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2. APPORT DE L'APPROCHE PARTICIPATIVE

2.1. Introduction

Depuis plusieurs années, on peut observer un changement dans la perception du monde rural tant de la part des gouvernements que des bailleurs de fonds ou des partenaires au développement. La tendance actuelle est de prendre en compte non seulement les limites du potentiel du milieu physique, mais également les divers besoins (eau, alimentation) des populations, notamment en matière de production agricole, d'élevage, de produits forestiers, et par ailleurs d'insister sur le rôle que jouent ces dernières dans l'exploitation et la gestion des ressources de leur terroir.

L'approche participative, outil privilégié permettant l'association active et responsable des populations, est née du constat d'échec des stratégies d'intervention préconisées par le passé, ainsi que de la volonté assez récente des gouvernements d'intégrer la dimension "participation des populations" aux politiques de développement rural. Elle vient en appui des actions menées en faveur de la décentralisation des services techniques, des efforts pour un désengagement de l'Etat et la privatisation des activités de production et de gestion, dont l'exploitation forestière.

Basée sur l'instauration d'un dialogue services techniques/populations et fondée sur le concept de participation et de partenariat, la méthodologie d'approche participative est novatrice à plus d'un titre. Elle a pour objectif principal d'associer étroitement les populations dans la conception et la gestion de toutes les activités de développement de leur milieu et de leur terroir (4).

L'approche participative n'est pas une fin en soi, mais un ensemble méthodologique - utilisant une série d'outils - qui vise à assurer les conditions nécessaires à la sauvegarde des ressources naturelles. Elle contribue de ce fait au développement socio-économique du terroir. L'approche participative tend en réalité à modifier la perception du rôle de chacun des intervenants (Etat, services techniques, populations, etc.) dans la gestion des ressources naturelles, à proposer un partage de responsabilités entre les différents partenaires. Elle favorise la prise de décision et la prise en charge par les populations des actions destinées à améliorer les conditions d'exploitation des ressources et aménager leur espace-terroir.

En d'autres termes, il s'agit d'associer et d'impliquer étroitement les populations aux différents niveaux et étapes du processus, à savoir:

B>L'approche participative est un processus dynamique en ce sens qu'elle évolue dans le temps, en fonction des spécificités et des conditions locales. Elle s'appuie sur la connaissance et la perception qu'ont les populations de leur milieu et de l'interaction des différents éléments qui entrent en jeu dans la gestion du terroir.

Toutefois, ces dernières - parce qu'elles sont le plus souvent confrontées à de nombreux problèmes à résoudre au quotidien - peuvent ne pas percevoir l'enjeu et l'ampleur de la dégradation et des changements du milieu auxquels elles tentent toutefois de s'adapter; elles peuvent également ne pas être conscientes du rôle qu'elles jouent sur l'évolution à long terme de l'état des ressources naturelles et du couvert forestier. Une des étapes essentielles de l'approche participative est de permettre cette prise de conscience de l'impact des différentes pratiques sur le milieu et de réfléchir avec les populations sur les possibilités de les améliorer.

Mise au point au Sénégal à la fin des années 80 et expérimentée au niveau de plusieurs projets forestiers (5), l'approche participative en tant que méthodologie a été progressivement appliquée à d'autres projets, d'autres pays et à des contextes variés, comme l'aménagement des formations naturelles au sud de Ouagadougou (Burkina Faso), l'aménagement des forêts classées et la gestion des terroirs ou la lutte contre l'ensablement des terres de culture (Niger). Les résultats de ces diverses expériences sont analysés au chapitre 2.3, consacré à l'application de l'approche participative.

L'intérêt que l'approche participative a suscité au Sénégal et dans les pays voisins a été notamment à l'origine de l'organisation de nombreux ateliers nationaux et/ou sous régionaux d'échanges, de formation..., ainsi que de sa formalisation sous forme d'un manuel de formation à l'intention des cadres et agents de terrain (6). La méthodologie d'approche participative a par ailleurs été adoptée au Sénégal par la Direction des Eaux et Forêts, Chasse et Conservation des Sols (DEFCCS) en tant que méthodologie la plus appropriée pour la gestion des ressources forestières et le développement de la foresterie rurale.

Le texte suivant est subdivisé en trois parties:

2.2. Fondements et principes de l'approche participative (7)

L'approche participative est fondée sur l'établissement d'un dialogue permanent entre populations et agents techniques, sur le respect mutuel et le principe du partenariat, ainsi que sur la reconnaissance du savoir-faire local. A ce titre, elle doit être considérée comme une méthodologie privilégiée d'intervention en milieu rural, qui permet la prise en charge progressive et concertée des actions de développement au niveau du terroir.

Elle comporte une série d'étapes: identification/connaissance du milieu; sensibilisation/prise de conscience par les populations des enjeux environnementaux et des possibilités d'agir sur le milieu; identification des problèmes et recherche de solutions; organisation de la prise en charge et programmation des actions à entreprendre; formation thématique et vulgarisation; évaluation périodique des actions en cours par les populations et suivi-évaluation du programme et de l'ensemble de la démarche, débouchant sur une prise en charge progressive des actions de développement au niveau du terroir par les populations et une appropriation du processus par l'ensemble des intervenants (population, agents techniques, autres).

Ces étapes, décrites ci-après dans un ordre théorique, seront plus ou moins développées selon le contexte du pays ou de la région. Certaines d'entre elles, par exemple la formation, peuvent s'avérer moins nécessaires ou moins importantes, selon le type d'action identifié ou la maîtrise réelle de sa réalisation par les populations. Toutefois, il importe de ne jamais négliger l'une de ces étapes et de ne pas en supprimer a priori.

Caractéristiques d'un processus dynamique et organisées en quatre phases, ces différentes étapes se succèdent dans un ordre déterminé comme le montre la Figure 1.

Figure 1. Déroulement de la mise en œuvre de l'approche participative.


Conception: Projet appui au programme national de foresterie rurale du Sénégal
FAO: GCP/SEN/042/NET. Dessins: M. Aly Nguer Diop

Elles sont menées de manière à atteindre les objectifs de chacune des trois ou quatre phases qui jalonnent la mise en œuvre de l'approche participative, à savoir:

Ces différentes phases ou étapes sont résumées dans le Tableau 1 et la Figure 2.

Tableau 1. Composantes de l'approche participative en fonction des objectifs poursuivis lors de chaque phase.

PHASES COMPOSANTES OBJECTlFS RÉSULTATS
1
PROGRAMMATION DES ACTIONS AU NIVEAU DU TERROIR
  • Connaissance des partenaires
  • Connaissance du milieu et des situations
  • Echanges d'informations
  • Analyse-Diagnostic
  • Définition d'une situation de référence
  • Sensibilisation/Prise de conscience
  • Identification des problèmes
  • Recherche des solutions/ Valorisation du savoir-faire local
  • Instauration d'un partenariat
  • Programmation des actions à la base par les populations
  • Volonté d'agir des différents partenaires et définition des responsabilités
2
RÉALISATION ET GESTION DU PROGRAMME
  • Organisation de la prise en charge des actions programmées
  • Recherche - Amélioration par formation thématique et auto-évaluation des actions en cours
  • Réalisation/conduite des actions-gestion des programmes
  • Engagement et prise de décision concertée
3
SUIVI-ÉVALUATION DU PROCESSUS
  • Evaluation globale des résultats, du processus, de la participation et de l'engagement solidaire
  • Suivi-évaluation concerté des actions en cours avec tous les intervenants
  • Rigueur/conformité à la situation de référence
4
AUTO-PROMOTION ET AUTO-DÉVELOPPEMENT LOCAL
  • Retour à la phase de programmation et aux différentes étapes (Figure 1), y compris sensibilisation si nécessaire
  • Programmation et réalisation/évaluation d'actions de développement nouvelles
  • Acquisition progressive et maîtrise des outils pour un auto-développement local
  • Solidarité et continuité de l'engagement de l'ensemble des partenaires

La première phase de programmation des actions à entreprendre (Etapes 1 à 4) est capitale pour l'instauration d'un climat de confiance et de partenariat entre les villageois et les services techniques.

La deuxième phase (Etapes 5 et 6) concrétise l'engagement effectif et la volonté d'agir ensemble pour la restauration et le développement des ressources naturelles sur une base Durable par la mise en œuvre et la gestion/évaluation des actions en cours de réalisation.

La troisième phase (Etape 7) permet, quant à elle, grâce à un suivi-évaluation périodique les résultats acquis, de corriger ou d'améliorer les actions menées et d'évaluer la participation réelle et l'engagement effectif des différents partenaires. Elle permet également de procéder à une évaluation globale en fin de phase (situation 1) et de valider l'ensemble du processus afin d'étendre par la suite le champ d'action à d'autres interventions identifiées ou à identifier.

Située dans la continuité de l'étape 6 (auto-évaluation des actions en cours par les populations), elle s'en distingue par l'appropriation progressive de la méthode par l'ensemble des partenaires - et plus particulièrement les populations - et par une évaluation globale des différentes étapes et résultats, ce qui permet au processus de redémarrer.

Une quatrième phase et une huitième étape peuvent être ajoutées aux trois phases et sept tapes généralement définies par les praticiens de l'approche participative. Comme le montrent les figures 1 et 2, cette quatrième phase - caractérisée par un certain nombre Je retours aux différentes étapes de diagnostic, de programmation et de réalisation les programmes d'actions - s'avère particulièrement intéressante pour traduire l'idée de cycle de l'approche participative et de processus permettant la mise en place: l'une dynamique d'auto-développement du terroir. L'objectif final recherché est en effet de créer les conditions d'une auto-promotion des actions de développement au niveau local ou au niveau du terroir.

Le déroulement de ces différentes phases/étapes s'appuie sur un ensemble d'outils de diagnostic, comme la MARP (Méthode accélérée de recherche participative) présentée, succinctement dans l'Encadré n° 1, ainsi que sur la mise en œuvre d'une série d'outils et méthodes de communication qui permettent précisément d'instaurer le dialogue et de susciter l'engagement des populations. Toutefois, dans un souci de clarté, ceux-ci feront l'objet d'un développement spécifique (voir chapitre 3).

2.2.1. Phase 1: Programmation des actions à la base (étapes 1 à 4) (figure 2 - tableau 2)

La phase de programmation des actions comporte quatre étapes. Elle est basée sur une analyse-diagnostic et la connaissance du milieu et des terroirs (Etape 1) dans lorsque les populations évoluent. Elle est suivie d'une étape de sensibilisation aux enjeux environnementaux (Etape 2), basée notamment sur les éléments et pratiques mis en évidence lors du diagnostic. Elle comporte de nombreuses séances d'échanges entre services techniques et populations.

Figure 2: Organisation du cycle de l'approche participative

Phases Etapes

}

x N cycles --> Auto-promotion du développement local
1 Programmation des actions 1 Information/connaissance
2 Sensibilisation/prise de conscience
3 Identification problèmes/recherche de solutions
4 Organisation et programmation
2 Réalisation et gestion du programme 5 Formation thématique
6 Evaluation des actions en cours
3 Suivi-évaluation du programme 7 Suivi-évaluation
4 Auto-promotion 8 Retour à la phase de programmation

Tableau 2. Phase 1: programmation des actions à entreprendre (Etapes 1 à 4)

ETAPE OBJECTIFS RECHERCHÉS SUPPORTS MÉTHODOLOGIQUES UTILISÉS REMARQUES
1.
INFORMATION/ CONNAISSANCE
  • Etablir un bilan-diagnostic du milieu physique et socio-économique de la zone d'intervention (Niveau terroir)
  • Situation de référence ou Situation 0
  • Créer une base de concertation entre agents techniques et populations
  • ConsuItation des documents et études existants/Etudes complémentaires
  • Prise de contacts/Echange d'information
  • MARP (phase exploratoire)
  • Lecture d u terroir/Carte du village
  • Album photographique
  • Radio rurale/Cassette audio/Vidéo
  • Importance d'un diagnostic multidisciplinaire rassemblant toutes les connaissances et compétences pour éviter toute erreur d'interprétation (approche terroir)
  • Diagnostic participatif
2.
SENSIBILISATION/ PRISE DE CONSCIENCE PROGRESSIVE
  • SensibiIiser les populations sur les enjeux environnementaux
  • Faire prendre conscience des changements intervenus, du rôle de chaque facteur et des différentes responsabilités en Jeu
  • Assemblées villageoises (causeries, débats)
  • Méthode GRAAP, Diapo-langage, Film fixe, Tableau-images, Radio rurale
  • Moyens traditionnels de communication et visites inter-villageoises
  • Implication de toutes les catégories sociales (femmes, hommes, enfants)
  • Etablissement des liens de causes à effets par les populations elles-mêmes
  • Changement des mentalités: dégradation ne signifie pas fatalité
3.
IDENTIFICATION DES PROBLÈMES/ RECHERCHE DE SOLUTIONS
  • Recenser les différents problèmes ressentis par les populations
  • Analyser les solutions proposées par les pratiques traditionnelles
  • Rechercher toute autre solution susceptible d'améliorer le résultat
  • MARP, GRAAP
  • Diapo-langage, Radio rurale, Vidéo
  • Moyens traditionnels de communication
  • Hiérarchisation des problèmes identifiés et des priorités par les populations
  • Identification de solutions adaptées au milieu
  • Importance - de la mise en valeur des connaissances et pratiques paysannes
4.
ORGANISATION DE LA PRISE EN CHARGE DE L'ACTION/ PROGRAMMATION
  • Mettre en place un dispositif d'organisation pratique et de programmation dans le temps du déroulement des actions à entreprendre
  • Organiser les populations en comités responsables et définir avec les participants partenaires les modalités pratiques de prise en charge
  • GRAAP, MARP, Diapo-langage
  • Cassette-audio, Radio rurale, Vidéo
  • Moyens de communication traditionnels
  • Nécessité d'une préparation minutieuse de la mise en œuvre des différentes actions
  • Définition claire des responsabilités et modalités d'implication (calendrier d'exécution, moyens techniques et humains, financement, contrats et protocoles)

 

Encadré N°1

MÉTHODE ACCÉLÉRÉE DE RECHERCHE PARTICIPATIVE (MARP)

DÉFINITION:

Méthode participative de diagnostic rapide des conditions physiques et socio-économiques au niveau du terroir et de conception de schéma d'aménagement intégré

OBJECTIF:

Appréhender les potentialités, l'état des ressources naturelles et les contraintes du milieu physique et socio-économique, ainsi que les stratégies des populations en matière de gestion des ressources naturelles

CARACTÉRISTIQUES:

  • Outil de diagnostic rapide, multidisciplinaire
  • D'utilisation aisée, elle permet d'acquérir une certaine connaissance des situations rurales
  • Valorisation du savoir-faire local
  • Utilisable à plusieurs étapes de l'approche participative: recherche exploratoire (Etape 1), recherche thématique (Etape 3), planification (Etape 4), évaluation (Etape 6)
  • Visualisation sur carte de l'information (carte du terroir) ou de l'action (programmation dans le temps et dans l'espace)
  • Etablissement d'une situation de référence

PRINCIPALES INFORMATIONS RECUEILLlES:

Caractéristiques du milieu physique, humain et socio-économique du terroir, systèmes d'exploitation et dynamique d'occupation des terroirs
Historique du terroir, encadrement (structures d'encadrement, projets dans la zone d'intervention), modes d'organisation sociale

PRINCIPAUX OUTILS UTILISÉS:

  • Séances d'animation, entretiens individuels ou en groupe (entretien semi-direct)
  • Observation/Ecoute
  • Lecture du terroir sur base participative
  • Production de cartes, de documents cartographiques et figures: carte du terroir - transects (unités morphopédologiques) - calendrier des activités agricoles et autres

REMARQUES:

Importance de connaître l'objectif de départ

L'objectif de ces différentes séances est la prise de conscience progressive à la fois du rôle, de la responsabilité de tout un chacun dans la dégradation de l'environnement et du couvert forestier et des possibilités d'agir pour améliorer les conditions du milieu. Elles doivent déboucher notamment sur un engagement effectif des populations pour des actions de sauvegarde et de gestion durable des ressources du milieu à leur profit.

Les différentes étapes de diagnostic, de sensibilisation/prise de conscience des enjeux et responsabilités permettent aux différents partenaires (populations, services techniques, ONG, projets) de situer les enjeux, d'identifier les problèmes et priorités et de réfléchir aux solutions possibles. Cette étape d'identification des problèmes et de recherche de solutions (Etape 3) est basée sur une connaissance précise du terroir, de son potentiel réel, des pratiques traditionnelles de gestion des ressources naturelles, des contraintes, etc. La réalisation de cette étape introduit l'étape 4 et permet à son tour de programmer et de planifier les actions à entreprendre.

La hiérarchisation des problèmes et le choix des solutions sont discutés, proposés et adoptés par les populations elles-mêmes, le but recherché étant que les solutions soient réalisables au niveau du terroir et maîtrisables par les populations. A ce niveau le rôle de l'agent technique consiste à aider les populations dans leur réflexion et de valoriser au mieux les stratégies, les expériences et les savoir-faire paysans.

Il est important de noter, à ce stade, que le choix des solutions par les populations ne signifie pas qu'aucune amélioration ou innovation technologique ne doit ou ne peut être introduite. Cependant, l'agent technique doit veiller à ne pas l'imposer par l'extérieur comme étant d'emblée la solution la meilleure ou la plus appropriée.

En effet, l'éventualité de toute innovation doit être discutée au préalable avec les populations, être comprise et réalisable par elles. C'est le cas des techniques de mise en place de pépinières forestières, des techniques d'agro-foresterie ou de sylvo-pastoralisme, dont on sait qu'elles peuvent apporter des réponses adaptées et qu'elles contribuent à l'évolution des systèmes de culture et d'élevage. Pour être acceptées, ces techniques - qui se réfèrent par ailleurs aux pratiques existantes - doivent permettre de concilier gestion durable des ressources naturelles et augmentation de la production.

La programmation, étape ultime et objectif de la première phase, doit contenir les éléments suivants pour chaque action: objectifs visés et résultats attendus, organisation dans le temps (calendrier d'exécution) et dans l'espace, choix des responsables de l'action et modalités d'intervention pratique, moyens techniques (main-d'œuvre, outillage, matériaux, disponibilité...) et financiers nécessaires (y compris les parts des différents partenaires et financement éventuel à rechercher), besoins en formation et appui technique nécessaire, etc.

Afin de faciliter la réalisation et le suivi des différentes actions, il est nécessaire de mettre en place lors de cette phase un "cadre organisationnel" adéquat, c'est-à-dire d'aider les populations à s'organiser en comités villageois de gestion ou en groupements responsables des actions programmées.

Ces comités peuvent s'appuyer sur l'organisation sociale traditionnelle (groupements de femmes, de jeunes, etc.) ou être formés par type d'action. Ils peuvent prendre différents noms, comme par exemple les Groupements de gestion forestière (Burkina Faso, Sénégal), les Comités de développement villageois (Niger, Sénégal). Une fois mis en place, ces comités ou groupements sont reconnus responsables de telle ou telle action. Si plusieurs comités sont mis en place au niveau du village, il est préférable de prévoir une structure de coordination et assurer la complémentarité des actions.

L'engagement volontaire, la prise de responsabilité et l'organisation des populations sont des conditions indispensables pour la réussite de la réalisation du programme d'actions identifié.

De surcroît, une caution de solidarité villageoise - au sens de l'engagement de l'ensemble des villageois - sur les programmes et actions à engager doit être obligatoirement obtenue avant la phase de mise en œuvre du programme par les différents groupements reconnus responsables, au risque de perdre toute crédibilité au niveau de la communauté villageoise ou encore de faire échouer les diverses actions entreprises.

2.2.2. Phase 2: Réalisation et gestion du programme (Etapes 5 et 6)
(Figure 2 - Tableau 3)

La phase de mise en œuvre et de gestion du programme d'actions identifié lors de la première phase et approuvé par l'ensemble de la communauté villageoise comprend deux étapes: une étape de formation thématique (Etape 5) permettant l'exécution correcte des actions et une étape d'évaluation des activités et actions en cours par les populations (Etape 6.

La réalisation de cette phase - qui se base sur l'engagement effectif des différents partenaires, une prise en charge et la réalisation des actions programmées par les populations organisées en divers groupements -, implique de la part de l'agent forestier un suivi et un encadrement technique attentifs.

Préalablement à l'action et chaque fois que cela s'avère nécessaire, des séances de formation sont organisées à l'intention des populations. Le choix des thèmes techniques développés lors de la formation est lié aux solutions identifiées par les populations lors de la phase précédente de programmation.

La formation, qui vient en appui à l'exécution des actions, a pour objet de fournir aux populations le complément de connaissances techniques nécessaires et de faciliter la mise en œuvre du programme d'activités dans le temps et dans l'espace. La formation est généralement de courte durée. Elle s'adresse aux participants désignés par la communauté (représentants des comités et groupements, moniteurs villageois, etc.). Une fois, la formation reçue, les participants - hommes ou femmes - auront à leur tour la responsabilité de la formation des autres membres du groupe désigné pour l'action. La formation se fera si nécessaire en langue nationale.

Les techniques diffusées doivent être simples et reproductibles. Elles s'appuient sur les nombreuses expériences menées dans d'autres projets et/ou dans les pays de la sous-région (conditions agro-écologiques similaires) et sur les résultats de la recherche, ainsi que sur la reconnaissance du savoir-faire paysan.

Pour assurer cette formation, l'agent forestier peut s'appuyer sur des dossiers de vulgarisation préparés à cet effet (Encadré n°2), sur des démonstrations pratiques illustrant les aspects sur le terrain et sur un ensemble de techniques de communication éducative, comme le bloc-notes géant, les boîtes à image, le film fixe ou la vidéo. Le choix du support le mieux adapté sera fonction de son contexte d'utilisation et de la stratégie de communication adoptée (Voir chapitre 3).

Les campagnes d'alphabétisation en langue nationale s'avèrent le plus souvent extrêmement utiles pour aider les populations (et notamment les femmes) non seulement à maîtriser dans un langage accessible les différentes techniques, mais également la gestion, la comptabilité... L'alphabétisation en langue nationale a été utilisée avec succès dans plusieurs projets, dont le projet agro-sylvo-pastoral (Projet n°4).

L'Association pour la formation et l'alphabétisation en langues nationales (AFALN) au Sénégal vient en appui aux différents projets pour assurer la formation de tous les adultes et des enfants n'allant pas à l'école. Dans le cadre de la formation en langue nationale, les techniques de foresterie ou de restauration peuvent servir d'exemples et de thèmes d'apprentissage.

L'auto-évaluation (Etape 6) (8) est une étape qui se déroule tout au long de la phase de réalisation du programme d'actions (Phase 24. Par des techniques simples (fiches de suivi-évaluation, cahiers de terrain, comparaison de deux situations), cette étape permet aux populations de vérifier l'état d'avancement et la conformité des actions/résultats par rapport aux actions programmées et aux résultats escomptés, de corriger les erreurs éventuelles en cours d'exécution (avec l'appui des services techniques) et les assurer de l'engagement effectif des différents responsables (évaluation de la participation).

Cette étape est essentielle pour permettre aux populations d'acquérir progressivement les techniques d'évaluation des activités par rapport aux objectifs poursuivis et prépare les phases 3 et 4.

2.2.3. Phase 3: Suivi-évaluation du programme (Etape 7)
(figure 2 - tableau 3)

La phase 3 propose une évaluation globale par les populations - et en concertation avec l'ensemble des partenaires - de l'exécution de la totalité du programme. Au cours de cette phase, le suivi-évaluation périodique des actions est réalisé par l'ensemble des partenaires. Ces réunions périodiques préparent l'évaluation finale ou globale. A l'aide d'indicateurs simples, l'étape de suivi-évaluation du programme a notamment pour objet de comparer la situation de départ (Situation 0, issue du diagnostic initial élaboré lors de l'étape 1) à celle qui existe après les réalisations et de vérifier la conformité des résultats obtenus par rapport au programme identifié (Situation 1).

Elle se base sur une analyse critique et une évaluation concertée par l'ensemble des intervenants du déroulement et des résultats issus des deux premières phases. Cette troisième phase d'évaluation critique vise à mesurer le degré d'efficacité de l'ensemble des actions entreprises ou des innovations. Elle mesure également la participation et l'implication réelle des différents partenaires (comparaison entre les engagements pris et les engagements tenus). Enfin, elle permet une association progressive du processus et de la méthodologie d'approche participative par tous les partenaires, populations et services techniques.

Cette phase met en évidence les avantages, les résultats atteints et les problèmes rencontrés. Elle conduit à une évaluation globale de la participation et de la prise en charge des actions de développement - notamment par les populations - tout au long du processus. Elle doit déboucher sur une nouvelle phase de programmation d'actions. Elle prépare la phase 4, qui pour rappel a été ajoutée au schéma proposé dans le manuel de formation, dont l'objectif est d'assurer le suivi et la continuité des actions dans le temps, de programmer de nouvelles actions de développement et de jeter les bases d'un autodéveloppement au niveau du terroir.

Encadré N°2

DOSSIER TECHNIQUE DE VULGARISATION

DÉFINITION:

Document de synthèse des acquis rassemblant toutes les informations techniques et soclo-économiques nécessaires à la vulgarisation du thème

OBJECTIF:

Répondre aux besoins identifiés par les populations et leur apporter les compléments de formation nécessaires

CARACTÉRISTIQUES:

  • Fruit d'une collaboration entre services techniques et services de la vulgarisation - Basé sur les résultats de la recherche
  • Tient compte des contraintes techniques et de la faisabilité par les populations; tient compte des pratiques traditionnelles et du savoir-faire local
  • Conçus en appui de la mise en œuvre de l'approche participative et utilisé pour l'étape 5 de formation des populations
  • Fournit à l'utilisateur:
    • Eléments pratiques: données concernant les coûts et les moyens techniques nécessaires
    • Eléments techniques: caractéristiques et modalités d'application du thème
    • Eléments pédagogiques: supports didactiques et de communication destinés à la formation des populations
    • Impacts escomptés: coûts et bénéfices

OUTILS:

  • S'appuie sur l'utilisation dynamique de divers outils de communication multimédia.

REMARQUES:

Des dossiers par thème prioritaire en matière de restauration des ressources forestières et conservation des sols selon les zones agro-écologiques ont été réalisés au Sénégal, Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad

2.2.4. Phase 4: Auto-promotion du développement local (Etape 8) (tableaux 1 et 3 - figures 1 et 2)

L'auto-promotion du développement local sera progressivement atteinte après plusieurs retours aux différentes phases et étapes du processus. Le processus, qui constitue une forme de cycle, comme le montre la Figure 1, redémarrera par le diagnostic de la situation(9), la phase éventuelle de sensibilisation/réflexion sur les problèmes rencontrés et sur la programmation/mise en œuvre,... pour atteindre in fine au travers de l'étape 8 l'objectif de la phase 4 d'auto-promotion du développement local.

L'objectif d'auto-promotion ne pourra être considéré comme atteint qu'après une maîtrise totale par les populations et les encadreurs de l'ensemble du processus défini par l'approche participative. Au terme de la phase 4 - et après plusieurs retours et cycles - les populations doivent être à même d'identifier et d'analyser les différents problèmes liés au développement du terroir, de confronter les pratiques actuelles avec les résultats escomptés, d'identifier les solutions avec l'appui, si besoin est, des agents techniques, et enfin, de se mobiliser pour la mise en œuvre des actions identifiées.

Tableau 3. Phases 2 et 3: Mise en œuvre, gestion et évaluation du programme d'actions (Etapes 5 à 8)

ÉTAPE OBJECTIFS RECHERCHÉS SUPPORTS MÉTHODOLOGIQUES UTILISÉS REMARQUES
5.
FORMATION THÉMATIQUE VULGARISATION
  • Permettre l'acquisition progressive par les villageois des connaissances complémentaires ou nouvel les nécessaires à la mise en œuvre du programme
  • Dossier de vulgarisation thématique/ Démonstration pratique
  • Film fixe/Vidéo/Boîtes à images
  • Fiches techniques
  • Vidéo
  • Visites inter-villageoises
  • Mise en place d'un système de formation paysanne fonctionnel et adapté (plusieurs sessions de courte durée - 1 à 2 jours)
  • Formation par petits groupes de participants désignés par les populations responsables ensuite de la formation des autres
6.
AUTOÉVALUATION DES ACTIONS EN COURS
  • Développer les capacités des populations à maîtriser la mise en ouvre et la gestion du programme et des actions en cours
  • Identifier et analyser les sources de blocage techniques et/ou organisationnels Auto-évaluer et corriger les actions en cours d'exécution
  • Fiches de Suivi-Evaluation
  • Cahiers de terrain
  • Visites inter-villageoises
  • Cassette-audio
  • Radio rurale, Vidéo,
  • Moyens traditionnels de communication
  • Critères de suivi/évaluation simples et utilisables par les populations
  • Acquisition progressive par les populations des techniques d'évaluation des activités par rapport aux objectifs poursuivis
7.
SUIVI-EVALUATION DU PROGRAMME
  • Vérifier la conformité des résultats par rapport au programme identifié (Situation 1 par rapport à Situation 0)
  • Evaluation globale et concertée de l'ensemble du programme, des résultats, de la participation, du partage des responsabilités et du processus dans son ensemble
  • Fiches de Suivi/Evaluation
  • Cahiers de terrain
  • Réunions de terrain périodiques (ensemble des partenaires)
  • Cassette-audio, Vidéo Moyens traditionnels de communication
  • Appropriation progressive du processus et de l'ensemble de la méthode par tous les partenaires
  • Permet de préparer le démarrage d'une nouvelle phase de programmation partir de la situation 1
8.
RETOUR
À LA PHASE DE PROGRAMMATION AUTO-PROMOTION
  • Développer les capacités des populations et de l'ensemble des partenaires pour l'instauration d'une dynamique locale permettant une autopromotion et un autodéveloppement au niveau du terroir (objectif final de la mise en oeuvre de l'approche participative)
  • Voir étapes précédentes
  • Redémarrage du processus avec diagnostic et identification de nouvelles actions prioritaires
  • A la fin de cette phase, les populations et les différents partenaires du développement s'approprient l'ensemble de la méthode et sont à même de continuer le processus de développement

2.2.5. Critères d'évaluation de la mise en œuvre de l'approche participative

Différents critères peuvent être utilisés pour juger du degré d'avancement, d'achèvement et de réussite des étapes et phases caractérisant la mise en œuvre de l'approche participative. Dans un souci de clarté ne sont repris ci-après que les principaux critères d'évaluation/réussite généralement utilisés par les équipes de terrain pour les différentes étapes.

ÉTAPE 1:
(INFORMATION/CONNAISSANCE)

ÉTAPE 2:
(SENSIBILISATION/PRISE DE CONSCIENCE)

ÉTAPE 3:
(IDENTIFICATION DES PROBLÈMES/ SOLUTIONS)

ÉTAPE 4:
(ORGANISATION/PROGRAMMATION)

ÉTAPE 5:
(FORMATION THÉMATIQUE)

ÉTAPE 6:
(AUTO-ÉVALUATION DES ACTIONS EN COURS)

ÉTAPE 7:
(SUIVI-ÉVALUATION DU PROGRAMME)

PHASE 4: (AUTO-PROMOTION)

La réussite globale et à long terme de la mise en œuvre de l'approche participative se jugera à travers le degré d'organisation et de cohésion sociales qui auront été suscitées et/ou renforcées, ainsi que les capacités d'intervention des populations qui auront été créées au niveau du terroir (phase "après-projet".

En ce qui concerne les actions sur le terrain, celles-ci devront être cohérentes (programmation) au niveau du terroir et comporter à la fois des actions de conservation et de production, et ce plus particulièrement pour les ressources forestières. Elles devront également encourager une utilisation et une gestion rationnelle de l'espace-terroir qui assurent un développement durable et harmonieux de l'ensemble des ressources.

2.3. Application de l'approche participative sur le terrain

Le développement de l'approche participative en tant que méthodologie d'intervention en milieu rural est relativement récent. Comme il a été rappelé ci-dessus, son application au niveau des projets de développement e st le résultat de la volonté des gouvernements d'associer étroitement les populations rurales et de leur reconnaître le rôle actif qu'elles jouent dans la gestion directe des ressources naturelles.

Sur le terrain, la mise en œuvre de l'approche participative varie fortement d'une région à une autre ou encore d'une situation à une autre (10), en fonction de différents facteurs comme les conditions agro-écologiques et socio-économiques, le degré de préoccupation par rapport à la problématique de la gestion des ressources naturelles, les politiques et stratégies d'intervention en milieu rural au niveau national ou sous-régional, le cadre législatif en vigueur, etc. L'approche participative doit donc avant tout être considérée comme une méthode souple et capable de s'adapter aux diverses conditions locales du milieu.

Les exemples qui sont repris ci-après sont extraits d'expériences menées par divers projets forestiers exécutés avec l'assistance de la FAO au Sénégal, au Burkina Faso et au Niger (11), pour lesquels des fiches synthétiques ont été élaborées (Annexe 1). Ces exemples illustrent la variabilité des domaines d'application de l'approche participative: agro-foresterie et reboisements villageois (Projet n°1), aménagement de forêts classées et de formations naturelles par et pour les populations riveraines (Projets n°2, 3 et 5), développement agro-sylvo-pastoral au niveau du terroir (Projet n°4), lutte contre l'ensablement des terres de culture (Projet n°6).

Si le contexte des projets varie (de zones complètement déboisées à des forêts classées exploitables à aménager), ils ont tous en commun la restauration/conservation et gestion du couvert forestier et du milieu naturel par et pour les populations. Ils visent à la satisfaction des besoins en matière de production agricole, d'élevage ou production de bois. Ils contribuent à l'amélioration des conditions de vie des populations et, d'une manière générale, au développement socio-économique des terroirs.

Des diverses expériences en matière de gestion participative des ressources forestières et de l'analyse du déroulement des différentes étapes liées à l'application de la méthodologie de l'approche participative, il ressort globalement que certains aspects ou étapes doivent faire l'objet d'une attention particulière de la part des divers responsables.

C'est le cas de l'étape 1, au cours de laquelle il est primordial d'établir un diagnostic correct des conditions du milieu et des besoins des populations. La cohérence de ce diagnostic permettra d'adapter les séances de sensibilisation et facilitera une prise de conscience progressive des réalités du milieu, des enjeux et des responsabilités (Etape 2). Ces deux premières étapes constituent par ailleurs un préalable indispensable à la réussite des étapes ultérieures, comme l'identification des problèmes et des solutions (Etape 3) ou la planification et l'organisation des populations (Etape 4).

Les phases 2 et 3 relatives à la mise en œuvre du programme d'actions et au suivi/évaluation (Etapes 5 à 7) impliquent quant à elles un encadrement technique rapproché, voire soutenu, et exigent beaucoup de souplesse de la part des agents forestiers et des encadreurs.

Les fiches de projets reprises en annexe ont pour objet de situer globalement les particularités de chaque zone d'intervention et les objectifs poursuivis par les différents projets. Ces derniers et le contexte spécifique de chaque situation ont souvent conduit les responsables des projets à développer davantage certains aspects de l'approche participative. Les principaux résultats en regard de la mise en œuvre de l'approche et les lacunes ou les points faibles à corriger ou à développer y sont également repris de manière synthétique.

Les projets n° 1, 4 et 6 reposent sur des interventions visant à rendre à 1'arbre son rôle et ses multiples fonctions, notamment en matière de production de bois et de fourrages, de restauration de la fertilité et de conservation des sols. Ils se réfèrent à des conditions du milieu très sévères (dégradation avancée des ressources naturelles et du couvert forestier en particulier) et basent leurs actions sur le développement d'une prise de conscience de par les populations des possibilités d'agir sur le milieu (agro-foresterie, restauration du couvert forestier, lutte contre l'ensablement).

Ces différentes actions s'accompagnent généralement de mesures incitatives (microréalisations, appui au développement d'activités rémunératrices) destinées à améliorer les conditions de vie des populations et permettre une prise en charge financière et matérielle des actions de restauration.

Les projets n° 2, 3 et 5 s'intéressent à l'aménagement et l'exploitation de massifs forestier exploitables (forêts classées, formations naturelles au niveau des terroirs) avec la participation des populations des villages riverains. Basés sur la mise au point de modèles d'aménagement et de gestion participative des ressources forestières existantes, ces projets ont généralement développé des formes particulières d'organisation et d'intéressement économique des populations.

Sans reprendre dans le détail les différentes étapes décrites ci-dessus et explicitées notamment dans le manuel de formation à l'approche participative (voir 2.2.), il est apparu intéressant d'illustrer par de courts extraits certains aspects particuliers auxquels les responsables doivent se montrer attentifs lors de la mise en œuvre de l'approche participative, ainsi que les principales difficultés rencontrées sur le terrain lors de l'exécution des projets forestiers dits participatifs. Il s'agit principalement de:

2.3.1. Importance de la connaissance du milieu et de la zone d'intervention

Il est extrêmement important pour les agents de terrain de saisir la complexité du milieu dans lequel les populations évoluent et de comprendre l'ensemble des paramètres et leurs interactions. Cette approche est nécessaire non seulement pour prendre en compte les conditions du milieu physique, les conditions socio-économiques et l'organisation sociale, mais également comprendre les manières dont les populations exploitent ce milieu, le gèrent et en tirent bénéfice.

Pour cette étude du milieu, les agents peuvent avoir recours à différentes méthodes, comme la MARP (Encadré 1), mais ils ne doivent pas perdre de vue que la multitude d'éléments qui interviennent dans la connaissance du milieu implique une approche intégrée et multidisciplinaire. Dans de nombreux cas, des études ont précédé la mise en œuvre du projet. Celles-ci sont d'un précieux recours, mais ne dispensent pas les agents de "s'imprégner du terrain". Il est en effet primordial, dans le cadre de la gestion des ressources naturelles au niveau du terroir, de maîtriser l'ensemble des facteurs (facteurs physiques, facteurs humains afin de garantir une base durable aux actions entreprises.

Cette phase de recherche personnelle permettra aux agents d'acquérir une base de connaissance de la zone d'intervention utile à la compréhension de la réalité du milieu dans lequel vivent et évoluent les populations. Cette démarche est par ailleurs un préalable nécessaire avant la phase de débats, confrontations d'idées, d'observations et d'échanges d'informations avec les populations. Cette première connaissance (qui n'exclut en rien des premiers contacts avec les populations) sera ensuite enrichie et confrontée à la propre vision et interprétation de leur milieu et de leur terroir par les populations. On parle alors de lecture du terroir.

La lecture conjointe du terroir par les populations et les agents techniques va permettre à chacun à la fois de situer l'ensemble des problèmes ressentis par les populations, de mesurer les potentialités et les ressources propres au terroir et d'analyser les modes d'exploitation, ainsi que la vision qu'ont les populations de la gestion de leur espace villageois. Elle mettra également en évidence les objectifs poursuivis par les individus et/ou la communauté, les modes d'organisation sociale, l'existence de groupes à l'intérieur de la communauté, etc.

En définitive, cette lecture du terroir va conduire à la définition d'une situation de départ (Situation 0) qui servira de référence par la suite pour connaître l'état d'avancement, le degré de réussite ou encore le degré d'engagement des populations dans la mise en œuvre du programme d'actions à entreprendre. Cette étape de diagnostic concerté apparaît donc essentielle, puisqu'elle mène à la reconnaissance par tous d'une situation initiale que l'on va tenter d'améliorer par un ensemble d'actions.

Dans ce contexte et comme il a été signalé à plusieurs reprises, il est extrêmement important de favoriser la connaissance et le respect de l'autre. Cette condition indispensable à l'instauration du dialogue populations/agents techniques est illustrée par la remarque du Chef de poste de Merina Dakhar (Sénégal - Projet n°l):

Avant de décider de travailler ensemble, il est important de se connaître. De la qualité de cette première rencontre dépend toute collaboration future. C'est pourquoi la connaissance du milieu est pour nous une étape essentielle. Mais surtout, ce qui est important, c'est l'esprit d'ouverture avec lequel ce dialogue est mené. Notre mandat de forestier ne doit pas nous rendre aveugle et sourd à toute question abordée qui ne relèverait pas de notre compétence. Nous prêtons, au contraire, une oreille attentive à tous les problèmes que nous soumettent les villageois et cela pour deux raisons. Tout d'abord, parce qu'il en va de la crédibilité du dialogue que nous engageons: lorsqu'un paysan évoque sa récolte trop maigre ou l'absence d'infrastructures sanitaires dans son village, nous ne pouvons pas lui répondre "plantez des arbres et tout ira mieux". Mais également parce que ce n'est plus l'arbre qui nous intéresse en tant que tel, mais la manière dont il va pouvoir s'insérer dans l'écosystème avec sa dimension économique et sociale. Ainsi, une meilleure compréhension du milieu de vie du paysan nous permet de lui proposer un mode de gestion des ressources naturelles adapté à ses contraintes et donc intéressant pour lui.

Confrontés à la lutte contre l'ensablement, les responsables du projet de Zinder (Niger - Projet n°6) en sont arrivés à la conclusion que la communauté villageoise ("l'acteur") doit être connue "dans sa profondeur sociale, économique, culturelle et spirituelle", autrement dit "pour ce qu'elle est, ce qu'elle sait, ce qu'elle aime et ce qu'elle peut" (12). La réflexion de l'expert forestier du même projet montre par ailleurs la nécessaire connaissance et le respect des structures et des règles sociales traditionnelles, et notamment des liens historiques qui unissent les communautés villageoises au sein d'une région:

Jusqu'au démarrage des travaux, tout semblait bien marcher. Nous nous étions réunis plusieurs fois; le planning des actions à entreprendre était arrêté. Tout était prêt pour démarrer la fixation des danes. Puis plus rien. Des semaines ont passé sans qu'aucune palissade ne soit dressée. Pour comprendre la situation, l'animateur s'est replongé dans l'étude du milieu. C'est à ce moment-là que nous avons compris comment fonctionnait ce village. Constitué essentiellement des descendants d'un grand chef, il s'appuyait sur cinquante hameaux satellites pour développer ses activités. Se considérant comme des princes, les habitants de ce village refusaient de travailler aux côtés de ceux qu'ils considéraient comme leurs sujets. Mis au pied du mur par les villageois, nous avons longuement discuté entre nous de l'attitude à adopter. Finalement, nous avons décidé de poursuivre la collaboration,... c'est-à-dire d'accepter leurs règles. Les habitants des cinquante hameaux ont ainsi assumé l'exécution des travaux. Afin d'alléger leur contribution, nous avons assuré la préparation des repas les jours de chantier grâce aux vivres PAM.

Cet exemple illustre l'insuffisance au départ de la prise en compte, voire de la maîtrise, de la dimension sociale, culturelle et historique dans la zone d'intervention, ainsi que l'extrême prudence dont doivent faire preuve les responsables de projets. Toutefois, il montre également que grâce à un retour sur l'étude du milieu (Etape 1), cet obstacle a pu être contourné par le respect des règles de fonctionnement social (13).

Afin de remédier aux diverses lacunes observées ou obstacles rencontrés lors de l'exécution des projets participatifs, il est nécessaire d'instaurer un véritable dialogue entre les agents et les populations. Ce dialogue et cette reconnaissance mutuelle permettent à chacun de connaître les objectifs de l'autre et de concilier les différents intérêts en jeu. La remarque d'un animateur du projet de Dabo (Sénégal - Projet n°3) illustre bien ce dernier aspect et les difficultés rencontrées par les agents forestiers:

Quand une communauté villageoise refuse de collaborer, le technicien ou l'animateur a tout de suite une réaction épidermique. lls sont fainéants, ils refusent le progrès, ils ne comprennent rien. Alors que bien souvent, c'est nous qui ne comprenons rien! C'est pourquoi il est important de se donner les moyens de bien connaître le milieu dans lequel on intervient. Mais il faut bien reconnaître aussi que ce n'est pas facile. Cela demande de déployer des qualités d'observation et d'analyse qui sont nouvelles pour nous et que nous devons développer.

2.3.2. Sensibilisation aux enjeux environnementaux

A la suite du diagnostic, les modalités d'exploitation et de gestion des ressources naturelles et de l'espace-terroir doivent être définies clairement. Elles introduisent l'étape de sensibilisation aux divers enjeux environnementaux.

Plusieurs problèmes importants peuvent apparaître lors de cette étape, qui devrait déboucher sur la prise de conscience par les populations de leurs rôles et responsabilités dans la gestion passée et future de leur milieu.

L'obstacle le plus fréquent que les agents rencontrent sur le terrain est l'absence de lien dans l'esprit des populations entre l'exploitation et le processus de dégradation des ressources, ainsi qu'une tendance quasi-généralisée à s'en remettre à la fatalité. Or, comme il a été montré ci-dessus, l'absence d'implication et de prise en charge des actions d'aménagement et de développement par les populations peut conduire à l'échec pur et simple de l'ensemble des actions, même si ces dernières se justifient parfaitement du point de vue technique et/ou malgré leur caractère d'urgence. Pour illustrer ce problème, deux cas de figure en apparence opposés se rencontrent fréquemment sur le terrain, à savoir une absence de prise en compte de la préservation des ressources forestières ou au contraire leur prise en compte et leur acceptation comme une fatalité.

1. La préservation des ressources forestières n'est pas considérée comme une priorité par les populations

Les exemples illustrant cette absence de prise en compte de la préservation/restauration des ressources forestières sont multiples. Soit ils sont liés à la relative abondance du milieu qui induit une attitude de gaspillage vis-à-vis des ressources naturelles, soit au contraire ils sont liés au fait que les besoins primaires des populations (alimentation, approvisionnement en eau, santé) sont tels qu'ils empêchent tout autre objectif que leur satisfaction à court terme.

C'est le cas des zones de forêts classées ou protégées, où il existe un potentiel exploitable et exploité. C'est le cas de la forêt de Dabo, où la dégradation accélérée de la forêt ne préoccupait pas les populations riveraines (Sénégal - Projet n°3):

Le plan d'aménagement de la forêt de Dabo est au départ une proposition du Service des eaux et forêts aux populations riveraines. C'est nous qui étions demandeurs, pas eux. Au fur à mesure de nos discussions avec les 26 villages, nous nous sommes rendus compte que leur première préoccupation était le terroir villageois (Responsable du service animation/vulgarisation).

Afin de faire prendre conscience aux populations des enjeux, des risques de dégradation parfois irréversibles et des diverses responsabilités de chacun dans le phénomène de dégradation, des séances répétées de sensibilisation sont alors nécessaires. Des visites et des échanges inter-villageois fructueux peuvent également être organisés entre zones boisées et zones à terres dégradées et déboisées.

L'eau est évidemment un facteur-clé dans la réussite d'une plantation, sa disponibilité est donc un facteur déterminant dans l'engagement du paysan dans des actions de reboisement. Après deux ans d'intervention (14), nous avons compris qu'il n'était plus possible d'ignorer et de faire l'impasse sur ce problème.

Afin d'appuyer les populations, les responsables ont le plus souvent opté pour une série de mesures d'accompagnement, comme le récurage des puits, l'équipement de certains villages en pompes éoliennes, le développement de productions connexes, l'appui à l'amélioration de certaines infrastructures routières pour lutter contre l'enclavement, etc. (voir point 2.3.3.).

2. La restauration et la protection des ressources naturelles est au centre des préoccupations et de la survie même des populations

Les populations sont confrontées à un ensemble de conditions du milieu extrêmes qui se marquent par une faiblesse des rendements et un déficit chroniques de la production agricole, l'insuffisance de fourrages, la difficulté de trouver du bois de chauffe et du bois d'œuvre, la mortalité des arbres et du cheptel, etc. Les populations sont de ce fait plus réceptives et plus sensibles au degré de dégradation de leurs ressources, ce qui en principe devrait faciliter la prise de conscience et la prise en charge des actions en faveur de la restauration du milieu.

Les actions de sensibilisation doivent ici amener les populations à lutter contre la fatalité et à s'investir dans la restauration du potentiel naturel de production. La sensibilisation menée par le projet de lutte contre l'ensablement des terres de culture (Niger - Projet n°6) a conduit par exemple à une prise en charge massive par les populations d'actions de protection, de lutte contre l'ensablement des villages et des terres de culture et de restauration des sols.

2.3.3. Implication de tous les groupes sociaux et organisation des populations

L'implication de toutes les couches sociales composant la communauté et l'organisation des populations sont des conditions essentielles dans la prise en charge des actions identifiées. La mobilisation de toutes les catégories sociales et/ou socioprofessionnelles et la mise en place d'un cadre organisationnel adéquat en liaison avec le programme d'actions vont précisément faciliter le développement d'une dynamique et d'une capacité de gestion des ressources naturelles au niveau local.

L'organisation des populations peut favoriser l'émergence de groupements nouveaux (les comités ou groupements sont alors créés notamment avec l'appui des projets: c'est le cas du groupement forestier) ou peut s'appuyer sur les structures traditionnelles qui auront été mises en évidence lors du diagnostic (existence de centres de décision, de groupes sociaux, de formes d'entraide traditionnelle, comme les groupes de femmes ou de jeunes, etc..

Ces différents groupes traditionnels poursuivent des objectifs particuliers par rapport à la gestion de ressources naturelles qu'il est important d'identifier: par exemple, le groupe des chefs d'exploitation, dont la préoccupation majeure est la production agricole pour l'alimentation de la famille, le groupe des jeunes ayant un accès limité au foncier et à l'avenir incertain ou encore le groupe des femmes, dont les priorités par rapport à la gestion des ressources naturelles sont l'accès à la terre (facteur de production qui permet de se procurer des revenus par la vente des productions agricoles et maraîchères), l'approvisionnement en eau, la transformation des grains et la recherche de bois de feu.

Les groupes de femmes se montrent généralement très dynamiques, lorsqu'on leur laisse la possibilité de s'exprimer:

Au début de notre intervention dans la région, les femmes étaient quasiment absentes des réunions que nous organisions, explique le Conseiller technique principal (CTP) du projet de lutte contre l'ensablement (Niger - Projet n °6). Lorsqu'il y en avait, on ne les entendait pas. C'était pourtant de loin celles qui étaient les plus actives en matière de reboisement. Toujours silencieuses lors des assemblées villageoises, elles ont progressivement pris une place prépondérante dans les travaux de fixation des dans. Lorsque, pour la première fois, les femmes participèrent à la pose d'une palissade, ce fût un événement. Aujourd'hui, cela n'étonne plus personne. Reconnues par le reste de la communauté pour leur contribution à la lutte contre l'ensablement, elles ont acquis une nouvelle confiance en elles et s'expriment plus facilement en public. C'est le résultat d'un travail de sensibilisation en profondeur, mais aussi et surtout, d'une écoute attentive et d'un dialogue toujours respectueux.

Au niveau du projet agro-sylvo-pastoral (Sénégal - Projet n°4), les Groupements féminins ont planté à leur propre initiative des arbres dans les cuvettes consacrées au maraîchage et menacées d'ensablement:

On s'investit dans le reboisement à cause de l'ensablement des cavettes. Cette année, nous avons même /ait notre propre pépinière (Extrait vidéo "Le refus de la fatalité", 1994).

Les groupes de jeunes, une fois sensibilisés sur le rôle qu'ils peuvent jouer dans les activités de protection de l'environnement, se montrent également très dynamiques. C'est le cas du groupement de jeunes de Khayar (Sénégal - Projet n°4) qui a pris en charge la collecte des déchets au niveau du village. Leur action joue à la fois un rôle dans l'assainissement du village et dans la conservation des sols:

Notre objectif est de rendre le village propre et de produire du compost. Nous procurons ainsi des emplois aux jeunes (Extrait vidéo "Le refus de la futalité", 1994).

D'une manière générale, dans les projets centrés sur l'aménagement des forêts (projets n° 3 et 5), les responsables ont opté pour la création de groupements spécifiques de gestion forestière (GGF), regroupant plusieurs villages autour de l'exploitation des ressources forestières. Les projets n° 1, 4 et 6, centrés quant à eux sur la restauration du milieu, ont plutôt orienté l'organisation des populations autour de comités de gestion ou comités villageois de développement (CVD) par action ou groupe d'actions (les préoccupations des populations se situant à plusieurs niveaux).

La mise en place des comités ou groupements élus par les villageois eux-mêmes va jouer un rôle à plusieurs niveaux, que ce soit avant la programmation des actions (groupes de réflexion) ou lors de la phase de réalisation et de suivi des actions.

A un autre niveau, il faut rappeler également que les responsables et agents techniques doivent concilier les différents intérêts en jeu et ne pas exclure a priori des groupes qui ne sont pas présents en permanence dans la zone. C'est le cas des éleveurs transhumants à la recherche de pâturages. Au niveau du projet d'aménagement des forêts naturelles (Burkina Faso - Projet n°5), les éleveurs sont aujourd'hui étroitement associés à la gestion forestière, comme l'explique le zootechnicien du projet:

Les éleveurs de la zone ont tout d'abord vu d'un mauvais œil l'aménagement de la forêt classce du Nazinon. Divisée en parcelles, soit d'exploitation soit de mise en défens, la forêt semblait devenue inaccessible aux éleveurs. Ils se sentaient exclus. Or, sans eux, nous avions bien conscience qu'aucun aménagement durable de la forêt n'était possible. Il fàllait le plus rapidement possible les impliquer dans le processus. Nous avons alors suscité des rencontres entre agriculteurs et éleveurs. Un premier résultat de ces rencontres a été l'établissement d'un cahier des charges réglementant l'accès des éleveurs à la forêt. Le deuxième a été de montrer aux agriculteurs que les éleveurs pouvaient même leur être utiles: envoyés en pâturage de juin à octobre pour réduire la biomasse de la f`orêt, les troupeaux devenaient un moyen de lutter préventivement contre les feux de brousse. Le troisième résultat a été de démontrer aux éleveurs que l'aménagement n'était pas conçu contre eux; mieux encore, qu'il était pour eux une opportunité d'affrmer davantage leur présence dans la forêt. Pour se sentir en position de force dans leur négociation avec les agriculteurs et les forestiers, garantir le maintien de leurs troupeaux dans la forêt etfàire reconnatre leurs droits d'usage, les éleveurs se sont investis dans la protection de la forêt. Chaque groupement d'éleveurs a constitué sa "brigade verte" (15) chargre de repérer avec 1'aide des exploitants les parcelles mises en défens pour les indiquer aux éleveurs souhaitant faire paître leurs bêtes dans la forêt. Pour consolider encore leur position, les éleveurs ont décidé de contribuer financièrement à la protection de la forêt aux côtés des exploitants. Depuis, une partie des bénéfices provenant de la production du lait (activité initiée par le projetJ est versé au fonds d'aménagement du chantier de la forêt du Nazinon.

La prise en compte et l'implication de l'ensemble des intervenants (agriculteurs, éleveurs, exploitants forestiers) a permis de résoudre en grande partie les conflits d'intérêts très fréquents dans la région.

2.3.4. Mesures d'accompagnement et intéressement économique des populations

D'une manière générale, la réalisation des actions identifiées nécessite des moyens humains, techniques et financiers. Cette réalité explique le plus souvent l'intervention des proj ets fore stiers vi sant à alléger les charges incombant aux populations et leur permettre ainsi de s'investir effectivement dans la restauration/gestion des ressources naturelles.

Lorsque nous avons pris conscience de l'intérêt que manifestent les femmes pour les travaux de reboisement malgré le peu de temps dont elles disposent, explique la responsable des activités féminines du projet PREVINOBA (Sénégal - Projet n °1), nous leur avons facilité l'acquisition de moulins à mil. Gagnant plusieurs heures de travail pénibles par jour, elles peuvent ainsi consacrer plus de temps à l'entretien des pépinières et aux plantations. Pour rendre opérationnels les groupements d'intérêt économique, le projet a investi des fonds pour le développement d'activités de production afin d'amener les populations à participer aux actions de restauration de l'environnement (Extrait vidro "Le refus de la futalité, 1994 - Projet n °5).

Ces deux exemples sont clairs: afin de favoriser la prise en charge par les populations et leur investissement dans les actions de restauration et de protection du milieu, un programme de mesures d'accompagnement et/ou la mise en place d'incitations économiques doivent être envisagées.

Le programme de mesures d'accompagnement, défini à partir des actions prioritaires identifiées par les populations lors du diagnostic (Etape 1), a précisément pour objectif d'aider les populations à résoudre certains besoins essentiels, comme l'approvisionnement en eau, ou encore de développer des activités rémunératrices, comme la production de plants forestiers et fruitiers, l'aviculture, l'embouche bovine, l'exploitation forestière, etc. Ce programme d'accompagnement permet non seulement de lever les obstacles du développement local, mais surtout d'acquérir et/ou de développer les moyens financiers nécessaires aux actions de restauration/conservation et de gestion/développement des ressources du milieu.

Toutefois, le lien entre les actions d'accompagnement et les actions en faveur de la restauration des ressources naturelles doit toujours être clairement établi. Lorsque ce lien n'existe pas, les populations ont une perception faussée des actions du projet qui risque dès lors de ne jamais atteindre ses objectifs de restauration/conservation des ressources naturelles par et pour les populations (16).

Ces actions d'accompagnement peuvent prendre la forme d'appuis ponctuels (achat de moulins à grains), de microrénlisations (Encadré n°3) que le projet peut financer en partie (infrastructures sanitaires, puits, foyers améliorés, mise en place d'unités de transformation). Ils'agit par exemple de résoudre des problèmes d'alimentation en eau, afin de permettre aux populations d'envisager des actions en faveur de leur environnement.

Contrainte fondamentale au reboisement, la pénarie en eau. Bien qu'en tant que forestier notre fàveur allait aux jeunes pousses menacces de disparatre sous le coup de la sécheresse, nous avons dû nous rendre à l'évidence. Ies priorités établies par les villageois en matière de gestion de l'eau plagaient les arPres loin derrière les hommes, les bêtes et les cultures (Sénégal - Projet n °1).

Encadré N°3

MICRORÉALISATION (MRL) (18)

DEFINITION:

Petite opération de développement rural qui comporte un nombre limité d'actions cohérentes et qui par sa maîtrise locale constitue un moyen d'auto-développement des populations. Il s'agit d'une opération de dimension réduite d'un point de vue géographique, dont les charges récurrentes sont légères et dont la durée d'exécution est relativement courte.

OBJECTIF:

Vise à satisfaire des besoins exprimés par les populations elles-mêmes grâce à une technologie que celles-ci peuvent maîtriser et dont elles peuvent assurer l'exploitation durable.

CARACTÉRISTIQUES:

  • Le village qui identifie une MRL en assure la conception et la gestion en totalité ou en partie. Il participe physiquement et financièrement à son exécution.
  • Les MRL constituent des opérations de développement se caractérisant par:
    • La prise en compte des besoins exprimés par les populations,
    • leur petite taille sur le plan des ressources humaines, matérielles et financières à mobiliser pour leur réalisation,
    • des charges récurrentes peu importantes, supportées par la communauté villageoise,
    • une durée d'exécution courte,
    • un recours à une technologie contrôlable par les bénéficiaires,
    • une participation active de la population à toutes les étapes, y compris pour la phase de conception,
    • une prise en charge totale ou partielle de l'opération par les populations dès que celle-ci commence à fonctionner.

EXEMPLES:

  • Aménagement de mares, de bas-fonds et de petits périmètres irrigués (périmètres maraîchers).
  • Installation et équipement de puits maraîchers.
  • Aménagement de protection anti-érosive.
  • Embouche de petits ruminants.
  • Implantation de moulins à grains/Foyers améliorés.

Cet appui à la réalisation des divers objectifs identifiés avec les populations peut se faire également par le biais de la mise en place de mécanismes d'intéressement économique des populations et par le développement d'activités rémunératrices, comme par exemple l'organisation de l'exploitation du bois, le développement du petit élevage ou de l'embouche ovine ou bovine, l'amélioration de la production de miel, la production de fourrages, la production, transformation et commercialisation de produits agricoles ou maraîchers, etc. (17).

Généralement, le développement de ces diverses activités va procurer des bénéfices, dont une partie doit servir à créer un fonds d'aménagement ou de développement. Ce fonds est destiné à financer les activités de restauration des ressources naturelles. Les exemples ci-après montrent l'éventail des solutions imaginées par les responsables des projets en collaboration avec les populations:

Si, à terme, ces différentes incitations ont pour objectif l'autonomie des populations dans la prise en charge de leurs entreprises - conformément au mandat de l'approche participative -, il faut insister encore à ce stade sur un dernier aspect important de cette étape de négociation: développer les relations des différents intervenants et partenaires (populations/agents techniques/projet/autres) sur une base contractuelle définissant un "cahier des charges" et fixant des règles claires d'intervention:

Les ressources non ligneuses de la forêt, comme lesfruits dits sauvages, sont aux mains de commercants de Dakar qui fixent le prix d'achat au producteur. Cest dans ce contexte que pour la première fois au Sénégal, les services forestiers ont concédé l'exploitation d'uneforêt classce aux villages riverains'sur la base d'un accord contractuel. lmaginez l'émoi parmi les exploitants'professionnels qui se sont vu retirer l'exclusivité de l'activité de coupe. Nous avons alors appuyé les groupemen ts de gestion de la forêt dans le u rs négoc ia tions avec certa in es coopératives de la région qui pourraient, si les accords aboutissent, devenir alors les distributeurs du bois provenant de l'exploitation de la forêt de Dabo (CTP - Projet n °3).

En définitive, comme ces divers exemples l'ont montré, l'approche participative se fonde sur un esprit d'équipe qui permet aux populations/secteur privé/ONG/projets et services de l'Etat de travailler ensemble. En résumé:

I'approche participative se base sur l'intégration de tous les facteurs du milieu, sur une écoute et un respect matuels, sur la mise en place d'un dialogue franc et permanent entre populations et services techniques, sur l'échange des informations et le partage des connaissances, et enfin sur l'engagement de l'ensemble des partenaires visant un objectif commun.

Toutefois, le développement et la mise en œuvre proprement dite de l'approche participative nécessitent un certain nombre de préalables que ce soit au niveau politique ou institutionnel. Ceux-ci impliquent une volonté marquée de la part des gouvernements et des partenaires du développement de créer les conditions de réussite pour une implication réelle et une pri se en charge des actions de re stauration/conservation et ge stion des ressources naturelles par les populations avec l'appui des services techniques. Ces conditions de réussite sont traitées au paragraphe suivant.

2.4. Conditions de réussite de l'approche participative

Bien que conscients des enjeux et réellement désireux d'impliquer et d'associer de manière étroite les populations à la gestion des ressources naturelles, les gouvernements et les services techniques ne disposent à l'heure actuelle que de très peu d'expériences, celles-ci étant de surcroît relativement récentes. Toutefois, comme l'ont montré les exemples cidessus, l'expérience acquise - surtout au travers des projets forestiers (et dans une moindre mesure des projets dits de gestion de terroirs) -, montre qu'il est possible, à l'aide d'une méthodologie appropriée:

L'association étroite et effective des populations, le partage des responsabilités dans la gestion des ressources naturelles impliquent cependant de lever un certain nombre de préalables au niveau politique et institutionnel (cadre législatif et juridique) en ce qui concerne le renforcement des capacités nationales, notamment par la formation et la création d'un cadre de concertation intersectoriel.

2.4.1. Niveau politique et institutionnel

Une des conditions essentielles pour le développement de l'approche participative est d'abord sa nécessaire reconnaissance. Celle-ci doit se traduire au niveau politique par son adoption au niveau politique comme méthodologie d'intervention en milieu rural, permettant l'association active et responsable des populations dans la gestion durable des ressources naturelles et le développement local.

Cette adoption marquerait effectivement, au travers de textes de politiques de gestion des ressources naturelles, forestières, agricoles et de l'environnement, la volonté des gouvernements de consolider, d'étendre et de développer l'ensemble des outils mis au point par divers projets participatifs. L'analyse des tendances actuelles dans les pays de la sous-région montre une évolution favorable dans ce sens, mais également la nécessité de renforcer les diverses initiatives de manière à rendre possible la reconnaissance du rôle des populations dans la gestion des ressources forestières.

Cette approche nouvelle nécessite également de remettre en cause, voire de redéfinir et de reconnaître dans les textes, le rôle de l'ensemble des partenaires: elle demande par exemple aux agents de terrain de revoir leurs préjugés et leur approche de la foresterie, comme le montre l'exemple donné par un agent forestier du PREVINOBA (Sénégal -Projet n° 1):

L'approche participative et la régie sont deux méthades bien différentes. L'approche participative signifie que la totalité des travaux est prise en charge par les villageois dans leur conception, leur exécution, leur suivi et leur évaluation. Le rôle du forestier est alors celui d'un conseiller technique. C'est du moins ce que nous tentons d'appliquer au niveau du bassin arachidier. A l'inverse, la régie consiste à confier des travaux de reboisement à des manœuvres payés à cet effet par l'administration forestière. Dans ce cas, le forestier est un chef de chantier, chargé de superviser les travaux. La deuxième méthade présente l'intérêt de réuliser des plantations sur de larges superficies.
La première fois que j'ai entendu parler de l'approche participative comme méthode d'intervention confiant aux villageois la totalité des actions à mener en matière de reboisement et de protection, j'étais sceptique. Pour moi, cela signifiait lenteur d'exécution des travaux, résultatsfaibles. A présent, je commence à y croire. Il faut en fait regarder les choses autrement, changer de paires de lunettes. L'objectif n'est pas toujours de réuliser de grosses superficies de plantations en peu de temps. C'est le cas sur le terroir villageois dont nous ne pouvons modifier l'aménagement sans le consentement de ses habitants, sans compter que des plantations massives n'ont pas leur place dans un espace déjà trop ou sur-occupé. Dans ce contexte, la méthade d'approche participative qui confie aux populations l'entière responsabilité des travaux de reboisement et de protection sur leur terroir me semble parfaitement adaptée.

Cet exemple montre bien la nécessité de trouver un juste milieu et de revoir le rôle des services de l'Etat - jusqu'à présent seul décideur - afin de rendre efficaces les actions des services forestiers ou des divers services et institutions nationales et/ou régionales ayant en charge le développement rural. Ce rôle doit rapidement évoluer de manière à donner aux agents d'encadrement les moyens nécessaires à une structure efficace: encadrement/conseil, appui technique aux populations pleinement responsabilisées, relais entre les décisions politiques et les populations, contrôle et suivi des actions sur le terrain.

Pour atteindre ces objectifs, les agents forestiers - appelés à devenir des animateurs-conseillers auprès des populations rurales -, doivent apprendre non seulement à maîtriser la logique et les différentes étapes de l'approche participative, mais également les divers outils de sa mise en œuvre. Ainsi armés, ils deviendront les initiateurs de la mise en place du partenariat, condition essentielle pour atteindre les objectifs visés par le développement participatif.

Ce changement de rôle et d'attitude est bien défini dans la remarque du Chef de poste de Pambal (Sénégal - Projet n° 1):

Etre à l'écoute? mettre les gens à l'aise; ne pas se présenter comme celui qui détient le savoir, mais au contraire être capable d'oublier tout ce que l'on sait pour mieux comprendre l'autre, ce sont les premières qualités qu'un forestier doit acquérir aujourd'hui.

Toutefois, cette transformation du rôle et son acceptation ne sont pas toujours aisées, comme le montrent les deux remarques suivantes, qui illustrent le malaise éprouvé par les agents forestiers face à ce nouveau rôle:

2.4.2. Niveau legislatif et juridique

De manière à rendre possible la co-gestion des ressources forestières par les différents partenaires, et plus particulièrement l'État et les populations rurales, les textes régissant les droits d'usage (Code rural) ou de gestion des ressources forestières (Code forestier) et le régime foncier doivent nécessairement évoluer, ceci afin de concrétiser la volonté politique de partage, d'association étroite et de transfert de responsabilités aux populations.

Dans la plupart des pays de la sous-région, la révision des codes foncier et forestier et l'élaboration des textes d'application sont en cours depuis plusieurs années. Mais ces réformes sont très lentes et les tentatives se heurtent toujours à l'heure actuelle à un grand nombre d'obstacles, ce qui rend leur mise en application sur le terrain hasardeuse.

Le régime foncier apparaît de loin le plus difficile à maîtriser, les Etats étant confrontés à la juxtaposition de droits étatiques, hérités de la colonisation et des années et qui ont suivi les indépendances, et des droits coutumiers ou oraux.

La Conférence régionale sur la problématique foncière et décentralisation au Sahel, tenue en juin 94 à Praïa (Cap Vert), a mis en évidence les difficultés rencontrées par les pays de la sous-région à définir les nouvelles règles de la gestion, voire à transférer pouvoir de décision et responsabilités aux populations. Cette difficulté vient en partie de l'absence ou de l'insuffisance d'une définition claire des rôles de chaque intervenant dans la gestion des ressources naturelles/forestières, ainsi que des moyens de la mettre en œuvre. Elle est aussi due aux nombreux tâtonnements observés dans les réformes en cours, notamment au niveau de la décentralisation des services techniques.

Parmi les critiques formulées à l'encontre des nouvelles législations foncières sahéliennes, on peut citer (Conférence de Praïa):

Afin d'adapter les lois foncières et forestières aux réalités locales, les responsables devront intégrer certains aspects fondamentaux, à savoir:

2.4.3. Renforcement des capacités nationales

Pour appuyer ces multiples transformations, notamment la redéfinition du rôle de chaque intervenant, et intégrer les exigences de l'approche participative, il est nécessaire de renforcer les différentes structures nationales et régionales et de les aider à s'adapter aux réalités nouvelles. Ce renforcement des capacités nationales se fera entre autres au travers d'une formation à l'approche participative et à l'utilisation conjointe des outils de communication.

Afin d'aider les agents techniques à remplir leurs nouvelles fonctions et à maîtriser les modalités de la mise en œuvre de l'approche participative et des outils de communication, des structures de formation continue à l'intention des cadres et agents de terrain ont été créées ou développées, notamment au Sénégal et au Burkina Faso. Ainsi, le Centre FORET (Centre forestier de recyclage de Thiès - Sénégal) a été renforcé afin d'intégrer des modules concernant l'approche participative et ses outils d'application, comme la MARP (voir point 2.3.) ou les supports en communication (voir chapitre 3). Le Centre organise régulièrement des cycles de recyclage et assure également des sessions de formation décentralisées à l'intention des agents forestiers et non forestiers ainsi qu'à des monitrices sociales.

Au Burkina Faso, un centre a été créé avec l'appui du projet BKF/89/011 (Projet n°5) et du projet régional "Forêts communautaires et sécurité alimentaire" (GCP/RAF/303/ITA) en plein cœur de la forêt du Nazinon. Le centre de Nabilpaga propose une formation à la base destinée aux agents de terrain et surtout aux populations (moniteurs villageois). Une méthodologie pédagogique participative y a été développée et a permis notamment la production de dossiers multimédia de vulgarisation sur trois thèmes majeurs liés à l'aménagement des forêts et formations naturelles: Aménagement des formations naturelles (exploitation forestière, semis direct, lutte contre les feux de brousse), Apiculture et Culture attelée (Voir Encadré n°7).

Cette formation a par ailleurs été accompagnée de voyages d'études inter-régionaux, organisés à l'intention des cadres et des populations. Compte tenu de leur intérêt, ces voyages doivent être encouragés à l'avenir, afin de permettre aux uns et aux autres de s'ouvrir à d'autres réalités et d'échanger les diverses expériences en restauration et gestion des ressources naturelles.

2.4.4. Création d'un cadre de concertation au niveau national et régional

La coordination des actions et l'homogénéité des stratégies d'intervention doivent être recherchées au niveau national et régional entre les différents services techniques concernés par le développement rural (agriculture, élevage, forêt, santé, alphabétisation...), les autorités administratives et les différents acteurs (projets, ONG, privés). L'intérêt de la création d'un tel cadre de concertation est évident pour permettre les échanges d'informations, faciliter la nécessaire transparence des actions menées en milieu rural et éviter sur le terrain la contradiction très fréquente des divers modes d'intervention:

Notre intérêt de collaborer avec un projet forestier? commente un responsable d'une ONG intervenant dans le Bassin arachidier (SénégalJ: mettre en commun nos ressources matérielles, humaines, pour renforcer l'efficacité de notre intervention. Nous essayons de crcer des conditions favorables à la réussite des actions de reboisement initices dans le département en facilitant la rénavation ou la mise en place d'infrastructures hydrauliques dans les villages qui souhaitent s'impliquer dans la protection de l'environnement. En cela, nous renforçons l'intervention des services forestiers. En matière de protection des ressources forestières, c'est tout ce que nous pouvons faire actuellement. Bien que conscients du rôle central de l'arbre dans la restauration de l'équilibre agro-écologique de la région, nous n'avons aucune compétence dans ce domaine. C'est pourquoi, dans les villages où nous programmons la mise en place d'infrastructures hydrauliques, I'appui des services forestiers nous est indispensable. Là où nous amenons l'eau, nous savons que des systèmes d'exploitation agro-forestiers respectueux de l'environnement ont des chances de se développer. En rassemblant nos moyens et nos compétences, nous ne faisons pas plus mais nous faisons mieux.

D'une manière générale, les moyens techniques et financiers disponibles sont relativement faibles en regard des tâches de conception, de coordination et de suivi de l'ensemble des actions. Dans un contexte de crise financière et de décentralisation des services de l'Etat, il importe de développer au mieux les capacités nationales des services techniques en matière de gestion des ressources naturelles et de gestion de terroirs. La collaboration entre les différents services et structures nationales est un moyen efficace pour améliorer l'ensemble des interventions liées au développement rural et de surcroît valoriser les diverses compétences:

Désormais, explique le chef de poste de Mérina Dakhar (Sénégal - Projet n °1), nous ne pouvons plus /àire cavalier seul. Une approche intégrée de la gestion des ressources naturelles n'est possible que si l'ensemble des services techniques coordonne leur action. Au Sénégal, les CERP (Centres d'expansion ruraux polyvalents) représentent un cadre privilégié pour agir ensemble. Situés au niveau de l'arrondissement, ils sont animés par une équipe pluridisciplinaire d'appui au développement rural. Bien que disposant de peu de moyens, ils représentent pour nous une source de compétences complémentaires aux notres. La monitrice du CERP nous appuie pour promouvoir l'utilisation de fayers améliorés dans la région. L'agent de l'agriculture, celui de l'élevage et celui de la santé participent à nos côtés à la réulisation de diagnostics ou d'exercices de planification sur le terroir avec les villageois. Sans leur concours, nous ne pourrions pas utiliser comme moyen de diagnostic la méthade MARP, pourtant particulièrement eicace pour impliquer les villageois dans la réflexion.

Afin d'aider les services techniques à s'adapter aux conditions nouvelles d'intervention, plusieurs pays de la sous-région ont bénéficié ou bénéficient d'appuis de la part des bailleurs de fonds et de la FAO. C'est le cas à des degrés divers pour trois pays: Sénégal, Burkina Faso et Niger. Toutefois, les acquis du Sénégal, précurseur en matière d'approche participative appliquée à la gestion des ressources naturelles, ont permis de développer les bases d'une méthodologie. Pour ce faire, le Sénegal a bénéficié de la présence de plusieurs projets (dont les projets n° 1 à 4) et de projets d'appui institutionnel à la DEFCCS, dont le projet "Appui au programme de développement de la foresterie rurale au Sénégal (Phase 1)" (Voir Fiche de projet n°7). Ce projet a permis entre autres l'adoption de la méthodologie d'approche participative en tant que "outil privilégié d'intervention en matière de foresterie rurale". Il a également permis de développer les outils d'application, notamment ceux de communication rurale, de contribuer à la mise au point d'une stratégie de communication multimédia, d'élaborer un manuel de formation et d'organiser de nombreux ateliers nationaux et régionaux de formation et diffusion des principes de la méthodologie. D'une manière générale, il a contribué au développement des capacités nationales en matière de conception, mise en œuvre, suivi-évaluation des programmes de foresterie rurale. A ce titre, il peut servir d'exemple aux autres projets d'appui ou de renforcement des capacités nationales des services forestiers.

Sur le terrain, il est fréquent de rencontrer des modes d'intervention qui diffèrent selon le secteur concerné (développement rural, agriculture, élevage, forêt) et sont parfois contradictoires alors qu'ils s'adressent aux mêmes populations. Ceci peut s'expliquer par l'absence de structure de coordination au niveau régional et local et par l'insuffisance d'implication de l'ensemble des services techniques responsables en matière de développement rural et de suivi des programmes et des projets, ceux-ci relevant par ailleurs le plus souvent d'une seule direction ou ministère:

Ecouter un éleveur qui se plaint que ses bêtes sont malades ne doit pas nous conduire à exercer un métier qui n'est pas le nôtre, souligne le Conseiller technique principal (CTP) du projet de Dabo (Sénégal - Projet n °3). Notre réflexe doit être dans ce cas de mettre le paysan en contact avec un vétérinaire. Autre cas de figure, plus intéressant parce que moins évident à résoudre: celui où, pour protéger la Jorêt, nous devons investir un champ qui n'est pas le nôtre. C'est le cas pour la Jorêt de Dabo dont la préservation repose sur le développement d'activités pastorales et nécessite une diminution de la pression exercce par les troupeaux sur le couvert forestier. Dans ce cas, notre rôle, en collaboration avec des agents de l'élevage, est de réfléchir à une combinaison harmonieuse entre les activités sylvicoles et pastorales. Très souvent, demander aux populations locales, de s'impliquer dans la gestion des ressources forestières modifie totalement notre manière d'intervenir. Cela nous oblige à porter un regard neuf, à aborder la question /ores tière à travers l'agriculture, I'élevage, bref à nous ouvrir sur de nouvelles disciplines. Cette ouverture est indispensable. Mais elle ne doit pas nous /aire tomber dans le pirge de l'égarement dans des secteurs'd'activités'qui ne sont pas les nôtres. Elle doit au contraire nous apprendre à savoir comment travailler avec d'autres agents du développement rural pour accroître l'efficacité de notre intervention en tant que forestier.

Dans ce contexte, la création d'un cadre de concertation qui favorise les échanges entre les différents services décentralisés et la coordination s'avère très utile. Elle lui permettra d'assurer une planification concertée des actions, d'harmoniser les modes d'intervention et d,appui technique aux populations:

Dans la zone où nous intervenons, il y a autant de méthades pour lutter contre la désertification que de projets, explique le Directeur national du projet de lulte conire l'ensablement (Niger - Projet n °6). La diversité peut être une richesse. Dans notre contexte, marqué par la difficulté qu'ont les différents intervenants à coordonner leur action, c'est plutôt un facteur de blocage. Certains'projets rétribuent les villageois pour effectuer des travaux de conservation des sols. Aussi, il est pour nous très difficile de travailler avec un village qui a bénéficié de ce type d'appui, même si le système de gestion que nous proposons présente l'intérêt évident d'être plus durable. Même chose pour les mesures d'accompagnement, non pas que les nôtres soient meilleures que d'autres, mais la diversité actuelle des types d'appui proposés crce un climat de surenchère peu propice à une gestion concertre des ressources naturelles. Les villageois accucillent plus ou moins favorablement un projet selon la nature de l'appui matériel etfinancier qu'il propose. Autant dire que sur cette base, le dialogue pourtant primordial qui doit s'engager entre villageois etforestiers devient plus difficile.

La mise en place de cette concertation pourtant nécessaire peut demander beaucoup de temps, comme le montre l'exemple suivant donné par le Responsable du Service animation/vulgarisation du PREVINOBA (Sénégal - Projet n°1):

En avril 1993, toutes les structures d'intervention en milieu rural présentes dans la région de Thiès se sont réunies pendant trois jours sous l'autorité du Gouverneur pour discuter du cadre organ isationnel dont elles allaient se doter pour coordonner leur intervention en matière de gestion des ressources naturelles. En septembre 1990, nous prenions un premier contact avec quelques intervenants de la zone. Il nous a fàllu trois ans de dialogue, de négociations informelles - entre deux portes ou à la faveur d'une rencontre sur le terrain - ou dans le cadre de réunions que nous organisions, pour contribuer à instaurer un climat de confiance entre les différents partenaires de la zone. Dans ce cadre, nous avons utilisé plusieurs supports de communication, notamment une vidro et un tableau d'images présentant la méthadologie du projet. Ces deux supports nous ont bien sûr facilité la tache en stimulant les débats lors des réunions que nous organisions. Mais ils nous ont également obligés à mieux nous définir.

Comme le montre cette intervention, si l'établissement de règles de gestion communes des ressources naturelles et la concertation entre tous sont jugés nécessaires, cet effort peut susciter également beaucoup de temps (3 à 4 ans en l'occurrence) et beaucoup de méfiance.

Par contre, la création de cette structure de concertation créée au niveau régional a l'avantage de dynamiser, responsabiliser et valoriser les différences compétences qui existent au niveau local, comme le montre l'intervention du sous-Préfet de Merina Dakhar (Sénégal -Projet n°1):

Notre rôle? Tout d'abord, rassembler, faire se rencontrer ceux qui se croisent sans se voir. C'est pourquoi, avec la collaboration du projet, j'ai mis sur pied une cellule de concertation au niveau de la sous-préfecture. L'objectif est de rassembler tous ceux qui sont concernés par le développement rural. ONG, organisations paysannes, services de l'Etat, toutes les structures qui jusqu'à lors se pensaient si éloignées les unes des autres que souvent, elles ne jugeaient pas utile de se rencontrer. Pour régler les conflits, les prévenir, et surtout pour accroître l'eJficacité de chaque intervention qui une fois couplée avec d'autres voit son epèt décuplé. En matière d'environnement, le travail à accomplir est immense et les moyens toujours insupsants. Autant rassembler nos forces!


  1. Le concept de terroir peut varier fortement d'une région ou d'un pays à l'autre. Comme il a été rappelé précédemment, il se réfère généralement à un espace exploité, mis en valeur et géré par une ou plusieurs communautés villageoises pour la satisfaction de leurs besoins.
  2. Parmi ces projets, on peut citer: le PREVINOBA (Reboisement villageois dans le nord-ouest du bassin arachidier), le PROGONA (Boisements villageois et reconstitution des forêts classées de gonakiés), le projet d'aménagement de la forêt de Dabo, le projet de développement agro-sylvo-pastoral dans 7 villages pilotes (Voir fiches de projets présentées en annexe et discutées au point 2.3.).
  3. Manuel de formation à l'approche participative élaboré au niveau du projet GCP/SEN/037/NET, "Appui au programme de développement de la foresterie rurale au Sénégal". Manuel conçu en trois modules:
    1. Méthodologie de l'approche participative
    2. Gestion de la démarche participative dans le temps et dans l'espace
    3. Supports de communication dans l'approche participative

  4. Pour le détail des différentes étapes, se référer au manuel de formation en approche participative (Gallard et Koné, 1 994 - GCP/SE N/03 7/N ET). Toutefois, dans un souci du respect de la logique du processus et au vu de l'analyse des diverses expériences, les étapes 6 et 7 ont été inversées par rapport à l'ordre proposé dans ce manuel et une quatrième phase a été ajoutée pour marquer le caractère cyclique du processus.
  5. Pour rappel, dans le manuel présenté par Gallard et Koné (1994) dont il a été question précédemment, les étapes 6 et 7 ont été inversées. Toutefois, afin d'assurer la logique de la maîtrise du processus par les populations favorisant précisément la concertation avec l'ensemble des partenaires et intervenants (étape ultérieure), iI est apparu préférable de proposer dans le cadre de ce bilan sur l'approche participative une inversion de ces deux étapes. L'étape 6 d'évaluation par les populations de l'efficacité de leurs actions n'exclut en rien un suivi et un encadrement rapproché de la part des services techniques.
  6. La définition de la nouvelle situation de référence ou de départ (Situation O) peut correspondre à la situation 1 ou 2, définie après la mise en œuvre de l'approche participative (voir Figure 1 ).
  7. La situation peut être définie et caractérisée par l'ensemble des conditions du milieu physique, des conditions socio-économiques et des modes d'exploitation du milieu par les populations.
  8. SÉNÉGAL:
    1. PREVINOBA- Reboisement villageois dans le nord-ouest du bassin arachidierGCP/SEN/029/NET
    2. PROGONA- Boisements villageois et reconstitution des forêts classées de gonakiés - GCP/SEN/036/NET
    3. Aménagement de la forêt de Dabo - PNUD/FAO SEN/87/028
    4. Développement agro-sylvo-pastoral dans 7 villages pilotes - PNUD/FAO SEN/87/027
      BURKINA FASO:
    5. Aménagement des forêts naturelles pour la sauvegarde de l'environnement et la production de boisPNUD/FAO BKF/89/011
      NIGER:
    6. Lutte contre l'ensablement des terres de culture - PNUD/FAO NER/89/004

  9. Communication à l'Atelier sous-régional des projets forestiers opérés par FODO en Afrique francophone. Dakar, 24-28/02/1 992.
  10. Le rôle des partenaires du développement (projets/services techniques) n'est pas en effet de porter a priori un Jugement sur le fonctionnement social, même si celui-ci semble inégalitaire, mais plutôt de comprendre les règles et structures sociales traditionnelles et d'adapter leur comportement à celles-ci.
  11. Cet intervalle de temps très long illustre bien la difficulté que peuvent rencontrer les divers agents et services techniques face à la redéfinition de leur rôle traditionnel et aux nouvelles stratégies d'intervention en matière de gestion des ressources forestières.
  12. Le chantier de la forêt du Nazinon (24.000 ha) est patrouiIlé par sept brigades vertes. Celles-ci veillent au respect des rèyles de protection et mènent des actions de sensibiIisation auprès des éleveurs pour un usage plus respectueux de la forêt.
  13. C'est le cas, par exemple, du projet "Aménagement des forêts classées de Maradi" (Niger), où les populations n'ont pas été suffisamment sensibilisées aux enJeux environnementaux. Il en est résulté une absence de suivi et de prise en charge par les populations des actions entreprises par le projet, pourtant menées avec elles, ainsi qu'une attitude attentiste et de dépendance vis-à-vis du projet, qui par ailleurs a opté pour la rémunération des plants produits par les populations ou encore a organisé le gardiennage des plantations à la place des populations.
  14. Ces mesures d'incitation sont d'autant plus importantes que les projets succèdent généralement à une (ou plusieurs) phase(s) d' intervention en régie, où l'intervention des populations se limitait le plus souvent à une main-d'oeuvre rétribuée (en espèces ou en nature - vivres PAM). La présence d'autres intervenants dans la zone d'intervention doit être également prise en considération, afin soit de valoriser les apports complémentaires financiers et techniques éventuels, soit d'harmoniser les stratégies d' intervention de l 'ensemble des projets/ONG, au niveau de la zone.
  15. Pour plus de détails, se référer au Document de formation pour la planification agricole n°28: "Programmation et préparation de petites opérations de développement rural", FAO, Rome, 1992.
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