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4. CADRE DE PLANIFICATION ET INSTRUMENTS DE POLITIQUE

4.1 Cadre de planification

4.1.1 Politique macro-économique

Depuis plusieurs années, le Mali est engagé sur la voie d'un vaste programme de restructuration économique et sociale. Dans le domaine économique, des programmes d'ajustement structurel agissent sur la régulation de la demande (politique budgétaire et monétaire) et de l'offre (libéralisation des prix, restructuration du secteur public et promotion du secteur privé). Dans le contexte de la nouvelle parité du FCA, un document de politique pour 1994-95 a par ailleurs été élaboré en vue de renforcer les gains de productivité et la compétitivité de l'économie malienne au niveau de la sous-région. En février 1995, le Gouvernement a procédé à une actualisation et à un renforcement de ce document pour la période 1995-96, en soulignant notamment le besoin d'accélérer les réformes économiques, de poursuivre la restructuration d'organismes para-étatiques dans certains secteurs (ex. coton), et d'encourager le développement des petites et moyennes entreprises.

Sur le plan social, diverses politiques sont en cours, en particulier dans le domaine de la promotion féminine, de l'éducation et de la santé.

Les options stratégiques fondamentales de la politique macro-économique du Gouvernement sont articulées autour: du désengagement de l'Etat des activités productrices et commerciales, et de la promotion du secteur privé et associatif; de la décentralisation des décisions et des actions de développement; de la responsabilisation des communautés villageoises, notamment dans l'aménagement et la gestion de leurs terroirs; et de la solidarité avec les populations les plus désavantagées.

Depuis 1991, une autre option politique majeure du pays concerne la décentralisation des pouvoirs de l'Etat. Sur le plan juridique, cela s'est traduit par l'adoption d'un texte de loi sur la décentralisation (loi N° 93 008 du 11 février 1993 sur les collectivités territoriales), accompagné d'une révision du code foncier et domanial. Sur le plan administratif, une nouvelle organisation devrait être mise en place, qui devrait reposer à la fois sur les services déconcentrés de l'Etat et sur ceux des collectivités territoriales décentralisées, dotées de la personnalité morale et de l'autonomie financière.

Les collectivités territoriales sont composées des régions, des cercles et des communes urbaines et rurales (environ 650 communes ont été géographiquement délimitées à l'heure actuelle). Elles ont pour mission générale de concevoir, programmer et mettre en oeuvre des actions de développement économique, social et culturel d'intérêt régional ou local.

Les collectivités territoriales, dont la mise en place n'est pas encore effective, devraient être administrées par un organe délibérant élu (assemblée ou conseil), qui à son tour élira en son sein un organe exécutif. Cependant, seuls les représentants siégeant au conseil communal seront élus au suffrage universel. Pour assurer leur indépendance financière, elles disposeront d'un budget propre alimenté par des impôts et taxes qu'elles seront autorisées à percevoir, des subventions de l'Etat, des dons et legs, des emprunts, et des revenus de leur domaine.

Le domaine des collectivités comprend un domaine public et un domaine privé. Le domaine public des collectivités comprend notamment toutes les dépendances du domaine public naturel de l'Etat situées sur le territoire desdites collectivités (ex. cours d'eau, lacs, étangs...) et dont l'Etat leur a transféré la conservation et la gestion. S'agissant de la notion de domanialité, il convient de préciser qu'il ne s'agit pas d'un transfert de propriété des biens du domaine public de l'Etat à celui des collectivités, mais d'un simple transfert de gestion de ces biens.

Dans le cadre de la conservation et de la gestion de leur domaine, les collectivités seront chargées d'élaborer un Schéma d'aménagement du territoire (SAT), chacune à leur niveau, d'une périodicité de 3 à 5 ans. Le SAT devra notamment préciser le domaine forestier, le domaine agricole, le domaine pastoral, le domaine faunique, le domaine piscicole, le domaine minier et le domaine de l'habitat, à la manière d'un plan d'occupation des sols fondé sur le principe de zonage par activité. Le SAT devra également indiquer les stratégies pour mettre en valeur les différents domaines, protéger l'environnement et organiser les activités rurales.

L'essentiel du travail de conception du SAT se fera au niveau local et régional, avec l'appui-conseil des services déconcentrés des différents ministères techniques. Une commission domaniale et foncière devrait être par ailleurs créée auprès de chaque collectivité territoriale pour conseiller et appuyer l'organe délibérant de la collectivité dans l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique domaniale et foncière. Les chambres d'agriculture qui comprendront, entre autres, des représentants de la pêche, devraient constituer apparemment le seul organe consultatif lors de l'élaboration des SAT. Il est prévu par ailleurs que des agences privées (ou d'économie mixte) de développement pourront venir supporter localement des initiatives spécifiques dans une filière en particulier.

Les communes devraient jouer un rôle majeur dans le processus de décentralisation. Le conseil communal est en effet habilité à délibérer sur toutes les affaires de la commune, après avis préalable des conseils de village et/ou de fraction nomade. Les villages et les fractions nomades constituent les communautés de base en milieu ruralreconnues en tant qu'entité sociale. Le cercle est la collectivité territoriale de niveau intermédiaire regroupant des communes et jouant le rôle de relais entre ces dernières et la région. La région, qui regroupe plusieurs cercles, a pour principale fonction d'assurer la mise en oeuvre des stratégies de développement et d'aménagement du territoire arrêtées sur le plan national.

Dans le contexte global de la décentralisation, le rôle de l'administration centrale devrait être de vérifier la régularité et la conformité avec la loi, et non l'opportunité, des activités décidées par les collectivités territoriales et inscrites dans un SAT. Le Haut Commissaire, qui est le représentant de l'Etat au niveau régional, veille au respect des orientations de la politique économique et sociale du Gouvernement au sein de la région, ainsi qu'au maintien de l'ordre public.

La politique nationale de développement rural est consignée dans un document intitulé "Schéma directeur du développement rural". Ce document, élaboré en mars 1992, a pour objectif de mettre en oeuvre la politique macro-économique du Gouvernement en matière de développement rural, dont les grands axes stratégiques sont: la libéralisation et la privatisation du secteur; l'intensification, la sécurisation et la diversification de la production tout en préservant les ressources naturelles; et l'intégration agriculture-industrie. Il constitue un cadre de référence pour tous les sous-secteurs concernés par le développement rural, dont les sous-secteurs de la pêche et de la pisciculture. Ce document de référence doit être réactualisé en 1997.

Les objectifs à long terme du Schéma directeur du développement rural sont les suivants:

- amélioration du revenu et des conditions de vie des populations rurales, dans un souci de réduction des disparités villes/campagnes;

- une alimentation suffisante et équilibrée pour tous (sécurité alimentaire à moyen terme);

- la préservation des ressources naturelles pour assurer un développement durable.

A ces objectifs généraux de développement sectoriel, s'ajoute un objectif macro-économique de dégager les surplus nécessaires à la croissance équilibrée et intégrée entre les différents secteurs et au financement des importations.

A la suite de l'adoption du Schéma directeur du développement rural en 1992, le Gouvernement malien s'est engagé dans un processus de restructuration du MDRE. Un Plan d'action du Ministère (PMDRE) a été adopté, dont l'objectif global est d'encourager un désengagement progressif de l'Etat dans certains domaines, et d'instituer de nouveaux rapports entre l'administration et le monde rural fondés sur un partenariat efficient et librement consenti (cf. section 3.1). Un tel redimensionnement constitue une rupture profonde dans l'histoire de la structuration et de la fonctionnalité de l'encadrement technique du secteur rural malien, qui reposait jusqu'à récemment sur une centralisation des actions et une omnipotence des services de l'Etat. En outre, la restructuration en cours du MDRE devrait consacrer l'"approche systèmes de productions", pour tenir compte de la pluri-activité en milieu rural.

4.1.2 Politique et plan de développement du secteur pêche et pisciculture

Le dernier Plan quinquennal de développement 1987-91 du Mali avait inscrit certaines activités dans le domaine de la pêche, dans le cadre des objectifs d'atteinte de l'auto-suffisance alimentaire et de lutte contre la sécheresse et la désertification. Ces activités s'articulaient autour de: l'aménagement des pêcheries; l'amélioration de la connaissance des stocks halieutiques et des facteurs de production; la formation des cadres et des producteurs; l'amélioration de la qualité des produits de la pêche; l'empoissonnement des retenues, lacs et mares; et le développement de la pisciculture. Ces lignes directrices avaient été définies sur la base notamment des résultats et conclusions du projet d'études halieutiques du DCN, et ont été consignés dans un document élaboré en 1988, intitulé Esquisse de Politique Nationale de Développement de la pêche et de la Pisciculture.

A l'heure actuelle, les grandes lignes de la politique de développement de la pêche et de la pisciculture sont contenues dans un document de politique forestière élaboré en 1995, qui comprend les différents sous-secteurs forêt, faune, et pêche. Le document reprend les grandes orientations du Schéma directeur du développement rural, en tenant compte également des grandes orientations de la politique de décentralisation.

Le document de politique forestière est articulé autour de trois "options":

- une option sociale visant à responsabiliser les ruraux pour une gestion durable des ressources forestières, fauniques et halieutiques (gestion décentralisée des ressources naturelles);

- une option économique visant à favoriser et à garantir l'investissement foncier ainsi que l'investissement dans les filières; et

- une option écologique visant, d'une part, à préserver la diversité biologique, et, d'autre part, à restaurer les écosystèmes dans le cadre de la lutte contre la désertification et l'avancée du désert.

La proposition de politique forestière présente également quelques éléments de stratégie visant à atteindre les trois options présentées ci-dessus, directement inspirés des recommandations du Schéma directeur du secteur Développement rural. Ces recommandations mettent notamment l'accent sur la gestion des terroirs pour mettre un terme à la "coexistence conflictuelle de logiques juridique, coutumière, religieuse et moderne". Toutefois, l'exercice de planification comprenant notamment une hiérarchisation des objectifs poursuivis, la définition de stratégies de développement, et la formulation de programmes d'action pour chaque sous-secteur du secteur Forestier au sens large du terme n'a pas encore été réalisé. La prochaine phase du processus de planification devrait consister à formuler, pour chaque sous-secteur, un Schéma directeur sectoriel ainsi qu'un programme d'actions à court-moyen terme accompagné le cas échéant de projets de développement.

A l'heure actuelle, la filière pêche et pisciculture ne dispose par conséquent d'aucun cadre de planification spécifique pour orienter les politiques et programmes. Les actions en faveur de la filière sont menées au cas par cas, soit dans le cadre de l'administration des pêches (ex. études ponctuelles, suivi de zones tests sur la gestion décentralisée des ressources halieutiques), des instituts de recherche (ex. Observatoire de la pêche dans le Delta Central, recherche en sciences sociales...), ou de l'assistance extérieure gouvernementale ou non gouvernementale (ex. projet régional de valorisation des captures, projet PAMOS dans le domaine de la planification et de l'aménagement des pêches, ONGs...).

Depuis 1994, un processus de planification du développement et de l'aménagement de la filière pêche et pisciculture au Mali a néanmoins été initié, avec l'assistance du PNUD et de la FAO (projet PAMOS), de l'ORSTOM et de l'IER. La démarche adoptée consiste à formuler et à tester des schémas d'aménagement décentralisés pour les principales pêcheries (Delta Central et lacs de barrage de Sélingué et Manatali), de manière à tirer des enseignements pour la définition ultérieure d'une politique sectorielle nationale, reposant sur des instruments juridiques adaptés et un système léger de suivi du secteur.

Dans le cas du Delta Central, où l'on dispose d'une information abondante sur les systèmes halieutiques grâce aux résultats du projet DCN, la stratégie d'aménagement des pêcheries repose sur une dévolution progressive de la gestion des territoires halieutiques aux communautés locales concernées par la pêche. Deux zones tests ont été sélectionnées et délimitées dans l'espace avec le concours d'anthropologues. Des forums ont été récemment organisés (août 1995) en vue de définir les prérogatives de chacun des partenaires (pouvoirs publics, pouvoirs traditionnels et usagers), des règles de gestion communautaire, et les mécanismes à mettre en oeuvre pour suivre l'évolution de ces zones test. Les enseignements tirés de ces expériences pourraient ensuite permettre de formuler d'autres schémas d'aménagement décentralisés sur d'autres territoires halieutiques de la zone deltaïque.

En ce qui concerne les lacs de barrage de Sélingué et Manantali, l'objectif est de formuler des plans d'aménagement participatifs des pêcheries. Des études/diagnostics sur la biologie et la socio-économie des pêches ont été réalisées entre 1994 et 1995, et devraient permettre de proposer prochainement différentes options à soumettre pour discussion et adoption par l'ensemble des partenaires lors de séminaires.

Une mission de la FAO a été mandatée en juin 1995, toujours dans le cadre du projet PAMOS, afin de procéder à une analyse du secteur de la pêche et de la pisciculture, et d'identifier les orientations générales de politique sectorielle. Dans ce cadre, la mission a réalisé une revue sectorielle, et a formulé un ensemble de recommandations sur les mesures relatives à l'aménagement des pêcheries maliennes. L'accent a notamment été mis sur la nécessité de définir et mettre en place dans le court terme un cadre institutionnel adapté permettant de jeter les bases d'un développement durable des pêcheries maliennes.

Au mois de juin 1996, une autre mission de la FAO a été mandatée, toujours dans le cadre du PAMOS, pour actualiser et compléter la revue sectorielle, et formuler une proposition de document de politique des pêches et de la pisciculture au mali. Le document de politique comprend une proposition de Schéma directeur de la pêche et de la pisciculture (politique à moyen-long terme), ainsi qu'un programme d'action à court-moyen terme pour le sous-secteur de la pêche. L'ensemble des propositions contenues dans le document de politique préparé par la FAO devrait être présenté et discuté au cours d'un Séminaire national sur la politique et la planification des pêches, qui devrait se tenir au courant de l'année 1997. Ces propositions sont brièvement présentées ci-dessous.

Les objectifs spécifiques du Schéma directeur de la pêche et de la pisciculture sont de trois ordres:

(i) Améliorer les conditions de vie des communautés de pêcheurs et d'agri-pisciculteurs par: une augmentation de la valeur ajoutée de la filière pêche et une meilleure répartition de cette richesse en faveur des producteurs; le développement raisonné d'une pisciculture extensive apportant un complément de revenus aux agriculteurs dans certaines zones; et une amélioration du bien-être des communautés sur les plans de la santé, de l'hygiène et de l'éducation.

(ii) Permettre au secteur de la pêche de continuer à jouer un rôle important dans la politique de sécurité alimentaire du pays, sur la base: de l'augmentation substantielle de la production du lac de Manantali; de la promotion d'une pisciculture extensive; et incidemment de l'aménagement durable des pêcheries du Delta Central du Niger et du lac de Sélingué.

(iii) Promouvoir un aménagement durable des pêcheries maliennes sur la base, d'une part, de la promotion d'une politique environnementale visant à garantir le maintien de la productivité halieutique naturelle des systèmes fluviaux et lacustres, et, d'autre part, de la mise en place de systèmes de co-gestion des pêcheries entre l'administration et les communautés de base.

Les options stratégiques envisagées pour le sous-secteur de la pêche sont articulées autour des points suivants:

(i) Amélioration des conditions de vie des communautés de pêcheurs, en accordant une attention particulière à : l'augmentation de la valeur ajoutée de la filière pêche et à sa meilleure répartition afin notamment d'accroître les revenus des communautés de pêcheurs (développement du commerce du frais et diminution du taux de brisures pour les produits transformés, diminution du coût du crédit par la recherche de formes de crédit rural institutionnel adaptées au contexte socio-économique du secteur; diminution de la pression fiscale formelle et informelle en amont de la filière); et à l'amélioration du bien-être des communautés sur les plans de la santé, de l'hygiène et de l'éducation en leur facilitant l'accès aux services sociaux de l'Etat, et en soutenant les initiatives communautaires et micro-projets dans les zones de production halieutique.

(ii) Mise en place d'un dispositif pour l'aménagement des principales pêcheries (Delta central du Niger, Sélingué, Manantali), en distinguant un niveau de gestion écosystémique qui vise à protéger les mécanismes productifs naturels des milieux aquatiques lacustres et fluviaux, et un niveau de gestion des pêcheries, qui vise à instaurer des mécanismes de co-gestion permettant, au cas par cas, et en partenariat avec les communautés de pêcheurs, de définir et mettre en oeuvre au niveau local le plus approprié, les mesures régissant l'organisation des activités de pêche (accès aux zones de pêche, techniques et engins de pêche utilisés, modalités de règlement des litiges...).

(iii) Mise en place (urgente) en parallèle d'un cadre institutionnel et juridique adapté à la nouvelle politique de développement rural du Mali dans le sous-secteur de la pêche. Cela devrait nécessiter que soient établis aussi clairement que possible: les fonctionnalités attendues des principaux groupes d'acteurs concernés par la pêche, et les besoins éventuels en matière de renforcement de leurs capacités dans le cadre de la mise en place du dispositif d'aménagement des pêcheries; les mécanismes institutionnels permettant à l'ensemble des partenaires, en fonction du type de pêcherie, de travailler en synergie et en complémentarité dans le cadre du processus global de mise en place du dispositif d'aménagement des pêcheries; et la mise en conformité avec les nouvelles orientations de politique sectorielle du Gouvernement, de l'ensemble des textes à caractère juridique ayant une incidence sur la gestion et la conservation des pêcheries.

Les objectifs spécifiques, et les éléments de stratégie du Programme d'action à court-moyen terme pour la pêche, sont organisés autour des trois axes suivants :

- Améliorer les conditions de vie des communautés de pêcheurs dans le Delta Central et sur les lacs de Sélingué et Manantali, sur la base d'une amélioration de la valorisation des produits et de l'organisation économique des producteurs, et d'un développement du mieux-être social des communautés de base;

- Mettre en place un dispositif d'aménagement décentralisé et participatif des principales pêcheries (Delta Central, Sélingué, Manantali), reposant sur un schéma de développement durable des pêcheries deltaïques et sur des plans d'aménagement pour les pêcheries des lacs de retenue;

- Renforcer les capacités institutionnelles de l'administration centrale en charge des pêches en matière de suivi et d'appui à la mise en oeuvre du Schéma directeur de la pêche, sur la base d'une augmentation de ses capacités d'expertise et d'intervention en matière de planification sectorielle et de gestion concertée des ressources en eau, et de la réalisation d'activités destinées à favoriser une meilleure prise en compte de la pêche dans les politiques de développement et d'aménagement du territoire national.

4.2 Instruments de politique

4.2.1 Statistiques

Les statistiques et informations chiffrées concernant la pêche et la pisciculture au Mali sont assez rares. Sur le Delta Central, les seules données collectées régulièrement sont les statistiques de commercialisation de l'OPM. On dispose ainsi d'une longue série de données réunissant par catégorie commerciale les quantités de poisson fumé et séché transitant chaque mois par le marché de gros de Mopti depuis 1966. Les quantités de poisson frais commercialisées au marché du port sont également relevées selon les mêmes catégories commerciales. Cette compilation est très précieuse du fait de sa durée et de la régularité des protocoles utilisés. Cependant elle pose de nombreux problèmes d'utilisation s'agissant de leur utilisation à des fins bio-écologiques et socio-économiques.

Sur le lac de Sélingué, le laboratoire de limnologie de l'OERHN acquiert depuis 1984 des statistiques de commercialisation. Néanmoins, le protocole d'échantillonnage ainsi que les méthodes d'extrapolation utilisées pour estimer la production globale semblent peu sûrs, et ne permettent pas de suivre l'évolution des captures avec une fiabilité suffisante. La situation de Manantali est comparable à celle de Sélingué. La Cellule de Limnologie de l'OMVS effectue des observations sur les quantités commercialisées au marché. Cependant, en raison notamment des faiblesses de l'échantillonnage, une grande partie de la production lui échappe (Laë et Weigel, 1995).

On constate ainsi que dans chacune des principales zones de pêche du pays, il existe une infrastructure administrative susceptible d'acquérir en routine des statistiques sur les quantités produites et commercialisées. Cependant, l'acquisition de ces informations nécessite certains aménagements. Les plans d'échantillonnage, les méthodes de contrôle des données, les procédures de traitement des informations recueillies, l'élaboration et la réactualisation des facteurs d'extrapolation constituent autant de problèmes complexes à surmonter. On constate par ailleurs que ni l'OPM, ni l'OERHN ne disposent des outils informatiques nécessaires au stockage et au traitement des données statistiques. A Mopti par exemple, tous les calculs sont effectués manuellement, avec tous les risques d'erreur que cela comporte. Enfin, et quelle qu'en soit sa qualité, l'information actuellement produite n'est pas suffisamment diffusée.

En outre, afin de mieux cerner la dynamique des systèmes de production de la pêche et de l'aquaculture, il est indispensable de prendre en compte leurs dimensions bio-écologiques, sociales et économiques. Or il n'existe actuellement aucune observation systématique de ces différents aspects (ex. prix du poisson, prix des intrants, suivi démographique des populations concernées et du nombre d'exploitants, suivi de la qualité de l'eau...). Cette lacune interdit pratiquement toute possibilité d'aide ou d'intervention pertinente de l'Etat sur l'un de ses principaux secteurs productif.

Pour pallier ce manque d'information, il avait été proposé en 1992 puis en 1993 d'utiliser les connaissances acquises dans le cadre du projet DCN pour installer un Observatoire national des pêches. Ce projet n'a pas encore abouti faute de financements. Néanmoins, certains de ses principaux aspects font l'objet de programmes de recherches menés conjointement par l'ORSTOM et l'IER, en collaboration avec les agents de la DNRFFH en charge de la filière pêche-pisciculture.

4.2.2 Législation des pêches

La législation sur la pêche au Mali présente la particularité de s'appuyer à la fois sur une loi cadre posant les principes généraux régissant les activités de pêche, et sur un réseau de conventions locales fixant le détail de leur exercice. Le concept de convention locale repose sur le principe de participation des communautés locales et des organisations de pêcheurs au processus d'élaboration et de définition de la réglementation des activités de pêche.

La loi no. 95-032 du 20 mars 1995 fixant les conditions de gestion de la pêche et de la pisciculture fixe le cadre général d'exercice des activités de pêche au Mali. Elle abroge la loi de 1986 portant code de pêche dont elle reprend toutefois pour l'essentiel les mêmes principes. La différence majeure entre les deux textes réside dans l'introduction du concept de domaine piscicole. Le texte distingue ainsi trois types de domaine piscicole: le domaine piscicole national; le domaine piscicole des collectivités territoriales décentralisées (domaine privé et domaine public des collectivités); et le domaine piscicole des particuliers (domaine privé). Le champ d'application de la nouvelle loi a également été étendu aux activités de pisciculture, ce qui constitue la seconde innovation d'importance du texte de 1995.

Le droit de pêche appartient à l'Etat et aux collectivités territoriales décentralisées qui peuvent en concéder l'exercice par l'intermédiaire d'un permis de pêche ou d'une autorisation. Un droit d'usage est également reconnu aux populations riveraines pratiquant la pêche de subsistance. Le texte distingue quatre catégories de permis de pêche en fonction de la nature des engins utilisés. La terminologie employée manque cependant de clarté, dans la mesure où il est difficile de préciser si chaque pêcheur utilisant un des engins entrant dans l'une ou l'autre des différentes catégories est tenu de posséder personnellement un titre de pêche, ou alors si seul le propriétaire de l'engin est assujetti à cette obligation. Par ailleurs, la logique juridique voudrait qu'un pêcheur détenteur de plusieurs engins de pêche rentrant dans différentes catégories doive acquérir différents titres de pêche. Dans la pratique, il semblerait toutefois, d'une part, que seul le propriétaire de l'engin de pêche est tenu d'acquérir un permis, et, d'autre part, que le service des pêches ne délivre qu'un permis de pêche par pêcheur quel que soit le nombre d'engins utilisés.

Le permis de pêche s'apparente ainsi dans les faits à une simple autorisation de pêche, moyennant le paiement d'une redevance. Le permis ne constitue pas un instrument de l'aménagement ayant pour but de réguler l'effort de pêche, ce qui est tout à fait cohérent dans le contexte halieutique malien, et en particulier en milieu fluvial/plaines d'inondation.

S'agissant des conditions d'exercice de la pêche, le texte interdit la pêche au moyen de techniques et produits "expéditifs" (engins électrocutants, poisons...), et prévoit que l'utilisation de la technique de barrage, ou de toute autre technique de clôture, fera l'objet de dispositions réglementaires. Il est également important de souligner que les dispositions de caractère réglementaire fixant le maillage des filets ont disparu du nouveau texte de loi, et feront l'objet de textes à caractère réglementaire.

La nouvelle loi instaure par ailleurs, à l'échelon national et au niveau de chaque collectivité territoriale décentralisée, un organe consultatif dénommé conseil de pêche. La composition, les attributions et les modalités de fonctionnement de ces conseils ont été fixées par décret en début d'année 1996. Les conseils des collectivités territoriales sont saisis de toutes questions importantes en matière de pêche et notamment sur le règlement des litiges, l'élaboration des conventions et la gestion de la pêche dans les aménagements hydrauliques. Le conseil national de pêche est pour sa part obligatoirement saisi de toutes les questions d'importance nationale relatives à la pêche. A cet effet, il donne son avis et formule des recommandations portant notamment sur le classement et le déclassement des réserves piscicoles, la fixation des taux des taxes perçues à l'occasion de la délivrance des titres de pêche, l'installation et l'exploitation des aménagements hydrauliques, l'introduction de nouvelles technologies de pêche, et les conventions sous-régionales et internationales en matière de pêche.

L'instauration des conseils de pêche à l'échelle des collectivités territoriales traduit la volonté politique du Gouvernement d'assurer la participation des communautés locales et des communautés de pêcheurs à la gestion des pêcheries (= gestion décentralisée des ressources halieutiques). Au niveau communal, le texte remplit globalement son objectif puisque les pêcheurs constituent l'intégralité des membres élus et que les chefs traditionnels des pêcheries siègent au conseil en qualité de membre de droit. Toutefois, aux échelons supérieurs (cercle et région), la représentation des communautés locales ou de pêcheurs n'est plus garantie par aucune disposition du décret. Il en est de même au sein du conseil national de pêche où la représentation de pêcheurs, ou de "syndicats" de pêcheurs (ex. APRAM), n'est pas garantie.

La convention de pêche est, de manière générale, un document court réglementant la pêche au niveau local. Une convention comprend plusieurs titres consacrés notamment à la composition et aux attributions d'organes locaux de gestion, aux mesures de contrôle des méthodes de pêche, aux caractéristiques des engins de pêche et aux infractions et sanctions. Les organes locaux de gestion sont le conseil de pêche au niveau du cercle, le comité de pêche au niveau de l'arrondissement, et le comité de surveillance et de gestion au niveau de chaque village ou campement permanent de pêcheurs. Leur composition reflète néanmoins la volonté passée de l'Etat malien de contrôler le monde de la pêche.

De nombreuses conventions ont été adoptées vers la fin des années 80 au niveau des cercles de différentes régions du Mali. Néanmoins, jusqu'à présent, les conventions se sont davantage apparentées à des actes administratifs unilatéraux qu'à des contrats négociés avec les communautés de pêcheurs. De plus, les dispositions concernant l'étendue et le détail des attributions des conseils et comités de pêche ne permettent pas de préciser si ces organes locaux ont un rôle purement consultatif, ou alors s'ils sont dotés d'un pouvoir réglementaire. Par ailleurs, l'ancienne loi de 1986 ne comprend aucune disposition établissant de tels organes.

En dépit de l'adoption de la nouvelle législation sur la pêche en 1995 et des réformes administratives en cours, les conventions de pêche établies en 1990 sont toujours en vigueur. Toutefois, il est probable que celles-ci fassent l'objet prochainement d'une révision. En effet, conformément aux dispositions sur la gestion du domaine piscicole des collectivités territoriales, les activités de pêche devront être organisées dans l'avenir sur la base d'une collaboration entre les collectivités territoriales, les organisations de producteurs et les services compétents de l'Etat. Des conventions (contrats de co-gestion négociés) devront dans ce cadre préciser les attributions et devoirs de chacun des partenaires dans l'exploitation et la gestion des pêcheries, ainsi que les mesures régissant l'exercice de l'activité.

D'autres textes ont par ailleurs une incidence directe ou indirecte sur le secteur de la pêche et de la pisciculture au Mali. Il s'agit en particulier des textes relatifs à la gestion de l'eau et de l'environnement.

La loi no. 90-17/AN-RM du 27 février 1990 fixant le régime des eaux, régit les usages de l'eau au Mali. Le texte définit le domaine hydrique artificiel de l'Etat dont font partie, entre autres, les barrages et les canaux servant à l'irrigation. En vertu de la loi, ce domaine ne peut être susceptible d'appropriation privée. Il en résulte que les personnes physiques ou morales de droit privé ou public ne peuvent acquérir sur ces domaines que des droits d'usage de l'eau. Par ailleurs, la loi reconnaît et garantit les droits d'usage traditionnels et coutumiers des eaux du domaine public.

Le Ministre chargé des ressources en eau doit élaborer une politique de protection et de conservation des ressources en eau. Dans ce cadre, il est notamment tenu de dresser un inventaire périodique des ressources en eau du pays, de tenir un cadastre des usagers de l'eau à différentes échelles du territoire, d'élaborer un schéma directeur d'aménagement des eaux et de promouvoir la participation des usagers à la gestion de l'eau en collaboration avec les ministres intéressés. La politique des eaux à l'échelon national ou par bassin aura forcément des répercussions sur le devenir de la pêche. Néanmoins, la politique des eaux n'a pas encore été définie avec précision.

En matière de qualité des eaux, le texte précise que les déversements directs ou indirects d'eaux usées dans le domaine public, qui sont susceptibles de porter atteinte, entre autres, à la faune aquatique, sont interdits. Les dispositions régissant la qualité de l'eau n'ont néanmoins qu'une portée générale, les conditions de rejets et de déversements des eaux usées devant être déterminées par voie réglementaire.

La loi consacre également un chapitre sur les travaux hydrauliques, dont certains sont susceptibles d'avoir un impact sur la ressource halieutique et piscicole (ex. travaux d'assèchement des étangs et marais, travaux ou ouvrages effectués dans les cours d'eau). Il est toutefois regrettable de constater que le ministre en charge de la pêche n'est pas associé de manière systématique à toute prise de décision dans ce domaine, et en particulier dans les études et travaux d'élaboration de tels ouvrages.

La loi no. 91-047/AN-RM du 23 février 1991 relative à la protection de l'environnement et du cadre de vie est un texte court qui traite notamment de la pollution de l'eau. Dans ce cadre, elle précise que tout déversement direct, dans les cours d'eau, lacs et étangs, de matières ou eaux usées, de résidus d'origine animale ou végétale, et de substances toxiques ou susceptibles de présenter un danger pour l'environnement, est interdit.

La loi no. 95-031 du 20 mars 1995 fixant les conditions de gestion de la faune sauvage et de son habitat, définit le régime juridique des zones protégées du domaine faunique national. Il est notamment précisé que toute activité de pêche est interdite à l'intérieur des réserves intégrales et des parcs nationaux. Dans ces derniers, les activités de pêche peuvent cependant être autorisées en cas de nécessité exprimée par leurs autorités de gestion.

4.2.3 Fiscalité

Le système de taxation appliqué à la filière pêche et pisciculture au Mali n'a jamais été étudié avec précision. Des taxes sont perçues de manière formelle et informelle à tous les niveaux de la filière, dont le montant équivaut à environ 10% de la valeur ajoutée totale de la filière. Celles-ci ont par conséquent des retombées sociales et économiques importantes sur la filière.

Les taxes prélevées de manière informelle au niveau de la production correspondent dans la plupart des cas à des droits d'usage pour l'accès à une pêcherie ou pour l'utilisation d'une technique de pêche données. Les taxes sont prélevées par les maîtres d'eau, puis souvent redistribuées entre l'administration, au sens large du terme, et les autorités locales traditionnelles. Ces taxes correspondaient naguère à un don symbolique aux personnes représentant les génies des eaux ainsi qu'aux chefferies, que les sociétés traditionnelles acceptaient sans difficulté. Aujourd'hui, ces taxes peuvent représenter dans certains cas un poste important du compte d'exploitation des pêcheurs, tandis que leurs bénéficiaires jouissent d'une rente de situation non négligeable. A titre d'exemple, l'ensemble des taxes prélevées de cette manière au niveau des zones tests du delta central (lac Korientzé et zone de N'Garwoye-Walado) sont estimées à plusieurs millions FCFA (Kassibo, 1994).

Les commerçants sont également soumis à des taxes officielles (contrôle sanitaire, taxes de transport, taxes sur l'exportation...) mais aussi officieuses, qui peuvent représenter des coûts substantiels, et ainsi avoir une incidence sur l'organisation des marchés. Les taxes perçues auprès d'un commerçant établissant la liaison entre Sélingué et Bamako peuvent ainsi représenter entre 5 et 6% du chiffre d'affaires.

4.2.4 Pratiques traditionnelles de gestion des pêcheries

Dans le Delta Central, l'ancienneté de l'activité halieutique ainsi que la nature particulière de sa ressource (à la fois invisible et mobile) font qu'un ensemble de règles d'accès et de partage ont progressivement été établies par les groupes de pêcheurs (Kassibo, 1994). Le droit coutumier a ainsi subi de nombreuses influences qui ont orienté sa constante évolution vers la recherche de compromis acceptables tant pour les aspects économiques que pour les aspects sociaux liés à la pêche.

L'organisation la plus ancienne que l'on soit en mesure de décrire aujourd'hui fondait la pratique de la pêche sur un pacte noué et renouvelé avec les divinités de l'eau. Sur cette base les groupes ethniques se distribuaient des spécialités géotechniques et des responsables de divers types (maîtres d'eau, chefs de lignage) attribuaient des droits d'exploitation codifiés sur les pêcheries. Dans chaque finage, certaines pêcheries (souvent les plus fructueuses) étaient exploitées collectivement, d'autres l'étaient dans le cadre de hiérarchies lignagères (Fay, 1989). Les finages étant de dimension réduite, le contrôle de l'espace halieutique était ainsi total et immédiat. Des règles communes aux différents groupes de pêcheurs assurait par ailleurs leur articulation pacifique (interdiction de barrer la route au poisson, rejet des alevins dans l'eau, répartition des zones de pêche...).

Des rapports de force interlignagers et des conflits entre groupes, sur fond de données bioécologiques et socio-politiques ont régulièrement remodelé une partie des droits fonciers. Pendant l'époque coloniale, les conditions économiques et commerciales ont changé et ont induit de nouveaux comportements dont la généralisation conduisit à des réajustements au sein des sociétés (indépendance accrue des jeunes, extension des zones de pêches, capitalisation progressive de l'activité, influence accrue des commerçants sur le monde de la pêche...).

A l'Indépendance, l'intervention du nouvel Etat malien sur la pêche visait à l'établissement d'un nouvel ordre social et économique, à la fois plus équitable et plus performant. Le droit coutumier, générateur de privilèges, fut abrogé et les eaux furent nationalisées. L'abrogation des territoires et des pouvoirs de gestion traditionnels n'aboutit cependant pas à la disparition effective des maîtrises, mais à leur redistribution. En abrogeant un ordre établi sans se donner les moyens d'imposer sa décision, l'Etat modifia les relations entre pouvoir et espace en donnant à certains l'opportunité de briguer un pouvoir que la tradition ne leur destinait pas, et de développer des stratégies de profit immédiat préjudiciables à une gestion optimale des ressources halieutiques. L'ensemble de ces comportements déstabilisèrent l'organisation sociale, en générant également des tensions entre l'administration et les communautés de pêcheurs. Avec l'apparition de la sécheresse et la diminution des superficies exploitables, des conflits vont dès lors se multiplier jusqu'au début des années 90.

Malgré les nombreux changements survenus dans le secteur depuis une cinquantaine d'années, une certaine culture halieutique des communautés de pêcheurs de la zone deltaïque persiste. Les pêcheurs partagent toujours un savoir commun, et le sentiment religieux, bien que moins fort que par le passé, est toujours vivace. Le secteur halieutique demeure de ce fait fortement structuré sur l'ensemble des pêcheries, y compris sur celles des lacs de barrage dans la mesure où les pêcheurs sont essentiellement issus du Delta Central. Il en résulte notamment que, du moins dans leurs principes généraux, les questions liées à la gestion des pêcheries (modes de dévolution des droits de propriété commune, règles d'exploitation, gestion des conflits...) devraient présenter des similitudes dans les trois principales zones d'exploitation, même si certaines spécificités pourraient apparaître (ex. la pêche au bruit est aujourd'hui tolérée à Manantali alors qu'elle est fortement décriée à Sélingué et interdite dans le Delta Central).

Depuis 1995, le MDRE, avec l'appui du PAMOS et de l'ORSTOM, a créé deux zones tests dans le Delta central du Niger, dans le cadre de la recherche d'un modèle de gestion décentralisée de la pêche.

Les deux zones tests se situent dans des zones ayant abrité récemment des conflits liés à la gestion des pêcheries: zone du lac de Korientzé (560 km²) et zone du Diaka aval (775km²). Le lac de Korientzé comprend 8 villages et campements de pêcheurs majoritairement allochtones, et constitue une seule et unique maîtrise d'eau. A la suite de forums, il a été convenu de constituer un seul comité de gestion décentralisée de la pêche. Dans la zone du Diaka aval, 16 villages et campements de pêcheurs sont répartis sur trois maîtrises d'eau. Il a été par conséquent mis en place trois sous-comités de gestion, coiffés à l'échelon global de la zone test par un comité de gestion décentralisée de la pêche.

Les comités de gestion des pêches sur les deux zones tests ont été définis et mis en place par voie consensuelle et démocratique entre les pêcheurs. De manière générale, les comités sont habilités à définir la réglementation de la pêche sur leurs zones de compétence, à réguler l'accès aux pêcheries, à recenser les pêcheurs, et à percevoir les redevances des permis de pêche au nom de l'administration. Ils contribuent également au contrôle des activités de pêche et veillent au respect de la réglementation et de la législation en vigueur. Un droit d'accès est par ailleurs prélevé auprès des pêcheurs allochtones, qui sert à alimenter une caisse commune pour des actions d'intérêt collectif. Cette caisse est également alimentée par d'autres contributions comme par exemple lors de pêches collectives.

La présence de notables, voire d'anciens maître d'eau, au sein des comités ne semble cependant pas signifier pour autant une reconduction de leurs anciens privilèges traditionnels, mais simplement la reconnaissance de leur autorité morale ou technique par les groupes de pêcheurs qui les ont élus. Ce point revêt une importance toute particulière dans le cadre du suivi de l'expérience car ces privilèges, loin d'avoir disparu dans les années 80, avaient progressivement perdu le sens que leur donnait initialement la tradition pour devenir de véritables rentes de situations pour certains maîtres des eaux, voire pour certains agents de l'administration.

L'expérience des zones tests est à l'heure actuelle bien perçue par les membres des comités pour diverses raisons, de même qu'une certaine paix sociale est observable aujourd'hui. Les motifs de satisfaction se réfèrent notamment à la disparition "artificielle" (zone test) des tracasseries administratives et au sentiment d'avoir retrouvé certaines prérogatives en matière de gestion des maîtrises. D'autres facteurs externes doivent également être pris en compte pour expliquer le succès actuel de ces expériences, comme le retour de bonnes conditions climatiques depuis 2-3 ans qui a permis en grande partie de mettre un terme à la situation de crise halieutique que traversaient ces zones depuis une dizaine d'années.

L'expérience des zones tests constitue de toute évidence un événement important dans l'histoire de la gestion des pêcheries maliennes. Les premiers résultats de l'expérience, après un peu plus d'une année, sont riches d'enseignements pour le processus en cours de mise en oeuvre de la gestion décentralisée des ressources halieutiques. Cependant, la transposition de ce qui demeure pour l'instant une simple expérience localisée, à des modes d'organisation valables pour l'ensemble des pêcheries deltaïques devra se faire avec précaution, en analysant avec justesse les apports et les limites du test.

L'expérience, programmée pour trois ans, doit notamment constituer un élément dynamique dans le processus de mise en oeuvre des mécanismes de co-gestion. Elle devra de ce fait pouvoir intégrer au fur et à mesure les modifications introduites par la création des collectivités territoriales et l'élaboration des SAT. Par exemple, le découpage actuel des zones tests qui tient compte en grande partie des anciennes maîtrises devra éventuellement être revu pour prendre en compte le nouveau découpage administratif (niveau communal voire inter-communal). De manière générale, la question de la pertinence de la concordance ou non du découpage administratif avec les terroirs halieutiques devra être examinée avec attention. Par ailleurs, conformément à la stratégie de gestion décentralisée des ressources naturelles, les prérogatives de chacun des partenaires, ainsi que la nature de la propriété des zones, devront être précisées. Un autre aspect important concerne l'appui technique qu'il serait souhaitable de donner aux comités de pêche qui le désirent, pour gérer les caisses communautaires. La réussite de ces initiatives devrait contribuer à renforcer la paix sociale.

Enfin, il serait souhaitable que le système de suivi des zones tests prenne en compte, en plus des informations collectées actuellement sur les captures et l'effort, et des études anthropologiques conduites régulièrement, des données socio-économiques (ex. coûts/bénéfices des unités de pêche, répartition de la valeur ajoutée entre les différents intervenants, composition des pêcheurs et rapport entre les différents groupes sociaux...) ainsi que des informations diverses sur les modes de gestion et d'entraide que les pêcheurs sont en train de développer.

4.3 Projets passés, en cours et en préparation

Parmi les principaux programmes et projets passés, on peut mentionner:

- le projet Opération pêche Mopti, financé entre 1972 et 1987 par la Communauté européenne, qui a notamment permis de mettre en place des infrastructures portuaires viables à Mopti, de diminuer les pertes après captures dans la zone du delta central et de former des cadres et techniciens nationaux;

- le projet Delta central du Niger (DCN) de recherches pluridisciplinaires sur les pêches, financé par la coopération française et exécuté par une équipe franco-malienne INRZFH-ORSTOM, qui a permis d'analyser finement les problématiques de la pêche dans la zone du delta central, en démontrant notamment le caractère inadapté du cadre institutionnel global à l'origine d'une exacerbation des conflits consécutifs à la sécheresse, et la nécessité de concevoir l'aménagement en privilégiant la gestion des espaces halieutiques sur le plan de l'environnement et de la socio-économie. Les résultats obtenus par le projet DCN ont notamment permis de jeter les bases d'une stratégie d'aménagement des pêches au Mali reposant sur l'élaboration de schémas d'aménagement décentralisés;

- le projet MLI/86/001 "Développement de la pisciculture et rationalisation de la pêche", financé par le PNUD et exécuté par la FAO, dont les activités ont été surtout axées vers le développement de la pisciculture, et qui a notamment permis de créer un Centre piscicole national à Molodo et d'introduire la pisciculture villageoise dans les systèmes de production agricoles dans la région de Niono.

Les programmes et projets en cours sont surtout tournés vers la planification de l'aménagement des pêches, ce qui répond aux besoins actuels de la filière pêche. L'appui apporté au développement de la pisciculture par le projet MLI/86/001 n'a en revanche pas été relayé par de quelconques programmes ou projets. Parmi les principaux programmes et projets en cours en faveur de la filière pêche, on peut mentionner:

- le Volet Pêches du projet PAMOS, articulé autour de l'assistance pour la formulation de schémas d'aménagement décentralisés dans la zone du Delta Central et sur les barrages de Sélingué et Manantali, et la définition d'une politique et d'un programme d'action pour la filière pêche et pisciculture;

- les programmes de recherches concernant les différents aspects de l'organisation et de l'évolution des pêcheries, qui sont établis le plus souvent dans le cadre de la coopération scientifique IER/ORSTOM. Les principaux thèmes abordés concernent les aspects statistiques et informatiques d'acquisition, archivage et traitement d'un système permanent de suivi des pêches, la conception d'un système d'information géographique (SIG) sur la pêche dans le Delta Central, la détermination des caractéristiques bio-écologiques de quatre espèces de poissons d'intérêt halieutique, et l'étude des conditions sociales de production halieutique dans les lacs de retenue de Sélingué et Manantali.

Parmi les principaux programmes et projets en préparation, on peut citer:

- le projet sous-régional de Valorisation des captures de la pêche artisanale dans les pays de la CEDEAO, financé par la CE et basé à Abidjan, qui pourrait notamment organiser des sessions de formation pour une cinquantaine d'opérateurs économiques de la filière en gestion/crédit et une dizaine de femmes commerçantes pour l'import/export, et encourager la conception/expérimentation de conteneurs isothermes à partir de matériaux locaux pour le développement de la commercialisation du frais;

- le projet SICOPECHE, sur financement de la coopération canadienne, visant à mettre en place un système d'informations sur les prix du poisson, en utilisant les radios rurales;

- un programme de développement d'infrastructures pour le développement de la pêche (débarcadères, routes d'accès...) sur la retenue de Sélingué, sur financement BOAD;

- un programme de développement d'infrastructures et d'équipements (routes, écoles, dispensaires...) sur les retenues de Sélingué (Banque mondiale) et Manantali (GTZ), dans le cadre de volets d'accompagnement à la construction et l'aménagement des barrages.

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