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Participation des ONG aux prises de décisions sur le PAFT clans les pays donateurs: «agir selon ses principes»

A. Inglis

M. Andrew Inglis est I agent de contact des ONG avec l'Unité de coordination du Programme d action forestier tropical (PAFT) à la FAO, Rome.

Les Principes opérationnels révisés du Programme d 'action forestier tropical (PAFT) mettent davantage l'accent sur la participations de la populations locale et des organisations qui les représentent aux processus décisionnels dans le secteur forestier. S'il est vrai que les Principes opérationnels pour la mise en' œuvre du PAFT s'adressent implicitement aux pays tropicaux participant au Programme, le présent article fait valoir qu'une participation accrue des ONG des pays donateurs présenterait des avantages non négligeables.

Selon une étude de la FAO sur l'aide publique au développement (APD) consacrée aux activités forestières tropicales en 1990, 65 pour cent environ de l'aide totale provenaient de donateurs bilatéraux; la part des banques internationales était de 19 pour cent et celle des institutions des Nations Unies de 16 pour cent (FAO, 1991a). Vu l'importance évidente des donateurs bilatéraux dans la fourniture d'une assistance financière et technique au développement forestier en général (et dans ce secteur au PAFT) il est manifeste que les pays donateurs peuvent avoir, et ont véritablement, une influence significative sur les pays tropicaux au niveau de la prise de décisions en matière de forêt:

· en utilisant leur situation de donateurs pour influencer la planification et la prise de décisions en matière d'environnement lié au secteur forestier dans les pays tropicaux;

· en décidant de la nature et de l'affectation des ressources financières et techniques, c'est-à-dire pour quel pays et pour quel type d'activité (notamment en ce qui concerne le PAFT).

Pour éviter toute hypocrisie, améliorer la diplomatie et favoriser l'égalité, les pays donateurs industrialisés auraient de bonnes raisons d'aligner les mécanismes de planification de l'environnement axés sur le secteur forestier et de prise de décisions concernant le PAFT sur ceux qui ont été recommandés pour les pays tropicaux. En un mot, les pays donateurs devraient également respecter les Principes opérationnels révisés du PAFT (FAO, 1991b).

Une recommandation dans ce sens a été présentée à une réunion des coordonnateurs nationaux du PAFT pour les pays hispanophones d'Amérique latine, qui s'est tenue récemment en Bolivie:

«Les organismes multilatéraux, les pays donateurs et les autres institutions participant au PAFT devraient s'engager officiellement à respecter les nouveaux Principes opérationnels et à coopérer de façon efficace avec les pays qui les ont adoptés ou qui ont l'intention de le faire à l'avenir. Cela permettrait de favoriser l'adoption rapide de ces principes par les pays [tropicaux].» (FAO, 1992a).

Un engagement en faveur des nouveaux Principes opérationnels du PAFT suppose que les pays du monde industrialisé se chargent des actions suivantes:

· recenser tous les partenaires non gouvernementaux éventuels;

· créer un Comité directeur du PAFT composé de représentants de divers ministères et départements, des ONG et du secteur privé;

· garantir que les processus décisionnels concernant l'appui au PAFT soient transparents;

· garantir et faciliter la libre circulation de l'information entre toutes les parties intéressées;

· créer une coordination (dont serait chargée une personne ou un bureau spécialisé) afin d'établir une liaison avec les ONG:

· nommer un coordonnateur à plein temps du PAFT; l'idéal serait une personne ne faisant pas partie du personnel de l'assistance technique forestière gouvernementale traditionnelle ou bien occupant un rang hiérarchiquement supérieur;

· effectuer une étude et un réexamen multidisciplinaire et approfondi des politiques, dispositions institutionnelles, mécanismes de financement et de planification qui pourraient avoir une incidence directe ou indirecte sur les forêts tropicales.

Un petit nombre de pays donateurs au PAFT ont déjà mis en place certains de ces éléments, ainsi:

· une législation qui garantisse le libre accès à l'Information officielle existe aux Etats-Unis d'Amérique:

La réunion des coordonnateurs du PAFT pour les pays hispanophones d'Amérique latine a émis une recommandation selon laquelle les pays donateurs devraient s'engager formellement à mettre en œuvre les Principes opérationnels du PAFT

· un recensement des partenaires non gouvernementaux éventuels du PAFT est en cours en Italie:

· le Forum sur les forêts tropicales à large participation a été organisé en 1991 au Royaume-Uni.

Pour une grande part, toutefois, les processus décisionnels concernant l'appui au PAFT dans les pays industrialisés, c'est-à-dire les pays donateurs, ne sont presque jamais consultatifs ou participatifs. Selon un rapport récent de la FAO (rédigé par une équipe comprenant des représentants des gouvernements donateurs):

«La plupart des décisions relatives au PAFT sont prises par les structures politiques, institutionnelles, financières et administratives du gouvernement donateur [...], chacune de ces structures jouissant de conditions politiques, administratives ou autres spécifiques, et ont des préférences pour tel ou tel pays.» (FAO, 1992b).

Une étude officieuse sur les engagements des donateurs bilatéraux en faveur du PAFT, réalisée par l'Unité de coordination du PAFT, semblerait confirmer ce comportement routinier. Une analyse portant sur 14 pays qui ont atteint la phase de financement de leurs plans d'action forestiers tropicaux fait apparaître que les pays les mieux placés pour bénéficier d'une APD sont également ceux qui sont les plus favorisés du point de vue du financement du PAFT. Le classement de ces pays en fonction du pourcentage des activités financées dans le cadre de leur PAFT était pratiquement le même que celui qui a été établi en fonction du pourcentage du PNB consacré à l'APD pour les périodes 1980-1982 et 1985-1987 (WRI, 1990). Autrement dit, les décisions des pays donateurs concernant le financement des projets et des programmes élaborés dans le cadre du PAFT semblent avoir été prises compte tenu davantage des préjugés politiques et des préférences des pays qui prévalaient auparavant que de la qualité des plans d'action forestiers tropicaux nationaux et des priorités des pays en développement (FAO, 1992c).

Les Principes opérationnels du PAFT sont aussi valables pour les donateurs que pour les bénéficiaires

La participation plus active des ONG aux prises de décisions sur le PAFT dans les pays donateurs pourrait améliorer sensiblement cette situation. Si l'on faisait en sorte que les processus décisionnels des gouvernements donateurs soient plus transparents et qu'ils soient l'objet de débats plus larges, il y aurait peut-être moins d'exigences politiques partiales et contradictoires, ou tout au moins le débat serait plus cohérent, logique, ouvert et honnête. Cela pourrait aboutir à une mobilisation accrue du soutien international en faveur de plans d'action forestiers tropicaux nationaux bien préparés, qui traduisent les priorités des pays en développement.

Le Forum sur les forêts tropicales du Royaume-Uni, mentionné brièvement plus haut, est un exemple intéressant de la façon dont une ONG peut participer aux processus décisionnels dans le domaine forestier tropical dans un pays donateur au PAFT. Le Forum a pour tâche de renforcer la cohésion et l'efficacité des activités lancées au Royaume-Uni en faveur du soutien durable et de la conservation des forêts et des paysages forestiers dans les pays tropicaux. Le mandat précise également que les activités visant à atteindre cet objectif doivent inclure l'échange d'informations et la recherche d'un consensus par le dialogue et la discussion. Les participants représentent des agences de développement, des organisations de conservation, des établissements d'enseignement et des centres de formation, des organismes commerciaux et industriels, c'est-à-dire la participation diversifié que les nouveaux Principes opérationnels préconisent pour un Comité directeur national du PAFT. Bien que le Forum ne soit pas un groupe de pression officiel du gouvernement, la première session qui a eu lieu en février 1991 a été ouverte officiellement par le Ministre de la coopération. Le Forum sur les forêts tropicales se réunit en plénière deux fois par an, mais des groupes de travail restreints, dont un groupe sur le PAFT, se réunissent si besoin est; des représentants du gouvernement participent régulièrement à ces réunions, ce qui contribue à renforcer l'impact du Forum.

Le Forum sur les forêts tropicales a fourni l'occasion aux ONG de contribuer aux débats et d'aborder les questions avec les décideurs au nom de leurs membres, tant au Royaume-Uni que dans les pays tropicaux. Les questions concernaient notamment la participation de la population locale aux activités forestières, l'importance de reconnaître la souveraineté nationale dans les débats sur des instruments/accords internationaux, la création de capacités nationales pour gérer de façon durable les forêts, et l'étiquetage des produits forestiers provenant de forêts gérées de façon durable.

Bien qu'il soit difficile d'évaluer quantitativement l'incidence du Forum sur la politique gouvernementale, il semble que le Gouvernement britannique ait mis davantage l'accent sur la participation des populations locales aux prises de décisions en matière de forêts dans la note de synthèse qu'il a adressée à la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED) après plusieurs réunions avec les groupes de travail au Forum (J. Thornback, communication personnelle, 1992).

Si la participation des ONG à la prise de décisions concernant le PAFT dans les pays donateurs présente des avantages potentiels, elle comporte aussi certains risques. On craint par exemple que les ONG les plus engagées dans le domaine de l'environnement fassent pression sur les donateurs bilatéraux pour qu'ils réservent des fonds pour l'utilisation et l'aménagement durables des ressources forestières, même si la conservation des forêts doit être autonome à long terme. A cet égard, le Gouvernement de la Malaisie, l'un des pays tropicaux les plus ouverts en ce qui concerne le rôle des ONG de l'hémisphère Nord, a publié un rapport critiquant une campagne forestière tropicale menée en Allemagne en 1989. La critique accuse la campagne d'être «organisée par des organismes, groupes et individus... [dont] certains seraient véritablement concernés par la protection de l'environnement, mais [surtout] par d'autres dont les intentions seraient douteuses». Toutefois, malgré un point de vue généralement négatif, le rapport fait remarquer que, en tant que mesure à long terme, la coopération technique entre les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux dans les pays industrialisés et dans les pays en développement pourrait favoriser une gestion durable de la forêt tropicale (Gouvernement malaysien, 1989).

Dans l'ensemble, il semblerait que le jeu en vaille la chandelle. Grâce à leurs campagnes axées sur l'exposé de leur cas et la présentation de scénarios de gestion des forêts tropicales différents, à l'occasion de réunions publiques ou de contacts directs avec les décideurs, les ONG les plus engagées ont favorisé en général une prise de conscience accrue des questions d'environnement liées au secteur forestier ainsi qu'un élargissement des débats sur la foresterie tropicale. De plus, la participation plus active des ONG de l'hémisphère Nord (notamment celles qui s'occupent de développement rural) pourrait stimuler le principe d'inviolabilité de la souveraineté nationale des pays tropicaux, c'est-à-dire bénéficiaires, chez les gouvernements donateurs.

Un débat libre et ouvert, le dialogue, la négociation et des ajustements politiques sont essentiels au processus PAFT, qui a été conçu comme une approche nouvelle et dynamique et non comme un mécanisme routinier, aussi bien pour le gouvernement donateur que pour le gouvernement bénéficiaire. Les responsables gouvernementaux des pays industrialisés auront autant de difficultés que leurs homologues des pays tropicaux à ouvrir la porte aux ONG. Mais, compte tenu de l'expérience du Forum sur les forêts tropicales du Royaume-Uni, ce processus ne devrait pas être trop pénible aussi long temps que les participants restent ouverts, honnêtes et prêts à modifier leur point de vue. Il est évident que si les gouvernements donateurs devaient s'engager à respecter les Principes opérationnels du PAFT, cela supposerait, pour bon nombre d'entre eux, une implication des ONG d'une ampleur sans précédent dans leurs «affaires souveraines» - mais ni plus ni moins que ce qu'ils préconisent pour les gouvernements bénéficiaires.

Bibliographie

FAO. 1991a. Examen de la coopération internationale dans le domaine de la foresterie tropicale. Note du Secrétariat à l'intention de la 10e session du Comité de la mise en valeur des forêts dans les tropiques, Rome, décembre 1991. Rome, FAO.

FAO. 1991b. PAFT: Principes opérationnels. Unité de coordination du PAFT. Rome, FAO.

FAO. 1992a. Conclusions and Recommendations of the Second Meeting of National TFAP Coordinators from Spanish-speaking Countries of Latin America and the Caribbean, Santa Cruz de la Sierra Bolivie, avril 1992. Unité de coordination du PAFT. Rome, FAO.

FAO. 1992b. Le projet du Fonds fiduciaire multidonateur du PAFT. Rapport de la mission conjointe d'évaluation et commentaires de la FAO, mars 1992. Rome, FAO.

FAO. 1992c. TFAP funding flow situation research. Unité de coordination du PAFT. Rome, FAO. (Inédit)

Gouvernement indonésien. 1992. Official address by the Minister of Forestry to the Indonesia Forestry Action Programme Round Table Type III. Février, 1992. Yogyakarta, Indonésie.

Gouvernement malaisien. 1989. The antitropical forest campaign in the Federal Republic of Germany, octobre 1989. Bonn, Allemagne, Ambassade de Malaisie.

WRI. 1990. World Resources 1990-1991. New York, Oxford University Press.


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