III. Suite donnée au programme international de conservation et de restauration des terres en Afrique


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Généralités

35. En 1986, la FAO a publié l'étude "L'agriculture africaine: les 25 prochaines années". Il y était souligné que l'Afrique possède un potentiel agricole considérable mais que plusieurs contraintes s'opposent à sa réalisation. Il n'est guère douteux que si ces obstacles pouvaient être surmontés, le continent pourrait produire suffisamment d'aliments, de fibres et de combustible pour assurer la subsistance d'une population bien supérieure aux 500 millions d'habitants actuels. Environ 840 millions d'hectares, soit 30 pour cent des terres émergées de l'Afrique, pourraient être cultivées; en 1980, moins du tiers de ces superficies étaient cultivées.

36. Cette étude soulignait ce potentiel, mais elle mettait aussi en lumière un problème important un tiers du continent est menacé par la désertification. Par exemple, le déboisement est 30 fois plus rapide que le boisement. Les versants exposés, dénudés de leur végétation protectrice, sont érodés, ce qui entraîne un envasement sans précèdent des réservoirs et des vallées des cours d'eau. L'érosion des sols a pris des proportions catastrophiques et l'érosion en ravine et en nappe touche tous les pays du continent. La fertilité des sols baisse, et ses effets sont exacerbés par des cultures qui exportent davantage d'éléments nutritifs que les engrais minéraux et organiques n'en restituent au sol.

37. C'est pourquoi, l'étude recommandait tout particulièrement que l'on mette au point une stratégie de conservation pour le continent, ce qui fut fait. La FAO a travaillé avec des experts africains et en juin 1990, pendant la seizième Conférence régionale de la FAO pour l'Afrique, tenue à Marrakech (Maroc), on a présenté aux Ministres de l'agriculture un nouveau programme - la conservation et la restauration des terres en Afrique: un programme international.

38. Ce Programme a été favorablement accueilli par la Conférence de la FAO pour l'Afrique en 1990 et intégralement approuvé. La FAO a été invitée à prendre les mesures nécessaires pour en assurer la mise en oeuvre. Plusieurs délégués ont souligné la gravité et l'étendue des divers types de dégradations des terres dans leur pays et ils ont plaidé avec enthousiasme en faveur du Programme. Parmi les délégations, le Togo, Madagascar, le Rwanda, le Burundi, le Nigéria, le Maroc, la Tunisie, le Malawi, le Ghana, le Bénin, la Gambie, la Tanzanie, le Lesotho, l'Ouganda, le Cap-Ven, le Botswana, le Sénégal, le Burkina Faso et le Niger ont indiqué qu'ils étaient prêts soit à lancer, soit à poursuivre des programmes de conservation et d'aménagement des terres.

Fonctionnement du Programme

39. On s'est aperçu, au moment de l'élaboration et de la mise en oeuvre du Programme, qu'on ne saurait venir à bout de la dégradation des terres par des efforts sporadiques ou des projets à court terme mais qu'il faut au contraire des programmes à long terme, sous-vendus par des politiques et des stratégies rationnelles d'utilisation des terres qui en favorisent l'expansion. Pour réussir, ces programmes doivent être fondés sur la participation car, en dernier ressort, les terres africaines ne peuvent être conservées et remises en état que par ceux qui en font leur moyen de subsistance.

40. Le Programme définit une nouvelle approche, axée sur trois objectifs fondamentaux. Le premier consiste à améliorer les pratiques d'utilisation des terres. La principale préoccupation des agriculteurs africains est de produire assez pour nourrir et habiller leur famille et lui fournir ce dont elle a besoin pour vivre. Rares sont ceux qui peuvent se permettre le luxe d'activités qui ne contribuent pas à la satisfaction de leurs besoins immédiats. Le Programme préconise donc une approche d'identification, d'élaboration et de promotion de pratiques améliorées d'utilisation des terres qui accroîtront la production, réduiront les risques ou répondront à quelques autres besoins immédiats et évidents mais qui en même temps aideront à conserver ou à restaurer les sols.

41. Le deuxième objectif consiste à encourager une participation beaucoup plus grande des agriculteurs eux-mêmes à la planification, à la mise en oeuvre et au maintien des programmes de conservation. On estime maintenant que la conservation ne peut être réalisée sur une grande échelle et à un coût raisonnable et si elle est effectuée par les utilisateurs mêmes des terres. Le Programme propose donc que les gouvernements n'essaient plus d'entreprendre eux-mêmes la conservation, mais qu'ils en deviennent les animateurs, créant les conditions de l'adoption de pratiques plus efficaces de conservation par les utilisateurs des terres.

42. Le troisième objectif est la mise en place et le renforcement d'institutions nationales et locales (renforcement des capacités) par l'intermédiaire desquelles les politiques, stratégies, programmes et projets nécessaires peuvent être élaborés et mis en oeuvre.

43. Les conditions sont très variables en Afrique, mais le Programme fournit un mécanisme par lequel les gouvernements sont en mesure d'élaborer et d'orienter des plans et programmes à long terme qui soient adaptés à leurs propres besoins. Il associe l'assistance technique, les organismes donateurs et les ONG à tous les stades de la planification et de la mise en oeuvre et fournit un moyen d'assurer une aide à long terme et de choisir les projets de manière systématique.

44. Le Programme souligne que les activités ne doivent pas être limitées à la seule action nationale. Il existe déjà en Afrique un capital important de compétences techniques et il est nécessaire de créer et de renforcer des réseaux de manière que les pays de la région puissent mettre leurs expériences en commun. Cela donne aussi matière à organiser un plus grand nombre d'activités régionales et sous-régionales de recherche et de formation.

Mesures prises

45. Depuis l'approbation du Programme en juin 1990, les pays suivants se sont adressés à la FAO et ont demandé officiellement à être associés au Programme: Bénin, Burundi, Burkina Faso, République centrafricaine, Ghana, Malawi, Mali, Madagascar, Maroc, Niger, Rwanda et Togo, et des consultations sont en cours avec le Botswana, la Namibie et le Zimbabwe. Les progrès réalisés ont été variables et, dans certains pays, il a fallu suspendre pour un temps les activités du fait de troubles civils et d'autres crises.

46. Des rapports nationaux ont été préparés pour le Bénin, le Ghana et le Tog et ils ont servi de base pour la préparation d'un projet sous-régional quadriennal concernant ces trois pays. Le projet proposé prévoit l'échange et la mise en commun d'expériences et d'efforts de conservation des sols et de développement agricole grâce à la mise en place de sites pilotes dans chacune des trois principales zones écologiques communes aux trois pays. Il prévoit la validation des résultats de la recherche du projet dans un cadre géographique plus vaste, la mise à jour des connaissances techniques et, surtout, l'adoption de méthodologies améliorées, en particulier en matière de participation populaire.

47. L'analyse des résultats à la fin du projet, ainsi que les études et les travaux menés sur le terrain, devraient fournir des éléments de politiques, de stratégies et de programmes nationaux dans chaque pays. L'organisation de séminaires régionaux aidera les Etats Membres à atteindre cet objectif. A la fin de la période de quatre ans, les stratégies nationales devraient être examinées, définitivement arrêtées et adoptées par le gouvernement de chaque pays. L'appui des donateurs à ce projet n'a pas encore été obtenu.

48. Le Burkina Faso, le Burundi et la Gambie ont demandé la coopération de la FAO, qui les a aidés à entreprendre des études générales et à préparer des analyses des problèmes et des options sur lesquelles fonder leurs programmes nationaux. Cela a permis d'associer les différents services et ministères concernés. Les propositions d'action seront communiqués à un plus grand nombre de destinataires en particulier aux bailleurs de fonds potentiels, avant d'être définitivement mises au point pour servir de base à l'établissement des politiques, stratégies et programmes nationaux.

49. Le PNUD fournit une aide au Maroc, dans le cadre de son mécanisme de services d'appui technique fourni au niveau des prograrnmes (SAT1), pour l'élaboration de son plan national de conservation et de restauration des terres. Un Comité interdépartemental a été mis en place pour examiner de prés les activités passées et en cours. Un atelier se tiendra en octobre 1994. Le plan mis au point pour le Maroc devrait déboucher sur l'octroi d'un rang de priorité accrue aux zones de cultures pluviales du pays.

50. Au Malawi, un Comité national du Programme a été mis en place. Il réunit toutes les données physiques et socio-économiques nécessaires à la mise au point d'une politique nationale rationnelle d'utilisation des terres. On dispose de données suffisantes sur les ressources naturelles du pays grâce à deux récents projets qui bénéficiaient de l'aide du PNUD et de la FAO. Les données socio-économiques ont été fournies au terme d'une étude spéciale demandée expressément à cette fin. Le PNUD a récemment accepté d'appuyer cette initiative dans le cadre de son mécanisme SAT1 et une série de missions de consultants et d'ateliers est prévue pour les douze prochains mois. Il est prévu que ces activités favoriseront la formulation d'une politique nationale qui sera soumise à l'approbation du gouvernement officiel, d'un programme d'activités et d'une stratégie pour sa mise en oeuvre.

51. Le Niger a indiqué qu'il souhaiterait participer au Programme et qu'il est en train de mettre au point une analyse des "problèmes et options" comme base d'action. Le Mali a également fait savoir qu'il est intéressé par le Programme. Des consultations sont en cours avec le Botswana, la Namibie et le Zimbabwe et l'élaboration d'un programme est prévue avec ces trois pays dans les prochains mois.

52. Des consultations ont été organisées à Madagascar et en République centrafricaine et certains travaux préliminaires ont commencé. Au Rwanda, des progrès importants avaient été faits avant les récents événements, pour la collecte des données pertinentes et l'élaboration d'une stratégie nationale de lutte contre les problèmes de dégradation des terres du pays.

53. Le Programme est en cours d'exécution. Des missions ont été envoyées dans tous les pays qui ont demandé d'adhérer au Programme. Les recommandations de ces missions sont actuellement examinées par les gouvernements des Etats Membres pour l'élaboration de politiques, stratégies et programmes appropriés, en collaboration avec la FAO.

54. Jusqu'ici, le Programme a surtout été appuyé par des Fonds du Programme ordinaire de la FAO, mais après la phase d'identification, on aura besoin d'un appui plus important des donateurs si l'on veut élaborer intégralement les programmes nationaux et régionaux.

55. A l'heure actuelle, nombre de pays d'Afrique n'ont pas les ressources nécessaires pour lancer les programmes massifs de conservation et de remise en état des terres dont on a besoin. Le Programme international de conservation et de restauration des terres en Afrique est ambitieux et les progrès sont lents, tandis que la dégradation des terres touche de plus en plus gravement les ressources en terres du continent et menace la durabilité de son développement agricole. Il faut assurer la conservation et la restauration des terres si l'on veut accroitre suffisamment la production agricole de l'Afrique et concrétiser la sécurité alimentaire. Pour ce faire, il faudra que tous les pays africains et la communauté internationale procèdent à une réorientation fondamentale et fassent preuve d'une volonté résolue, dans un véritable esprit de collaboration.