atelier d'une semaine portant sur les thèmes de la population: joueurs de tambour, musiciens, acteurs, clowns et conteurs ont confronté leurs pratiques et échangé leurs talents. Cette interaction dynamique entre artistes et communicateurs a produit un ensemble cohérent de chants et de danses, de spectacies de clowns et de tambours, d'histoires et de piéces de théâtre, qui ahordent divers problèmes de population et d'amélioration des modes de vie à travers le rythme, les images, l'humour et la langue des villageois.

Toutes ces productions ont été testées avant d'être intégrées dans une campagne multimédia qui utilisait également la radio, les aides audiovisuelles, les bandes dessinées et d'autres supports imprimés. Mais c'est le talent, la créativité, l'intuition et l'instinct de ces artistes qui ont déclenché la participation villageoise dans les zones rurales du sud du Malawi. Le lancement de la campagne dans les villages a créé un tel enthousiasme qu'il a provoqué chez d'autres artistes villageois une explosion spontanée de chants, de danses et de théâtre populaire.

L'expérience du Malawi, qui se poursuit encore, montre le pouvoir mobilisateur du potentiel artistique des communautés. Mais seul un véritable processus de participation et de partage de l'information et du savoir permet de l'exploiter. Ce processus a débuté au Malawi, timidement mais sûrement.

 

 

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