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Comment quantifier l'incidence arbres: Le projet de Chicago concernant les effets des espaces boisés urbains sur le climat

D.J. Nowak et E.G. McPherson

David J. Nowak et E. Gregory McPherson travaillent comme chercheurs au Service forestier du Département de l'agriculture des Etats-Unis, à la Station d'expérimentation forestière du Nord-Est, Chicago.

Le présent article fait état des méthodologies et des premiers résultats d'un projet de recherche sur la foresterie urbaine mis en œuvre à Chicago (Illinois). Il examine les fonctions interdépendantes de l'écosystème forestier urbain actuellement à l'étude - modifications du climat, économies d'énergie, qualité de l'air et retenue du dioxyde de carbone - et analyse les coûts-avantages de la végétation urbaine.

The Chicago Urban Forest Climate Project (CUFCP), projet de Chicago concernant les effets des espaces boisés urbains sur le climat, a été mis en place pour mieux comprendre comment la végétation en milieu urbain influe sur le climat local, la consommation d'énergie et la qualité de l'air. Le CUFCP, actuellement à mi-parcours, après la collecte intensive de données pendant l'été 1992, est un projet de recherche pluriannuel qui devrait s'achever à la fin de 1993. En 1990, lorsque Richard M. Daley, maire de Chicago, a préconisé des recherches en foresterie urbaine à l'appui de son plan général visant à créer des espaces verts à Chicago et appelé «Green-Streets», cela a donné une forte impulsion au CUFCP. Un plan de recherche a été élaboré, et le Congrès a destiné 900000 dollars au Service forestier du Département de l'agriculture des Etats-Unis en faveur du projet. Deux chercheurs et cinq techniciens travaillent actuellement au CUFCP à Chicago et onze autres techniciens ont participé à la collecte des données en 1992.

Les objectifs du CUFCP sont les suivants: quantifier les avantages écologiques et les coûts liés à l'écosystème forestier urbain de Chicago et leur attribuer des valeurs monétaires; élaborer des variantes d'aménagement pour accroître les avantages environnementaux de la foresterie urbaine; et mettre au point des méthodes et modèles pouvant être appliqués dans d'autres villes. Les résultats et recommandations découlant du projet seront publiés dans diverses revues scientifiques, dans des publications non spécialisées et dans les rapports présentés à la municipalité de Chicago et aux communautés environnantes. On prévoit que les informations seront ensuite utilisées par les forestiers urbains locaux, les propriétaires d'immeubles, les groupes à but non lucratif, les sociétés de service publics et les planificateurs, afin de prendre des décisions plus avisées quant à la configuration future de la végétation urbaine.

Figure 1. Couvert arboré par quartier à Chicago (en pourcentage)

Structure des espaces boisés urbains

Plus le couvert végétal est étendu, plus l'influence relative des arbres sur l'environnement d'une ville donnée est grande. Une des analyses les plus efficaces en terme de coûts de la structure forestière urbaine est celle du couvert (la proportion de la superficie occupée par la cime des arbres vue d'en haut). L'analyse du couvert visé par l'étude CUFCP (la ville de Chicago, le reste du comté de Cook environnant et le comté Du Page adjacent), effectuée à l'aide d'une grille de points d'échantillonnage distribués au hasard sur des photographies aériennes, a fait apparaître un couvert végétal de 19 pour cent. Dans la ville de Chicago, le couvert n'est que de 11 pour cent (voir tableau, page 42), mais il varie beaucoup d'un endroit à l'autre, allant de 1 pour cent au minimum à 37 pour cent au maximum (figure 1). Si l'on considère les différents types d'occupation des sols à Chicago, le couvert arborescent atteint son maximum dans les zones forestières protégées (54 pour cent du couvert), les parcs (26 pour cent) et les terrains vagues (20 pour cent); il tombe au minimum pour les réseaux de transport (2 pour cent) et les terrains commerciaux/industriels (3 pour cent) (McPherson et al., 1992).

Parmi les facteurs qui ont une incidence sur le couvert végétal urbain en général, on peut citer l'écorégion (c'est-à-dire l'environnement naturel dans lequel la ville se développe), l'âge et la dimension de la ville. Par exemple, il ressort d'analyses préliminaires que les villes qui se sont développées dans des zones boisées de l'est des Etats-Unis ont en moyenne un couvert végétal urbain de 30 pour cent; dans les zones boisées occidentales, de 26 pour cent; dans les zones centrales occupées par des herbages/forêts, de 22 pour cent; et dans les régions occidentales où dominaient à l'origine le maquis, les prairies et le désert, de 17 pour cent. Aux Etats-Unis, le couvert végétal urbain est estimé en moyenne à 27 pour cent.

Outre le couvert arborescent, d'autres caractéristiques des espaces boisés urbains sont importantes pour quantifier la structure forestière urbaine, à savoir la composition des essences, le diamètre des arbres et leur hauteur, la biomasse et la surface folière. Toutefois, on ne sait que très peu de chose de la structure forestière urbaine globale. La plupart des travaux sur les espaces boisés urbains ont été axés sur les populations d'arbres le long des avenues, qui ne représentent souvent qu'un faible pourcentage du total de la végétation ligneuse urbaine. Les recherches ont quantifié la composition des essences et d'autres caractéristiques structurelles pour diverses parties des forêts urbaines dans le monde (par exemple, Tokyo et Sendai, Japon - Iizumi, 1983; Singapour - Wee et Corlett, 1986; Reykjavik, Islande Svanbergsson, Sigtryggsson et Andresen, 1988; Athènes, Grèce - Profous, Rowntree et Loeb, 1988; Oakland, Californie, Etats-Unis - Nowak, 1991; Beijing, Chine - Profous, 1992; Hong Kong - Jim, 1992).

Pour estimer la végétation et d'autres paramètres physiques de toute la superficie de Chicago, 615 parcelles ont été choisies au hasard et inventoriées en ce qui concerne tous les types d'occupation des sols. Ces informations ont servi à quantifier les caractéristiques physiques de la végétation, des routes, des bâtiments et d'autres structures. En plus des données relatives aux parcelles, plus de 120000 feuilles d'arbres urbains ont été prélevées au hasard dans les frondaisons à l'aide d'un chariot élévateur, en prenant pour l'analyse de la surface foliaire et de la biomasse (poids sec) une base de sondage de 0,4 m3. Ces caractéristiques structurelles seront utilisées dans des modèles fonctionnels (par exemple, des émissions d'hydrocarbures). Pour anticiper la croissance future des arbres urbains, des centaines de rondelles, coupées à hauteur d'homme et provenant essentiellement d'arbres morts ou presque, ont été fournies par le Bureau de foresterie de Chicago et les communautés périphériques. Des carottes de sondage d'arbres sains sont également analysées pour vérifier l'applicabilité des données relatives à la croissance obtenues avec des arbres malades.

Incidence des forêts urbaines

La structure des forêts urbaines influe directement sur les fonctions de celles-ci (par exemple, transpiration et réduction de la température de l'air qui lui est liée, économies d'énergie, atténuation de la pollution atmosphérique). La quantité, le type, l'emplacement et l'état de la végétation urbaine ont des effets directs sur le nombre des avantages que donne la végétation et sur les coûts connexes.

Incidence sur le climat

L'expansion rapide des villes des Etats-Unis au cours des 50 dernières années a été associée à la hausse constante des températures dans le centre des villes (variant entre 0,1 et 1°C par décennie). Etant donné que la demande d'électricité dans les villes des Etats-Unis augmente de 3 à 4 pour cent lorsque la température augmente d'un degré (°C), environ 3 à 8 pour cent de l'électricité nécessaire pour le refroidissement servent à compenser cet effet d'îlots de chaleur urbaine (Akbari et al., 1992). Le réchauffement des villes par rapport aux zones rurales environnantes a d'autres conséquences, notamment l'accroissement des émissions de dioxyde de carbone provenant des centrales électriques utilisant du combustible fossile; l'augmentation de la demande d'eau urbaine; la concentration malsaine d'ozone; la gêne et les maladies des citadins. En raison de l'accélération de la tendance à l'urbanisation dans le monde, et en particulier dans les régions tropicales, il est urgent d'atténuer les effets des îlots de chaleur urbaine par des moyens économiques. Pour maximiser les économies d'énergie des bâtiments et atténuer les îlots de chaleur, la plantation d'arbres et des soins culturaux corrects peuvent être moins coûteux que d'autres méthodes (par exemple, surfaces peintes en couleurs claires et modification de la géométrie urbaine) (McPherson, 1991).

Les édifices, les surfaces revêtues et la végétation agissent comme des interfaces thermiques entre l'atmosphère et les sols des villes. La structure des espaces boisés urbains influe dans une certaine mesure sur le comportement en température de différents emplacements à l'intérieur d'une ville. Les températures maximales dans les espaces verts des divers terrains bâtis peuvent être de 3°C plus basses qu'en dehors des espaces verts (Saito, Ishihara et Katayama, 1991).

Les forêts urbaines améliorent le climat grâce à plusieurs facteurs: l'ombre qu'elles donnent et qui réduit l'énergie rayon née absorbée, retenue et réfléchie par la surface des édifices; l'évapotranspiration, qui transforme l'énergie rayonnée en énergie latente, réduisant ainsi la chaleur sensible qui réchauffe l'atmosphère; la modification de l'écoulement d'air qui influe sur le transport et la diffusion de l'énergie, la vapeur d'eau et les polluants.

Les arbres qui bordent les rues de Chicago constituent à peu près un tiers du couvert arboré total de la ville

L'importance relative de ces effets dépend de la superficie, de la rugosité de surface et de la configuration de la végétation ainsi que d'autres éléments des sites (Wilmers, 1991). D'une façon générale, les effets climatiques des grands espaces verts se font sentir à des distances plus grandes (de 100 à 500 m) que ceux liés à des aires plus petites (Honjo et Takakura, 1991). Les arbres élevés influent sur la rugosité des surfaces, et les arbres à feuillage caduc contribuent aux variations saisonnières des turbulences (Oke, 1989). L'espacement entre les arbres, l'étendue des cimes et la distribution verticale de la superficie foliaire, ainsi que la hauteur, agissent sur le déplacement de l'air froid et des polluants dans le sens horizontal, le long des rues et par brassage turbulent dans le sens vertical (Oke, 1989; Barlag et Kuttler, 1991). Dans les quartiers d'habitation, un couvert très étendu a été associé aux phénomènes d'inversion qui retiennent l'air froid et les polluants sous la frondaison (Grant, 1991).

Les forestiers urbains de Chicago et d'autres villes cherchent à recueillir des informations pour orienter la prise de décisions concernant la dimension, la distribution et la conception des espaces verts le long des rues, dans les parcs et les propriétés privées. Il y a lieu de penser que les espaces verts peuvent avoir des effets profitables (par exemple, amélioration du confort thermique et de la retenue de l'eau de pluie) et indésirables (par exemple, réduction des rayonnements solaires, propagation de la pollution) sur l'hydroclimat urbain (Oke, 1988; Westerberg et Glaumann, 1991), mais il est encore nécessaire d'en savoir davantage sur les processus fondamentaux.

Un parc urbain dans le comté de Cook (Chicago). Les parcs et les réserves forestières de Chicago ont un couvert arboré moyen de 32 pour cent

Il importe de mieux comprendre comment différentes morphologies des bâtiments urbains et configurations de la végétation influent sur l'humidité locale relative, la température de l'air et la vitesse des vents. De nombreuses études ont analysé les îlots de chaleur urbaine dans une ville à certains moments de la journée, mais très peu de données continues ont été recueillies. Pour mieux comprendre l'effet qu'ont les arbres en milieu urbain sur le microclimat local pendant toute l'année, des modèles empiriques qui lient le climat sous le feuillage aux divers éléments du site local (par exemple, végétation et structure des bâtiments près des capteurs) sont mis au point. Les variables dépendantes sont les différences de valeurs de variables climatiques entre une station de référence à l'aéroport et cinq stations météorologiques portatives. La création de ces modèles doit faire face à certains défis conceptuels, comme la difficulté d'élaborer des paramètres morphologiques qui seront utilisés comme variables indépendantes dans le modèle et de traiter la colinéarité entre ces variables. La nécessité d'utiliser du matériel portatif a entraîné une certaine perte de sensibilité et a en outre exigé une campagne intensive pour que les résidents locaux autorisent la mise en place et la surveillance du matériel dans leur propriété.

Une autre étude sur l'effet de la végétation urbaine sur l'hydroclimat a analysé les flux d'eau et d'énergie dans un grand quartier. Des données sur la surface du sol ainsi que sur la consommation d'eau, d'électricité et de gaz ont été recueillies pour vérifier le modèle d'évaporation interception de Grimmond et Oke (1991). Après validation, le modèle sera appliqué aux effets de l'augmentation et de la diminution du couvert sur le bilan énergétique et hydrique local.

Occupation des sols, espace disponible pour la végétation et peuplements de couverture dans la région de Chicago (en pourcentage)

Région

Arbres

Couvert herbacé 1

Edifices

Surfaces revêtues

Eau

EDV 2

NPC 3

Chicago

11,1

26,9

27,4

32,4

2,2

38,0

29,2

Comté de Cook 4

22,5

44,7

12,6

18,2

2,0

67,2

33,5

Comté DuPage

18,6

56,0

9,4

13,9

2,1

74,6

24,9

Total

19,4

44,4

4,5

19,7

2,0

63,8

30,4

1 Pourcentage de la superficie occupée par l'herbe et le sol.
2 Espace disponible pour la végétation (pourcentage du couvert arboré et herbacé).
3 Niveau de peuplements de couverture (pourcentage de l'espace disponible pour la végétation occupé par des arbres).
4 Comté de Cook, à l'exclusion de Chicago.

Source: McPherson et al., 1992.

Incidence sur la consommation d'énergie

La quantité d'énergie nécessaire pour chauffer ou refroidir les édifices dépend des propriétés thermophysiques de ces derniers, du comportement des occupants et du climat local. En modifiant le climat local, les forestiers urbains peuvent accroître ou diminuer la consommation d'énergie des bâtiments (Heisler, 1986). La réduction d'énergie mesurée (Meier, 1991) et simulée (Huang et al., 1987; McPherson, Harrington et Heisler, 1988) que provoque la végétation autour d'immeubles individuels varie généralement entre 5 et 15 pour cent pour le chauffage et entre 5 et 50 pour cent pour le refroidissement. Les effets globaux des arbres d'un quartier sur la température de l'air et la vitesse des vents sont tout aussi importants que les effets d'écran plus localisés (Huang et al. 1987; Heisler, 1990).

Il ressort des projections obtenues par simulation sur ordinateur que 100 millions d'arbres adultes dans les villes des Etats-Unis (trois arbres pour deux foyers) pourraient réduire la consommation annuelle d'énergie de 30 milliards de kWh (25,8 milliards de kcal), ce qui permettrait d'économiser 2 milliards de dollars sur les dépenses d'énergie (Huang et al., 1987). L'inutilité d'investir dans de nouvelles centrales électriques, ainsi qu'une réduction des émissions de dioxyde de carbone provenant des installations existantes qui devrait se monter à 9 millions de tonnes par an (8,165 milliards de kg), pourrait augmenter considérablement ces économies. Même si l'on tient compte du coût que représentent la plantation, l'arrosage et l'entretien des arbres, c'est là encore une stratégie qui permet d'économiser l'énergie et d'absorber le dioxyde de carbone plus rentable que de nombreuses autres mesures propres à économiser les combustibles.

A Chicago, plus de 75 pour cent des ménages consomment de l'électricité pour la climatisation en été. Selon de premières simulations sur ordinateur, trois arbres de 7,6 m autour d'une nouvelle habitation bien isolée permettraient de réduire les dépenses de chauffage et de refroidissement de 8 pour cent par an (96 dollars), par rapport au même édifice sans arbres. Les économies annuelles obtenues grâce aux arbres se répartiraient comme suit: réduction des besoins de refroidissement en été imputable à l'ombre (37 pour cent); diminution des besoins de refroidissement en été imputable à la baisse de la température par évapotranspiration (42 pour cent); réduction des besoins de chauffage en hiver due à la diminution de la vitesse des vents (21 pour cent).

Les recherches énergétiques du CUFCP utilisent les rapports empiriques entre le climat sous frondaison et les éléments du site pour évaluer les effets du couvert existant, accru ou réduit sur les microclimats des immeubles. Les données relatives au climat modifié serviront, avec les modèles d'analyse énergétique des bâtiments, à identifier l'emplacement optimal des arbres et les meilleures essences afin d'obtenir des économies d'énergie pour le chauffage et le refroidissement.

Incidence sur la qualité de l'air

Les arbres en milieu urbain contribuent à améliorer la qualité de l'air en présentant une large surface qui peut retenir les polluants particulaires; les polluants gazeux peuvent s'y fixer ou s'y dissoudre, surtout lorsqu'ils sont mouillés, et les polluants gazeux peuvent être absorbés pendant l'échange de gaz au niveau des stomates foliaires. Les données sur le rythme auquel les divers polluants se déposent sur les surfaces dans les zones urbaines, et notamment sur les arbres, sont très limitées.

Les arbres, qui absorbent ou interceptent directement les polluants, peuvent en outre influer sur la formation d'un polluant secondaire, l'ozone. La modélisation d'un jour de juin à Atlanta (Etats-Unis) indique que la réduction de 20 pour cent des espaces boisés porterait les concentrations maximales d'ozone de 123 ppm à 140 ppm, en raison surtout d'une hausse de la température de 2°C (Cardelino et Chameides, 1990). Le CUFCP étudie l'ampleur des émissions par la végétation de composés organiques volatils (précurseurs de l'ozone) et les baisses de température atmosphérique dues aux arbres, ainsi que la façon dont ces facteurs influent sur la formation d'ozone dans la région de Chicago.

Incidence sur le dioxyde de carbone atmosphérique

Nombreux sont ceux qui pensent que l'augmentation des niveaux de dioxyde de carbone atmosphérique (CO2) et d'autres «gaz à effet de serre» provoque une hausse de la température de l'air en retenant certaines longueurs d'onde de la chaleur dans l'atmosphère. Cet accroissement du CO2 atmosphérique, principal gaz à effet de serre, est en grande partie imputable à la combustion des combustibles fossiles et dans une mesure beaucoup plus faible au déboisement. Les arbres, par leur processus de croissance, agissent comme un puits pour le dioxyde de carbone atmosphérique. En augmentant donc la quantité des arbres, on devrait pouvoir ralentir l'accumulation de CO2 atmosphérique tant que les arbres sont sains et poussent vigoureusement.

Pour ce qui est de réduire les niveaux de CO2 atmosphérique, les arbres en milieu urbain offrent le double avantage d'absorber directement le carbone et de réduire le CO2 produit par les centrales électriques alimentées par des combustibles fossiles, grâce aux économies d'énergie dues aux arbres bien situés. Le CUFCP calcule actuellement dans quelle mesure les arbres urbains dans la région de Chicago retiennent le CO2 atmosphérique et réduisent les émissions des centrales électriques grâce aux économies d'énergie. En outre, des recherches sont en cours sur le bilan du carbone dans les quartiers pour déterminer combien de carbone (dans les combustibles fossiles) est consommé pour l'entretien de la végétation et quels avantages, du point de vue du carbone, sont tirés de la végétation à l'échelle des quartiers.

Pour illustrer l'incidence potentielle des arbres urbains sur le dioxyde de carbone atmosphérique, l'effet que pourraient avoir 10 millions d'arbres urbains (3,0 cm de diamètre) plantés chaque année aux Etats-Unis entre 1991 et 2000 (figure 2; Novak, sous presse) a été modélisé sur une période de 50 ans. Ces 100 millions d'arbres devraient être plantés dans des emplacements appropriés autour des édifices pour économiser l'énergie.

Figure 2 Quantité cumulée de carbone piégé et évité grâce à la plantation de 10 millions d'arbres par an de 1991 à 2000. Les quantités données postulent qu'aucun arbre ne meurt

En l'an 2040, ces arbres auraient piégé 85 millions de tonnes de carbone et permis d'empêcher la production de 315 autres millions de tonnes de carbone, soit un rapport de 4 à 1 entre le carbone évité et le carbone piégé. Les 400 millions de tonnes au total de carbone piégé et évité constituent une estimation très généreuse car on présume que les 100 millions d'arbres survivront pendant toute la période de 50 ans et on n'a pas calculé le CO2 qui finira par être émis dans l'atmosphère lorsqu'il faudra enlever des arbres. Même ainsi, cette estimation représente moins de 1 pour cent de la quantité des émissions de carbone prévue aux Etats-Unis au cours de la même période de 50 ans (Nowak, sous presse).

Bien que l'incidence relative des arbres urbains sur la quantité croissante de dioxyde de carbone atmosphérique soit faible, les arbres urbains ont bien d'autres avantages, et ils ne font pas que retenir le carbone ou empêcher sa formation.

Avantages et coûts de la végétation urbaine

Les espaces verts urbains fournissent de nombreux services écologiques et sociaux qui contribuent à la qualité de la vie des villes. Toutefois, les approches économiques employées pour estimer la valeur des services liés aux espaces verts (par exemple, acceptation de payer, frais de voyage, etc.) n'ont guère d'utilité pour les responsables des politiques, les planificateurs et les administrateurs car les valeurs fondamentales qu'ils déterminent ne reflètent qu'indirectement le flux des multiples avantages et coûts. Les avantages que procurent les arbres sont des externalités écologiques car ils ne sont pas pris en compte dans les prix à la consommation nous ne payons rien aux arbres qui rafraîchissent nos habitations, mais nous payons les sociétés de services publics pour l'électricité nécessaire aux climatiseurs qui refroidissent nos demeures. L'estimation directe et l'évaluation implicite constituent deux approches utilisées pour déterminer la valeur des avantages écologiques externes que procurent les arbres (McPherson, 1992). La simulation sur ordinateur des effets des arbres sur la consommation d'énergie des édifices donne des estimations directes des avantages. L'évaluation implicite repose sur les coûts de la protection de l'environnement pour estimer quel avantage la société tire de la réduction des externalités, telles que la pollution atmosphérique, le ruissellement des eaux pluviales, ou le bruit de la circulation routière. Par exemple, si une société accepte de payer un chiffre donné (par exemple, 5 dollars U.S./kg) pour la lutte contre la pollution atmosphérique, alors un arbre qui intercepte ou absorbe 1 kg de pollution devrait aussi valoir 5 dollars pour cette fonction.

Une approche comptable des espaces verts, qui lie directement la structure de la végétation au flux spatio-temporel des avantages et coûts fonctionnels, a été appliquée pour un programme de plantation de 500000 arbres à Tucson (Arizona). Des prix ont été attribués à chaque coût (plantation, élagage, enlèvement, irrigation, etc.) et les avantages (baisse des besoins énergétiques pour le refroidissement, interception des particules polluantes, diminution du ruissellement des eaux de pluie) ont été calculés grâce à l'estimation directe et à l'évaluation implicite. Selon les projections, les arbres devraient donner un bénéfice net de 236,5 millions de dollars sur une période prévue de 40 ans (McPherson, 1992). Les arbres plantés dans des parcs fourniraient le meilleur rapport avantages-coûts (2,7) et les arbres bordant les rues dans les quartiers d'habitation le rapport le plus faible (2,2).

L'application de cette approche coûts-avantages est limitée par l'impossibilité d'évaluer les avantages moins tangibles des arbres (par exemple, amélioration de la santé mentale, embellissement), ainsi que par le manque actuel de renseignements détaillés concernant les taux de croissance et de mortalité des arbres urbains, la surface foliaire, l'interception des pluies, les taux d'absorption de la pollution et les coûts d'aménagement. En dépit de ces incertitudes, cette approche comptable des espaces verts sera appliquée à Chicago, car elle permet d'évaluer d'une façon relativement subtile certaines des conséquences économiques et écologiques des initiatives possibles de foresterie urbaine. Le nombre, l'emplacement et les essences d'arbres à planter à Chicago au cours des cinq prochaines années seront déterminés sur la base d'une enquête effectuée auprès des organismes et entrepreneurs. Des prix seront attribués à chaque coût et avantage. Les résultats indiqueront la valeur actuelle nette des avantages et le flux annuel des avantages et des coûts sur une période prévue de 30 ans. Les recommandations en matière d'aménagement auront pour objet des questions telles que le coût-efficacité des plantations en divers emplacements avec des essences différentes; les durées de révolution optimales, les cycles d'élagage et les dimensions initiales des plantations; enfin, les avantages nets des investissements dans les espaces boisés par rapport à d'autres techniques de protection de l'environnement.

Conclusion

Les arbres peuvent avoir une influence considérable sur le milieu urbain, mais, jusqu'ici, rares ont été les recherches visant à quantifier leurs effets. Indépendamment du CUFCP, la climatologie urbaine fait l'objet de recherches dans le cadre du Tropical Urban Climate Experiment (TRUCE) (Oke, Taesler et Olsson, 1991). Les méthodes et modèles provenant des deux projets seront communiqués aux planificateurs d'autres villes.

Les connaissances acquises grâce au CUFCP au cours des prochaines années devraient être considérables, mais il faudra encore effectuer beaucoup plus de recherches pour mieux quantifier et monétiser les avantages environnementaux des écosystèmes forestiers urbains. Une meilleure compréhension de la façon dont les arbres urbains influent sur l'environnement débouchera sur un meilleur aménagement, entraînera des économies monétaires appréciables pour les citadins et créera un milieu urbain plus agréable et plus sain.

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