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Méthodes modernes de lutte contre le feu: L'expérience de l'Inde

R. Saigal

Reshma Saigal, consultante en économie du développement, a effectué sur le terrain en 1988 une analyse économique du Projet de lutte moderne contre le feu. De nationalité indienne, elle travaille actuellement à Rome.

Depuis qu'elle a acquis l'indépendance en 1947, l'Inde a vu ses ressources forestières s'amenuiser rapidement. Quelque 75 millions d'ha sont officiellement classés comme forêts, mais selon l'Enquête forestière de 1987 (Ministry of Environment and Forests, 1987), la superficie boisée réelle est de 64,2 millions d'ha; le taux de boisement est donc de 19,5 pour cent seulement, alors que la politique forestière nationale (Ministry of Environment and Forests, 1988) fixe comme objectif un taux d'au moins 33 pour cent, soit environ 110 millions d'ha, pour assurer la stabilité écologique. En outre, les forêts existantes sont soumises à une intense pression biotique, du fait qu'avec moins de 2 pour cent des superficies boisées du monde l'Inde abrite plus de 15 pour cent de la population et près de 14 pour cent du cheptel bovin.

Les feux de forêt contribuent de manière importante et croissante à ce processus de dégradation, bien que l'ampleur totale du dommage soit très controversée. Selon une étude de Srivastava (1989), au cours du Sixième plan quinquennal (1980-1985), on a enregistré 17852 feux touchant 5,7 millions d'ha, soit une moyenne annuelle de 1,14 million d'ha. Toutefois, les extrapolations faites par l'auteur du présent article à partir des données d'incendies dans deux zones représentatives (Chandrapur et Haldwani) indiquent que la superficie totale brûlée chaque année pourrait se situer entre 2,66 millions et 13,95 millions d'ha (Saigal, 1989). Même cette fourchette peut être considérée comme une estimation prudente: les données recueillies par l'Enquête forestière nationale indiquent que les superficies boisées touchées par les incendies pourraient s'élever à 37 millions d'ha par an (Ministry of Environment and Forests, 1987).

Causes des incendies

En Inde, la plupart des feux de forêt sont allumés délibérément par les petits agriculteurs et les paysans sans terre. Dans le nord-est du pays, la culture itinérante sur brûlis est la principale cause de déboisement. Les régions les plus touchées sont l'Arunachal Pradesh, l'Assam, le Manipur, le Meghalaya, le Mizoram, le Nagaland et le Tripura. Au niveau national, on estime que 4,35 millions d'ha sont touchés par le feu en liaison avec la culture itinérante. C'est un phénomène d'autant plus important que, avec la croissance démographique et la diminution correspondante de la superficie disponible par habitant, non seulement les superficies soumises à la culture itinérante s'accroissent, mais en outre la période de jachère assurant la régénération est tombée de 30 ans à l'origine à 2 ans aujourd'hui.

LA PLUPART DES FEUX DE FORÊT sont allumés par des pasteurs pour améliorer la couverture herbacée qui fournira du fourrage

Les besoins de fourrage pour les animaux domestiques sont une autre cause majeure des feux de forêt. Certes, 12,5 millions d'ha sont classés officiellement comme pâturages permanents ou terrains de parcours, mais la plus grande partie de cette superficie est pratiquement dépourvue d'herbe. C'est donc surtout la forêt, où l'on met le feu pour provoquer une nouvelle pousse d'herbe à la saison sèche, qui doit satisfaire la plupart des besoins de fourrage.

Dans le centre de l'Inde, la production de feuilles de tendu (Diospyros melanoxylon) est elle aussi une cause importante de feux de forêt. Les feuilles de tendu sont roulées et remplies de tabac pour fabriquer des cigarettes beedi. La récolte et la vente de ces feuilles fournissent des revenus secondaires non négligeables. Les récolteurs allument des feux en été pour provoquer une meilleure pousse de feuilles. Le problème est aggravé par le fait que les peuplements de tendu sont amodiés annuellement pour la récolte des feuilles, ce qui décourage les intéressés d'investir à long terme dans leur amélioration. La solution la plus économique et la plus rapide est, pour eux, de mettre le feu. Bien souvent, à cause de la négligence et de l'imprudence, ce feu se propage dans d'autres zones boisées.

La récolte d'un autre produit forestier non ligneux, la fleur de mahua (Madhuca indica), récoltée par des paysans dans le centre-nord de l'Inde pour préparer une boisson très appréciée, ou la faire bouillir avec des graines de sal (Shorea robusta) comme substitut saisonnier des céréales, contribue également aux feux de forêt. En effet, les ramasseurs de fleurs de mahua brûlent les feuilles mortes sous les arbres pour avoir une placette de sol propre qui facilite le ramassage des fleurs, mais souvent le feu se propage alentour. Comme la récolte a lieu en été, le temps sec et chaud aggrave encore les risques.

Effets du feu

Les feux incontrôlés ont des effets divers sur la forêt. Les régénérations sont tuées ou dépérissent, ce qui retarde l'installation d'un nouveau peuplement et allonge la durée de la révolution. Lorsque les jeunes plantations de teck sont brûlées, l'usage dans le Maharashtra est de les recéper rez-terre, ce qui stimule la pousse d'un rejet vigoureux de la base, mais on perd alors au moins une année de croissance. On signale que les feux compromettent gravement les régénérations d'essences importantes des forêts de sal (Maithani, Bhauguna et Lal, 1986). De même, les régénérations de chir (Pinus roxburghii) sont retardées ou tuées. Enfin, les jeunes plantations d'eucalyptus doivent souvent être replantées, et les brins de taillis dépérissent - ou doivent être recépés - après un feu.

Les feux intenses peuvent provoquer une mortalité dans les peuplements adultes, même si les arbres sont protégés par une écorce épaisse. Les eucalyptus souffrent plus que les essences indigènes, et les effets du feu se manifestent par une densité réduite des peuplements et un rendement plus faible à maturité. Dans la région de Haldwani (Uttar Pradesh), les rendements réels obtenus dans des plantations de bois à pâte, comparés aux rendements théoriques d'après les tables de production, indiquent un matériel sur pied relatif d'environ 60 pour cent. Toutefois, on ignore dans quelle mesure cette réduction est due au feu ou à d'autres causes (Gane, 1987).

La défoliation consécutive au feu provoque un arrêt de la croissance, donc une perte d'accroissement. Des feux répétés entraînent une dégradation de la station, des modifications dans les éléments nutritifs du sol et une accélération de l'érosion en raison de la destruction de la couverture herbacée; tous ces facteurs ralentissent également la croissance. Aucune recherche ne semble avoir été entreprise en Inde sur les pertes de croissance imputables aux incendies. Le seul témoignage dont on dispose est un article de Rawat (1949) sur les résultats du brûlage contrôlé dans les plantations de sal du Bengale, qui montre que les feux ont sensiblement réduit la croissance en diamètre des arbres. Des études australiennes indiquent que l'accroissement en volume de diverses espèces d'eucalyptus ralentit à la suite des feux, et ce pendant plusieurs années. La perte cumulée d'accroissement annuel dépend de l'intensité du feu, mais elle se situe en général entre une et trois années de croissance.

La qualité du bois est altérée par les brûlures au pied de l'arbre, qui endommagent le cambium et donnent des billes de pied défectueuses. Les tissus endommagés laissent pénétrer des infections cryptogamiques qui provoquent des caries. Les relevés de ventes de bois au dépôt de la Forest Development Corporation du Maharashtra à Ballarshah révèlent que le prix moyen obtenu en 1984/85 et 1985/86 pour des grumes endommagées par le feu a été de 9,8 pour cent inférieur au prix moyen de tous les bois vendus. Dans les forêts de chir de Naini Tal (Uttar Pradesh), le gemmage des pins nuit au rendement en bois d'œuvre marchand en endommageant la base de l'arbre; les cicatrices de carres permettent au feu de pénétrer dans le bois de cœur, et même, dans certains cas, de tuer l'arbre.

Ces pertes réelles peuvent se traduire par une réduction de la production et de l'emploi dans les industries utilisant le bois comme matière première. C'est ainsi que Chatterjee (1978) estime que, pour le sciage, chaque roupie de production crée 2,169 roupies de salaire et 11,994 roupies de valeur ajoutée autre que la main-d'œuvre. Ces chiffres, bien qu'ils soient basés sur les prix de 1965, font clairement ressortir l'effet des feux sur toute l'économie.

Il n'y a eu jusqu'à présent aucune recherche sur les effets invisibles des feux de forêt en Inde, qui peuvent être beaucoup plus graves. Les feux incontrôlés non seulement détruisent la végétation, mais encore dégradent la matière organique, ce qui a pour conséquence de provoquer l'érosion et d'accroître la fréquence des inondations. En outre, ils perturbent la faune sauvage et détruisent ses habitats. Cette situation est encore aggravée par le manque de connaissances en matière de protection des forêts contre le feu et de motivation.

Projet de lutte moderne contre les feux de forêt

L'ampleur des dommages et du gaspillage de ressources naturelles dus aux incendies de forêt a valu à cette question une place primordiale de la politique forestière. Le Gouvernement indien a pris une première initiative importante à cet égard en lançant en 1984 le projet FAO/PNUD de lutte moderne contre les feux de forêt. Le postulat de base de ce projet est que les dommages dus au feu peuvent être considérablement réduits par une mise en œuvre judicieuse des éléments de la lutte contre les feux, à savoir: prévention, détection, lutte active et communication (voir encadré).

Ce projet intervient dans deux zones qui sont considérées comme représentatives de la situation d'ensemble en Inde. La première zone, à Chandrapur dans l'Etat de Maharashtra, couvre 162600 ha en terrain ondulé, comprenant des forêts naturelles et des reboisements étendus de teck; elle englobe également le Parc national de Tadoba, et est bien desservie du point de vue des communications et des routes. La zone de Haldwani dans l'Uttar Pradesh (372700 ha) est plus varice; elle comprend des parties montagneuses avec des forêts naturelles de chir (Pinus roxburghii) et de sal (Shorea robusta). La plaine de Teraï a été en grande partie convertie en plantations industrielles d'eucalyptus pour la pâte.

Les activités du projet se concentrent sur trois domaines clefs qui constituent une stratégie intégrée de défense contre l'incendie.

Prévention

Les mesures matérielles de prévention sont axées sur l'ouverture et l'entretien de pare-feu en terrain montagneux, et l'emploi d'équipements mécanisés (tracteurs avec charrues) pour l'ouverture de pare-feu dans les boisements d'eucalyptus de plaine. Ces mesures se sont avérées efficaces, non seulement pour réduire l'ampleur des incendies et les dommages qu'ils provoquent, mais aussi pour assurer aux équipes de lutte un accès et des zones sûres pour l'attaque initiale du front d'incendie. Le brûlage contrôlé des combustibles accumulés en bord de route, tels qu'herbe à éléphant, notamment dans les secteurs à haut risque, représente une autre mesure préventive.

Les mesures de sensibilisation aux dangers et aux dommages dus aux feux de forêt ont également été démontrées par le projet. Des affiches incitant à la prévention ou des indicateurs des risques d'incendie ont été placés dans toutes les divisions des zones du projet, pour sensibiliser le public à la gravité du feu selon la saison. En outre, une semaine de sensibilisation est organisée chaque année.

Une enquête sur l'attitude fondamentale des villageois vis-à-vis des feux de forêt a été menée en guise de prélude à une coopération plus étroite avec les collectivités rurales, tant pour la prévention des feux que pour la détection et la lutte. Les résultats de cette enquête sont encourageants car on a constaté que plus de la moitié des villageois interrogés étaient conscients des effets nocifs des incendies de forêt.

Projet de lutte moderne contre les incendies de forêt en Inde

L'objectif général du projet est d'assurer une production satisfaisante en quantité et qualité des forêts naturelles et des reboisements, ainsi que la protection des sols et de l'environnement sur des terres où le rôle de protection et de production de la forêt est considéré comme une priorité nationale.

Les objectifs spécifiques du projet sont les suivants:

· concevoir, tester et démontrer des principes et techniques de prévention, détection et extinction des feux de forêt dans les Etats d'Uttar Pradesh et de Maharashtra;

· déterminer la viabilité technique, socio-économique et financière des techniques modernes de lutte contre les feux de forêt en Inde, en vue de permettre au gouvernement de prendre des décisions d'investissement appropriées à cet égard;

· mettre en place un système efficace, utile et approprié de rassemblement, enregistrement et diffusion de statistiques sur les incendies de forêt;

· établir, grâce à des essais appropriés de comportement du feu, un système d'évaluation du risque d'incendie applicable aux principaux types de combustibles rencontrés, qui puisse servir de base à une extrapolation à l'échelle nationale;

· formuler un programme efficace pour renforcer les capacités de prévention, détection et extinction des feux de forêt des autorités compétentes dans les deux Etats;

· organiser et promouvoir un programme coopératif de prévention des feux fondé sur la participation active des collectivités rurales;

· établir un programme coopératif de défense contre l'incendie avec d'autres services et autorités, comportant des accords d'aide mutuelle et visant à faciliter l'intégration de la protection contre les feux de forêt dans les plans généraux de développement

Détection

La détection précoce des feux est un élément clef de la protection des forêts. Dans la zone de projet de Haldwani, un réseau de 32 tours-vigies a été implanté en des points stratégiques; en saison d'incendie, les guetteurs entraînés et équipés de jumelles et de radiotéléphones sont postés dans les tours pour signaler rapidement les fumées ou feux observés. Les statistiques recueillies dans les deux zones de projet au cours de la saison d'incendie 1987/88 indiquent que, malgré une fréquence de mises à feu élevée durant toute cette période, les feux ont été maîtrisés sur une surface plus faible. L'emploi saisonnier de villageois en saison d'incendie permet de disposer d'effectifs suffisants encadrés par un personnel entraîné.

EVALUATION DES CONSÉQUENCES DE FEUX RÉPÉTÉS sur la régénération de la forêt

Lutte active

La méthode traditionnelle de lutte contre le feu, qui consiste à utiliser des lignes d'appui et à battre le feu avec des branchages, n'est manifestement plus adaptée aux conditions actuelles. Le projet a clairement démontré l'efficacité de l'emploi d'outils manuels par une main-d'œuvre nombreuse pour réduire les dégâts d'incendie. A cet égard, la modernisation des techniques et méthodes ne consiste pas à adopter des techniques de pointe informatisées ou des équipements importés, mais plutôt à utiliser de façon rationnelle des ressources facilement disponibles et à connaître les valeurs à protéger.

La taille moyenne des feux à Chandrapur est passée de 190 ha à 18 ha au cours de la période d'incendie 1988/89. Ce succès est fondé sur l'attaque initiale rapide des feux, facilitée par les équipements fournis par le projet.

Le lancement de la production locale de nombreux équipements de lutte contre le feu, dont des outils de base tels que piochehache Pulaski, râteau McLeod, pelles, détecteurs d'incendie et uniformes protecteurs, est une des réalisations remarquables du projet. Cette fabrication locale permet une importante économie de devises pour l'Inde. Ainsi, les détecteurs d'incendie précédemment importés coûtaient environ 40000 roupies (2350 dollars U.S.) pièce, alors que leur fabrication en Inde revient à 3500-4000 roupies (206-235 dollars U.S.) seulement. Malgré des prévisions initiales inexactes quant au calendrier de fabrication, la production de ces équipements est maintenant suffisante pour couvrir les besoins des deux Etats concernés par le projet, et elle pourrait être développée à l'échelle nationale. En outre, les équipements répondent aux nommes internationales et pourraient être fabriqués pour l'exportation.

Des citernes mobiles, fabriquées en Inde pour être montées sur camions, se sont avérées très efficaces dans les zones où l'on dispose d'un bon accès routier et d'un approvisionnement en eau. Le problème de l'eau est progressivement résolu par le creusement de puits et la construction d'un ouvrage de retenue dans la zone himalayenne pour le ravitaillement des camions-citernes.

ENTRETIEN DES PARE-FEU pour protéger une plantation de teckprès de Chandrapur

Le réservoir construit dans la zone de Haldwani a été conçu pour qu'un hélicoptère puisse venir s'y ravitailler en eau en un temps minimal; il a été terminé pour la saison d'incendie de 1988.

INSPECTION D'UNE ÉQUIPE DE POMPIERS portant des vêtements de protection et équipés d'outils fabriqués localement

La fabrication locale d'outils a été complétée par une importante action de formation du personnel forestier au moyen de démonstrations de terrain et de stages aux Etats-Unis.

En outre, le projet a acquis et teste actuellement un système de lutte aérienne comprenant un hélicoptère avec citerne et un avion, ainsi qu'un héliport nouvellement créé et le personnel d'entretien et de pilotage des aéronefs. Ce système a été mis en service pour la première fois au cours de la saison d'incendie de 1988. Diverses démonstrations des deux appareils ont familiarisé le personnel du projet avec les capacités, les limitations et les modalités d'utilisation des moyens aériens. Le projet se préoccupe particulièrement de déterminer le rapport coût-avantages des techniques de lutte aérienne contre les feux de forêt dans un pays en développement comme l'Inde, où les économies d'échelle revêtent une grande importance.

Il semble que le coût de l'emploi d'hélicoptères ne peut se justifier dans des zones dotées d'un bon accès routier comme la forêt de Chandrapur. L'hélicoptère serait utile, en revanche, en terrain montagneux à Haldwani. L'avion a démontré son utilité dans des rôles multiples de détection, transport d'équipement de lutte contre le feu, reconnaissance du terrain et police des forêts, mais son coût reste un obstacle.

UN CAMION CITERNE prêt à partir

Le projet a en outre démontré qu'il est rentable d'étendre les méthodes modernes de lutte contre les incendies dans d'autres régions, en formulant une séquence de mesures qui représentent différents niveaux d'investissement et peuvent être mises en œuvre progressivement. L'étape 1 consiste à fournir un équipement de base de détection des feux et de communication, ainsi que des outils manuels appropriés pour les équipes de lutte. L'étape 2 comporte un équipement de détection amélioré, des moyens de communication, des jeeps et des équipements hydrauliques. Les étapes 3 à 5 consistent à accroître progressivement les investissements en équipement et la capacité d'intervention des équipes de lutte. A l'étape 5, tout plan d'aménagement forestier à l'échelon des Etats comportera un volet de défense contre l'incendie.

DISCUSSION SUR LE SYSTÈME D'ÉVALUATION DU RISQUE D'INCENDIE mis au point avec l'aide de la FAO

Outils de planification

Un système d'évaluation du risque d'incendie applicable aux principaux types de combustibles a été mis au point et approuvé par le Gouvernement indien pour être appliqué à l'échelle nationale. Il fournit des données pour les opérations journalières courantes, et est devenu un outil utile de planification pour programmer les brûlages contrôlés; il sert aussi de base de données pour planifier la stratégie de lutte contre le feu durant la saison d'incendie.

On pourrait perfectionner ce système en améliorant le processus de recherche de données, qui se fait à présent par une exploitation manuelle longue et laborieuse des relevés de données.

Un élément essentiel dans un programme rationnel de protection s'appliquant à des conditions déterminées est le rapport d'incendie. Un modèle de rapport élaboré spécialement est maintenant utilisé dans les zones de projet.

Ce rapport, convenablement établi et analysé, permettra d'enrichir les données disponibles sur les feux de forêt: causes directes, conditions physiques (vitesse du vent, type de combustible, etc.), durée ou étendue, moyens de détection, types et coûts des méthodes de lutte et des dommages subis, etc. L'examen des données relatives aux coûts sera particulièrement important, car jusqu'à présent aucune normalisation n'a été tentée dans l'évaluation des dommages d'incendie.

L'importance accordée aux rapports d'incendie depuis le début du projet a permis d'obtenir des données plus fiables sur la fréquence des incendies et les surfaces brûlées. Toutefois, dans les rapports qui ont été examinés, le dommage économique et les coûts de la lutte ont souvent été mal calculés, et fortement sous-estimés, peut-être parce que le modèle de rapport est trop complet, ou trop difficile pour que les gardes forestiers le remplissent correctement. On pourrait peut-être améliorer l'enregistrement en le divisant en deux étapes: un premier rapport d'incendie fournissant les données de base sur chaque feu, et un rapport détaillé d'incendie incluant des calculs normalisés pour évaluer et chiffrer les dommages réels, qui serait rédigé ultérieurement par un ingénieur forestier. En outre, on pourrait établir des modèles représentatifs d'un hectare de la composition de la forêt, en vue des calculs de valeurs.

La normalisation de l'évaluation des dommages d'incendie est donc un instrument de planification fort important. Les variations de la productivité de la forêt dues à la réduction des superficies brûlées chaque année ont été estimées dans la zone de projet de Chandrapur au moyen d'un système de modélisation informatique. Le modèle a été utilisé pour établir une projection des rendements annuels futurs pour la situation «avec feu», et les variations des rendements imputables à une réduction de la durée de révolution de 10 ans pour les plantations de teck et de 20 ans pour la forêt naturelle.

Evaluation des résultats et perspectives d'avenir

Depuis cinq ans, le projet a démontré l'efficacité des méthodes modernes de lune contre le feu dans les conditions de l'Inde. Le personnel de lutte contre les incendies de forêt a montré que les méthodes utilisées réduisent les surfaces brûlées à un niveau tolérable du point de vue de l'aménagement des ressources. L'efficacité du projet ressort bien du fait que, même si le nombre de mises à feu enregistrées est resté constant, les superficies brûlées sont tombées à Chandrapur de 15 pour cent en 1985, année de référence, à 1,86 pour cent en 1989, et à Haldwani de 13 pour cent à 1,3 pour cent. D'après une évaluation économique effectuée par la FAO (Saigal, 1989), cette réduction des superficies brûlées a, par son seul effet sur la durée de la révolution et sur la productivité des peuplements, augmenté le produit intérieur brut provenant du secteur forestier de 9087 roupies (535 dollars U.S.) en moyenne par hectare dans la forêt de teck de Chandrapur et de 1295 roupies (76 dollars U.S.) dans la forêt de sal de Haldwani. En outre, le projet a démontré la viabilité de l'emploi d'outils manuels fabriqués localement et du recours aux pare-feu et au brûlage contrôlé.

Le succès ainsi démontré des techniques mises au point par le projet a conduit à prolonger celui-ci pour une seconde phase qui coïncidera avec le Huitième plan quinquennal indien. Dans cette phase, le projet sera élargi dans 10 autres Etats sur quelque 40000 km² de forêts de valeur équivalant à 75 pour cent des forêts productives de l'Inde.

Toutefois, l'évaluation économique a mis en évidence certains domaines où des améliorations sont encore nécessaires. Ainsi, il est urgent de renforcer la base de données et d'accroître sa fiabilité. Des études de travail doivent être entreprises pour orienter la planification future, de manière à obtenir des plans de défense contre l'incendie fondés sur la connaissance des temps et des lieux où les incendies se produisent, et les caractéristiques de la zone; ces éléments seront nécessaires pour étendre efficacement les méthodes modernes de lutte contre les incendies à d'autres régions de l'Inde. D'autre part, le projet n'a pas encore eu le temps de rassembler des données qui permettent de faire des comparaisons valables de coût entre différentes combinaisons possibles de personnel et d'équipement. Pour le moment, les investissements doivent rester axés sur l'équipement et l'organisation de base. En outre, il est souhaitable que l'Institut indien de recherche forestière entreprenne dès que possible un programme de recherche à l'échelle nationale concernant les effets du feu sur la productivité des peuplements.

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