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Assurer la durabilité des forêts tropicales grâce à des pratiques d'exploitation écologiquement rationnelles

D.P. Dykstra et R. Heinrich

Dennis P. Dykstra est Professeur de génie forestier à la Northern Arizona University, Arizona (Etats-Unis).
Rudolf Heinrich est Chef de la Sous-Division de l'exploitation et des transports en foret, Département des forêts de la FAO. Le présent article est basé sur une monographie en cours de préparation qui sera publiée dans la série Etudes FAO: forêts.

Si l'on veut que les forêts tropicales restent ce qu'elles sont, il convient dans la plupart des cas d'assurer l'utilisation de leurs ressources, pour ne pas courir le risque que la population locale et les responsables politiques pensent qu'elles ont moins de valeur que d'autres modes d'utilisation des terres. Avec des incitations convenables, une bonne connaissance des méthodes d'exploitation appropriées, une supervision techniquement compétente et des dispositifs de contrôle adéquats, les opérations de récolte de bois à usage industriel dans les forêts tropicales, menées dans le cadre d'un plan global d'aménagement forestier, peuvent être conduites d'une manière à la fois écologiquement rationnelle et économiquement rentable, qui favorise en même temps la durabilité de la production de bois et des autres fonctions de la forêt.

De nombreux experts en foresterie tropicale conviennent que, si les gouvernements n'adoptent pas des politiques appropriées, il sera impossible d'assurer à longue échéance la durabilité des forêts tropicales. Par exemple, des organisations et des personnes faisant autorité telles que la commission Brundtland (CMED, 1987), la FAO (1989b, 1989c) et Poore (1989) suggèrent qu'il y a lieu de formuler des politiques pour assurer une planification détaillée et complète de l'utilisation des terres; améliorer les accords de concession de bois; inciter à l'adoption de pratiques durables par le moyen de l'impôt et autres contrôles fiscaux; encourager le développement de l'agroforesterie et des plantations forestières; assurer que les populations locales aient leur part des avantages retirés de la récolte du bois; protéger le domaine forestier permanent une fois celui-ci établi. Après que de telles décisions de principe auront été prises, il faudra également que les gouvernements aient la volonté politique de les mettre en application; c'est alors seulement qu'il existera une chance d'assurer la durabilité des forêts tropicales.

La forêt tropicale, considérée en tant qu'écosystème, constitue le plus grand réservoir de biodiversité de la planète

Il ne fait guère de doute que des facteurs économiques, sociaux et politiques détermineront dans une très large mesure l'existence ou non de vastes superficies de forêts tropicales d'ici une centaine d'années. Toutefois, même si les problèmes associés à l'influence de ces facteurs peuvent être surmontés, des méthodes d'exploitation incorrectes peuvent entraîner une telle dégradation de la forêt que la production de bois et autres fonctions peuvent être considérablement réduites. Il semble donc essentiel d'opérer simultanément sur deux fronts si l'on veut assurer la durabilité des forêts tropicales: le front socio-politique pour tenter de créer les conditions économiques, sociales et politiques nécessaires; le front technologique pour s'efforcer d'assurer l'utilisation de méthodes d'exploitation écologiquement rationnelles et économiquement acceptables, et qui favorisent en même temps la durabilité de la production de bois et des autres fonctions de la forêt.

Le présent article est axé sur la seconde de ces deux lignes d'action essentielles. Sans disconvenir que l'amélioration de la situation socio-politique dans les pays tropicaux revêt une importance critique, il part du principe qu'il est tout aussi urgent d'améliorer les méthodes d'exploitation si l'on veut que les forêts tropicales continuent d'exister.

Assurer la durabilité des forêts tropicales

Quoique presque tous s'accordent à reconnaître que la «durabilité» des forêts tropicales est un objectif nécessaire, la signification précise de ce terme donne lieu à beaucoup de confusion. Nous préférons placer la notion de durabilité dans le contexte de l'utilisation par l'homme et des aspirations des populations des pays en développement qui veulent se débarrasser du joug de la misère. La FAO définit comme suit le développement durable: «Il faut, pour un développement durable, aménager et conserver les ressources naturelles, et orienter les changements techniques et institutionnels de manière à satisfaire les besoins des générations actuelles et futures.» (FAO, 1991). Dans une déclaration analogue, la Commission Brundtland (WCED, 1987) estime que: «Le développement durable répondrait aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs.»

Si l'on veut contribuer au développement durable, un aspect critique de l'utilisation des forêts tropicales est que les activités associées à celle-ci ne doivent pas compromettre irréversiblement la capacité qu'a la forêt de se régénérer et de continuer à fournir le bois d'industrie, les produits non ligneux, les services environnementaux, les avantages sociaux et les services qui revêtent de la valeur pour le monde entier (tels que l'entretien de la biodiversité) et sont essentiels pour le bien-être des générations présentes et futures. De fait, le but devrait être de maximiser le potentiel global de la forêt à fournir ces biens et services à longue échéance. Cela suppose que, là où l'on veut récolter du bois d'industrie dans les forêts tropicales, les opérations doivent être conduites de manière que la forêt se retrouve dans un état propre à favoriser un retour rapide à l'état dans lequel elle se trouvait avant la récolte, ou bien la création d'un autre état qui soit désirable des points de vue à la fois sylvicole, écologique et social.

Depuis les années 50, une série de rapports de recherche ont quantifié la nature et l'ampleur des dommages associés aux opérations d'exploitation dans les forêts tropicales. Le rapport qui a eu le plus d'influence est peut-être celui qui a résulté des études effectuées en Afrique par Dawkins (1958) et Redhead (1960) et d'une série d'études conduites en Asie du Sud-Est (Nicholson, 1958, 1979; Wyatt-Smith et Foenander, 1962; Fox, 1968; Marn et Jonkers, 1982). Plus récemment, Jonkers (1987), Hendrison (1989), Schmitt (1989) et Costa Filho (1991) ont publié des études analogues pour la région Amérique latine et Caraïbes. Il ressort clairement de ces travaux que l'ampleur des dommages communément associés aux opérations d'exploitation des forêts tropicales est incompatible avec la préservation de nombreuses fonctions de la forêt indépendantes de la production de bois. Par suite, quoique les pratiques actuelles d'exploitation forestière puissent permettre d'assurer un rendement soutenu en bois, elles ont toutes chances d'interférer avec la durabilité d'autres services et fonctions.

En outre, il est démontré que l'ampleur des dommages augmente à mesure que les opérations d'exploitation s'étendent sur des terrains plus accidentés et deviennent de plus en plus mécanisées, faisant appel davantage à la «force motrice» qu'aux compétences techniques (Fox, 1968; Nicholson, 1979; Marn et Jonkers, 1982). C'est là une tendance alarmante qui donne à penser que la durabilité de la production de bois et des autres services fournis par la forêt est de plus en plus menacée dans les forêts tropicales.

Techniques de récolte propres à assurer la durabilité des forêts tropicales

Cet article fait une distinction entre «récolte» et «exploitation forestière». Au sens où nous utilisons ces termes, exploitation forestière signifie processus d'abattage et de débusquage, tandis que la récolte comprend la planification préalable, la supervision technique et les évaluations après récolte qui reflètent les préoccupations inspirées par les fonctions autres que la production de bois et par l'état futur de la forêt. Le terme «technologie de récolte» est un terme générique qui a trait à l'utilisation de principes scientifiques et techniques, associés à l'éducation et à la formation, dans le but d'améliorer les modalités d'utilisation de la main-d'œuvre et du matériel, ainsi que les méthodes pratiques de récolte du bois d'industrie.

Nous sommes convaincus que l'on dispose maintenant d'un volume d'informations suffisant pour permettre des opérations durables de récolte dans pratiquement n'importe quelle zone de forêts tropicales de notre planète. En outre, la promotion de la durabilité n'est pas la seule motivation: au moins trois études récentes (Marn et Jonkers, 1982; Hendrison, 1989; Schmitt, 1989) ont clairement démontré que des opérations de récolte visant à satisfaire aux exigences de durabilité peuvent en même temps réduire substantiellement les coûts grâce à une planification et à un contrôle technique de meilleure qualité.

Pour faire valoir la notion de durabilité durant les opérations de récolte du bois, la solution consiste à appliquer les meilleures connaissances disponibles en ce qui concerne cinq éléments critiques: planification de la récolte; routes forestières; abattage; débusquage et traînage; évaluations après récolte. Ces éléments sont examinés individuellement ci-après.

Planification de la récolte

Une planification détaillée et complète des opérations de récolte est essentielle pour réunir les conditions indispensables à des pratiques de récolte durables et pour concilier un contrôle technique plus rigoureux pendant la récolte avec la nécessité de réduire les coûts. Il y a toutefois de bonnes raisons de penser que dans les forêts tropicales ces opérations sont rarement précédées d'une planification approfondie, alors que c'est couramment le cas dans les forêts tempérées (Schmidt, 1987; Hendrison, 1989; FAO, 1989b). En outre, des observations de Nicholson (1958, 1979) couvrant plus de deux décennies suggèrent que, si changement il y a, la planification de la récolte dans les forêts tropicales est moins communément pratiquée maintenant qu'elle ne l'était pendant l'ère coloniale.

De même que pour les forêts tempérées, la planification de la récolte dans les forêts tropicales devrait comprendre la collecte de données d'inventaire du bois et de données topographiques détaillées, plus d'autres informations indispensables pour l'organisation d'un système de transport. Le plan de transport devrait permettre aux équipes de bûcherons d'accéder efficacement aux arbres à récolter tout en ménageant les zones critiques, en évitant les cours d'eau et en minimisant la superficie totale perturbée par des routes, des premiers dépôts transitoires, des chemins de débardage et des câblages. Des procédures pour le recueil des données nécessaires à ce type de planification sont suggérées par Marn et Jonkers (1982) et Hendrison (1989).

Le plan de récolte devrait également spécifier le matériel à utiliser et le calendrier des opérations, et prévoir des plans d'intervention en cas de fortes tempêtes et autres événements violents. Il devrait prendre en considération la possibilité d'une récolte complémentaire de produits forestiers non ligneux (par exemple, coupe du rotin ou gommage de la résine avant la récolte du bois d'œuvre et d'industrie, ou bien collecte du bois de feu après cette dernière). Il faudrait consulter les communautés locales au sujet d'éventuels problèmes de programmation ou d'occasions à exploiter (par exemple pour tirer avantage des disponibilités de main d'œuvre pendant les périodes de ralentissement des opérations agricoles). L'époque où commence normalement la saison des pluies devrait être prise en considération, de même que l'époque de dissémination des graines dans les zones où elles ne se sont pas produites tout au long de l'année, par exemple dans les forêts décidues ou semi-persistentes. Dans certains cas, il peut être nécessaire de programmer les opérations de récolte de manière à éviter d'interférer avec les cycles de reproduction d'animaux ou de végétaux importants pour la population locale.

Il est indispensable de planifier, concevoir, construire et entretenir convenablement les routes forestières pour minimiser les dommages causés par l'érosion

Quoique la planification de la récolte suppose une mise de fonds initiale accrue, elle peut contribuer à éviter de nombreux problèmes et faire fortement baisser l'ensemble des coûts en réduisant le gaspillage et en améliorant l'efficacité des opérations. Une étude de Marn et Jonkers (1982) constate que les opérations précédées d'une planification détaillée sont caractérisées par une meilleure organisation et supervision, un nombre réduit d'accidents, un moindre défaut d'abattage d'arbres commercialisables et la perte de moins de grumes après l'abattage. En outre, on a constaté que les opérations conduites dans le cadre d'une planification détaillée de la récolte coûtent globalement de 20 à 45 pour cent moins cher que des opérations comparables dans des conditions pratiquement identiques, mais pour lesquelles la planification a été minimale (Marn et Jonkers, 1982; Hendrison, 1989). En outre, ce qui est peut-être le plus important, le bouleversement du sol et les dommages causés aux arbres résiduels sont au total nettement moindres dans le cas d'opérations préplanifiées que dans celui d'une planification minimale.

Routes forestières

Les routes sont indubitablement l'aspect des opérations de récolte du bois qui pose le plus de problèmes. On estime que 90 pour cent ou davantage de l'érosion du sol résultant de la récolte du bois dans les régions tropicales sont directement attribuables aux routes (FAO, 1977). Néanmoins, exception faite des cas où l'on peut utiliser de grandes voies d'eau, les routes sont indispensables à l'extraction industrielle du bois ainsi que pour permettre d'accéder à la forêt aux fins de l'aménagement et du contrôle. La construction de routes signifie l'élimination de la végétation et le réarrangement du sol pour permettre aux véhicules de passer plus facilement. Semblables interventions s'accompagnent presque toujours d'un accroissement du taux d'érosion. Pour minimiser celle-ci et en réduire les effets destructeurs, l'emplacement des routes doit être planifié à l'avance, et il y a lieu d'adopter des procédures satisfaisantes de tracé et de construction.

Une supervision technique compétente du tracé et de la construction des routes est essentielle. En réduisant la superficie défrichée pour les voies de débardage au minimum compatible avec l'efficacité et la sécurité, on peut diminuer l'érosion du sol et conserver une plus grande superficie forestière. Par exemple, les directives élaborées pour les forêts ombrophiles du nord de l'Australie spécifient que la largeur maximale défrichée doit être inférieure à 7,5 m pour les grandes voies de halage et inférieure à 5 m pour les voies de halage secondaires (Ward et Kanoswki, 1985). On est bien loin de la largeur moyenne de défrichage pour une route de 18,4 m signalée dans une étude récente effectuée en Papouasie-Nouvelle-Guinée (FAO, 1989a).

Abattage

En lui-même, l'abattage sélectif reproduit pratiquement les chutes d'arbres naturelles et il est généralement considéré comme relativement bénin du point de vue de l'environnement (Hamilton, 1988). De fait, les clairières créées dans les forêts par un abattage convenable des arbres dans n'importe lequel des systèmes de récolte sélectifs communs aux régions tropicales sont souvent impossibles à distinguer des clairières formées par des chutes naturelles d'arbres (Jonkers, 1987). Par contre, un abattage incorrect peut être extrêmement préjudiciable à la régénération préexistante et peut également réduire l'efficacité des opérations de traînage.

Particulièrement importante est la situation souvent observée où les cimes des arbres sont reliées entre elles par des lianes ligneuses. Dans de telles conditions, l'arbre en cours d'abattage peut entraîner avec lui des arbres voisins, les brisant ou les déracinant. De fait, il semble que les agriculteurs itinérants tirent parti de cette situation, faisant disparaître des blocs importants de forêt en abattant un unique arbre couvert de lianes. Dans les zones de ce genre, il est essentiel de couper les lianes avant la récolte; cela peut réduire notablement les dommages causés aux arbres résiduels. Par exemple, une étude de Fox (1968) constate que la coupe des lianes plusieurs mois avant l'abattage permet de réduire jusqu'à 50 pour cent le nombre d'arbres culbutés ou brisés. Etant donné que beaucoup d'arbres résiduels endommagés ou détruits pendant l'abattage entrent dans la catégorie des arbres adultes de taille «poteaux» qui fourniront la récolte commerciale de bois d'industrie lors d'une récolte consécutive, il est indispensable de sauver autant de ces arbres que possible pour assurer la durabilité de la production de bois. En outre, la biodiversité florale dans les forêts tropicales réside en grande partie dans des arbres qui n'atteignent pas de grandes tailles et ne sont pas actuellement utilisés pour la production de bois (K.D. Singh, Département des forêts de la FAO, communication personnelle, juillet 1991). Par conséquent, il importe également du point de vue de la conservation de la biodiversité d'assurer qu'un minimum de dommages soient causés aux jeunes arbres et au recrû (NDLR: voir l'article de Kemp dans le présent numéro d'Unasylva).

Des techniques d'abattage appropriées limitent les dommages à la régénération préexistante et améliorent l'efficacité des opérations de traînage

Après l'abattage, des techniques de tronçonnage appropriées peuvent maximiser la valeur de l'arbre et réduire le gaspillage

Les techniques d'abattage incorrectes sont un autre problème courant dans les forêts tropicales. Selon DeBonis (1986), les équipes de bûcherons n'ont souvent reçu aucune formation et, dans certains cas, elles ne comprennent même pas la nécessité de pratiquer une entaille d'abattage pour diriger la chute de l'arbre. Une fois que les arbres ont été abattus, un tronçonnage convenable est essentiel pour maximiser leur valeur et réduire le gaspillage. D'après une récente évaluation globale effectuée pour les régions tropicales, la proportion de bois abattu abandonné dans la forêt est plus de deux fois supérieure dans les tropiques que dans les régions tempérées (Dykstra, 1991). L'utilisation de ce bois, grâce à des techniques améliorées d'abattage et de tronçonnage, pourrait permettre de réduire de façon substantielle la superficie de forêt tropicale qui doit être exploitée chaque année pour fournir le volume courant de bois rond à usage industriel.

Débusquage et traînage

Dans les forêts tropicales, on utilise principalement du matériel de traînage à plat. Le débardage par câble offre la possibilité de réduire sensiblement les besoins de routes et le bouleversement du sol dans les zones abruptes ou marécageuses (Aulerich, Aulerich et Piedrahita, 1990). Mais, pour le pratiquer convenablement, il faut une équipe hautement qualifiée et, même ainsi, il a toutes chances d'être plus coûteux et risque de causer des dommages plus étendus aux arbres résiduels (Nicholson, 1979).

Le traînage par animaux est une solution possible dans de nombreuses zones et peut réduire notablement le bouleversement du sol

Les systèmes classiques de traînage à plat sont responsables de deux types de dommages dans les forêts tropicales. Les débusqueurs ont tendance à errer à travers la forêt à la recherche d'arbres abattus, ce qui se traduit par une prolifération des chemins de débardage et par des dommages excessifs aux arbres résiduels et à la régénération préexistante. Ils peuvent aussi provoquer un bouleversement et un compactage du sol, accroissant ainsi le potentiel d'érosion et retardant à la fois la régénération et la croissance des arbres résiduels. Ces deux problèmes peuvent être considérablement réduits, comme on l'a vu plus haut, grâce à une planification détaillée avant la récolte. Des études comparatives ont montré que le coût du traînage peut être abaissé d'un tiers ou davantage par une planification détaillée associée à une supervision technique compétente (Marn et Jonkers, 1982; Hendrison, 1989). En outre, lorsqu'une préplanification de l'emplacement des chemins de halage est associée à un abattage dirigé des arbres vers ces chemins, le nombre de grumes commercialisables laissées dans la forêt peut être sensiblement réduit (Marn et Jonkers, 1982).

Là où cela se justifie, des débusqueuses n'exerçant qu'une faible pression sur le sol peuvent être utilisées pour réduire le bouleversement et le compactage de celui-ci, particulièrement sur les pentes raides ou les terrains toujours humides (Buenaflor et Heinrich, 1980). Le halage par des animaux est aussi une solution possible dans de nombreuses zones, et on a montré que l'utilisation d'animaux de trait tels que des éléphants ou des bœufs permet de diminuer notablement le bouleversement et le compactage du sol, ainsi que les dommages aux arbres résiduels (Sundquist, 1985; Cordero, 1988).

Des débusqueuses exerçant peu de pression sur le sol permettent de réduire les dommages, mais l'essentiel est de réduire la superficie perturbée par des chemins de hâlage

Evaluations après récolte

Comme il a été souligné au début de l'article, la récolte n'est qu'un aspect parmi d'autres de l'aménagement global des forêts. Par conséquent, dans l'optique de la durabilité à longue échéance de la forêt, la rétro-information régulière sur le succès ou l'échec des opérations de récolte est essentielle. Une partie des renseignements peuvent être fournis par des évaluations après récolte. Ces évaluations doivent rendre compte des coûts et recettes associés à l'opération; du degré auquel les objectifs sylvicoles et les objectifs intéressant des fonctions autres que la production de bois ont été atteints; des dommages causés aux arbres résiduels; de la superficie perturbée par des routes et des chemins; de la qualité et du volume de la régénération, etc. Les opérations à effectuer après la récolte, telles que la restauration de la couverture végétale sur les chemins de halage et les premiers dépôts transitoires, devraient être notées. Enfin, il est indispensable que les résultats de l'évaluation après récolte soient communiqués à l'équipe de bûcherons. Des incitations financières à un ouvrage de bonne qualité et des pénalisations pour les travaux non conformes aux nommes permettront de renforcer la volonté de l'entreprise à utiliser des pratiques de récolte durables.

Initiatives en vue d'améliorer les opérations de récolte dans les forêts tropicales

Beaucoup de pratiques d'exploitation aujourd'hui communes dans les forêts tropicales sont incompatibles avec la durabilité à longue échéance des fonctions autres que la production de bois, mais il existe cependant des indices d'améliorations notables. L'effort peut-être le plus complet a été entrepris au Suriname; il a été analysé par Jonkers (1987), Hendrison (1989) et autres spécialistes de l'Université agricole de Wageningen aux Pays-Bas. L'entreprise visait à mettre en place des systèmes de sylviculture et de récolte compatibles, afin de minimiser les effets écologiques associés aux opérations de récolte sélectives dans la futaie tropicale. Les pierres de touche du système comprennent une planification détaillée avant la récolte, une formation approfondie des équipes de bûcherons, le recours à une supervision techniquement compétente et la conduite de vastes évaluations après récolte au titre de la rétro-information sur le plan global d'aménagement. Un aspect important est que les procédures ont été mises au point et testées en collaboration avec des sociétés privées de marchands de bois. Ces sociétés ont ainsi contribué à assurer la durabilité de la ressource forestière tropicale et ont en même temps bénéficié d'une réduction de 30 pour cent ou davantage du coût direct de leurs opérations d'exploitation en comparaison avec le coût des méthodes classiques d'exploitation.

Une approche assez différente, ayant également pour objectif d'améliorer la durabilité de la production de bois et autres fonctions de la forêt, est actuellement expérimentée en Amazonie péruvienne. Appliquant les principes écologiques de la dynamique du vide, le système de récolte est fondé sur de petites coupes blanches le long de bandes de niveau longues et étroites, dans le but de tirer parti des caractéristiques de régénération des espèces locales de bois et d'améliorer la rentabilité économique de l'exploitation (NDLR: voir, dans le présent numéro d'Unasylva, les articles d'Ocaña-Vidal sur l'abattage en coupe rase et de Kiernan et al. sur l'aménagement pilote des forêts naturelles en Amérique latine).

Des systèmes de récolte améliorés sont actuellement mis au point pour d'autres régions tropicales, notamment la Malaisie (Marn et Jonkers, 1982) (NDLR: voir l'article de Mok sur la durabilité de l'aménagement des forêts en Malaisie dans le présent numéro d'Unasylva), la Guyane française (Schmitt, 1989), la Colombie (Aulerich, Aulerich et Piedrahita, 1990), la Papouasie-Nouvelle-Guinée (Buenaflor, 1990), le Brésil (Costa Filho, 1991) et l'Indonésie (Hasan, l991). Des recherches visant à mettre au point des techniques de récolte durables sont également conduites dans le bassin du Zaïre par le Centre technique forestier tropical de France, en collaboration avec des organisations africaines locales. La majorité des systèmes de récolte améliorés testés jusqu'à présent sont de type expérimental. Cependant, l'aide d'organisations internationales, en vue d'expérimenter des applications pilotes et de développer les compétences nécessaires au sein des équipes de planification et des équipes de bûcherons, pourrait donner l'impulsion indispensable pour rendre ces systèmes opérationnellement réalisables sur une plus grande échelle.

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