Table des matières - Précédente - Suivante


Première partie - Enjeux et objet

Résumé
Chapitre I - Les enjeux
Chapitre II - Diversité des formations végétales ligneuses et répartition sommaire
Chapitre III - Les facteurs d'évolution des forets sèches
Chapitre IV - Concept d'aménagement - évolution, principes, impératifs techniques


Résumé

Dans cette première partie sont présentés: l'objet de l'étude, à savoir les forêts de zones tropicales, et les enjeux associés à leur gestion c'est-à-dire à leur aménagement. Il s'agit donc d'une partie introductive destinée à préciser le cadre, les limites et l'esprit de ce travail.

Le Chapitre I met l'accent sur l'urgence d'assurer un aménagement et une gestion à long terme des forêts de zones tropicales et sur l'importance de la mobilisation internationale. Il justifie l'objectif de l'étude tournée vers le transfert des connaissances et la recherche de perspectives nouvelles.

Les Chapitres II et III décrivent les différentes formations végétales étudiées, leurs répartitions géographiques et tentent de cerner les principaux facteurs d'évolution de ces espaces. L'accent est mis sur la diversité des situations rencontrées, sur le "continuum forestier" qui s'organise des formations de forêts denses sèches aux steppes arbustives et sur les similitudes "morphologiques" qui se dégagent entre les différentes zones géographiques (Afrique, Asie, Amérique).

Enfin, le Chapitre IV présente les concepts, les principes et les impératifs techniques attachés à l'aménagement durable, dans lesquels s'inscrivent les démarches forestières de lutte contre la dégradation de l'espace forestier.

Très souvent au cours de cette première partie, nous nous sommes heurtés à des problèmes de définitions, de nuances et/ou de normalisation. Nous avons toujours opté pour les approches qui se révélaient les plus faciles à appréhender et qui se rapprochaient des choix faits par la FAO.

Chapitre I - Les enjeux

1. Justification de l'étude et enjeux
2. Domaine de l'étude
3. Les pays concernés


1. Justification de l'étude et enjeux

Les conditions de vie sont souvent précaires dans les zones tropicales sèches. Ces dernières décennies, la succession d'années de sécheresse ainsi que la croissance de la ont complètement bouleversé les écosystèmes. La récolte du bois de feu et d'autres produits extraits des forêts s'est intensifiée aux abords des grandes villes. Les systèmes traditionnels de gestion des ressources ne peuvent plus faire face efficacement à ces situations nouvelles: les rotations des jachères deviennent de plus en plus courtes, les sols sont de moins en moins fertiles, les défrichements pour l'agriculture s'accélèrent, le surpâturage se développe, tandis que les besoins en bois de feu se font de plus en plus importants.

Le bois de feu est le principal combustible utilisé par les populations des zones tropicales sèches, puisqu'il représente dans la majorité des cas plus de 85% de la source d'énergie dont elles disposent. Cependant, il devient de plus en plus difficile de s'approvisionner, principalement aux abords des grandes agglomérations et il faut aller chercher toujours plus loin une ressource qui, en raison du déséquilibre entre l'offre et la demande, tend à se raréfier et à être surexploitée. Il s'ensuit des pénuries épisodiques, mais relativement fréquentes dans certaines villes et l'on peut prédire que si la croissance démographique et les tendances de la consommation de bois de feu se poursuivent, ce phénomène deviendra permanent, et conduira à un déficit énergétique non négligeable. Cette tendance s'observe déjà en Afrique, dans le domaine soudano-sahélien où l'on observe une diminution de la consommation de ligneux, qui est passée ces dernières années de 1 à 0,74 m3 par personne et par an (Sharma et al., 1994), sans que ce fléchissement puisse être attribué à la modernisation des foyers et/ou au recours à des énergies de substitution. Plutôt que les chiffres absolus, très précis, il est important d'enregistrer cette tendance à la baisse, symptomatique d'une prise de conscience.

Cette surexploitation, associée aux défrichements d'origine agricole et parfois au surpâturage, amoindrit la forêt dans les nombreux services et fonctions qu'elle assurait et qui sont menacés, non seulement en raison du déboisement, mais aussi de la réduction de la biodiversité des formations ligneuses qui subsistent.

Enfin, notons que le désordre qui s'installe de façon corrélative conduit à une utilisation peu productive et dangereuse de la ressource.

Tableau n° 1: Déboisement dans les zones sèches (extrait de FAO, 1993-b)


Superficie des zones (1990)

Superficie couverte par les formations forestières (1990)

Déboisement (1981-1990)


(millions d'ha)

(millions d'ha)

(% de la zone)

(moyenne annuelle en millions d'ha)

(% de perte annuelle)

Afrique

823,1

151,2

18

1,1

0,7

Asie

280,6

41,1

15

0,5

1,2

Amérique latine

145,4

46,0

32

0,6

1,3

Ensemble

1249,1

238,3

19

2,2

0,9

Les difficultés rencontrées par les systèmes de gestion des ressources renouvelables face aux pénuries de combustibles ligneux, aux menaces relatives à la sécurité alimentaire, à la réduction de la diversité génétique et au déboisement ont été identifiées grâce aux différents plans nationaux de lutte contre la désertification. Ils ont été discutés lors de la Conférence des Nations Unies pour l'Environnement et le Développement (CNUED), qui s'est réunie à Rio de Janeiro du 3 au 14 juin 1992. On retrouve entre autres, dans "La déclaration de principes sur la forêt" et dans "L'Action 211", un certain nombre de principes et d'orientations, adoptés à cette occasion, qui nous ont servi de références et de repères pour la réalisation de cet ouvrage, en particulier:

- la reconnaissance du droit souverain des nations à gérer leurs forêts dans le respect d'un développement national envisagé sur des bases durables;

- l'accès pour tous à des informations actualisées, fiables et précises relatives aux ressources forestières,

- la participation de toutes les parties intéressées dans la formulation et l'application de la politique forestière;

- l'importance de tous les types de forêt dans l'entretien des processus écologiques.

1 "Agenda 21" pour les non-francophones

Le chapitre 11 de "L'Action 21", publié lors du Sommet de la Terre à Rio et relatif aux forêts, cite comme objectif particulier d'"établir et appliquer, le cas échéant, des programmes nationaux en matière de foresterie ou des plans de gestion, de préservation et de mise en valeur durable des forêts". Ainsi, l'un des buts affichés était d'''assurer une gestion rationnelle à long ferme et, le cas échéant, la préservation des ressources forestières existantes (...). En ce qui concerne plus spécifiquement les pays tropicaux, l'Action 21 insiste sur l'importance de la politique forestière, de la législation, du renforcement des institutions nationales comme préalables à un développement durable" (CEE, 1994).

Par ailleurs, la convention internationale sur la lutte contre la désertification a été adoptée le 17 juin 1994 à Paris et signée par 114 pays et l'Union Européenne. Elle devrait entrer en vigueur fin 1996.

Cette prise de conscience a permis de rassembler autour d'un objectif consensuel, l'aménagement durable et intégré, les aspirations et les intérêts des différents usagers des écosystèmes forestiers. Mais parallèlement, la situation ne cesse de se détériorer. Les causes multiples du déboisement et de la dégradation des forêts (climat, démographie, politique, foncier, agriculture) accentuent leurs effets alors que bien des aspects de la connaissance et de la dynamique de ces écosystèmes nous échappent. Ces insuffisances sont le reflet des limites du savoir et de sa diffusion. Pourtant durant ces dix-quinze dernières années, de nombreuses actions ont été menées: des projets pilotes ont cherché à dégager de nouvelles méthodes de gestion, des dispositifs expérimentaux ont été installés et suivis. La connaissance, les savoir-faire et leur mise en pratique se sont améliorés, mais restent insuffisamment diffusés.

Face à ces évolutions, il s'avérait nécessaire de faire le point et de tenter de publier un document général, directement exploitable par les principaux utilisateurs des pays concernés. Tel est l'objectif de ce travail. Il ne traitera cependant que des forêts naturelles, en excluant les plantations et l'arbre dans les systèmes agraires.

2. Domaine de l'étude

Cette étude (carte n° 1) traite des zones où:

- les précipitations annuelles enregistrées durant les dix-quinze dernières années sont comprises entre 300 et 1200 mm;

- le nombre de mois secs, soit par définition, ceux dont les précipitations sont inférieures à 30 mm, est compris entre 5 et 10.

Ce qui, par exemple pour l'Afrique, en excluant les climats extrêmes I et V (guinéen forestier et saharien), correspond partiellement aux climats II, III et IV définis par Aubréville (1949), à savoir:

- les climats tropicaux semi-humides du type soudano-guinéen (en partie);
- les climats tropicaux secs du type sahélo-soudanais (principalement);
- les climats tropicaux secs du type sahélo-saharien.

La carte n° 2 représente l'ensemble des formations ligneuses tropicales sèches de l'Afrique (Menaut, 1983). Sur la carte n° 3 ne sont représentées que les forêts situées en Afrique au sud de l'Equateur.

On délimite ainsi les zones majeures de l'étude:

- en Afrique, dans la région sahélo-soudano-zambézienne (carte n° 4):

* les domaines soudanien et sahélien au centre et à l'ouest;
* une partie du domaine oriental à l'est;
* le domaine zambézien (et la partie nord-est du Kalahari);
* à Madagascar, les côtes sud et ouest;
* l'extrême pointe sud de la péninsule arabique (Yémen);

- en Amérique (carte n° 5):

* les zones du nord-est du Brésil (Campos Cerrados et Caatingas);

* le Chaco du Paraguay, de la Bolivie et de l'Argentine;

* le nord du Venezuela;

* en Amérique centrale, la moitié ouest du Mexique (Mezquitales, Chapparales) et le Yucatan, ainsi qu'une frange commune au Guatemala et au Salvador et la zone centrale du Nicaragua;

* dans les Caraïbes, Haïti et la République Dominicaine sur les côtes sud et ouest;

- en Asie (carte n° 6):

* Les formations sèches de la péninsule indienne jusqu'au désert de Thar;
* le pied de l'Himalaya au Pakistan;
* le centre de la péninsule indochinoise principalement en Thaïlande, mais aussi l'extrême sud du Laos, le nord du Kampuchea (Cambodge) et le centre du Myanmar (Birmanie).

Par contre, les zones suivantes ne sont pas concernées par cette étude:

- les milieux secs à climat méditerranéen;
- les zones sèches de l'Australie et du Pacifique;
- les parcs ou savanes-parcs et les agro-forêts;
- les mangroves des pays secs;
- les périmètres irrigués des zones sèches;
- les savanes incluses dans des massifs de forêt humide;
- les régions montagneuses incluses dans les zones citées ci-dessus.

La carte n° 1 (page suivante) a été réalisée à partir des cartes de "Répartition mondiale des zones arides" (UNESCO, 1977), de la carte de végétation d'Afrique (White, 1983), modifiées à l'aide des atlas climatologiques de l'Amérique Centrale et du Sud, de l'Asie (OMM/ WMO/ UNESCO, 1975 et 1979) et de l'Afrique (Jackson, 1961).

Forêts tropicales sèches étudiées

3. Les pays concernés

Les principaux pays qui comprennent des zones sèches telles que définies ci-avant sont repris dans le tableau n° 2.

Tableau n° 2 Liste des pays concernés par cette étude

AFRIQUE OCCIDENTALE ET CENTRALE

AFRIQUE ORIENTALE ET MERIDIONALE

AMERIQUE

ASIE

Bénin (Nord)

Afrique du Sud (Nord)

Argentine (Nord)

Myanmar (Birmanie)

Burkina Faso

Angola

Bolivie (Sud)

Kampuchea (Cambodge)

Cameroun (Nord)

Botswana

Brésil (Nord-Est et Centre-Sud)

Inde (Centre et Nord)

Côte d'Ivoire (Nord)

Ethiopie

Colombie (Nord)

Laos (Sud)

Gambie

Kenya

Costa Rica (Est)

Pakistan

Ghana (Nord)

Madagascar (Sud et Ouest)

El Salvador

Thaïlande

Guinée Bissau (Nord)

Malawi

Guatemala (Est)

Viêt-Nam (Centre et Nord)

Mali

Mozambique

Haïti


Mauritanie (Sud)

Namibie (Est)

Mexique (Est)


Niger

Tanzanie

Nicaragua (Centre-Est)


Nigéria (Nord)

Somalie (Ouest)

Paraguay (Nord-Est)


République Centrafricaine (Nord)

Soudan

République Dominicaine


Sénégal

Zambie

Venezuela (Nord)


Tchad

Zimbabwe



Togo (Nord)




Selon la FAO (1993), environ 66% des zones écologiques sèches et très sèches se situent en Afrique et si l'on s'en tient à l'évaluation des ressources forestières tropicales de 1990, les formations décidues sèches se répartissent pour 52% en Afrique, 23% en Asie-Pacifique et 25% en Amérique latine. Même si ces proportions fluctuent énormément en fonction des définitions retenues, il est certain que les formations ligneuses tropicales sèches sont surtout représentées en Afrique.

Les financements internationaux, destinés à l'aménagement des forêts tropicales sèches, sont souvent orientés actuellement vers l'Afrique. Il existe peu de projets d'aménagement de forêts naturelles en Asie ou en Amérique latine. C'est pourquoi beaucoup de références, citées ci-après, traitent de l'Afrique.

Chapitre II - Diversité des formations végétales ligneuses et répartition sommaire

1. Les différentes classifications utilisées
2. Description des principaux types de végétation
3. Quelques types de formations ligneuses par zones géographiques


1. Les différentes classifications utilisées

Le terme de forêt tropicale sèche prête à équivoque, car il regroupe des formations telles que les forêts denses sèches, les fourrés, les forêts claires, les savanes et les steppes (boisées, arborées ou arbustives). Pour définir la forêt tropicale sèche, les auteurs se basent sur des concepts aussi différents que la structure de la végétation, son aspect, l'ensoleillement, les précipitations, l'évapotranspiration, le nombre de jours ou de mois secs (eux-mêmes définis selon différents critères), etc.

Généralement, les termes utilisés par les différents auteurs qu'ils soient forestiers, botanistes ou géographes dérivent dans un premier temps d'emprunts aux langues ou aux dialectes locaux. Ensuite, une deuxième démarche conduit les scientifiques à plus de cohérence et à proposer des classifications à vocation universelle.

Selon la terminologie de la FAO, les "forêts" comprennent les forêts à couvert fermé, ainsi que les forêts claires et les savanes ayant un pourcentage de couvert supérieur à 10%.

Tableau n° 3: Types de végétation pris en compte dans cette étude

Yangambi (1956)

FAO (1981)

Exemples

Forêt dense sèche
Dry deciduous forest

NHCf
Forêt dense feuillue

Forêts denses sèches du domaine soudanien.
Forêts denses sèches de Madagascar.
Bosque bajo caducifoliado (Mexique, Amérique Centrale).
Forêts denses sèches de l'Inde.

Forêt claire
Woodland

NHc/NHO
Formations arborées feuillues mixtes, forestières et graminéennes

Forêts claires (Khaya, Isoberlinia, etc.) du domaine soudanien.
Mopanes et Miombos (Brachystegia, Julbernardia, etc.) d'Afrique australe.
Forêts à Dipterocarpaceae d'Inde.
Cerrado, Sabana arborea d'Amérique.

Savane boisée
Savanna woodland
Savane arborée
Trees savanna
Savane arbustive
Shrub savanna

NHc/NHO
Formations arborées feuillues mixtes, forestières et graminéennes
nH
Formations (essentiellement) arbustives (feuillus)

Savanes arborées ou boisées du domaine soudanien à Anogeissus leiocarpus.
Formations claires du domaine soudano-sahélien.
Formations sèches d'Inde à Albizia amara.
Campos cerrados.
Sabana abierta.
Chaco seco.

Steppe arborée et, ou arbustive
Trees and, or shrub steppe
Steppe buissonnante
Dwarf-shrub steppe

NHc/NHO
Formations arborées feuilles mixtes, forestières et graminéennes
nH
Formations (essentiellement) arbustives (feuillus)

Formations à Acacia senegal d'Afrique.
Caatingas, Chapparal.
Faciès dégradés du Chaco (Amérique).
Formations xérophiles d'Inde.

Fourré
Thicket

-

Formations à Combretum d'Afrique.
Caatingas agrupadas.
Matorral.
Chaco (xéromorphe).

Les deux colonnes de gauche du précédent tableau font toujours référence dans le monde forestier. Malgré ses défauts, la classification de Yangambi (Aubréville, 1957) a le mérite d'être le résultat d'un consensus entre de nombreux phytogéographes francophones et anglophones. De plus, les termes utilisés sont courants, simples et imagés. Nous les avons reliés autant que possible à la classification FAO de 1981.

Figure n° 1: Classification FAO de la végétation ligneuse naturelle

Le cadre gras de la figure n° 1 fait ressortir la plupart des végétations ligneuses naturelles qui sont étudiées dans ce document.

2. Description des principaux types de végétation

2.1. Les forêts denses sèches
2.2. Les fourrés
2.3. Les forêts claires
2.4. Les savanes
2.5. Les steppes


Dans ce paragraphe, nous nous proposons de décrire de manière très générale les principaux types de végétation que nous allons prendre en compte au cours de cette étude, soit les forêts denses sèches, les fourrés, les forêts claires, les savanes et les steppes. Les définitions et la figure n° 2 ont été extraites de Letouzey (1982).


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