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Conséquences financières de la politique forestière suédoise

L. Lönnstedt

Lars Lönnstedt travaille au Département des études de foresterie-industrie-commerce à l'Université suédoise des sciences agricoles d'Uppsala (Suède). Le présent article est une adaptation autorisée d'une version originale publiée dans le journal scandinave de recherche forestière (1993) 8:134-143

Le présent article analyse l'incidence des politiques forestières suédoises sur la production durable de marchandises de valeur dans des forêts privées non industrielles. Il illustre aussi le rôle potentiel de l'analyse des politiques dans la formulation, l'exécution et la modification des politiques forestières.

Cet article vise à démontrer que les coûts d'opportunité des stratégies d'aménagement recommandées dans les politiques forestières suédoises sont intéressants sur le plan économique. Pour cela, on a calculé et comparé le rendement et la rentabilité avec quatre stratégies d'aménagement forestier non industriel à partir de modèles de simulation utilisant les données d'un plan d'aménagement récent.

Le principe de rendement équilibré est inscrit depuis longtemps dans la politique forestière suédoise. Il n'était pas énoncé clairement avant la loi forestière de 1948, mais déjà la loi forestière de 1903 précisait que le volume exploité aujourd'hui ne devait pas dépasser le volume qui serait disponible demain (Stridsberg et Mattsson, 1980). En outre, les politiques forestières visent à garantir la qualité des arbres et la répartition équilibrée des classes d'âge.

La loi forestière de 1989 recommande une stratégie d'aménagement visant à maintenir des rendements élevés constants de bois de valeur, qui est appelée ici Stratégie équilibrée. Elle prévoit toutefois différentes variations de cette stratégie, bien qu'elle fixe à la fois un volume de coupe minimal pour une période de 10 ans et une zone de coupe définitive maximale, correspondant respectivement aux Stratégies minimale et maximale.

L'Office national des forêts stipule que, si plus de 30 pour cent de la surface de la forêt a un âge supérieur à l'âge minimal de coupe rase moins 10 ans, il faut alors couper une certaine partie des arbres les plus vieux sur une période de 10 ans. Le pourcentage à couper est déterminé en fonction de l'étendue normale de coupe rase annuelle dans la région, compte tenu du pourcentage d'arbres arrivés à maturité dans le domaine. Si le domaine produit plus de 1 000 m³ par an en accroissement annuel, et qu'il comporte des peuplements dont l'âge dépasse l'âge minimal de coupe rase, des coupes rases seront effectuées tous les 10 ans.

Le volume maximal des coupes est régi par les deux règles suivantes:

· le peuplement doit atteindre un âge minimal avant qu'une coupe rase ne soit autorisée; l'âge minimal moyen pour une coupe rase est d'environ 90 ans, mais il peut varier selon les peuplements en fonction de la vitesse de croissance;

· seule la moitié des forêts du domaine doivent appartenir à la classe d'âge allant de zéro à 20 ans.

Les trois stratégies envisagées dans la loi forestière ont été comparées à un plan d'aménagement, appelé Stratégie économique, selon lequel, lorsque le rendement du capital forestier d'un peuplement est inférieur au coût d'opportunité pour le propriétaire de la forêt, ce peuplement est coupé. Le capital est la valeur des bois sur pied plus la valeur de la terre. Le rendement est l'accroissement de la valeur des bois sur pied en deux ans, par rapport à la valeur totale du peuplement durant la première année.

Le plan d'aménagement forestier, obligatoire depuis 1983, est un outil essentiel pour atteindre les objectifs de la politique forestière suédoise. Il comprend deux volets: le premier décrit l'état de la forêt; le second, à partir des principes de la politique forestière, détermine quand et comment les activités sylvicoles doivent être entreprises dans les différents peuplements.

Analyse politique

Au moyen d'un modèle de simulation (présenté en détail ci-après), les quatre stratégies ont été appliquées à un domaine situé à une centaine de kilomètres au nord de Stockholm, dont les caractéristiques correspondent à celles d'une exploitation forestière «type» (voir tableaux 1a et 1b). Ce modèle a permis de calculer et de comparer les répercussions biologiques et économiques de chaque stratégie sur 100 ans. Des coupes rases et des éclaircies ont été pratiquées au milieu de chaque période de 10 ans, pour les stratégies équilibrée, maximale et minimale. Les coupes rases ont été effectuées conformément à la loi forestière. Par contre, pour la stratégie économique, on a coupé les peuplements en se basant sur les coûts d'opportunité indiqués.

Les éclaircies ont été pratiquées en suivant la méthode habituelle, à savoir 30 pour cent environ du peuplement concerné. Il est courant d'effectuer trois éclaircies par période de rotation: à 30, 50 et 70 ans.

Quand on applique la stratégie équilibrée, le volume exploité pendant les 10 ans ne doit pas dépasser le volume disponible pour toutes les tranches de 10 années à venir. Aucune éclaircie n'a été pratiquée dans les peuplements dont l'âge est inférieur à un seuil donné, qui varie selon les caractéristiques du peuplement: essences, sol, etc. Le volume moyen sur pied a été légèrement augmenté compte tenu de la proportion assez importante d'arbres appartenant aux jeunes classes d'âge. Pour la stratégie minimale, on a effectué les éclaircies nécessaires pour préserver la forêt à l'avenir. Conformément à la loi forestière, les coupes rases ont porté sur 6,8 ha de peuplements âgés. Pour la stratégie maximale, on a coupé 18,2 ha, sans contrevenir à la loi forestière. Les éclaircies nécessaires ont été effectuées. La période de rotation pour chaque peuplement a correspondu à la limite minimale prévue par la loi. Par contre, la stratégie économique a été appliquée sans restriction, à savoir sans taux d'exploitation minimal.

La valeur économique de chaque stratégie est exprimée comme la valeur actuelle nette. Les recettes et les coûts escomptés à l'avenir ont été actualisés par le rendement attendu. Le rendement attendu est souvent appelé «coût d'opportunité» car c'est le rendement auquel on a renoncé en investissant dans le projet plutôt que dans des titres.

Deux taux d'intérêt différents ont été appliqués: 2 pour cent et 4 pour cent. Il s'agit de taux réels dont on a défalqué les effets de l'inflation. Södersten (1987) a montré que l'intérêt réel sur le capital investi dans l'industrie suédoise a oscillé entre 2 et 4 pour cent de 1965 à 1985.

Calculs

Les conséquences biologiques et économiques de la stratégie d'aménagement forestier ont été calculées à l'aide d'un système de soutien décisionnel mis au point pour les propriétaires de forêts privées non industrielles (Hansson, Lönnstedt et Svensson, 1990). Ce système comprend six modules: croissance, économie forestière, économie des autres secteurs (agriculture, par exemple), salaires, résultats économiques totaux, budget et calculs fiscaux. Pour cette étude, on a employé les modules de croissance et d'économie forestière. Ces deux modules sont inscrits dans le progiciel de simulation informatique DYNAMO et utilisent le progiciel commercial Professional DYNAMO Plus, destiné à être utilisé sur ordinateur personnel.

Module de croissance et de rendement.

Ce module calcule la croissance et l'évolution du volume sur pied de chaque peuplement, chaque année. On a recueilli des données sur l'état initial de la forêt pour un plan d'aménagement forestier. Le volume exploité est réparti en fonction de l'espèce et de la qualité, par exemple bois de sciage et bois de pâte. On distingue deux qualités de bois différentes. Le modèle Chapman-Richards (Richards, 1959; Chapman, 1961) est utilisé pour estimer l'évolution du volume d'un peuplement quand on connaît l'état de la forêt. L'équation numérique de cette fonction du rendement mise au point par Nilsson (1982) est la suivante:

Tot = 164,16 (1 - 6,3582 - Rel/100)2,8967

oú:

- Tot est la production totale relative (en m³ sk/ha) à un âge donné1;

- Rel est l'âge relatif, à savoir l'âge absolu rapporté à l'âge auquel l'accroissement annuel moyen est à son point culminant.

1 sk = suédois.
1 m³ sk = 0,83 m³.

La croissance durant une période déterminée est la différence entre la production totale au début et à la fin de la période considérée. Les paramètres utilisés pour la fonction de croissance dans les conditions locales reposent sur des données de l'Inventaire forestier national suédois dressé chaque année et couvrant tout le pays. Cette fonction est ajustée pour chaque peuplement du domaine forestier examiné à partir de données sur l'âge, la classe du site, le volume sur pied et le mélange des essences (Hägglund, 1972). Le rendement est calculé à partir du diamètre moyen pondéré des surfaces terrières. L'accroissement du diamètre est déterminé à partir d'une fonction établie par Ollas (1980):

log(MD) = a1*log(AGE) + a2*log(SI) +a3

où:

- MD est le diamètre moyen pondéré de la surface terrière (cm);

- AGE est l'âge du peuplement (années);

- SI est l'indice de la classe du site (1);

- ai sont les constantes.

TABLEAU 1a. Principales caractéristiques des forêts-échantillons


Superficie totale (ha)

Moyenne du volume sur pied (m³ sk/ha)

Moyenne des classes de site (m³ sk/an)

Pourcentage des peuplements à maturité

Forêt-échantillon

76,2

123

6,25

30

Forêt moyenne

60

136

5,9

26

Note: 1 m³ sk = 0,83 m³

TABLEAU 1b. Répartition des essences dans les forêts-échantillons (en pourcentage)


Pins d'Ecosse

Pins de Norvège

Essences autres que les conifères

Forêt-échantillon

57

39

4

Forêt moyenne

44

41

15

Evolution du volume sur pied à l'hectare en appliquant différentes stratégies d'aménagement forestier

Module d'économie forestière. Compte tenu du volume des éclaircies et des coupes définitives, le revenu net est ainsi calculé: volume x revenu - coûts des coupes. En Suède, le revenu par mètre cube dépend de la qualité et de la classe de diamètre. La liste des prix est insérée comme donnée dans le module. On part de l'hypothèse que les prix et les coûts, en valeur réelle, restent invariables pendant 100 ans, à partir de l'année de référence 1990. Mais la sensibilité des résultats aux fluctuations des prix est examinée plus loin dans cet article.

Dans ce module, les coûts des coupes varient selon le système d'abattage et le diamètre des arbres coupés. Les coûts englobent les coûts variables et les coûts fixes. On part de l'hypothèse que l'abattage, le débardage, la plantation et le nettoyage sont effectués par un entrepreneur sous contrat utilisant du matériel moderne.

Résultats

Programmes de coupe

Avec la stratégie équilibrée, le volume moyen des coupes annuelles est de 340 m³ sk (282 m³). La stratégie minimale donne un volume légèrement inférieur: 320 m³ sk (266 m³) par an. La stratégie maximale augmente considérablement le volume de coupe: près de 390 m³ sk (324 m³) par an (voir tableau 2).

En opposition avec la Stratégie équilibrée recommandée dans la loi forestière et avec les stratégies minimale et maximale conformes à cette loi, on a appliqué une stratégie économique assortie de taux d'intérêt variables. Quand les taux d'intérêt sont de 2 et 4 pour cent, le volume total de coupe pendant toute la période est à peu près similaire: environ 370 m³ sk (307 m³) par an.

Etat de la forêt

Lorsqu'on applique la Stratégie équilibrée, le volume sur pied moyen augmente de 57 m³ sk (47 m³) par an pendant la période considérée (voir figure et tableau 2). L'accroissement est légèrement supérieur à celui qui a été obtenu en 1990. En 2090, la répartition de la classe d'âge est normale.

La Stratégie minimale donne un volume sur pied légèrement supérieur à celui de la stratégie équilibrée (voir figure et tableau 2). Le volume sur pied moyen à l'hectare est de 182 m³ sk (151 m³) contre 160 m³ sk (133 m³) avec la stratégie équilibrée. Un quart de la zone forestière est couverte de forêts de plus de 100 ans d'âge.

TABLEAU 2. Volume sur pied, accroissement et coupe annuelle moyenne, de 1990 à 2090, en appliquant les différentes stratégies d'aménagement

Stratégie

Volume sur pied

Accroissement

Coupe annuelle 1990-2090 (m³ sk)

2090

1990-2090

2090

1990-2090

(m³ sk/ha)

(m³ sk/an)

Minimale

182

+59

4,5

+0,1

321

Equilibrée

160

+57

4,8

+0,4

339

Maximale

83

-40

3,9

-0,5

387

Economique

Taux d'intérêt de 2%

162

+39

5,1

+0,7

371

Taux d'intérêt de 4%

91

-31

4,2

-0,1

372

Note: 1 m³ sk = 0,83 m³.

TABLEAU 3. Valeur actualisée nette du revenu net et valeur des bois sur pied en appliquant les différentes stratégies d'aménagement forestier pendant 100 ans (KrS de 1990)

Taux d'intérêt

Stratégie

Revenu net des coupes

Valeur des bois sur pied (millions de KrS)

Valeur actualisée (millions de KrS)

Moyenne (KrS/m³ sk)

Total (millions de KrS)

nette totale

2 pour cent

Minimale

82

2,65

0,43

3,08


Equilibrée

82

2,96

0,36

3,32


Maximale

87

3,36

0,17

3,53


Economique

83

3,07

0,36

3,43

4 pour cent

Minimale

40

1,29

0,06

1,35


Equilibrée

55

1,55

0,05

1,60


Maximale

53

2,04

0,02

2,06


Economique

60

2,22

0,02

2,22

Note. Deux taux différents sont appliqués: 2 et 4 pour cent.
1 dollar des Etats-Unis = 7,25 couronnes suédoises (mai 1993).

Avec la Stratégie maximale, le volume sur pied diminue. En 2090, le volume sur pied n'est que de 83 m³ sk (69 m³) par hectare. On ne trouve aucune forêt de plus de 100 ans d'âge, mais plus de 40 pour cent des forêts appartiennent à des classes d'âge inférieures à 20 ans.

Quand on applique la Stratégie économique avec des taux d'intérêt variables, on obtient deux forêts différentes. Avec un taux d'intérêt de 2 pour cent, le volume sur pied est semblable à celui de la Stratégie équilibrée. Mais, à la fin de la période, l'accroissement est quelque peu supérieur. La répartition des classes d'âge est plus irrégulière.

A première vue, la Stratégie maximale et la Stratégie économique avec un taux d'intérêt de 4 pour cent sont similaires. Mais quand on applique la Stratégie économique avec un taux de 4 pour cent, aucun peuplement n'appartient aux classes d'âge supérieures à 80 ans en 2090, tandis qu'avec la Stratégie maximale près de 10 pour cent des peuplements rentrent dans ces classes d'âge. Les taux d'intérêt élevés aboutissent à une production de volume (bois de pâte) avec de brèves périodes de rotation.

Résultat économique

Les taux d'actualisation sont de 2 et 4 pour cent (voir tableau 3). Au taux de 2 pour cent, la Stratégie maximale donne la valeur actualisée nette la plus élevée. Mais les Stratégies économique et équilibrée donnent à peu près les mêmes résultats. Une des raisons pour lesquelles la Stratégie maximale est supérieure à la Stratégie économique pourrait être que les critères économiques choisis reposent sur une seule période prospective. Cela entraîne un risque de suboptimisation car le bois vieux a plus de valeur.

Au taux de 4 pour cent, la Stratégie économique donne la valeur actualisée nette la plus élevée. La Stratégie maximale arrive presque au même résultat. Plus le taux d'intérêt est élevé, moins les résultats économiques sont bons à longue échéance.

Débat

Valeur économique

Le tableau 4 compare les résultats des quatre stratégies d'aménagement forestier, avec deux taux d'intérêt différents, en utilisant la Stratégie économique comme référence. Un indice inférieur à 100 indique que la Stratégie économique est meilleure; un indice supérieur à 100, que la stratégie examinée est supérieure à la Stratégie économique. Les stratégies de coupe intensive - Stratégie économique ou Stratégie maximale - donnent des bénéfices élevés et satisfont les intérêts économiques du propriétaire de la forêt.

Pour évaluer la sensibilité des résultats aux fluctuations de prix, on a comparé les résultats de la Stratégie économique à ceux des autres stratégies en appliquant différents prix. On a simplifié les choses en changeant les prix de 0,5 pour cent par an, pour une qualité de bois à la fois.

Quand le prix augmente, au bout de 100 ans il est supérieur de 65 pour cent au niveau actuel; si le prix baisse, il est inférieur de 40 pour cent après 100 ans.

Evidemment, les résultats économiques sont meilleurs quand le prix augmente. La valeur actualisée nette totale augmente, à un taux d'opportunité de 4 pour cent, de 6 à 7 pour cent pour le bois de sciage et pour le bois de pâte.

Les baisses de prix n'influent que très peu (2 pour cent) sur la valeur actualisée nette totale, à un taux d'opportunité de 4 pour cent, surtout parce que les baisses de prix poussent à augmenter les coupes afin de compenser les pertes. L'accroissement du volume permet plus ou moins de contrebalancer le fléchissement des prix.

Autres objectifs

Des études empiriques portant sur les objectifs des propriétaires de forêts privées non industrielles montrent que les résultats économiques ne sont pas les seuls recherchés (Kurtz et Lewis, 1981; Young et Reichenback, 1987; Lönnsted, 1989; Lönnstedt et Törnqvist, 1990). C'est pourquoi le tableau 4 inclut également des indicateurs de l'état de la forêt. Il est tout aussi important de maintenir la propriété familiale, le mode de vie et l'état de la forêt. Parmi les objectifs économiques, il est généralement plus important de pouvoir compter sur un revenu stable que de tirer un revenu maximal de la forêt. C'est une des principales raisons justifiant l'application de la Stratégie équilibrée.

En Suède, une forêt appartient en moyenne à la même famille pendant une vingtaine d'années. Les calculs sur 100 ans portent donc sur quatre à six propriétaires dont les décisions ne dépendront pas exactement des mêmes critères. Mais il serait bon que les différentes générations se conforment aux mêmes principes de base. Si on privilégie les résultats économiques, la Stratégie économique peut être une bonne solution. Si on s'intéresse à la fois aux considérations biologiques et aux profits économiques, la Stratégie équilibrée semble un bon compromis. Un propriétaire peut avoir de bonnes raisons de refuser la Stratégie équilibrée pendant quelques années, mais il doit toujours envisager les conséquences de ses décisions pour les générations à venir.

Coût de la Stratégie équilibrée: les décisions

Il importe que les propriétaires et les sociétés forestières connaissent bien le coût de la Stratégie équilibrée. Ils pourront ainsi décider en toute connaissance de cause s'ils sont prêts à y faire face.

Quel est le «prix» de l'application d'un plan d'aménagement forestier autre que la Stratégie économique? Le tableau 5 évalue ce prix pour chaque stratégie. Au taux d'intérêt de 4 pour cent, la valeur actualisée nette d'un domaine administré selon la Stratégie équilibrée pendant les 100 prochaines années s'élève à 620 000 couronnes suédoises, soit 85 517 dollars des Etats-Unis, vu que 1 dollar = 7,25 couronnes en mai 1993. Cela représente 8 100 couronnes (1 117 dollars) par hectare de moins qu'avec la Stratégie économique. Hultkrantz (1983; 1987) estime que la politique forestière suédoise aboutit à un mauvais emploi et à un gaspillage des ressources.

Cependant, la valeur d'une forêt ne dépend pas uniquement du bois qu'on en extrait. La stratégie d'aménagement adoptée détermine l'avenir même de cette forêt. Mattsson et Chuan-Zhong (1991) soulignent que l'importance du secteur forestier pour l'économie suédoise n'est nullement mise en doute, mais cela ne signifie pas qu'exploiter la forêt exclusivement pour son bois soit une bonne pratique économique. Les forêts peuvent servir les intérêts plus élevés de la société si elles sont aménagées selon le concept d'utilisation polyvalente inhérent aux recommandations de la loi forestière en matière d'aménagement. Hultkrantz (1991) a tenté d'évaluer les produits forestiers non commercialisés en Suède. Il estime à 3 milliards de couronnes (414 millions de dollars), la valeur du bois de feu, des baies, des champignons et du gibier en 1987. La même année, la valeur du bois de sciage et du bois de pulpe était de 13,75 milliards de couronnes (1,89 milliard de dollars).

TABLEAU 4. Comparaison des résultats des différentes stratégies d'aménagement forestier en utilisant la stratégie économique comme base de référence (en pourcentage)

Taux d'intérêt

Stratégie

Valeur actualisée nette totale

Volume sur pied

Répartition des classes d'âge

£ 19 ans

80 ans

2 pour cent

Minimale

90

112

84

137

Equilibrée

97

99

74

111

Maximale

103

51

160

34

4 pour cent

Minimale

61

200

58

-

Equilibrée

87

176

51

-

Maximale

93

91

111

-

TABLEAU 5. Résultats économiques positifs ou négatifs des stratégies recommandées 1 par rapport aux résultats de la Stratégie économique (KrS de 1990)

Taux d'intérêt

Stratégie

Minimale

Equilibrée

Maximale

(KrS/ha)

(KrS/ha)

(KrS/ha)

2 pour cent

-8 100

-20 300

-1 400

4 pour cent

-2 100

-28 700

-1 300

1 Stratégies recommandées par la loi forestière suédoise: minimale, équilibrée et maximale (Gouvernement suédois, 1989).
Note: 1 dollar des Etats-Unis = 7,25 couronnes suédoises (mai 1993).

La stratégie choisie influe également sur la forêt comme zone de loisirs, sur la biodiversité et sur l'absorption du gaz carbonique. La forêt est aussi un lieu d'agrément pour la population qui tire satisfaction du fait que la nature est ainsi conservée. Les arbres servent également à fixer le gaz carbonique et à éviter un réchauffement de la planète. Du point de vue de l'environnement, il est donc positif de conserver un volume important de bois sur pied.

Malheureusement, il est encore difficile de déterminer la valeur économique des critères sociaux et écologiques de l'aménagement forestier. Un des motifs justifiant de préférer la Stratégie économique aux Stratégies minimale et maximale plus radicales est le fait qu'elle conserve la liberté de choix à l'avenir. Par exemple, dans 10 ou 20 ans, les connaissances sur les qualités et les espèces les plus appréciées et sur leur valeur commerciale se seront affinées.

Recommandations

Pour choisir les stratégies d'aménagement forestier, il importe de connaître les conditions locales, par exemple la situation économique du propriétaire et du domaine, l'état de la forêt, les aspects biologiques et écologiques. Généralement, le propriétaire connaît bien tout cela. Pour décider en toute connaissance de cause il faut connaître le coût des différentes stratégies. Il importe aussi que le propriétaire soit responsable en premier chef des choix qui seront faits.

Il conviendrait donc que la loi forestière fasse preuve d'une plus grande souplesse. Certes, la loi doit énoncer clairement certaines règles essentielles d'aménagement forestier, mais en assouplissant ses dispositions et en offrant plusieurs options aux propriétaires de forêts privées non industrielles, on obtiendrait différents avantages. Les coûts d'administration et de surveillance diminueraient. Il est probable qu'une réglementation moins rigide favoriserait une plus grande variété dans les forêts privées. Ce serait un avantage du point de vue biologique, mais cela per mettrait aussi de mieux répondre aux besoins, encore inconnus, des générations futures.

Conclusion

L'analyse qui précède démontre l'utilité d'objectifs clairs pour les politiques forestières et met en lumière l'incidence des politiques forestières sur les pratiques forestières. C'est un bon exemple de la manière dont l'analyse logique peut être employée pour favoriser un changement de politique. Bien que l'analyse décrite dans cet article ait été faite après la formulation de la politique, elle montre bien l'utilité de ce genre d'analyse dans le processus de formulation des politiques.

L'emploi d'un modèle de simulation per met de connaître les incidences potentiel les des politiques et de décider en toute connaissance de cause.

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