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Unités de paysage pour l'hydrologie au Nord du Mexique


Jean-Yves Loyer, Stéphanie Moriaud, Orstom, Laboratoire d'hydrologie, Montpellier, France,

et Luc Descroix, Orstom, Gomez Palacio, Mexique

Résumé

La région hydrologique No 36 (RH 36), couvrant 92 000 km2 au Nord du Mexique, fait depuis 1992 l'objet d'études scientifiques centrées sur le thème de l'eau (dynamique, disponibilité et différents usages agricoles).

Avant d'aborder la phase d'hydrologie expérimentale, il a été établi un recensement des principales unités de paysage représentatives de la RH36, dont les caractéristiques, les organisations et la distribution régissent le ruissellement des eaux superficielles. Cette typologie fait appel au concept de paysage et fournit des informations spatialisées exprimées sous forme d'un système d'information géographique dont l'élaboration s'appuie sur l'information disponible (un modèle numérique de terrain, diverses cartes thématiques à petite échelle et l'imagerie satellitaire), qui a été rassemblée dans une base de données spatiales. A partir de celle-ci, les facteurs considérés, à cette échelle d'intervention, comme les plus déterminants vis-à-vis des dynamiques hydriques superficielles (pentes topographiques, roches et matériaux géologiques, sols, occupation des sols) ont été sélectionnés, analysés et classés par approches successives.

Le croisement des trois premiers plans d'informations a permis la définition de 21 ensembles paysagiques physiques, dont 19 ont été considérés comme hydrologiquement fonctionnels, et de 84 sous-ensembles biophysiques après intégration de la végétation, pour lesquels a été réalisée sur une partie de la région une cartographie actualisée à partir des images SPOT de 1992.

Abstract

The Hydrological Region N° 36 (HR 36) covers an area of 92 000 km2 and is located in the north of Mexico. Since 1992 it has been the object of scientific studies on water cycles, availability and different agricultural uses of water.

Before hydrological measurements were begun, an inventory of the main landscape units whose features, structures and distribution determine the runoff of surface waters was carried out. A typology of the landscape units is used in a Geographic Information System to integrate data of a Digital Elevation Model, small-scale thematic maps and satellite images, in a spatial database. The determining factors of the runoff, on this regional scale, are slopes, rocks and geological formations, soils and land uses. These factors have been selected, analysed and classified step-by-step.

The joining-up of slopes, soils and land use plans makes it possible to define 21 physical landscape units, of which 19 are practical for hydrological use. After adding the vegetation, 79 biophysical units were defined. Maps of the vegetation in the western Sierra Madre, taken from SPOT images of 1972 and 1992, are shown in this paper to illustrate the evolution of land cover in part of the HR 36 region.

FIGURE 1

Localisation de la RH36 et du secteur étudié

 


Introduction

L'une des 37 régions hydrologiques du Mexique, la RH 36 (figure 1), fait depuis 1992 l'objet d'études scientifiques centrées sur le thème de l'eau. Le projet intitulé "Uso y Manejo del Agua en las Cuencas Hidrograficas del Norte de Mexico" est conduit conjointement par le CENID RASPA1 et l'ORSTOM DEC2, à partir du Centre de Gomez-Palacio (Durango). Il s'inscrit dans le cadre d'une convention binationale établie entre l'INIFAP3 du Mexique et l'ORSTOM de France. L'objectif principal du projet est d'estimer la disponibilité en eau de cette grande région hydrologique qui couvre plus de 90 000 km2 de superficie au Nord du Mexique, afin d'en optimiser les différents usages agricoles, (usages domestiques, irrigation, abreuvement du bétail, pisciculture).

Le volume total annuel moyen des ressources en eaux renouvelables utilisables est de 1,3 109 m3 dont 300 millions de m3 d'eaux souterraines. La consommation (à 98 % agricole) est de 2,5 109 m3 dont 1,5 109 m3 d'eaux souterraines qui correspondent à 5 fois le volume de la recharge annuelle des aquifères, provoquant leur abaissement de 1,75 mètre par an depuis les années cinquante. C'est dire qu'une meilleure gestion de ces eaux d'irrigation s'avère indispensable.

Au cours d'une première étape, les facteurs conditionnant la ressource, ainsi que ses principales utilisations, ont fait l'objet d'un inventaire et d'une analyse thématique, (ORSTOM, CENID RASPA, 1994). Une première interprétation a pu être établie sur la contribution hydrologique des deux principales unités hydrographiques de la région, les bassins versants des rios Nazas et Aguanaval (figure 2), ainsi que de leurs sous-bassins versants respectifs définis par les emplacements de 10 stations hydrométriques.

Le but de la seconde étape du projet, engagée depuis 1994, est de recenser les principaux systèmes paysagiques représentatifs de la RH 36 sous leurs aspects organisationnels puis fonctionnels vis-à-vis des écoulements superficiels. Cette étape comporte deux volets :

· un recensement des principaux modèles d'organisation des paysages distribués dans la RH 36, et dont les caractéristiques physiques et biotiques régissent les ruissellements hydriques, superficiels et hypodermiques;

· des expérimentations in situ visant à appréhender les dynamiques de fonctionnement hydrologique de ces différents modèles.

FIGURE 2

Schéma d'organisation des flux dans la RH 36

 

Cette présentation concerne seulement l'aspect typologique des unités de paysage sur lesquelles sont actuellement conduites les mesures expérimentales nécessaires à l'élaboration d'un modèle de fonctionnement hydrologique global de la RH 36.

Objectif

A partir des informations spatialisées existantes, l'objectif est de fournir à l'hydrologie une identification des systèmes naturels ou anthropisés représentatifs de la région. La démarche fait appel au concept de paysage. L'étude de leurs caractéristiques, de leur structuration et de leur extension géographique doit être menée en ayant à l'esprit leur rôle préjugé vis-à-vis des ruissellements superficiels. Cet inventaire typologique a servi au choix des bassins versants représentatifs sur lesquels ont été réalisées des expérimentations dont les résultats pourront ensuite être extrapolés à d'autres situations en utilisant l'imagerie satellitaire.

Outils

La démarche générale s'appuie sur l'information spatialisée disponible sur la région : un modèle numérique de terrain (MNT), les cartes thématiques et les images satellite.

· Le modèle d'altitude utilisé est un produit de l'INEGI (1992), qui contient une information numérique du relief de l'ensemble du territoire mexicain. Le réseau des points, tirés des cartes topographiques au 1/250 000, est distribué toutes les trois secondes de latitude et de longitude selon 256 degrés carrés, pour tout le pays.

· La saisie des cartes thématiques à l'échelle de 1/ 106 s'est faite sur table DRAWING-BOARD III de grand format, associée à un micro-ordinateur, et sous logiciel MYGALE (ORSTOM).

· Le logiciel de traitement retenu est SAVANE (ORSTOM) dont le programme fonctionne sur une station de travail SUN ; un modèle SPARC IPC a été utilisé.

· Les images satellite SPOT et LANDSAT MSS des années 1972 et 1992 ont été traitées sur une partie de la région, sous le logiciel PLANETES (ORSTOM), dans le but de caractériser l'évolution de la végétation sur une période de 10 ans.

Démarche

La grande extension géographique de la région a imposé une approche à petite échelle qu'il conviendra d'agrandir sur chacun des sites sélectionnés pour les expérimentations hydrologiques. L'approche typologique s'est faite en trois temps :

1 - Une sélection des principaux facteurs du milieu les plus déterminants à l'échelle régionale vis-à-vis des dynamiques hydriques. Les quatre facteurs sélectionnés, pentes, roches ou matériaux géologiques, sols, et occupation du sol, ont servi à l'élaboration de la base de données spatiales. Chacun des thèmes a ensuite fait l'objet d'une interprétation approfondie à partir de laquelle des classifications par approches successives ont été effectuées. Le croisement des différents plans d'information obtenus a ensuite permis l'élaboration du SIG et une identification des principaux systèmes représentatifs de la région.

2 - Dans un deuxième temps, la démarche a consisté en une caractérisation de chacun des ensembles paysagiques issu du SIG, en termes de composition physique et biotique, en insistant sur la compréhension des principales règles qui président à leur organisation interne. Leur extension géographique et leur distribution dans les trois sous-régions géoclimatiques de la RH 36 ont été analysées, ainsi que les relations avec les unités voisines. La définition du contenu de ces unités nous a obligés à suivre une démarche analytique remontant aux informations les plus détaillées. Une estimation de la capacité de réserve hydrique des sols représentatifs des unités a ainsi été faite à partir de leur texture, de leur profondeur et de leur densité apparente; ces estimations donnent des ordres de grandeur qui doivent être modulés pour tenir compte de la forte teneur en éléments grossiers de ces paysages montagneux.

3 - Un des points pouvant prêter à discussion est l'ancienneté de l'information cartographique originelle. Des variations liées à des évolutions récentes sont apparues depuis l'élaboration des cartes en 1981, en particulier celles dues à l'érosion. Il en est de même a fortiori pour l'occupation végétale de ces sols qui a pu subir d'importantes transformations, allant le plus souvent dans le sens d'une dégradation. Une actualisation de l'information sur la couverture végétale des sols à partir de l'imagerie satellitaire a donc été entreprise. Cet outil est bien adapté ici du fait de la grande extension géographique de la région et de la bonne qualité des images due à la faible nébulosité de ces zones arides et semi-arides. Les résultats de la cartographie de la végétation serviront à affiner le système actuel.

Résultats

Analyse des différents thèmes

Les pentes

Elles ont été calculées à partir des données altimétriques disponibles dans le MNT. Une carte des pentes de la RH 36 a été créée en format raster par collage de 16 degrés carrés et intégrée dans le logiciel Savane; sa précision est du demi-degré. Dans une première analyse, cet intervalle d'un demi-degré a été retenu pour tracer les histogrammes de fréquence relative correspondant à chacun des bassins versants (figure 3); 144 unités sur une amplitude de 0 à 72 degrés ont été obtenues pour la région et exploitées statistiquement.

La lithologie

Les 19 types lithologiques initialement identifiés ont été ramenés, après un premier regroupement des roches métamorphiques, à 16 clefs originelles de roches et matériaux d'origine éruptive ou sédimentaire, mais différant surtout par leur comportement à l'eau en fonction de leurs caractéristiques pétrographiques et structurales.

Les sols

En première analyse, 13 variables concernant le type de sol principal de l'unité de paysage et 13 autres caractérisant le sol secondaire de cette même unité ont été retenues. En outre, ont été prises en compte : quatre variables se rapportant au faciès, trois variables texturales et neuf variables physiques faisant intervenir surtout l'induration rocheuse, ou signalant la présence d'une croûte calcaire ou gypseuse, ou d'éléments grossiers de différentes dimensions.

Ces derniers attributs, texture et caractéristiques physiques, jouent un rôle essentiel dans les dynamiques hydriques superficielle et interne, déterminant en particulier la capacité totale de réserve en eau des différents sols. Au total, 42 attributs pédologiques ont été sélectionnés pour caractériser la région.

FIGURE 3

Histogramme de fréquence des pentes

Végétation et occupation des sols

Les 33 types de groupements végétaux initialement recensés ont été regroupés en 12 unités, sur des critères de similitude d'occupation du sol et de type de recouvrement. Outre les deux unités de cultures pluviales ou irriguées, les cinq groupements naturels les plus représentatifs sont: le matorral desertico microfilo, le matorral rosetofilo, la nopalera, les aires de pâturage naturel et les bois de chênes et de pins. Par contre, deux unités très peu étendues, les lacs et les localités, n'ont pas été prises en compte dans les traitements ultérieurs, ce qui ramène à 10 les types les mieux représentés.

L'analyse de l'évolution de la végétation a été réalisée à l'aide de deux classifications barycentriques sur une zone couvrant 9 500 km2 de superficie correspondant aux scènes Landsat MSS de décembre 1972 et 1992 (figures 1 et 4). Le tableau 1 résume les résultats de cette évolution. Dans ce tableau, la zone des savanes correspond grossièrement au groupement des trois unités de matorral desertico microfilo (steppe à épineux), de matorral rosetofilo (steppe à végétaux aux feuilles en rosettes), et de la nopalera (steppe à cactus) lorsqu'elles sont suffisamment couvertes par la végétation. Lorsque la végétation est très peu couvrante, les trois unités correspondent à des zones considérées comme dépourvues de végétation. Les autres unités, comprenant les pâturages et les forêts, se correspondent assez bien dans les deux classifications.

Premières classifications

Pentes

A partir des 144 intervalles initiaux, sept classes basées sur des critères géomorphologiques ont été retenues (figure 5).

FIGURE 4

Evolution de la végétation dans la Sierra Madre Occidentale.

 

Roches et matériaux

A partir des 16 types lithologiques, une première classification a été établie prenant en compte les deux critères d'induration et de structure; elle permet un regroupement en huit classes de roches et matériaux de caractéristiques physiques et struc-turales proches, qui déterminent un comportement vis-à-vis de l'eau pré-jugé similaire :

1. Roches indurées massives (granite, granodiorite, diorite, basalte, com-plexe métamorphique).

2. Roches indurées en bancs (ryolite, grès, calcaires).

3. Conglomérats.

4. Conglomérats cimentés.

5. Alternances stratifiées, (grès et marnes, calcaires et marnes).

6. Matériaux éruptifs très hétérogènes (toba: cendres, tufs, conglomérats).

7. Matériaux sédimentaires tendres, (marnes)

8. Formations quaternaires, alluviales, colluviales.

TABLEAU 1

Evolution de la végétation par catégorie

  SUPERFICIES en km2 %
ZONES N'AYANT PAS CHANGÉ
Sans végétation

Pâturages

Savanes

Forêt claire

Forêt dense

454

1657

1065

815

105

4,8

17,4

11,1

8,6

1,1

ZONES AYANT CHANGÉ
EN DÉGRADATION

de pâturages à sans végétation

de savanes à pâturages

de forêt claire à savane

de forêt dense à forêt claire

TOTAL

 

759

851

860

286

2756

 

8,0

9,0

9,0

3,0

29,0

EN PROGRESSION

de sans végétation à pâturages

de pâturages à savane

de savane à forêt claire

de forêt claire à forêt dense

TOTAL

 

512

656

406

99

1673

 

5,4

6,9

4,3

1,0

17,6

ZONES AYANT CHANGÉ FORTEMENT
EN DÉGRADATION

de savanes à sans végétation

de forêt claire à sans végétation

de forêt claire à pâturages

de forêt dense à savane

TOTAL

 

127

18

251

113

1673

 

1,3

0,2

2,7

1,2

5,4

EN PROGRESSION

de sans végétation à savane

de pâturage à forêt claire

de savane à forêt dense

de sans végétation à forêt claire

de pâturage à forêt dense

TOTAL

 

176

162

33

61

14

455

 

1,9

1,7

0,4

0,6

0,2

4,8

Sols

Un premier croisement des 42 attributs pédologiques fait apparaître 295 combinaisons réellement possibles. Celles-ci intègrent intrinsèquement un certain nombre d'autres caractéristiques édaphologiques telles que la profondeur des sols. Une analyse détaillée et une interprétation de chacune de ces combinaisons ont débouché sur sept classes prenant en compte essentiellement l'épaisseur du sol, sa texture, et la présence d'une induration lithique ou pétrocalcique :

· sols superficiels lithosoliques

· sols superficiels régosoliques

· alternances de sols lithosoliques et régosoliques

· sols peu profonds (50 cm)

· sols moyennement profonds (80 cm)

· sols profonds (>1 m), de texture moyenne

· sols profonds (>1 m), argileux.

FIGURE 5

Histogramme de classification des pentes

Elaboration du système d'information géographique

Définition des sous-régions

Une interprétation des deux premiers thèmes physiques (altitudes, lithologies) a permis un regroupement par l'origine des matériaux et par les altitudes (en relation avec un gradient pluviométrique d'altitude) et la définition, au sein de la RH 36, de trois sous-régions géo-climatiques relativement homogènes par rapport à ces deux paramètres :

· Une sous-région haute, sub-humide, éruptive et montagneuse de 30 937 km2.

· Une sous-région moyenne, semi-aride, sédimentaire, accidentée de 30 696 km2.

· Une sous-région basse, aride, plane et endoréique de 29 571 km2, dont l'altitude est inférieure à 1 400 m et la pluie annuelle inférieure à 300 mm.

Définition des unités de paysage

Le croisement des deux premiers thèmes, pentes et lithologie, aboutit à un découpage de la région hydrologique en 56 unités litho-topographiques. Croisées avec les sept classes édaphologiques celles-ci différencient 392 combinaisons possibles de paysages.

Un premier tri, supprimant les combinaisons de faibles superficies (inférieures à 0,7 km2), permet de sélectionner 286 ensembles représentatifs du milieu physique de la RH 36 avant d'y intégrer le thème végétation. Ce nombre élevé d'unités différentes ne permet évidemment pas d'envisager de conduire sur chacune d'elle des expérimentations hydrologiques.

Néanmoins, toutes celles-ci ont été répertoriées et analysées statistiquement pour l'ensemble de la région et pour chacune des trois sous-régions. L'interprétation détaillée de toutes ces données et la mise en évidence de certaines ressemblances, ou différences, ont permis d'envisager des regroupements qui ont servi à l'élaboration d'un second niveau de classification.

Classification secondaire

Pentes

Les sept classes initiales ont été regroupées en quatre grandes classes :

Classe 0,0 - 0,5 degré : représentant les plaines et les bas glacis très peu pentus.

Classe 0,5 - 6,0 degrés : la plupart des glacis jusqu'au raccordement au piémont.

Classe 6,0 - 45 degrés : tous les versants et la plupart des collines.

Classe 45 - 72 degrés : les corniches et abrupts de roches affleurantes.

Lithologie

Sur des critères d'induration, les sept classes initiales ont été regroupées en trois grandes classes :

· roches indurées, (roches indurées, massives, en bancs, et conglomérats cimentés),

· matériaux hétérogènes (alternances stratifiées, matériaux éruptifs très hétérogènes, conglomérats),

· matériaux tendres, (sols et matériaux géologiques tendres).

Sols

Les sept classes initiales ont été regroupées en trois sur des critères de profondeur :

· sols superficiels, (lithosoliques, régosoliques et alternances),

· sols de profondeur moyenne, (faible et moyenne profondeur, lithiques, pierreux, encroûtés),

· sols profonds, (texture moyenne ou argileuse).

Cette seconde classification représente donc trois plans d'information du milieu physique comprenant au total 10 grandes classes. Leur croisement, effectué sur SAVANE, aboutit théoriquement à 36 unités physiques; en réalité, quatre d'entre elles ne sont logiquement pas représentées dans la RH 36, car elles correspondent à des situations aberrantes. Les 32 unités réellement reconnues, numérotées de A1, A2, A3, jusqu'à L1, L2, L3 (tableau 2), ont fait l'objet d'une analyse statistique qui fait ressortir pour la région et pour chaque sous-région :

· la superficie globale de chacune d'elle,

· le nombre d'unités du même type rencontré,

· la superficie moyenne, minimale et maximale de chaque unité,

· les écarts-types et coefficients de variation de chaque paramètre.

Le classement de ces différentes unités est ordonné par superficies décroissantes sur le tableau 3 et l'interprétation des données statistiques précédentes fait apparaître, parmi ces 32 unités, 11 unités globalement très peu étendues et très morcelées, avec des superficies cumulées inférieures à 100 km2. Leur représentativité, ainsi que leur rôle dans le fonctionnement hydrique, est de ce fait excessivement réduit. A l'issue de ce premier tri, ce sont donc 21 unités physiques qui apparaissent les plus représentatives des paysages de la région. L'unité H2 (sols de profondeur moyenne sur matériaux hétérogènes différenciés sur versants à pentes fortes) est la plus largement représentée, en particulier dans la sous-région haute. C'est par contre l'unité G1 qui est dominante dans la sous-région intermédiaire (sols superficiels sur matériaux indurés : calcaires, basaltes et ryolites ; sols différenciés sur versants à pentes fortes) (tableau 3).

TABLEAU 2 

Présentation des unités physiques de paysage dans la RH 36.

    CLASSES DE PENTES en degrés
MATERIAUX SOLS < 0,5 0,5 à 6,0 6,0 à 45 45 à 72
  Superficiels A1 D1 G1 J1
Indurés Moyens A2 D2 G2 J2
  Profonds A3 D3 G3 -
  Superficiels B1 E1 H1 -
Hétérogènes Moyens B2 E2 H2 K2
  Profonds B3 E3 H3 K3
  Superficiels C1 - I1 -
Tendres Moyens C2 F2 I2 L2
  Profonds C3 F3 I3 L3

Dans la sous-région basse, ce sont naturellement les sols profonds, sur matériaux alluviaux colluviaux tendres et différenciés sur pentes faibles, qui sont les mieux représentés (unité F3).

Ces 21 ensembles paysagiques, prenant en compte les trois critères du milieu physique jugés les plus déterminants, ont été tracés sur une carte générale à l'échelle d'environ 1/3 000 000 qui fait apparaître les grands traits de leur distribution spatiale au sein de la RH 36 (figure 6).

Intégration de la végétation au sig

Le croisement des 10 classes d'occupation du sol avec les 21 unités physiques précédemment répertoriées comptabilise 210 possibilités théoriques d'ensembles paysagiques. L'analyse statistique des résultats de ce croisement conduit en premier lieu à éliminer les unités biophysiques non représentées dans la région et ensuite à ne pas prendre en considération celles dont la superficie totale cumulée est inférieure à la centaine de km2. Ce tri aboutit, pour l'ensemble des 21 unités physiques recensées, à 84 sous-unités biophysiques, ce qui correspond, selon les cas, à des sous-unités végétales distinctes (de 1 à 7) pour chaque ensemble de paysages.

Le tableau 1 montre également qu'en un même lieu la végétation peut évoluer soit dans le sens d'une dégradation, pour environ 35 % de la superficie de la zone de 9 500 km2 couverte

par les deux images Landsat des années 1972 et 1992, soit dans le sens d'une régénération du couvert végétal pour 22 % de cette même superficie. Ces changements sont dus d'une part à l'intense activité forestière dans les parties les plus hautes de la Sierra Madre occidentale (au-dessus de 2 600 mètres), d'autre part au surpâturage qui s'est généralisé de manière draconienne dans certains secteurs qui supportent des charges de deux à cinq fois supérieures à la charge normale de bétail à l'hectare. La régénération du couvert végétal peut être une conséquence du surpâturage, cette régénération se faisant au profit d'espèces non appêtées par le bétail (le pin) et au détriment des espèces les plus consommées (le chêne). Au total, 12 % de la superficie des 9 500 km2 se sont dégradés entre 1972 et 1992 et la superficie couverte par la forêt dense a été divisée par deux.

FIGURE 6

Principales unités de paysage dans la RH 36.

 

TABLEAU 3

Superficies des unités de paysage par sous-région.

RH 36 Sous-région
haute
Sous-région moyenne Sous-région
basse
Unités km2 Unités km2 Unités km2 Unités km2
H2 22 984 H2 19 197 G1 6 234 F3 7 882
G1 12 046 E2 3 657 H2 3 475 G1 4 990
F3 9 721 H1 1 509 I2 2 728 C3 3 727
E2 5 819 H3 1 197 F2 2 564 F2 1 678
I2 5 093 G2 997 H1 2 210 D1 1 600
F2 4 786 I2 952 F3 1 722 I2 1 413
H1 4 647 G1 823 E2 1 612 I3 1 236
C3 3 743 F2 544 G2 1 612 I1 1 137
G2 3 357 K2 416 I1 1 480 H1 927
D1 3 075 E3 410 D1 1 378 G2 747
I1 2 698 J1 400 H3 1 073 D3 623
I3 2 431 I3 172 I3 1 022 E1 559
H3 2 392 E1 121 J1 917 E2 550
J1 1 597 F3 117 E3 786 C1 518
E3 1 468 D2 117 E1 570 D2 410
E1 1 250 D1 96 D2 421 G3 394
D3 970 I1 81 G3 369 H2 311
D2 948 B2 35 D3 344 J1 280
G3 782 A1 20 J2 42 E3 272
C1 522 G3 18 L2 26 H3 122
K2 439 C2 17 K2 23 A3 91
A3 104 K3 13 C3 16 A1 43
A1 73 J2 7 C2 14 C2 16
J2 52 L2 6 A3 13 L3 16
C2 47 B1 4 A1 10 L2 8
B2 43 D3 3 L3 10 K3 7
L2 39 B3 3 K3 8 B3 6
K3 28 A2 1 B2 8 J2 3
L3 26 C3 1 B1 4 B1 3
B3 11 L3 1 C1 4 A2 2
B1 11 C1 0 B3 2 B2 1
A2 4 A3 0 A2 1 K2 0
Total 91 204   30 937   30 696   29 571

Conclusion

Au plan des caractéristiques physiques (pentes, lithologies, sols), et en première approche, on peut préjuger que parmi les 21 unités de paysage identifiées, celles qui sont différenciées sur les pentes très faibles (inférieures à 0,5 degré), exclusivement représentées dans la sous-région basse, n'ont pas de rôle fonctionnel vis-à-vis des ruissellements en dehors des événements pluviométriques exceptionnels. Il s'agit des unités C1 (sols superficiels sur matériaux sableux) et C3 (sols profonds sur matériaux tendres).

Au plan biotique, l'analyse de l'occupation de ces unités paysagiques fait apparaître:

· d'une part que la classe "sans végétation" n'est représentée que dans la sous-région basse, (unité F3) et appartient aux paysages de lagunes non concernés par les flux hydriques;

· d'autre part que la classe "matorral subinerme" est très peu représentée et peu différente du groupement "matorral desertico microfilo" auquel elle peut être associée.

Ceci ramène donc à huit les groupements végétaux à prendre réellement en compte.

Au total, du point de vue des ensembles paysagiques hydrologiquement fonctionnels, ce sont donc 19 ensembles géomorphopédologiques différents qui ont été retenus comme représentatifs de la RH 36 dont ils constituent 95 % de la superficie, et 84 sous-ensembles biophysiques susceptibles de présenter un comportement hydrique particulier en raison de leur occupation végétale.

La principale difficulté dans cette approche typologique est la prise en compte des liaisons existant entre ces différents ensembles, liaisons qui vont régler leur fonctionnement hydrologique. Ces ensembles peuvent en effet se présenter soit sous la forme d'une hydroséquence continue avec un ordonnancement amont-aval (corniche, versant, piémont, glacis, vallée), soit sous la forme d'un ensemble discontinu dont les éléments fonctionnent séparément du fait de la présence de plusieurs reliefs de commandement. Ce système discontinu crée alors de nombreux emboîtements latéraux d'interfluves avec des zones d'écoulement préférentiel.

Dans la réalité, ces ensembles paysagiques forment des combinaisons complexes, plus ou moins ordonnées, faisant intervenir de nombreux facteurs déterminant le ruissellement. Ces facteurs sont parfois évolutifs et ils doivent être appréhendés à des échelles d'espace et de temps compatibles, permettant de rendre compte du fonctionnement de ces hydrosystèmes. La végétation constitue un de ces facteurs évolutifs qui doit être appréhendé en tenant compte de ses dynamiques saisonnière et interannuelle.

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1 Centro Nacional de Investigacion Disciplinaria en Relacion Agua Suelo Planta y Atmosfera.

2 Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération. Département des eaux continentales.

3 Instituto Nacional de Investigaciones Forestales y Agropecuarias.

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