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Chapitre 14 - SYSTÈMES DE TRAVAIL DU SOL


Opérations de travail du sol
Types de systèmes de travail du sol


Willem Hoogmoed, Chercheur, Département du travail du sol, Université agronomique, Wageningen, Pays-Bas

Les systèmes de gestion des sols peuvent être considérés comme des cycles d'opérations agricoles guidés par certains principes comme la minimalisation de l'utilisation d'énergie, une moindre désorganisation du sol, la conservation de l'eau et du sol. Dans ce chapitre, on insistera principalement sur le travail du sol car il existe une forte interaction entre les pratiques de travail du sol et d'autres mesures de gestion, dont les plus importantes sont:

L'incorporation de résidus de culture pour augmenter la teneur en matière organique du sol et les problèmes techniques qui lui sont liés.

L'incorporation ou la distribution d'amendements chimiques dans le profil du sol ou sur la surface du sol.

L'interaction avec les pratiques d'irrigation ce qui est utile pour les sillons, la direction et le calendrier cultural des opérations de travail du sol. Les récents développements des systèmes de travail du sol sont passés en revue par Lai (1993) pour l'Afrique.

Les termes de 'non travail du sol', travail du sol limité, travail du sol minimum, travail du sol approprié, travail du sol de conservation sont juste quelques expressions utilisées pour définir différents systèmes de travail du sol. Ces systèmes sont placés sur une échelle entre les extrêmes comme 'non travail du sol' et travail du sol conventionnel. Rappelons que l'utilisation ou le choix d'un système particulier dépend du sol, du climat et de considérations socio-économiques. Ces systèmes et les systèmes traditionnels sont donc tributaires du lieu.

Opérations de travail du sol

Les opérations de travail du sol sont généralement caractérisées par des intrants énergétiquement faibles dans les systèmes traditionnels. Les houes dans le cas du travail du sol et la machette pour le désherbage sont les principaux outils manuels. En Afrique de l'Ouest, de la zone semi-aride à la zone humide, l'emploi de la houe manuelle pour préparer la terre en billons, en tas ou en monticules est une méthode très répandue, liée au labour primaire. Dans ce cas, une partie de plus en plus grande de la surface totale du sol est labourée, du sol de surface est donc collecté ce qui provoque une augmentation de volume du sol pour les semis et le lit racinaire. Le sol du lit de semis est enrichi par la matière organique provenant des mauvaises herbes ou des résidus tandis que l'aération et le drainage sont favorisés. Ce système peut être classé comme travail du sol minimum ou travail du sol de conservation. Charmer avec des boeufs est devenu la méthode de préparation traditionnelle de la terre la plus répandue au Zimbabwe (Elwell, 1993) mais le labour précoce recommandé est effectué par moins de la moitié des agriculteurs à cause des besoins de traction trop importants. Ce système, bien qu'à faibles intrants, pourrait être considéré comme conventionnel, puisqu'il suit la séquence habituelle et le type d'opérations de travail du sol soulignées dans les objectifs du travail du sol au Chapitre 2.

Types de systèmes de travail du sol


Conventionnel
Le paillage
Non travail du sol
Le passage contrôlé
Les billons et les billons cloisonnés


Conventionnel

Le système conventionnel est caractérisé par un labour entre deux cultures, créant un lit de semences avec les opérations de labour secondaire. En général, le nombre d'opérations de travail du sol doit être ramené à un minimum afin de garder de l'énergie et du temps et pour empêcher une détérioration structurelle. Le calendrier cultural des opérations est capital pour profiter au mieux des conditions de consistance optimale du sol et de la maniabilité. Si des tracteurs sont disponibles, les opérations de labour primaire peuvent être effectuées dans des conditions de sol sec, bien qu'un labour secondaire intensif soit nécessaire. Un labour profond en sol dur et sec consomme énormément d'énergie mais augmente apparemment les rendements culturaux dans les régions sèches (Arnon, 1972). Les risques de détérioration de la structure du sol augmentent considérablement si on utilise des équipements peu adaptés pour le labour secondaire de sols labourés profondément, comme des herses traînées légères ou les rotoculteurs entraînés par la prise de force. En dehors des besoins énergétiques élevés, les risques d'érosion et de ruissellement augmentent parce que dans cette situation, la surface du sol est nue et ne sera pas protégée longtemps.

Les agriculteurs ne possédant pas de tracteurs doivent attendre que les pluies aient suffisamment ameubli le sol pour entreprendre les opérations de travail du sol. Ces conditions sont typiques des climats semi-arides avec des saisons des pluies et sèche distinctes (Hoogmoed et Vlaar, 1992; Bénites et Ofori, 1993; Kayombo et Lal, 1993; Nicou et al., 1993). Il existe des controverses à propos de l'utilité et des risques liés au labour des sols ouest africains compacts et durs. Labourer ameublit la surface du sol et augmente les risques d'érosion. Toutefois, des résultats provenant de la recherche française indiquent que le labour augmente la capacité d'infiltration à un point tel que les risques de ruissellement et d'érosion sont très faibles (Charreau, 1977; Nicou et Charreau, 1985).

Les problèmes arrivent toujours au début de la saison des pluies. Une plantation précoce est essentielle pour obtenir un bon rendement au vu d'un régime des pluies et de la longueur de la saison des pluies imprévisibles. Si seule la main d'oeuvre manuelle est disponible, le système traditionnel de semis de cultures comme le mil est très efficace. Les trous de plantation sont effectués avec une houe à long manche dans une structure carrée d'environ 1m x 1m, immédiatement après les pluies. Les semences sont placées manuellement puis le trou est recouvert et compacté par les pieds. En appliquant ce travail du sol minimum ou 'spot tillage' comme on l'appelle en Afrique de l'Est (Biamah et al., 1993), les plantations peuvent être faites à temps mais les conditions d'établissement des plantes sont sous-optimales. Un lit de semences ameubli permet généralement à la culture de mieux démarrer mais cet ameublissement ne peut être réalisé que par un travail du sol mécanisé. La puissance de traction animale disponible est très faible, causée par de mauvaises conditions suite à une longue période sèche où la nourriture est rare, donc la pluie doit ameublir la couche arable tout entière. Les pertes d'eau de pluie sont importantes lorsque la pluie tombe sur un sol dur et encroûté.

Quelques alternatives sont proposées pour surmonter ces contraintes: labourer à la fin de la saison des pluies, par exemple, immédiatement après la récolte. Le sol est en général encore humide et les animaux de trait sont en meilleure forme. Par suite, le sol est grossier et ouvert, prêt à recevoir les premières pluies de la saison suivante. Un des problèmes sérieux qui se pose est causé par les animaux, bétail, et chèvres qui broutent sur les champs pendant la saison sèche, piétinant et aplanissant le sol. Ce système est donc rarement appliqué. Un travail du sol ne retournant pas le sol, avec des instruments à dents, nécessitera moins d'énergie et sera donc plus utilisé. Ce système peut être utilisé avec la traction animale ou une fois toutes les deux ou trois saisons avec des tracteurs (Herblot, 1984). Si l'énergie nécessaire est moindre, cette réduction ne compense pas le problème des mauvaises herbes. D'autres alternatives plus prometteuses ayant rapport à la configuration de la surface et au travail du sol zonal sont expliquées dans le paragraphe suivant.

Le paillage

Une couche protectrice de résidus culturaux aidera à diminuer les températures élevées à la surface du sol. Elle améliorera la condition physique de la surface du sol en favorisant l'activité de la faune du sol comme les vers de terre et les termites (Dexter, 1991). Ceci pourrait aider à améliorer l'infiltration de l'eau.

Toutefois, pour que ce système soit appliqué favorablement, des quantités considérables de paille sont nécessaires. Pour instaurer et maintenir les activités de la faune, 2 tonnes de résidus au moins sont nécessaires par hectare. La protection de la surface du sol contre l'impact des gouttes de pluie est assurée par un paillage du sol de 90-100%, ce qui représente entre 6 et 8 tonnes/hectare de résidus culturaux. Ces quantités ne peuvent pas facilement être produites par une seule culture (à part peut-être le maïs), donc des cultures de couverture sont nécessaires. Pour gérer convenablement ces cultures de couverture, des techniques de travail du sol adaptées sont nécessaires parce que les méthodes conventionnelles comme la charrue à versoir ou à disques enterrent trop de matériel de protection. La technique de 'non travail du sol' ou le semis direct est le seul moyen de laisser des résidus. Les quantités importantes de paille nécessaires ne peuvent être produites ou appliquées dans les climats semi-arides ou arides, ce qui limite l'utilisation de ce système aux climats (sub)humides (Kayombo et Lal, 1993).

Non travail du sol

Ceci est très lié au paillage. Ce concept assume que toutes les opérations de travail du sol, y compris la préparation du lit de semences et les mesures de désherbage mécaniques, sont éliminées. C'est seulement en adhérant strictement à ce principe que l'action positive de la faune du sol sera totalement exploitée. Ce système suppose une forte dépendance aux herbicides chimiques pour le désherbage et l'absence de toute opération d'ameublissement du sol.

L'activité biologique assez développée près de la surface du sol, comprenant une concentration des racines de la culture, entraîne généralement une amélioration de l'infiltration. Toutefois, la densité du sous-sol ou horizon B entraînera un équilibre entre les forces compressives (passage, etc.) et les forces ameublissantes (gonflement et rétrécissement, racines). Dans le cas de sols à structure inerte comme beaucoup de sols limoneux tropicaux, la résistance mécanique devient rapidement très élevée pour le développement racinaire. En conséquence, le 'non travail du sol' ne semble pas être une solution pour gérer les sols pris en masse, particulièrement dans les régions semi-arides (Willcocks, 1984; Lai, 1985). Le 'non travail du sol' peut être appliqué avec succès sur des sols encroûtés. Le comportement favorable sous le 'non travail du sol' peut être attribué à la bonne structure du sol dans la zone racinaire. Dans l'Afrique de l'Ouest humide, le 'non travail du sol' pourrait assurer un système agricole viable sur Alfisols (Lal, 1983).

Le passage contrôlé

Bien que le compactage et la prise en masse des sols peuvent arriver après des cycles séchants et mouillants, les forces mécaniques supplémentaires augmentent considérablement les problèmes. Avec les systèmes conventionnels, le poids du passage des tracteurs et des équipements effectuant les opérations de labour secondaire réduit l'effet bénéfique du labour ameublissant.

Le compactage peut aussi, à un moindre degré, être causé par les hommes et les animaux. En séparant les zones d'enracinement et de passage, on peut obtenir un développement de culture et un calendrier cultural favorables dus à des conditions optimales du travail du sol. Cette approche zonale peut également être combinée positivement avec des mesures de conservation du sol et de l'eau. Etant donné que ces systèmes ont généralement moins de besoins énergétiques que les systèmes conventionnels du fait qu'une partie de la terre seulement doit être labourée, ils sont surtout appliqués dans les régions où les disponibilités énergétiques sont limitées. Des exemples représentatifs sont le système de sillons et planches larges développés en Inde (El-Swaify et al., 1985; Klaij, 1983) et en Ethiopie (Tekalign et al., 1993), le 'labour de captage en bandes' au Botswana (Willcocks, 1981, 1984) et une collecte d'eau de pluie in situ au Brésil (Lai, 1985, 1987).

Les billons et les billons cloisonnés

Comme nous l'avons vu plus haut, les systèmes de labour en bandes ou zonal comprennent généralement une forme de configuration de la surface comme des planches larges ou des micro captages. Ces systèmes sont souvent très récents et bien que leur utilisation soit une réussite sur les fermes expérimentales, ils ne sont pas encore très répandus. Au contraire, le billonnage ou le sillonnage en demi-planches comme par exemple la construction de billons séparés de 50 à 80 cm, est presque une composante intégrale des systèmes agricoles à faibles intrants énergétiques. C'est particulièrement le cas en Afrique.

Un certain nombre d'avantages peuvent expliquer la popularité de ce système:

Economie d'énergie - si effectué directement, seulement 50% du champ doit être labouré

Le désherbage est plus facile

La totalité du matériel organique est incorporé dans le billon

La construction peut être réalisée par une simple charrue à versoir ou une billonneuse; elle peut même être réalisée manuellement si des animaux de trait ne sont pas disponibles

Les risques d'engorgement sont réduits si on a un bon drainage.

Le billonnage présente des avantages pour la gestion de l'infiltration mais aussi pour l'établissement de la culture à cause du faible compactage du sol dans le billon. La faible densité du billon peut toutefois entraîner un séchage plus rapide du sol autour de la semence et donc augmenter les risques d'échecs pour les cultures en conditions sèches. Le billonnage cloisonné comprend la construction de cloisonnements dans le sillon à intervalles réguliers pour empêcher le ruissellement le long des sillons. Ces systèmes ont été développés vers la fin des années cinquante en Afrique, originellement sur des grandes exploitations agricoles mécanisées. Avec le développement de simples outils à cloisonner opérés manuellement, ces systèmes sont aussi utilisables par les agriculteurs ne possédant pas de tracteurs. Des recherches effectuées en Afrique de l'Ouest sur les Alfisols ont montré le potentiel de ces systèmes associés avec la traction animale (Hoogmoed et Stroosnijder, 1984; Hullugalle, 1990). Malgré tout, les pertes par évaporation sur sols lentement perméables peuvent toujours être considérables.


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