Page précédente Table des matières Page suivante


Chapitre 3 - OBSERVATIONS AGROMÉTÉOROLOGIQUES


Observations agrométéorologiques
Échelles d'observations
Choix du site et emplacement d'une station d'observation
Répertoire des stations agrométéorologiques
Conclusion


M.V.K. Sivakumar, Chercheur principal (Agroclimatologie) et Directeur de la Division sols et agroclimatologie; et S.A. Salam, Assistant de recherche (Agroclimatologie), Centre sahélien de l'ICRISAT, BP 12404, Niamey, Niger

La météorologie est définie comme la science de l'atmosphère. Elle comprend l'étude du temps et du climat. Ces derniers représentent des combinaisons réalisées dans l'atmosphère par certaines valeurs respectives des météores.

Le temps est une combinaison passagère et accidentelle. Il est par définition, l'ensemble des valeurs qui, à un moment donné et en un lieu déterminé, caractérisent l'état atmosphérique. Le climat quant à lui est un ensemble de tendances stables qui résultent de conditions permanentes pendant une longue période (30 années au moins). Autrement dit, le climat est l'aspect du temps à longue échéance. On peut aussi le définir comme une série des états de l'atmosphère au-dessus d'un lieu dans leur succession habituelle.

La météorologie est aussi ancienne que l'agriculture. En effet, depuis que l'homme a commencé à cultiver, il a toujours observé le temps. L'introduction de nouvelles variétés de cultures ainsi que l'utilisation de périodes climatiques plus favorables pour augmenter les rendements étaient principalement basées sur les observations et l'enregistrement des données météorologiques. C'est dire que pour mieux tirer profit des conditions météorologiques favorables et atténuer ou éviter les effets défavorables, les agriculteurs ont pris conscience qu'il fallait à la fois observer et enregistrer les caractéristiques du temps. Cependant, ils se sont rendus compte que les données météorologiques seules avaient une application limitée et ne suffisaient plus à satisfaire les besoins croissants de l'agriculture. En effet, il est très difficile, voire impossible, de déterminer les effets du temps sur l'agriculture par sa seule observation. Face à ces difficultés, une nouvelle discipline combinant les observations météorologiques d'une part et agricoles, d'autre part, verra le jour: l'agrométéorologie. Elle permet d'appréhender de façon objective et réaliste l'impact des différents éléments du temps sur l'agriculture. C'est dans cet objectif et pour compléter leurs observations que les agrométéorologistes ont commencé à observer les plantes, les animaux domestiques, l'apparition des parasites et des maladies, etc.

Observations agrométéorologiques


Observations du milieu physique
Observations de caractère biologique
Observations agrométéorologiques liées à la gestion des sols


Les observations agrométéorologiques sont de deux types: les observations liées au milieu physique et les observations de caractère biologique.

Observations du milieu physique

Les observations météorologiques portent sur les éléments physiques du temps, à savoir:

· Température de l'air

· Températures extrêmes (mini, maxi)

· Température du sol à des profondeurs de 5, 10, 20, 50 et 100 cm ainsi que d'autres profondeurs pour des observations faites à des fins spéciales ou dans une région forestière

· Précipitations (quantité, intensité et durée)

· Evaporation bac

· Insolation et rayonnement solaire global

· Direction et vitesse du vent

· Humidité du sol (contenu en eau volumétrique) à différentes profondeurs

· Humidité relative de l'air

· Eléments du bilan hydrique: grêle, rosée, brouillard, évaporation sol nu, transpiration des plantes cultivées, interception des précipitations, ruissellement, drainage et niveau de la nappe phréatique

A ces éléments physiques il faut ajouter l'observation des conditions météorologiques portant directement préjudice aux plantes et aux animaux domestiques tels le gel, la grêle, la sécheresse, les inondations, les coups de vent et les vents extrêmement chauds et secs. On citera enfin les dégâts causés par les tempêtes de sable et de poussière ainsi que les incendies de forêt et de savane.

L'observation des éléments physiques du milieu nous permet de:

Evaluer les productions animales, céréalières et sylvicoles de façon effective et potentielle et d'estimer les dégâts causés ou favorisés par l'environnement aux produits agricoles

Etudier les différents aspects des climats locaux et régionaux ainsi que les causes de leurs changements intéressant l'agrométéorologie

Concevoir des modifications du climat réalisables par une intervention humaine au niveau des opérations agricole et sylvicole (semis, récolte, plantation, coupe, emploi de biocides et herbicides, etc.) de l'élevage et des méthodes de conservation des produits

Définir des paramètres agronomiques importants dans la planification des opérations agricoles (début et fin de saison, longueur de saison et séquence de périodes sèches)

Observations de caractère biologique

Ces observations sont liées à l'état de l'animal ou de la plante. Elles se répartissent comme suit:

· Observations phénologiques: identification des différents stades phénologiques de la plante. Par exemple; levée, tallage, élongation des tiges, épiaison-floraison, maturité, pour une céréale comme le mil

· Observations de la croissance: ces observations sont nécessaires à l'établissement des relations bioclimatiques

· Observations sur les rendements qualitatif et quantitatif des plantes et des animaux

· Observations relatives à l'apparition des parasites et maladies ainsi que des dommages qu'ils causent

· Etat de santé des animaux

· Densité de semis

· Observations des caractéristiques propres à la plante: longueur et diamètre des tiges, épis, fibres, composition chimique de la récolte, etc.

· Observations des dommages causés par les tempêtes de sable et de poussière sur les cultures, ainsi que ceux causés par les incendies de forêts, savanes et pâturages

L'observation des éléments biologiques permet une évaluation simultanée des effets enregistrés sur les différentes composantes de l'agriculture, notamment cultures, animaux et arbres, prises individuellement ou en groupe. C'est là une exigence de l'agrométéorologie.

En vue d'obtenir des résultats fiables, les observations de caractère biologique doivent être d'étendue, de normes et de précision identiques à celles du milieu physique. D'une façon générale, les observations de caractère biologique sont de nature phénologique, photométrique ou les deux à la fois. Les observations phénologiques servent à évaluer les relations possibles entre le milieu physique et le développement des plantes et des animaux, tandis que les observations photométriques servent à établir un rapport entre le milieu physique et les variations de biomasse.

Observations agrométéorologiques liées à la gestion des sols

Le sol constitue avec l'eau le capital le plus précieux pour l'homme. Il reste, cependant, continuellement soumis à l'action du climat dont les effets souvent négatifs constituent un frein majeur aux efforts de l'homme. Ainsi, pour mieux gérer et préserver le sol de l'action dégradante du climat, il est important d'étudier les paramètres climatiques qui en sont responsables.

La pluviométrie

La pluie est un paramètre climatique très important dans la gestion et la conservation des sols car elle constitue souvent un facteur de dégradation de la structure du sol. L'étude des caractéristiques de la pluie est essentielle, et notamment:

La hauteur: la hauteur ou quantité de pluie est importante dans le cadre de la détermination du nombre de jours de travail. Assumant que le sol ne peut être labouré de façon satisfaisante que quand il est humide, Hoogmoed et Klaij (1990) ont calculé le nombre de jours de travail sur des sols sableux. La quantité de pluie conditionne aussi les activité de labour et de semis.

La variabilité: c'est la distribution des pluies dans le temps et dans l'espace.

L'intensité: l'intensité constitue le facteur de dégradation des sols le plus important. La pluie qui tombe arrache les particules du sol et les désagrège sous l'effet de l'énergie cinétique des gouttes. Les pluies intenses sont à l'origine du phénomène de battance qui se traduit par l'émiettement des agrégats de terre sous l'influence de la force des gouttes qui est elle même fonction de la taille et de la vitesse de celles-ci. Il se forme ainsi une croûte superficielle qui, en réduisant considérablement le taux d'infiltration devient l'un des facteurs les plus importants d'augmentation du ruissellement, accélérant ainsi l'érosion hydrique du sol.

La durée et la fréquence: la fréquence et la durée des pluies agissent pour freiner ou accélérer l'érosion hydrique du sol. En effet, deux pluies de mêmes caractéristiques survenant à des intervalles différents auront des effets variables sur l'érosion selon l'état du sol qui résulte de la pluie précédente.

Le vent

Le vent pose d'énormes problèmes dans les zones arides et semi-arides. C'est un important facteur de dégradation des sols à cause de la nature légère de ceux-ci et de l'absence quasi-totale de couvert végétal. Avec l'effet conjugué de l'action humaine, le vent accélère le phénomène de désertification, rendant ainsi incultes de vastes surfaces de terre.

L'érosion éolienne demeure un problème majeur. C'est pourquoi il est important d'étudier les différentes composantes du vent, notamment sa vitesse et sa direction. La vitesse du vent est à la base des différents mécanismes de transport des particules du sol, notamment le roulage, la reptation et la suspension. La compréhension de ces mécanismes permettra d'apporter des solutions appropriées aux différents problèmes posés par la lutte contre l'érosion éolienne. La direction du vent, c'est-à-dire, la direction d'où vient le vent. Dans le cadre de l'utilisation des brise-vents elle indique où installer ceux-ci.

Échelles d'observations

Les stations météorologiques d'observation sont les lieux où l'on mesure ou évalue les éléments météorologiques. Signalons enfin l'existence de stations météorologiques automatiques capables de satisfaire certains besoins en matière d'observation en surface. Elles fonctionnent de façon économique et régulière et sont bien indiquées pour être utilisées dans les endroits fort éloignés. Les stations automatiques sont de plus en plus utilisées de façon satisfaisante par plusieurs instituts aussi bien internationaux que nationaux. Les types de stations automatiques varient selon les fabricants. Dans tous les cas c'est un système composé de plusieurs capteurs pour mesurer les différents paramètres climatiques notamment la vitesse et la direction du vent, l'humidité relative, la température de l'air et du sol, la pluviométrie et le rayonnement solaire. Ces capteurs sont connectés à une unité de contrôle et d'enregistrement (microprocesseur) programmable permettant ainsi d'avoir des données à des intervalles de temps voulu. Tout cela est monté et fixé sur un mât d'environ deux mètres.

Les observations agrométéorologiques peuvent et doivent s'effectuer à différentes échelles:

Observation à échelle macro-climatique: ces observations sont menées sur l'ensemble d'une région. Elles nécessitent un réseau de stations d'observations fournissant des données régulières et permanentes afin de caractériser le temps passé pour une meilleure gestion du temps futur

Observations à échelle méso ou topo-climatique: elles concernent des zones moins vastes et restent indispensables à la planification et au suivi des activités agricoles

Observations à l'échelle micro-climatique ou parcellaire: ce sont des études conduites au niveau parcellaire afin de mieux définir les relations et interactions entre les éléments physiques et biologiques du milieu

Choix du site et emplacement d'une station d'observation


Choix du site
Emplacement de la station
Heures et fréquence d'observation


Le choix d'un site et l'emplacement d'une station agrométéorologique d'observation sont très importants.

Choix du site

Le premier critère du choix d'un site est la représentativité. En effet, le site d'une station doit être tout à fait représentatif des conditions climatiques, édaphiques et culturales de la zone dans laquelle les données sont observées. Ceci permettra d'évaluer correctement l'influence des variables météorologiques sur l'environnement en cours d'étude.

Ensuite, le site doit être assez plat et il vaut mieux éviter que la station ne soit située sur des pentes raides, des crêtes, des falaises ou dans une dépression. Il doit aussi être suffisamment dégagé pour permettre une libre circulation de l'air. Aucune construction ne doit se trouver dans les environs immédiats de la station.

Un autre critère important du choix d'un site est l'accessibilité. En effet, pour faciliter les observations et l'entretien des instruments, on doit pouvoir accéder au site facilement. Enfin, si la station fait partie d'un réseau, il faudra prendre en compte l'utilisation des données tant à des fins climatologiques que pour les informations immédiates. Pour ces dernières, il faudra mettre en place un système rapide de communication.

Emplacement de la station

Comme déjà mentionné, une station agrométéorologique doit se trouver en un lieu assez représentatif des conditions agricoles et naturelles de la région à étudier. Elle doit de préférence être:

· Dans une station expérimentale ou dans un institut de recherche

· Dans un institut agronomique ou un établissement analogue

· Dans des régions revêtant effectivement ou potentiellement une importance pour l'agriculture et l'élevage

· Dans des régions forestières

· Dans des parcs nationaux ou des sites classés

La station doit normalement être gazonnée. Cependant, si les conditions climatiques et édaphiques s'y opposent, le sol doit autant que possible être recouvert du tapis naturel commun à toute la région. Les mauvaises herbes doivent être fréquemment tondues à l'intérieur comme autour de l'enclos, et rester uniformément courtes. Il faut éviter à tout moment de cimenter, asphalter ou empierrer le site. Le parc instrumental doit se situer à une distance au moins égale à 8 à 10 fois la hauteur des obstacles tels que arbres, bâtiments, et buissons. Aucune obstruction ne doit créer de l'ombre durant la majeure partie de la journée, cependant de brèves périodes d'ombre au moment du lever ou du coucher du soleil sont acceptables si inévitables.

FIGURE 3 - Exemple d'un répertoire

Répertoire de la station agrométéorologique de Sadoré

Nom: Sadoré, NIGER

Latitude: 13°06' N

Longitude: 02°21' E

Altitude: 200 m

Type de station: Agrométéorologique

Création: 1981

Nom de l'institut dont dépend la station: ICRISAT Centre Sahélien (ISC)

Nature du relief: plat

Caractéristiques des sols: sablonneux (+ de 80 %), rougeâtres, pauvres en matières organiques. La densité apparente est de 1.65.

On rencontre les écosystèmes suivants: brousse tigrée à dominance de Guéra, savane arborée et herbustive.

Les principales cultures sont: le mil, le sorgho, le niébé et l'arachide.

FIGURE 4 - Exemple de disposition d'instruments dans la station agrométéorologique du Centre Sahélien de l'ICRISAT, Sadoré, Niamey

Heures et fréquence d'observation

Il y a lieu de considérer les deux types d'observations mentionnés plus haut. Les observations du milieu physique doivent être faites aux heures synoptiques principales. L'heure officielle d'observation est l'heure en Temps Universel (T.U). Pour des raisons pratiques il est d'usage d'utiliser le cycle de 24 heures, minuit ou le commencement d'un jour étant signalé par 0000. Ainsi les heures standard principales pour les observations synoptiques de surface sont 0000, 0600, 1200 et 1800 T.U et les heures standard intermédiaires 0300, 0900, 1500 et 2100 T.U. Notons enfin que la régularité et la ponctualité sont de rigueur.

Les observations de caractère biologique, d'une façon générale, doivent être faites régulièrement ou chaque fois que se produit un changement significatif. Les observations phénologiques étant axées sur la détermination des différents stades de développement de la plante, la fréquence des observations est très importante dans la caractérisation des différentes phases. Pour être profitables, ces observations doivent être effectuées trois fois par semaine. Signalons toutefois que pour certaines phases qui durent peu de temps (floraison par exemple), il serait bon que des observations soient effectuées chaque jour pendant au moins une semaine avant la date prévue de l'apparition de cette phase. En ce qui concerne les observations photométriques (mesure de croissance), un intervalle d'une semaine à 10 jours est acceptable.

Répertoire des stations agrométéorologiques

Le répertoire englobe l'ensemble des renseignements permettant d'identifier la station. Il s'agit de fiches techniques mises à la disposition des observateurs, qui doivent être tenues à jour et porter les renseignements suivants:

· Nom de la station

· Coordonnées géographiques: longitude et latitude en degrés, minutes

· Altitude de la station

· Brève description de la topographie locale

· Biomasse naturelle, principaux agrosystèmes et principales cultures de la région

· Constantes physiques, profil du sol, types de sols

· Type de station et détails du programme d'observation. Si possible le calendrier de transmission des données

· Exposition des instruments, notamment la hauteur au-dessus du sol des thermomètres, pluviomètres et anémomètres

· Historique de la station: date du début des relevés, changement de site, cessation ou suspension des observations, changement de nom de la station, changements importants intervenus dans le programme d'observation

· Nom de l'organisme ou de l'institut dont dépend la station

En Figures 3 et 4 se trouve le répertoire de la station agrométéorologique Sadoré ainsi qu'un exemple de disposition des instruments dans la station.

Conclusion

Les données météorologiques et climatologiques sont très importantes dans la planification et la gestion des activités de l'homme dont une des principales est l'agriculture. L'homme a en effet très vite commencé à observer le temps. Puis il a réalisé que l'observation du temps seul ne suffisait pas à appréhender tous les problèmes posés à l'agriculture et à assurer son développement mais que l'utilisation des informations provenant de l'observation du temps d'une part, et de l'observation des plantes et des animaux d'autre part, permettait de mieux canaliser les problèmes de l'agriculture. L'agrométéorologie, née de cet impératif utilise des informations provenant des observations simultanées du milieu physique et des phénomènes agricoles. Elle permet de délimiter une région en différentes zones agro-pédoclimatiques spécifiques à telle ou telle spéculation agricole. Au niveau d'une zone agroclimatique déterminée, elle permet la planification, la gestion et le suivi des activités agricoles. Les études microclimatiques, enfin, permettent de définir et d'identifier différents types de relations et d'interactions entre les éléments physiques d'une part et biologiques, d'autre part. C'est là une base à partir de laquelle on peut penser, imaginer et trouver des solutions pour sauver l'agriculture dans certaines régions encore très hostiles.


Page précédente Début de page Page suivante