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DEUXIÈME PARTIE
Problèmes auxquels sont confrontés pêcheurs et aquaculteurs

INTRODUCTION


Les nombreux pêcheurs pratiquant la pêche de capture et les aquaculteurs sont souvent confrontés à des difficultés d'exploitation et à des problèmes délicats qu'ils devront surmonter pour que les pêches de capture restent une source constante d'aliments et de revenus et que les aquaculteurs puissent fournir toute la gamme des produits que souhaitent les consommateurs.

L'accès aux ressources naturelles et leur utilisation sont les principaux sujets de controverses dont les deux aspects fondamentaux sont les suivants:

L'étude commence par les généralités et se poursuit en traitant des aspects spécifiques des problèmes examinés. Le premier thème développé concerne la gouvernance du secteur halieutique. La gouvernance est ici entendue comme un cadre juridique institutionnel qui doit assurer que les pêches de capture et l'aquaculture ont le rôle que la société dans son ensemble considère approprié. Elle doit aussi définir les règles qui garantissent une concurrence loyale et un accès équitable aux ressources dans ce secteur.

Les aspects abordés au titre de la gouvernance sont analysés en détail dans les deux problèmes qui ont pour thème la création d'un environnement propice pour l'aquaculture et l'intégration des pêches dans l'aménagement des zones côtières. Enfin, les questions de l'adaptation de la capacité de pêche aux ressources disponibles et de la gestion des captures accessoires et des rejets, qui ont été largement débattues en dehors du milieu de la pêche, devront être résolues par le secteur des pêches de capture lui-même.


GOUVERNANCE DES PÊCHES AU NIVEAU NATIONAL

LE PROBLÈME

Quatre-vingt-dix pour cent des captures de poisson dans le monde proviennent de zones relevant de juridiction nationale, essentiellement grâce à une meilleure productivité et à la proximité des zones du plateau continental; la plupart des problèmes d'aménagement des pêches se posent donc dans ces zones. Ces problèmes ne sont pas nouveaux: depuis une cinquantaine d'années au moins, on reconnaît que les gouvernements doivent prendre conscience de la situation de leurs pêches pour appliquer des politiques efficaces, visant à enrayer l'appauvrissement des ressources et le gaspillage des investissements et à faciliter de plus en plus la reconstitution des stocks.

La situation actuelle des pêches dans le monde - environ 60 pour cent des principaux stocks commerciaux sous contrôle exigent un aménagement plus rationnel ou différent - témoigne de la nécessité d'une gouvernance appropriée. Le problème pour les gouvernements est de savoir comment aménager les pêches de façon à utiliser les ressources totalement et de façon durable, en garantissant efficacité économique et avantages sociaux pour tous. On reconnaît aussi de plus en plus que la responsabilité de l'aménagement ne doit pas être le seul fait des gouvernements mais être partagée entre ceux opérant dans le secteur des pêches et ceux qui estiment avoir droit à participer aux décisions concernant l'héritage de l'humanité.

Dans les années 80, tout le monde prévoyait que la gestion des pêches s'améliorerait sensiblement avec la mise en place d'une juridiction nationale élargie dans le cadre de la Convention sur le droit de la mer. Ce fut le cas des pays qui avaient la capacité et la motivation de renforcer leur gouvernance. Très souvent, ils pratiquaient déjà la pêche dans les ZEE ou disposaient d'une capacité facilement disponible (pêcheurs compétents, capitaux d'investissement et infrastructure) au sein même du secteur. L'expérience a montré ensuite que même dans des conditions très favorables, l'organisation d'une gouvernance satisfaisante est très longue. Les pays dans lesquels les pêches sont actuellement bien gérées le doivent en général à 20 à 40 années d'efforts et d'ajustements continus (voir encadré 4, Evolution de l'aménagement des pêches en Nouvelle-Zélande).


ENCADRÉ 4
Evolution de l'aménagement des pêches en Nouvelle-Zélande

Les problèmes de la capacité des pêches côtières néo-zélandaises ont commencé à se poser dans les années 60. L'apparition de navires de pêche étrangers au large des côtes de la Nouvelle-Zélande a sonné le glas des opportunités commerciales pour les pêcheurs du pays. Aussi les pouvoirs publics ont-ils pris des mesures en 1963 pour supprimer les restrictions à l'effort de pêche imposées aux pêcheurs locaux et, en 1965, offert des garanties sur des prêts permettant l'achat de navires de pêche. La Nouvelle-Zélande a ensuite rétabli le libre accès et le gouvernement a encouragé une augmentation de la capacité de pêche.

Alors que l'objectif visait un développement des pêches fondé sur les ressources de la haute mer, la pêche côtière de produits de qualité s'est également rapidement intensifiée à tel point que la surexploitation de certaines espèces et la surcapitalisation des flottes côtières sont devenues un problème au début des années 80. A l'époque, le gouvernement a pris des mesures visant à rétablir un contrôle sur les pêches qui prévoyaient entre autres:

- une déclaration des zones désignées de pêche sous contrôle, un nouveau système d'autorisations qui limitait le nombre de navires et un moratoire général pour les nouveaux permis;
- la suppression des pêcheurs «à temps partiel» dans la pêche côtière;
- le renforcement des pouvoirs de réglementation des pêches dans le cadre de la Loi de 1983 sur les pêches, à l'aide de plans d'aménagement qui seraient élaborés à la suite de larges consultations de la profession et permettraient d'identifier les ressources à gérer et les contrôles réglementaires (sur les intrants) à appliquer.

Le processus de consultation et de planification en place était si complexe que la situation de surexploitation et de surcapitalisation des pêches côtières n'a fait que s'aggraver. En 1984, le secteur était surcapitalisé d'environ 28 millions de dollars néo-zélandais (valeur actualisée). Dans les zones où la pêche côtière était la plus concentrée, la surcapitalisation était estimée à environ 44 pour cent de la capacité de pêche existante.

Après une période d'intense réflexion, le Gouvernement et l'industrie ont décidé d'introduire le principe des captures totales autorisées (TAC) pour garantir la conservation des stocks et des contingents individuels transférables (ITQ) pour faciliter la restructuration du secteur. Ils ont estimé que la méthode qui consistait à limiter la capacité de pêche par des contrôles de la production était celle qui avait le plus de chances d'atteindre les deux objectifs. Par ailleurs, ils reconnaissaient que dans un premier temps l'application des TAC et des ITQ aurait pour effet de réduire l'activité de pêche. Les principaux éléments du dispositif étaient:

- l'attribution d'un dossier à chaque pêcheur à l'échelon national (chaque dossier correspondant aux captures pour deux des trois années 1981, 1982 ou 1983); et
- le «rachat» des dossiers à un niveau équivalent au TAC pour chaque pêche.

En définitive, le gouvernement a dépensé 45 millions de dollars néo-zélandais (valeur actualisée) pour racheter l'équivalent de 15 800 tonnes de dossiers. L'important était d'assurer un avenir viable et plus durable aux pêches en difficulté et au secteur dans son ensemble. L'autre avantage pour les pêcheurs était de pouvoir négocier - c'est-à-dire vendre, acheter, louer - leurs droits de participer aux pêches, sans restrictions gouvernementales excessives et sans besoin d'autorisation, et d'avoir la possibilité d'affecter leurs navires tout au long de l'année aux différentes pêches pour lesquelles ils avaient des contingents. Le gouvernement a été gagnant dans le sens où il a pu racheter les dossiers à des prix qui étaient inférieurs à leur valeur réelle en raison de l'absence d'un marché structuré pour les ITQ à l'époque.

L'introduction des ITQ a eu lieu après une longue période de consultations avec le secteur halieutique pour s'assurer de son engagement. D'ailleurs, la participation de représentants de l'industrie à la planification, à la conception et à la mise en place du système a été considérée comme un élément important de la réussite de l'introduction des ITQ.

A l'époque, des ITQ ont été introduits pour 29 espèces, y compris 21 espèces côtières et huit espèces hauturières. Après 1986, d'autres espèces ont été incluses dans le système qui en compte actuellement 33. Elles représentent environ 80 pour cent du total des captures commerciales provenant de la ZEE néo-zélandaise. La Loi sur les pêches prévoit que d'autres espèces commerciales seront gérées de cette façon.

Environ 117 espèces ne sont pas couvertes par le système d'aménagement par contingent, mais sont gérées dans le cadre d'autorisations et de réglementations. Dans le cadre de sa politique d'aménagement, le gouvernement a l'intention d'introduire rapidement d'autres espèces. Pour le moment, aucune nouvelle autorisation n'est délivrée pour des espèces non contingentées, afin de contrôler l'effort de pêche avant leur introduction dans le système.

La mise en place des ITQ, ainsi que l'aide financière à la restructuration, avaient pour objectif de réduire la capacité de pêche. L'ajustement initial a permis de supprimer 15 800 tonnes de capture dans les pêches néo-zélandaises. La réduction de la taille des flottilles, due au dispositif d'assistance ou à l'introduction des ITQ, a été spectaculaire, le nombre des navires diminuant de 22 pour cent entre 1983/84 et 1986/87, puis de 53 pour cent entre 1986/87 et 1994/95. Cette rationalisation a touché principalement les pêches côtières, ce qui a eu en partie pour effet de rediriger les investissements vers la pêche hauturière.

Source: W. Emerson, Ministre des pêches, Wellington, Nouvelle-Zélande.

Dans plusieurs pays, la gouvernance a continué d'être négligée pour diverses raisons, parmi lesquelles l'insuffisance des ressources humaines, institutionnelles et financières nécessaires pour concevoir et appliquer des programmes d'aménagement, l'incompréhension des avantages potentiels résultant de mesures d'aménagement prises par les gouvernements et par ceux qui pratiquent la pêche, et les réticences des pouvoirs publics à prendre des décisions impopulaires. De gros efforts continuent d'être déployés par la communauté internationale - dans le cadre de projets d'assistance et d'aide financière - pour améliorer les capacités des institutions qui s'occupent des pêches. Les pays où la gouvernance est la plus inadaptée sont ceux dont les populations sont confrontées à des problèmes plus pressants et essentiels tels que guerres, troubles civils, catastrophes naturelles et incompétence des gouvernements.

SOLUTIONS ÉVENTUELLES

Les éléments indispensables à une gouvernance rationnelle du secteur des pêches sont, dans l'ensemble, bien connus: stratégie visant explicitement la durabilité écologique, économique et sociale; organismes de pêche et institutions de recherche efficaces (fournissant, entre autres, des informations fiables et mises à jour sur le secteur); coopération, organisation et information au sein du secteur; lois et institutions juridiques appropriées, y compris mesures de contrôle, de surveillance et de supervision dissuasives; et liens adéquats avec les organismes régionaux et internationaux intéressés. Depuis le début des années 80, on a veillé à ce que l'aménagement des pêches soit placé sous la responsabilité conjointe du secteur halieutique et des pouvoirs publics. Dans de nombreux cas, cela a été validé par une loi, comme en témoigne la création de comités statutaires (pour l'élaboration de stratégies d'aménagement, les licences et les recours) dont les membres sont notamment des représentants du secteur halieutique. Certains pays ont créé des organismes d'aménagement des pêches semi-autonomes dépendant d'offices de contrôle gérés conjointement par les pouvoirs publics et d'industries (voir encadré 5, Participation du secteur des pêches à l'aménagement en Australie).


ENCADRÉ 5
Participation du secteur des pêches à l'aménagement en Australie

Les responsabilités de l'aménagement des pêches en Australie sont partagées entre le Commonwealth, les Etats et les territoires. D'après la Constitution, le Commonwealth est chargé de l'aménagement au-delà des trois milles marins des eaux territoriales, alors que les Etats et les territoires intérieurs sont responsables des pêches dans toutes les autres eaux adjacentes.

L'administration des pêches du Commonwealth fait intervenir trois organismes: l'Office australien de l'aménagement des pêches (AFMA) responsable de l'aménagement des pêches du Commonwealth, le Département de l'énergie et des industries primaires du Commonwealth qui s'occupe de l'élaboration des politiques (par exemple, droits d'accès aux pêches étrangères, réglementations fiscales applicables aux pêches et politiques d'environnement) et la Société pour la recherche et le développement des pêches qui est chargée de financer la recherche-développement des pêches australiennes (tant celles des Etats que celles du Commonwealth).

Les responsabilités, objectifs et fonctions de l'AFMA en matière d'aménagement des pêches du Commonwealth sont définis par la Loi de 1991 sur l'administration des pêches. L'Office peut définir un projet d'aménagement après en avoir annoncé officiellement son intention, et invité et examiné les observations de représentants. Un tel projet doit définir les objectifs et les méthodes permettant de les atteindre, mais il peut aussi porter sur les quantités de poisson qui pourront être capturées, les concessions de pêche, les procédures de sélection des personnes qui bénéficieront de concessions et le genre et la quantité d'équipement à utiliser.

La responsabilité des arrangements d'aménagement relève directement de l'AFMA, mais la Loi de 1991 sur l'administration des pêches prévoit aussi la création de Comités consultatifs d'aménagement (MAC) chargés d'aider l'Office à exécuter ses fonctions et à exercer ses pouvoirs dans le domaine des pêches. L'AFMA peut déléguer des fonctions aux Comités qui ont dans ce cas les mêmes pouvoirs que lui. Les Comités doivent respecter les orientations définies par l'AFMA et se conformer à ses directives. Ils examinent les problèmes relatifs à un secteur particulier de la pêche, identifient les problèmes, préconisent des solutions et proposent des recommandations à l'AFMA. Par leur intermédiaire, l'Office peut consulter l'industrie sur les arrangements d'aménagement qu'il propose, prendre connaissances des points de vue de la profession et organiser des consultations entre chercheurs et responsables des pêches.

Tous les Comités comptent un président indépendant, un fonctionnaire de l'AFMA chargé de l'aménagement d'un secteur en particulier et sept membres au maximum choisis par l'Office après consultation des Etats, du secteur des pêches, des parties concernées et des chercheurs. Dans la pratique et dans cette dernière catégorie, les Comités ont plusieurs représentants du secteur, d'ordinaire au moins un représentant des différentes organisations d'Etat et un de la communauté scientifique. Il est de plus en plus fréquent que les intérêts en matière de conservation des ressources et de pêche de loisir soient aussi représentés au sein des Comités.

Malgré le rôle grandissant du secteur halieutique dans l'aménagement, de nombreux opérateurs estiment que l'AFMA ne consulte pas suffisamment les MAC, que ces derniers ne sont pas assez représentatifs et que les consultations sont souvent superficielles, les points de vue des professionnels n'étant pas vraiment pris en compte. Ils se demandent aussi si l'objectif de l'AFMA d'accroître au maximum l'efficience économique dans l'exploitation des ressources halieutiques est fondé. D'autres prétendent qu'en matière d'aménagement des pêches, les pouvoirs publics devraient se contenter de garantir la durabilité des ressources en définissant des points de référence biologiquement sûrs et que le secteur halieutique devrait se charger de récolter les ressources, comme il convient, en respectant ces critères de conservation.

Les arrangements institutionnels sont tels que l'AFMA risque de favoriser l'industrie halieutique au détriment d'autres secteurs communautaires. Pour dissiper cette impression, il a décidé d'élargir la composition des MAC à des représentants de groupes communautaires, écologiques et de loisirs. Le principe d'une plus large participation des parties prenantes à l'aménagement direct des diverses pêches semble être en effet inévitable et souhaitable. De fait, les dispositions relatives aux MAC (sections 56 à 67 de la Loi de 1991 sur l'administration des pêches) prévoient clairement la délégation progressive de pouvoirs décisionnels aux divers MAC.

Le Département de l'énergie et des industries primaires joue un véritable rôle dans le contrôle des résultats en matière d'aménagement des pêches et a mis en place un programme distinct d'évaluation des performances de l'AFMA. Il définit actuellement les critères économiques et de durabilité qui permettront de faire le point sur l'aménagement des pêches (ou de toutes autres ressources naturelles).

Source: T. Battaglene, Département de l'énergie et des industries primaires, Canberra, Australie.

Plusieurs faits nouveaux importants ont facilité le processus. Dans de nombreux pays, le secteur halieutique s'est mieux organisé et il a pu, par conséquent, établir des rapports avec les pouvoirs publics et faire entendre les points de vue de la collectivité. Plus récemment, des systèmes d'aménagement ont été mis en place qui prévoient des «droits» de propriété réels ou équivalents, permettant de négocier, c'est-à-dire d'acheter, de vendre ou de louer, le droit de participer à une pêche aménagée. Ceux qui détiennent ces droits ont encore plus intérêt à ce que l'aménagement soit efficace car la valeur «monétaire» de leurs droits est directement liée aux résultats. Aussi ont-ils demandé à jouer un rôle important dans la formulation des politiques d'aménagement.

Le financement de la recherche et de l'aménagement des pêches est un autre fait nouveau important. Il est de plus en plus admis que le financement doit être assuré par ceux qui en bénéficient, y compris ceux qui participent à des pêches aménagées. Là encore, l'impulsion est venue de la création de pêches «fondées sur des droits», qu'il serait tout à fait anormal que les pouvoirs publics soient les seuls à financer avec les fonds de l'ensemble de la communauté. Aussi le financement conjoint de la gouvernance des pêches a-t-il été facilement accepté dans le cas de ces pêches. Comme on pouvait s'y attendre, les participants ont demandé à avoir un rôle quant aux décisions financières, ce qui a conduit à une rationalisation des dépenses et à une plus grande efficacité. Dans tous les cas, la gouvernance s'est améliorée.

Par ailleurs, la recherche, axée sur l'aménagement des pêches, exige une plus grande indépendance de la part des responsables scientifiques de l'aménagement lorsqu'ils donnent des avis et une plus grande transparence sur la manière dont ces avis sont utilisés. Depuis quelques temps, la tendance est à la «privatisation» de certaines des fonctions de gouvernance, en particulier dans les instituts de recherche halieutique qui dépendent de plus en plus de moyens de financement non gouvernementaux. Dans de rares cas, les pouvoirs publics ont confié les fonctions d'octroi de permis et l'application des sanctions à des organismes du secteur privé, même si invariablement ils détiennent une participation importante dans les organismes sélectionnés. Jusqu'à présent, ces expériences ont connu un succès mitigé, mais elles reflètent l'orientation probable que prendra la gouvernance à l'avenir. Même si ce n'est pas dû stricto sinsu à la privatisation mais plutôt à la mondialisation, la gouvernance des pêches bénéficie actuellement de la mise en réseaux assistée par ordinateur qui permet aux chercheurs et aux gestionnaires, par le biais du courrier électronique et des sites Web du monde entier, d'avoir facilement accès aux connaissances et aux expériences d'autres secteurs.

Ces tendances ont été les plus marquées dans les pays dont la capacité de gouvernance est déjà développée. Cependant, les méthodes peuvent être appliquées dans le monde entier. Dans la pratique, le manque d'organisation et de compréhension - des bénéfices potentiels - au sein des communautés de pêcheurs a été souvent un obstacle à une application plus étendue. Pour certains pays, il est paradoxal que les systèmes d'aménagement fondés sur la communauté, qui assuraient dans le passé la cohésion nécessaire, aient depuis disparu. On s'efforce maintenant dans le cadre de projets d'aide et d'assistance financière d'inverser cette tendance, souvent en attribuant des «droits» exclusivement à des membres actifs de la communauté ou à l'ensemble de celle-ci. De telles méthodes seront difficiles, sinon impossibles à appliquer à court terme, dans les régions très peuplées et extrêmement pauvres, à cause du coût social vraisemblablement élevé pour ceux qui ne font pas partie du secteur halieutique. Dans ce cas, il faudra en priorité améliorer le bien-être de l'ensemble de la communauté (par exemple, en créant des emplois) et demander l'aide d'institutions extérieures, d'organisations non gouvernementales (ONG) et de la communauté internationale.

MESURES RÉCENTES

L'adoption de pratiques d'aménagement traditionnelles ou fondées sur les communautés s'accélère au niveau de la pêche artisanale et de la petite pêche. On reconnaît implicitement que ces communautés sont très peu «mobiles» et qu'elles sont donc particulièrement touchées socialement et économiquement par les conséquences d'une mauvaise gouvernance, qui affectent des milliers de pêcheurs, des centaines de communautés de pêcheurs et une multitude de lieux de débarquement. Il est probable qu'une politique d'aménagement axée sur le bien-être de la communauté tiendra compte des questions qui se posent localement et cherchera donc à garantir de meilleurs profits sans perturbations sociales excessives. Aussi, la méthode cherche-t-elle à faire fond des coutumes et pratiques traditionnelles, en s'appuyant sur le principe du «droit» d'utilisation territoriale.

Le Secrétariat de la Communauté du Pacifique (CPS) s'efforce de restaurer les droits de pêche et les mécanismes de répartition traditionnels des ressources dans la région. Il publie régulièrement un bulletin sur la situation et l'aménagement traditionnel des ressources maritimes. Toutefois, le rythme des changements dans la région est si rapide que certains se demandent à quoi serviront les ressources halieutiques lorsqu'il n'y aura plus de salariés urbains.

Récemment, l'aménagement des pêches industrielles au niveau national a privilégié l'attribution de droits offrant la possibilité de négocier (acheter, vendre ou louer) le droit de participer à une pêche aménagée. Dans la plupart des cas, ces droits ont été stipulés sous la forme de contingents individuels transférables (ITQ) ou d'un sous-ensemble d'un nombre limité de licences de pêche. Cette stratégie a été mise en place avec succès dans un nombre croissant de pays, notamment l'Australie, le Canada, les Etats-Unis, l'Islande et la Nouvelle-Zélande. Ce type d'aménagement est également encouragé par des institutions internationales comme la Banque mondiale.

Le Chili a introduit des ITQ à titre expérimental dans la pêche à la crevette en haute mer et la pêche à la légine. Pour le moment, c'est le seul pays d'Amérique latine qui opère un tel système. L'administration souhaiterait l'appliquer à d'autres pêches, mais les intéressés s'y opposent.

Une réunion du Groupe d'experts de haut niveau sur les pêches, organisée au siège de la FAO en janvier 1998, a souligné l'utilité du Code de conduite pour une pêche responsable1, aux fins de la gouvernance. Les participants ont conclu que le Code et ses directives étaient techniquement acceptables pour les spécialistes et compréhensibles pour les non-initiés et qu'ils constituaient une référence, aux fins d'une gouvernance plus rationnelle des pêches.

La réunion annuelle du Forum du Pacifique Sud, qui s'est tenue dans les Iles Marshall en 1996, a recommandé la mise en place d'arrangements globaux, aux fins de l'aménagement durable des pêches de la région pour toute la gamme géographique des stocks, y compris ceux de la haute mer. Cette réunion reflète l'inquiétude croissante des pays quant à la gouvernance des ressources de la haute mer.

Les pays du Pacifique collaborent actuellement avec les pays pratiquant la pêche hauturière (PPPH)2 pour mettre au point un mécanisme de conservation et d'aménagement des stocks de poissons grands migrateurs dans le centre et l'ouest de l'océan Pacifique. Ces négociations devraient aboutir à la création d'une commission pour l'aménagement des stocks en question.

Les membres de la Commission permanente du Pacifique Sud3 conduisent des négociations pour décider de la manière de conserver et d'aménager les ressources de la haute mer dans Pacifique Sud-Est.

Les pays de l'Atlantique Sud-Est étudient de leur côté, mais aussi avec les PPPH, la possibilité de créer une organisation régionale des pêches pour gérer les stocks de poisson de la haute mer dans cette zone.

 

PERSPECTIVE MONDIALE

La conclusion selon laquelle les principales pêches commerciales mondiales ont besoin d'être aménagées de manière plus approfondie et plus rationnelle n'est pas surprenante, ni nécessairement critique de la façon dont elles sont gérées dans le monde. En définitive, toutes les pêches ont besoin d'être aménagées pour éviter le gaspillage des ressources et des intrants. Les profits résultant d'une bonne gouvernance sont plus évidents dans les pays développés, leur capacité dans ce domaine étant plus développée. Ils ont également eu beaucoup à gagner d'une amélioration des performances des pêches. L'essentiel de la capacité des pêches mondiales et la plupart des pêches matures dans le monde - c'est-à-dire les stocks presque ou entièrement exploités - se trouvent dans leurs zones de pêche ou dans d'autres zones exploitées par leurs flottilles. La pression accrue sur les pêches et une meilleure connaissance des stocks feront de l'aménagement conjoint des stocks communs une priorité (voir encadré 6, Comment améliorer l'aménagement des stocks communs).


ENCADRÉ 6
Comment améliorer l'aménagement des stocks communs?

Il existe plus de 500 frontières maritimes dans le monde entre ZEE adjacentes, et une part importante des stocks mondiaux de poisson se trouve de part et d'autre de ces frontières et sont pêchés par deux ou plusieurs pays. Il y a, par exemple, les quatre principaux stocks - saumon, morue, hareng et sprat dans la Baltique, partagés entre les sept Etats riverains. D'autres stocks communs connus sont: le colin (Argentine, Uruguay); le hareng de la mer du Nord (Iles Féroé, Islande, Norvège); le saumon du Pacifique (Canada, Etats-Unis); le pilchard (Angola, Namibie);et la sardinelle (Côte d'Ivoire, Ghana, Togo).

La grande majorité des stocks communs ne sont pas aménagés conjointement par les Etats voisins malgré les recommandations de la Convention sur le droit de la mer. Pour les quelques stocks qui le sont, les résultats sont parfois bons, quelquefois moyens et, dans d'autres cas, les conflits sont quasi permanents. Compte tenu des pressions plus fortes sur les pêches, il sera nécessaire de les aménager. Des systèmes efficaces de consultations et d'aménagements conjoints devront être mis au point et l'acceptation par les Etats concernés des principes fondamentaux et de la chronologie proposée ci-après pour la conception et l'application des mesures nécessaires pourraient faciliter les choses:

Principes fondamentaux

i) Avant d'entamer des négociations internationales sur les stocks communs, chaque Etat définira les critères d'attribution des droits aux ressources communes dans sa ZEE.
ii) Les stocks de poisson seront aménagés en tant qu'unités de population.
iii) Aucune partie n'acceptera d'arrangement de coopération qui lui offrirait moins que ce qu'elle pourrait obtenir seule.
iv) En dépit des engagements financiers conclus par les responsables des pêches dans chaque pays, les arrangements de partage ne seront pas définitifs mais devront être mis à jour régulièrement pour éviter des pertes à toutes les parties.
v) Il faudra que les mécanismes d'attribution et les négociations de partage se fondent sur des règles claires définies dans le cadre de négociations et prévoir éventuellement de faire appel à un arbitre indépendant qui facilitera les négociations et réexaminera les arrangements conclus.
vi) Il faudra admettre que les compromis entre le secteur halieutique et d'autres secteurs peuvent faire intégralement partie d'une négociation réussie. On parviendra plus facilement à une solution négociée si elle est favorable à l'Etat qui accorde le plus de valeur à la pêche en question et qu'une certaine forme de compensation est prévue pour les Etats voisins.

Chronologie de conception et d'application

La conception et l'application de mesures d'aménagement conjointes des stocks communs sont en général lentes. Il est inutile de procéder à des évaluations isolées et partielles des stocks et de concevoir des mesures d'aménagement inappropriées surtout lorsque l'on sait que ces stocks sont migrateurs. Aussi, priorité doit être donnée à une évaluation conjointe des stocks et à un échange de données sur les ressources entre tous les Etats autorisés à les pêcher. La procédure devrait être la suivante:

- coopération en matière de recherche et de collecte de données;
- application de mesures d'aménagement coopératif, concernant d'abord les aspects techniques, puis l'accès et la répartition;
- négociations sur les stratégies d'aménagement et harmonisation des réglementations;
- accord de surveillance et de contrôle.

Les Etats pourront souhaiter négocier un accord précisant des questions telles que l'harmonisation de la collecte de données, la coopération en matière de recherche et d'évaluation des stocks, et s'occuper ensuite de la formation conjointe du personnel à des procédures d'aménagement communes, au marquage uniformisé des navires, à l'utilisation de signaux d'appels radio normalisés et à l'échange des registres de navires autorisés à pêcher. Ce type d'accord pourrait conduire à définir les procédures types à suivre en cas d'infraction par les pêcheurs de l'autre partie.

Même si un accord initial n'aboutit pas à un mécanisme d'aménagement des stocks communs parfaitement efficace, il est bon de s'engager sur cette voie. L'échange d'informations permet que chacune des parties prenne des décisions d'aménagement en pleine connaissance de la situation de la pêche du stock qu'elle partage avec l'autre pays.

Source: J. Caddy, Département des pêches, FAO.

A mesure que les pays en développement prendront une part plus active aux pêches mondiales, il leur faudra se concentrer davantage sur la gouvernance de leurs propres pêcheries. Cela exigera d'améliorer les capacités techniques et administratives permettant l'élaboration et l'application de plans d'aménagement appropriés et l'évaluation des résultats et des besoins de mesures complémentaires. A cet égard, la création de capacités et le renforcement des institutions au sein des organismes de pêche sont fondamentaux. Par ailleurs, il faudra admettre qu'une meilleure gouvernance ne portera pas immédiatement ses fruits. Les ajustements structurels nécessaires dans de nombreuses pêches seront longs à réaliser. L'aménagement des pêches est un processus qui évolue au fil des ans et qui réagit aux changements de circonstances. Compte tenu des tendances récentes, la gouvernance des pêches inclura progressivement la participation directe des acteurs du secteur halieutique, l'attribution de «droits d'usager», la décentralisation des fonctions d'aménagement, sans que le gouvernement se départisse de son rôle d'administrateur, et l'autofinancement du secteur.

CRÉER UN ENVIRONNEMENT PROPICE POUR UNE AQUACULTURE DURABLE

LE PROBLÈME

Peu de pays se sont dotés de politiques et de cadres juridiques appropriés dans le domaine de l'aquaculture. Souvent, ils ont négligé les politiques globales et les dispositions juridiques connexes parce que le développement était envisagé sous un angle technique et que l'aide privilégiait largement les aspects techniques de la production. Comme dans de nombreux autres secteurs, les décideurs ont souvent traité l'aquaculture de façon isolée, négligeant ainsi les importants liens avec d'autres secteurs, notamment les effets externes. Dans l'ensemble, la nécessité de tenir compte des aspects politiques, économiques, sociaux, environnementaux et juridiques a été sous-estimée, d'où les conséquences négatives pour le secteur des pêches. L'émergence récente d'une aquaculture industrielle, la concurrence de plus en plus forte pour les ressources et la croissance rapide et soutenue du secteur ont mobilisé l'attention sur la nécessité de mesures de politiques générales et de cadres réglementaires.

Il est indispensable de créer des conditions d'exploitation adéquates à tous les niveaux (international, régional, local et dans les exploitations) pour qu'éleveurs, aquaculteurs et autres entrepreneurs soient incités à exploiter le potentiel de l'aquaculture d'une manière durable. Les pouvoirs publics ont besoin de favoriser et d'entretenir un climat favorable à la croissance durable du secteur et, pour ce faire, de créer «un environnement propice». Bien sûr, l'entreprise est complexe et elle comporte des volets économiques, juridiques, sociaux et physiques. Il faudra entre autres garantir un accès équitable aux ressources, prévoir des mécanismes de règlement des conflits, l'accès à l'information, aux crédits et aux marchés. Cela suppose à priori que des voies de communication s'établissent avec les institutions et les représentants d'autres secteurs concurrents de l'économie. En créant ce «climat propice», il est indispensable de trouver un équilibre entre développement/croissance et nécessité de préserver l'écosystème. A cet égard, il faudra reconnaître que la concurrence pour les ressources est de plus en plus forte et trouver des solutions. Le rôle moins important du secteur public en tant que promoteur du développement et la globalisation des marchés devront également être pris en compte.

SOLUTIONS ÉVENTUELLES

Le plus difficile est de mettre en pratique les principes du Code de conduite pour une pêche responsable; c'est-à-dire expliquer la faisabilité de choix synonymes de durabilité; inclure les principes du Code dans des politiques et des projets de développement; et élaborer des codes précis de pratiques responsables contenant des normes, des règles et des orientations acceptées par toutes les parties prenantes. Etant donné la diversité des pratiques aquacoles et les contextes politique, social et économique, ainsi que les perceptions différentes du concept de durabilité, il faut des approches équilibrées et judicieuses pour traiter efficacement les questions de développement et d'environnement où que ce soit. En outre, il faut évaluer soigneusement la validité des diverses approches, notamment dans le cas des petites exploitations et tenir compte du caractère souvent très décentralisé de l'industrie aquacole.

Les cadres administratifs et juridiques existants ont besoin d'être réexaminés et ajustés pour tenir compte des caractéristiques et des besoins spécifiques du secteur et définir clairement les privilèges et les responsabilités des aquaculteurs. Toutefois, comme l'aquaculture est souvent réglementée par plusieurs institutions dans le cadre de diverses lois, l'élaboration d'un cadre réglementaire global pour le secteur est souvent complexe tant au plan juridique qu'institutionnel. Généralement, il faut formuler ou amender des lois qui concernent une multitude de questions et mettre en place des dispositions institutionnelles pour garantir la coopération et la coordination des diverses institutions ayant juridiction sur les ressources naturelles, la santé publique et animale, l'environnement, etc. De nouvelles lois permettant de réglementer l'aquaculture de façon globale seraient souhaitables dans de nombreux pays mais, étant donné la lenteur des mécanismes d'élaboration et d'adoption de nouvelles législations et la perspective d'essor rapide du secteur, on envisage actuellement d'autres options, notamment la mise en vigueur de règlements dans le cadre des législations existantes et des approches volontaires, telles que directives et codes d'usages.

Le manque d'informations sur l'interaction des systèmes de production aquacole et l'environnement et sur l'efficacité au plan écologique et financier d'autres méthodes d'aménagement de la production entrave l'élaboration de réglementations appropriées dans de nombreux pays. Même lorsqu'on dispose d'informations, il faut constamment «peaufiner» les techniques de modélisation des interactions entre aquaculture et environnement pour qu'elles soient
fiables, applicables et accessibles d'une manière générale.

Parallèlement, il faut aussi renforcer les capacités institutionnelles pour aménager le secteur et élargir la base de connaissances pour permettre des politiques et des plans de développement durables et prévoir par ailleurs des méthodes de développement et d'aménagement des ressources aquacoles inter-
disciplinaires et intersectorielles. Il est de plus en plus évident aussi que le développement durable de l'aquaculture ne peut être réglementé uniquement par les pouvoirs publics, mais qu'il doit faire intervenir de nombreux groupements d'intérêts aux niveaux national, régional et international, dans le cadre de nouveaux arrangements et partenariats institutionnels (cadres consultatifs). Les changements structurels actuels, privatisation et diminution du rôle des pouvoirs publics dans le développement en témoignent et c'est pourquoi il faut acquérir rapidement de nouvelles connaissances et réunir les informations provenant de sources diverses pour faciliter des décisions fondées sur des perspectives et une compréhension beaucoup plus larges et permettre un échange d'informations entre les divers secteurs et groupements d'intérêts.

Le commerce international, notamment celui des produits aquacoles, est régi entre autres par l'Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (Accord SPS) qui permet aux membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) de prendre des mesures légitimes pour protéger la vie et la santé de leur population contre les risques alimentaires à condition qu'elles ne constituent pas des entraves commerciales injustifiables. Ces mesures sont fondées sur l'évaluation des risques, sur la base des techniques élaborées actuellement par les organisations internationales compétentes. L'innocuité des produits alimentaires relève de la Commission du Codex Alimentarius FAO/OMS, et la santé et les maladies animales (y compris celles des poissons) de l'Office international des épizooties (OIE); ces deux organismes élaborent constamment des procédures et des normes d'innocuité internationales pour les produits aquacoles. A cet égard, on notera que l'analyse des risques - points critiques pour leur maîtrise (HACCP) est sur le point de devenir obligatoire dans plusieurs pays. La possibilité d'appliquer ce principe à des systèmes de production aquacoles à grande échelle et/ou intensifs est actuellement à l'étude; toutefois, son utilisation pour l'aquaculture de subsistance ou à petite échelle reste pour le moment du domaine de l'utopie. L'application de règlements sur la santé et la lutte contre les maladies des animaux aquatiques est entravée par une capacité de diagnostic insuffisante, y compris le manque de personnel qualifié, de techniques de diagnostic normalisées et d'infrastructures dans de nombreux pays en développement et par l'absence d'informations fiables sur les pathogènes et les maladies présentant des risques pour les espèces commercialisées.

Au niveau du commerce régional et international des produits aquacoles, le meilleur moyen d'aplanir les différends à propos des écarts entre normes environnementales est de renforcer la coordination et l'harmonisation. Cela inciterait les pays, notamment ceux dont la demande de biens écologiques est faible, à améliorer leurs normes en matière d'environnement par toute une série de mécanismes d'aide appropriés, par exemple, des garanties d'accès plus faciles aux marchés des pays ayant des normes plus strictes.

La concurrence plus vive au niveau des ressources naturelles et leur réglementation exigent de toute évidence d'accroître l'efficacité de la production et de préserver les intrants essentiels. Toute recherche dans ce domaine devrait privilégier cet objectif. Il serait par ailleurs possible d'utiliser les ressources de façon plus rationnelle en intégrant aquaculture, systèmes d'irrigation et agriculture, ou en utilisant les eaux de surface intérieures et de plaines inondables pour certaines formes de production aquacole. Aussi est-il nécessaire de mettre au point de nouvelles méthodes d'aquaculture/agriculture intégrées et des systèmes novateurs qui puissent apporter une réponse effective aux problèmes liés aux ressources et à l'environnement. A ce propos, il faudra s'attacher à résoudre les problèmes économiques et environne-mentaux que posent l'enrichissement des stocks et le pacage en mer, ainsi que l'élevage en nasse au large.

Les effets négatifs de la réduction des aides publiques aux aquaculteurs les plus démunis pourraient être compensés par des mesures spécifiques visant à promouvoir la formation, une répartition équitable des revenus et à faciliter l'accès aux intrants de production, à l'information et aux crédits.


MESURES RÉCENTES

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Le Code commence à avoir un impact mondial sur la création d'un environnement propice à une aquaculture durable; toutefois, il reste beaucoup à faire. On peut espérer d'autres progrès à mesure que l'on définira des directives permettant de trouver un juste milieu entre préoccupations économiques, sociales et environne-mentales, de mettre en pratique des choix durables et d'analyser le coût économique des mesures nécessaires.

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Plusieurs pays ont pris des initiatives en organisant notamment des ateliers pour promouvoir le Code, et certaines ONG, ainsi que des associations de producteurs, ont élaboré, ou élaborent actuellement, des codes de conduite et d'usages concernant certains aspects de l'agriculture. On mentionnera, par exemple, un plan d'application du code pour les pêches et l'aquaculture marines aux Etats-Unis4, un code d'usages pour la protection de la mangrove de l'Alliance mondiale pour l'aquaculture5 (GAA); un code d'usages destiné aux éleveurs de crevettes australiens6; des codes d'usages pour l'élevage en nasse des poissons téléostéens et l'élevage de crevettes en étang en Malaisie7; et des directives pour une aquaculture industrielle durable8.

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Ces dernières années, plusieurs pays ont étudié la possibilité d'élaborer un cadre réglementaire global pour l'aquaculture qui protégerait l'industrie, l'environnement, d'autres usagers des ressources et les consommateurs. Une diversité de facteurs expliquent ce changement d'attitude. Les politiques s'intéressent davantage à l'aquaculture à mesure que son importance et son potentiel deviennent évidents; on se rend compte que des lois et des dispositifs institutionnels inadéquats peuvent entraver considérablement le développement du secteur; on constate les dommages écologiques et les troubles sociaux résultant d'une expansion rapide et souvent non réglementée de certaines espèces à valeur élevée sur les zones côtières; et on sait qu'il faut garantir qualité et sûreté des produits aquacoles commercialisés dans le monde. Certains de ces aspects ont été abordés à la Consultation technique de la FAO sur les politiques d'élevage durable de crevettes, qui s'est tenue à Bangkok à la fin de 1997.

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Actuellement, l'élaboration de cadres juridiques et réglementaires pour l'aquaculture progresse aussi dans plusieurs pays parmi lesquels: la Bulgarie, Chypre, Madagascar, la Malaisie, le Mozambique, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Sri Lanka et le Suriname. En Inde, un Office de l'aquaculture a été créé par le gouvernement; il sera chargé d'accorder des licences à ceux qui utiliseront des techniques perfectionnées susceptibles d'accroître la production ou qui implanteront de nouvelles fermes aquacoles à l'intérieur et à l'extérieur de la zone côtière réglementée. La Loi (règlement) Tamil Nadu de 1995 sur l'aquaculture définit les conditions permettant d'améliorer le choix des sites et l'aménagement des installations aquacoles et crée un fonds de réhabilitation écologique, financé par les dépôts des aquaculteurs, pour remédier aux dommages causés à l'environnement par les installations aquacoles.

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En ce qui concerne la qualité et la sûreté des produits aquacoles, la FAO s'occupe actuellement de réviser le Code d'usages sur l'hygiène des produits aquacoles du Comité du Codex Alimentarius sur les poissons et les produits de la pêche. Des réunions internationales sont constamment organisées9 sur l'analyse des risques pour la sûreté alimentaire, la collecte et la diffusion d'informations sur la sûreté alimentaire (y compris les produits alimentaires provenant de l'aquaculture) et d'autres aspects connexes.

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Des réunions exclusivement consacrées à l'aquaculture ont également eu lieu et ont traité de sujets tels l'utilisation de produits chimiques10, l'impact environnemental de l'aquaculture côtière11 et les questions de sûreté alimentaire liées aux produits aquacoles12.

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Aux Etats-Unis, l'industrie et les pouvoirs publics ont réussi à concevoir des plans globaux HACCP pour certains élevages: barbottes, écrevisses et mollusques. L'Australie, le Chili, la Norvège, la Nouvelle-Zélande et la Thaïlande ont adopté une approche similaire. La CE impose actuellement des critères précis pour la manutention, l'abattage, l'inspection, le traitement, l'emballage, l'identification et l'entreposage des produits de la pêche13, et les conditions sanitaires sont rigoureusement contrôlées lors de la commercialisation d'animaux et de produits aquacoles14. La FAO, le Réseau de centres d'aquaculture pour la région Asie-Pacifique (RCAAP) et l'OIE tentent d'élaborer ensemble des directives sur la quarantaine des animaux aquatiques et les certificats sanitaires applicables à l'Asie pour le transport d'animaux aquatiques vivants en Asie.

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De plus en plus, on a tendance à inclure des activités aquacoles dans l'aménagement des ressources des zones côtières et continentales. L'aménagement intégré des ressources impose une planification à long terme (par le choix, par exemple, de zones où les différents usagers seront prioritaires) qui permet d'envisager des investissements à longue échéance, et aplanit les différends entre usagers actuels et potentiels. Actuellement, la planification peut s'appuyer sur toute une série d'outils tels que: systèmes d'information géographique (SIG); systèmes de prévision des capacités de transport (en particulier pour l'élevage en nasse des poissons téléostéens et des mollusques); et évaluations de l'impact environne-mental et social.

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Un exemple de ce que l'on peut faire pour intégrer l'aquaculture dans les plans d'utilisation des ressources nous est fourni par l'Etat australien de Tasmanie. Dans cet Etat, une nouvelle législation (en particulier, la Loi de 1995 sur la planification de l'aquaculture et la Loi de 1995 sur les ressources marines vivantes) prévoit que les plans de développement des installations d'aquaculture marine doivent porter sur des zones plutôt que sur des sites, et être élaborés avec la participation des communautés. Une évaluation de l'impact sur l'environnement doit être réalisée et une zone piscicole créée avant de pouvoir obtenir un bail pour l'exploitation d'une installation. (L'encadré 7 donne un exemple d'aménagement écologique de l'aquaculture en République de Corée).

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Les progrès en matière de planification participative se sont traduits par une participation plus active des ONG, des associations d'exploitants, des chercheurs et des responsables gouvernementaux aux réunions nationales, régionales et internationales, en particulier pour l'élaboration de codes d'usages et de conduite et la formulation de réglementations et de législations. De même, l'élaboration et la mise à l'essai de méthodes d'évaluation rurale participative ou rapide, de principes et de structures locales possibles d'aménagement communautaire des ressources ont progressé.



ENCADRÉ 7
Gérer l'interaction aquaculture/environnement en République de Corée

Depuis 1964, l'aquaculture marine s'est beaucoup développée. En 1996, elle a produit 538 990 tonnes d'algues, 306 738 tonnes de mollusques, 11 402 tonnes de poissons téléostéens et 382 tonnes de crustacés. On cultive le goémon sur des filets flottants fixés à des pieux, la «moutarde de mer» et le varech sur des cordons. Les mollusques sont élevés selon deux méthodes différentes: cordon pour les huîtres et les moules, et systèmes de fond pour les clams et les arches. La plupart des poissons téléostéens - flétan, sébastre chèvre, sériole chicard et denté - sont élevés dans des nasses flottantes et les crevettes - orientales et karuma - dans des étangs protégés.

En République de Corée, tous les aquaculteurs ont besoin d'une licence que délivrent les autorités municipales. En outre, tout élevage en nasse ou autre type d'élevage sur une superficie supérieure à 1000 m2 doit être déclaré au Ministère de l'environnement et conforme à la Loi sur la protection de l'environnement aquatique.

Des dispositions visant à réduire au minimum la pollution causée par l'élevage en nasse recommandent: d'utiliser des aliments à faible teneur en phosphate, présentant un taux d'absorption inférieur à 10 pour cent pendant une période de deux heures; et d'installer des grilles dépassant de 10 cm la surface de l'eau pour empêcher la dispersion des aliments hors des nasses. Les aquaculteurs doivent également veiller à ce que les écarts en oxygène à l'intérieur et à l'extérieur des nasses ne dépassent pas 20 pour cent; ils doivent enlever sans tarder les poissons morts, signaler l'incident à l'administration locale des pêches et équiper les nasses de dispositifs permettant de retenir les déjections humaines. L'utilisation d'antibiotiques et de médicaments pour soigner les poissons est également réglementée par la Loi sur la protection de l'environnement aquatique. Les dispositions contenues dans les licences exigent aussi d'enlever tout détritus des fonds marins se trouvant sous les exploitations ou à proximité immédiate et de les curer au minimum une fois tous les trois ans.

Les règlements sur le contrôle sanitaire des coquillages et de leur zone d'élevage du Ministère des pêches et des affaires maritimes prévoient également l'application de normes de qualité de l'eau et le contrôle de la pollution causée par l'aquaculture. L'Institut national de recherche-développement halieutique surveille la qualité de l'eau dans les zones d'élevage de crustacés et la présence de contaminants dans la chair des produits aquacoles. Cela nécessite le prélèvement systématique d'échantillons de bactéries indicatrices de salubrité, de sels nutritifs (pour évaluer les niveaux d'eutrophisation), de pesticides et de métaux lourds. Pour l'eau, le nombre le plus probable (NPP) moyen de coliformes doit être inférieur à 70-100 cm3, et 10 pour cent des échantillons au plus doivent présenter un NPP supérieur à 230-100 cm3 dans les conditions hydrographiques et de pollution les plus défavorables. Les efflorescences de planctons toxiques sont également surveillées dans le cadre du système d'alerte qui permet d'identifier les espèces toxiques.

La Loi sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement exige une évaluation préalable à toute activité de construction (villes et complexes industriels, infrastructures portuaires) ou de mise en valeur (terres ou ressources aquatiques). Pour le moment, la création d'entreprises aquacoles échappe à cette règle, mais pas pour très longtemps encore. Le transport d'animaux et de plantes aquatiques, y compris l'introduction de nouvelles espèces, la mise en quarantaine des espèces importées et les mesures de prévention concernant les espèces infectées ou récessives dans les eaux coréennes, sont soumis à une réglementation du Ministère des pêches et des affaires maritimes. La Loi sur le contrôle de la pollution marine prévoit que les pouvoirs publics indemnisent les aquaculteurs en cas de préjudice économique causé par des phénomènes écologiques anormaux telle la prolifération d'algues nocives. Les organismes privés et les services publics peuvent également demander une indemnisation en cas de pollution (notamment due au déversement d'hydrocarbures) ou de nuisances résultant d'activités de mise en valeur ou industrielles.

Les principales mesures de contrôle et de réduction de la pollution en cours ou en projet depuis 1991 sont notamment: la classification des zones côtières en fonction de l'utilisation prévue (pêches, loisirs, activités agricoles ou industrielles); le renforcement des normes de qualité de l'eau et le contrôle des effluents provenant de l'industrie ou des municipalités dans les eaux côtières; un système national de contrôle de la qualité de l'eau de mer (280 sites d'échantillonnage en 1996); des investissements dans des installations de traitement - effluents, eaux usées industrielles et excrétions (à hauteur de 3,1 milliards de dollars EU en 1992-1996); l'obligation d'entreprendre une évaluation de l'impact sur l'environnement pour toute activité de développement sur les zones côtières; et la désignation de zones préservées dans lesquelles la plupart des activités de développement sont interdites.

Source: Hak Gyoon Kim, Institut national de recherche-développement halieutique, République de Corée; document présenté à la réunion FAO/RCAPP. 1995. Regional Study and Workshop on the Environmental Assessment and Management of Aquaculture Develop-ment (TCP/RAS/2253). NACA Environment and Aquaculture Development Series No. 1. RCAAP, Bangkok, Thaïlande. (mise à jour en août 1998 par Seong-Kwae Park, Institut maritime de Corée, Séoul)


PERSPECTIVE MONDIALE

Le développement durable représente un défi majeur pour tous les secteurs de l'économie, notamment pour l'aquaculture, et il en sera ainsi dans un avenir prévisible. On peut s'attendre à ce que les questions de durabilité modifient notre perception des formes souhaitables de développement et d'aménagement aquacoles et qu'il faille, par conséquent, adopter de nouvelles méthodes d'élevage qui garantissent un équilibre entre sécurité alimentaire et coûts de production aux niveaux des ressources de l'environnement. A l'avenir, compte tenu de la tendance croissante en matière d'étiquetage écologique, il est probable qu'il ne sera plus suffisant de produire comme par le passé des espèces particulières à des prix concurrentiels pour développer pleinement le potentiel des marchés. Il faudra , à l'avenir, offrir des garanties de durabilité acceptables, comme c'est le cas aujourd'hui des normes de qualité et de sûreté.

A court terme, l'élaboration de cadres juridiques et réglementaires, en particulier dans les pays en développement, sera probablement un moyen de prendre en compte les pressions sociales locales et les normes environnementales et de santé publique liées au commerce de produits aquacoles (la crevette et le saumon de l'Atlantique, par exemple). Cela pourrait bien être l'amorce d'un processus permettant au secteur de se doter d'une identité propre au niveau du développement national, qui pourra être élargi par la suite à l'ensemble du secteur.

Au plan politique, la production alimentaire restera une priorité absolue, et tant l'intensification que la diversification de cette production constitueront des approches importantes du développement. L'intensification de l'aquaculture est une tendance évidente dans de nombreux pays, et cette tendance se poursuivra probablement. Elle stimulera les investissements dans la recherche, ce qui conduira en définitive à améliorer les rendements, comme dans le cas du saumon de l'Atlantique ou de la barbotte d'Amérique. Cela permettra aussi de faciliter l'intégration avec l'agriculture aux fins d'une utilisation variée et compatible des ressources et d'un meilleur emploi des sous-produits et des intrants non traditionnels, en général. Dans les pays industrialisés, la concurrence pour l'eau douce de qualité et des sites de production adaptés conduira à avoir davantage recours à des systèmes de recyclage et à intensifier les recherches sur l'aquaculture en haute mer. L'ampleur des problèmes en matière de développement aquacole dépendra de la nature et de la quantité des ressources disponibles, de la concurrence pour ces ressources et des politiques de développement aquacoles adoptées au niveau national. Enfin, la tendance à la privatisation et la réduction du rôle des pouvoirs publics dans le développement aggraveront probablement la situation des exploitants défavorisés qui pratiquent l'aquaculture artisanale et de subsistance.


INTÉGRER LES PÊCHES DANS L'AMÉNAGEMENT DES ZONES COTIÈRES

LE PROBLÈME

En 1996, l'Institut mondial pour les ressources (WRI) signalait qu'environ 34 pour cent des côtes dans le monde étaient exposées à un risque potentiel élevé de dégradation et 17 autres pour cent à un risque modéré15. Etant donné que 90 pour cent de la production des pêches de capture de mer dans le monde seraient tributaires des habitats côtiers, l'importance est évidente pour les pêches. De plus, on sait que les communautés de pêcheurs côtiers se livrent habituellement à une lutte sans merci pour avoir accès à des ressources rares (lieu de pêche, eau, terre) dans un contexte souvent dépourvu de réglementations.

Les conséquences connues de la dégradation de l'habitat sont notamment la perte ou la baisse de productivité et une sécurité alimentaire menacée; des produits aquatiques contaminés; une réduction de la viabilité économique; une augmentation des risques de conflits entre pêcheurs; parfois le déplacement de communautés; la hausse du chômage; et la perte de débouchés commerciaux. Les tensions très vives, au sein des communautés touchées, sont sources de disputes fréquentes, voire de violences physiques.

Si les pêches sont un secteur très souvent défavorisé, elles contribuent aussi à la dégradation de l'environnement et à l'aggravation des conflits. L'utilisation de dragues et de chaluts de fond, d'explosifs et l'ancrage inconsidéré des embarcations sont des exemples de pratiques de pêche ayant des incidences néfastes sur l'habitat aquatique. Elles risquent de porter préjudice à la faune benthique comme les lits d'algues et les récifs coralliens. De même, certaines pratiques aquacoles ont des effets néfastes sur l'environnement tels que: la destruction des habitats sensibles, l'enrichissement excessif en éléments nutritifs et organiques des fonds marins dû aux déchets provenant des nasses et des fermes piscicoles, et l'introduction d'espèces étrangères nuisibles.

Des conflits à propos des ressources halieutiques côtières éclatent entre communautés de pêcheurs; la cause la plus fréquente est l'utilisation de chalutiers à crevettes à proximité des rivages fréquentés par des pêcheurs qui pratiquent la pêche artisanale avec des moyens traditionnels et qui, outre la baisse de leurs captures, risquent d'abîmer leurs engins. Dans ces cas, leurs réactions peuvent ne pas être toujours rationnelles, surtout lorsqu'ils intensifient l'exploitation de jeunes poissons dans les alevinières ou recourent à des méthodes de pêche destructives pour maintenir leur niveau de vie.

Souvent, le secteur des pêches et ses institutions n'ont pas le pouvoir économique et institutionnel nécessaire pour orienter et coordonner l'aménagement. De nombreux exemples montrent que les organismes gouvernementaux n'ont pas les compétences suffisantes pour entreprendre les évaluations et la planification globales qui s'imposent. Parfois, même les connaissance élémentaires sur les pêches leur font défaut.

Cependant, à mesure que d'autres secteurs économiques se développent sur les zones côtières, l'importance économique relative des pêches diminue, et ce phénomène pourrait bien s'accélérer avec la dégradation des habitats et la concurrence pour l'espace; ce qui contribuerait naturellement à réduire davantage l'influence des organismes de pêche au niveau de l'élaboration des politiques déterminantes.

SOLUTIONS ÉVENTUELLES

La planification intégrée et la coordination institutionnelle sont souvent les conditions sine qua non d'un aménagement côtier efficace. Dans la pratique, l'une et l'autre se sont révélées difficiles à réaliser et coûteuses, souvent à cause de la lourdeur des structures bureaucratiques et des procédures officielles, de la complexité des questions scientifiques, techniques et économiques en cause et du nombre potentiellement élevé de décisions rationnelles à prendre. Nonobstant, un petit nombre de programmes d'aménagement côtier ne tiennent pas compte des intérêts du secteur des pêches.

Il sera possible de trouver des solutions satisfaisantes à la question de l'aménagement des zones côtières si l'on adopte des plans d'aménagement solides, si l'on élabore et applique des législations adéquates en matière d'environnement, si l'on établit des processus consultatifs transparents faisant intervenir usagers et groupes éventuellement concernés, et si l'on surveille les conséquences ultérieures sur le développement. Les organismes de pêche devraient jouer un rôle dans les cas suivants:

Le coût d'un processus officiel de préparation d'un plan d'aménagement est presque toujours justifié. Toutefois, il faudra en général renforcer les compétences dans les domaines tels que l'évaluation de l'impact sur l'environnement, l'étude économique sur l'utilisation d'autres ressources, techniques d'analyse rapides, et la modélisation écologico-économique.

L'expérience montre que, pour respecter au mieux les intérêts des pêches, il faut en tenir compte dans la phase initiale de tout processus d'aménagement côtier. C'est pourquoi, la délégation de responsabilités à des organismes locaux peut aussi contribuer à garantir une plus grande sensibilisation au niveau local (voir encadré 8, Approche participative à la gestion des pêches en milieu lagunaire au Bénin). En principe, les autorités locales devraient avoir autant d'influence sur les pêches et l'aquaculture que sur le choix des sites et les spécifications de n'importe quelles structures industrielles, commerciales ou d'habitation. Pour cela, il faudra que l'on fournisse aux décideurs locaux les compétences techniques appropriées et qu'ils comprennent les questions qui se posent. Les institutions spécialisées, les instituts de recherche et les ONG pourraient peut-être s'en charger.


ENCADRÉ 8
Approche participative à la gestion des pêches en milieu lagunaire au Bénin

Il y a environ quatre décennies encore, les pêcheurs des lagunes respectaient les règles simples de protection du milieu physique et des ressources halieutiques qu'avaient établies leurs aïeux de trois siècles auparavant. Ces règles coutumières basées sur des tabous interdisaient toutes techniques capturant des alevins ou des juvéniles. On observait des jours de repos pendant lesquels nul n'avait le droit d'aller sur l'eau pour pêcher sous peine d'encourir la colère des dieux. En effet, il existe encore sur la lagune près de la côte de Ouidah, entre les localités de Hio et de Avlékété, un secteur dénommé vodounto (lagune sacrée habitée par les divinités selon la tradition et qui sert de refuge aux poissons) où la pêche est strictement interdite afin de permettre la reconstitution des stocks. Cette frayère protégée est sous la garde du grand prêtre féticheur de la région appelé dagbo hounon, qui réprimande sévèrement tout contrevenant.

Toutefois, avec l'importation des religions exogènes, il y a eu une érosion de l'autorité des chefs traditionnels, ce qui n'a pas permis de maintenir un équilibre entre l'accroissement du nombre de pêcheurs et les ressources halieutiques disponibles; dans les milieux lacustre et lagunaire, on est pêcheur de père en fils. C'est ainsi que l'équilibre écologique sur tous les plans d'eau a été perturbé, et l'augmentation rapide du nombre d'engins et le recours à des méthodes de pêche illégales se sont traduit par:

- la taille de première maturité des principales espèces exploitées a baissé;
- les frayères naturelles ont été détruites;
- la capture par unité d'effort a diminué;
- les conflits entre divers groupes de pêcheurs se sont accentués.

En 1992, reconnaissant que la police agissant dans le cadre juridique de l'exercice des pêches n'a pas pu assurer l'aménagement rationnel des pêcheries, le gouvernement, sur l'initiative des autorités locales, a créé à titre expérimental une vingtaine de Comités des pêches au niveau des villages ou groupes de villages riverains de la lagune de Porto-Novo. Chaque Comité est constitué de représentants des pêcheurs démocratiquement élus pour un mandat de trois ans renouvelable lors des assemblées générales. Chaque comité compte entre neuf et 15 membres. Il est dirigé par un bureau exécutif de cinq personnes choisies parmi les membres. Ces personnes reçoivent une formation de l'Administration des pêches en matière de législation sur la pêche et sont chargées de sensibiliser les pêcheurs à ces questions.

Pour être membre du Comité des pêches, il faut être pêcheur professionnel, de bonne moralité et avoir une bonne pratique sociale. La fonction de membre de comité n'est pas rémunérée. Le fonctionnement du Comité est institué au niveau de chaque village de pêcheurs et une cotisation obligatoire minimale de 150 francs CFA (environ 0,3 dollar EU) est versée chaque mois par chaque pêcheur. La fonction essentielle du Comité est de veiller à l'exploitation rationnelle du plan d'eau en vue d'assurer la préservation des ressources et de sauvegarder l'écosystème. A ce titre, le Comité des pêches est chargé de:

- sensibiliser et informer les riverains sur les dispositions légales et réglementaires en vigueur en matière de pêche;
- veiller au respect des pratiques traditionnelles visant la protection des ressources et du milieu aquatique;
- faire appliquer, en collaboration avec l'Administration des pêches, la réglementation ainsi que les décisions issues de l'Assemblée générale des pêcheurs;
- servir de cadre de concertation, d'analyse et de conciliation pour le règlement des conflits entre pêcheurs;
- soutenir les programmes d'aménagement et de gestion des plans d'eau jugés nécessaires par l'Administration.

Toutes les activités des Comités des pêches bénéficient de l'appui de l'Administration des pêches tant qu'elles sont conformes aux dispositions réglementaires. Les Comités n'ont pas la faculté d'exercer une quelconque répression mais sont plutôt appelés à jouer le rôle de formateur et d'éveilleur de conscience au sein de leur communauté sur les dangers que pourrait engendrer le non-respect de la réglementation des pêches en vigueur.

Soucieuse de pérenniser l'activité de pêche sur les eaux intérieures du Bénin, l'Administration des pêches a adopté, en août 1996, un plan de gestion dont la stratégie de mise en œuvre privilégie:

- la mise en place de mécanismes institutionnels de gestion participative;
- la gestion des ressources halieutiques fondée sur un cadre juridique approprié;
- l'identification et la promotion d'activités destinées à favoriser le développement de d'autres sources de revenus.

En 1997, le Gouvernement béninois a promulgué l'Arrêté interministériel no 312 portant institution, organisation, attributions et fonctionnement des Comités des pêches en République du Bénin afin de leur donner une base juridique. A ce jour, 90 Comités des pêches ont été créés pour cogérer les principaux plans d'eau des trois départements du Bénin.

Source: Plan de gestion des plans d'eau continentaux du sud du Bénin, août 1996.

Le processus d'aménagement exige des «compromis» entre utilisations concurrentielles, et la négociation de tels compromis se fonde d'ordinaire sur les contributions que les usagers concurrents apportent respectivement au bien-être économique et social national. Cela nécessite de prendre en compte la valeur économique réelle et potentielle (c'est-à-dire dans le cas d'un aménagement optimal) des ressources et d'évaluer tous les impacts éventuels, même ceux qui ne sont pas évidents. Par exemple, ceux qui déversent des eaux usées non traitées dans la mer devront supporter le coût résultant d'une baisse des captures pour les communautés de pêcheurs voisines.

Plusieurs pays ont mis en vigueur des législations en matière de planification qui accordent la priorité au développement dépendant des côtes; leur application confirme déjà le bien-fondé d'une répartition des ressources côtières rares, qui privilégie les usagers (ou les secteurs) qui, par définition, en sont tributaires. De toute évidence, les pêches de capture et l'aquaculture font partie de cette catégorie, alors que cela ne pourrait pas être le cas de nombreuses activités d'autres secteurs.

MESURES RÉCENTES

Un important atelier international sur l'aménagement intégré des zones côtières dans les pays tropicaux a eu lieu en 1996 à Xiamen (Chine) pour examiner les expériences et les leçons tirées des efforts déployés dans ce domaine. Cet atelier a donné un aperçu des méthodes de formulation, conception, application et extension du principe d'aménagement intégré des zones côtières à l'ensemble de l'Asie orientale ainsi qu'à d'autres régions et mis au point un ensemble de bonnes pratiques16. En outre, le Groupe mixte OMI/UNESCO-COI/OMM/OMS/AIEA/ONU/PNUE chargé d'étudier les aspects scientifiques de la protection de l'environnement marin (GESAMP) a fourni des orientations sur le rôle de la science dans l'aménagement des littoraux. On a également passé en revue les objectifs et méthodes actuels d'évaluation des projets et programmes d'aménagement des zones côtières bénéficiant d'un financement international17.

Récemment, un groupe d'experts a comparé les orientations sur l'aménagement des zones côtières définies par cinq organismes internationaux différents (Banque mondiale, Conférence mondiale sur les côtes, PNUE, Alliance mondiale pour la nature [UICN] et Organisation de coopération et de dé-veloppement économiques [OCDE]) et dégagé ensuite un «ensemble consensuel de directives dans ce domaine»18.

En 1992, la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED) a reconnu officiellement les problèmes qui se posent en matière d'aménagement des zones côtières (et des bassins versants) au niveau mondial. La même année, la Conférence de Cancún sur la pêche responsable a recommandé l'élaboration d'un Code de conduite pour une pêche responsable. Ce code comporte des principes et des dispositions visant à encourager les Etats et les organismes qui en dépendent à étudier et à appliquer des mesures juridiques, institutionnelles, de politique générale et économique, afin de mieux intégrer les intérêts des pêches dans la planification et le développement de l'aménagement côtier.

Dans ses efforts visant à renforcer les capacités des gouvernements, des ONG et du secteur privé en matière d'aménagement des zones côtières, la FAO a coopéré avec une série d'organismes, notamment le Centre international d'aménagement des ressources bioaquatiques, le RCAPP, la Division des statistiques de l'Organisation des Nations Unies, la UICN et d'autres institutions de l'ONU qui financent des activités du GESAMP.

Ces initiatives conjointes ont porté entre autres sur l'essai de méthodes d'aménagement différentes dans le cadre de projets pilotes et sur la publication de directives sur les conséquences de l'aquaculture pour l'environnement, la comptabilité économique et environnementale intégrée, les objectifs et stratégies d'aménagement des pêches côtières et l'utilisation de méthodes scientifiques pour la mise en valeur des zones littorales. Des consultations techniques cofinancées auxquelles ont participé les parties prenantes et autres parties intéressées ont été également organisées.

PERSPECTIVE MONDIALE

L'utilisation des ressources naturelles, que ce soit par les pêcheurs ou par d'autres usagers, dans des zones sans restrictions d'exploitation (situations d'«accès libre») est incompatible avec le principe de durabilité. Dans le cas des pêches, on s'accorde, semble-t-il, à reconnaître que le meilleur garant de la durabilité serait la création de «droits» d'utilisation ou de propriété spécifiques. Cela est possible malgré les nombreuses difficultés rencontrées pour définir et faire respecter un aménagement fondé sur des «droits». Plusieurs pays ont modifié leur législation sur les pêches pour y inclure officiellement l'attribution de «droits» d'usagers à des communautés de pêcheurs. Cette tendance se poursuivra, permettant à ces communautés d'avoir une emprise plus grande sur les facteurs qui conditionnent leur bien-être.

En l'absence de mesures appropriées de la part des pouvoirs publics et des usagers, la surexploitation et la dégradation des ressources côtières vont continuer de s'aggraver, en raison de la pression démographique et des niveaux connexes d'activité économique. En matière d'aménagement des zones littorales, ce sont les pays développés qui progressent le plus rapidement. Dans les pays en développement où la pauvreté et le chômage sévissent à l'intérieur même de ces zones, il faudra renforcer considérablement les économies nationales avant de pouvoir s'occuper vraiment de l'aménagement des côtes.

CONTRÔLE ET RÉDUCTION DE LA CAPACITÉ DE PÊCHE

LE PROBLÈME

Plusieurs pêcheries parmi les plus importantes du monde ont une capacité de capture excédentaire, ce qui suscite des craintes de plus en plus vives. Une capacité excédentaire, ou surcapacité, indique que de nombreuses pêcheries mondiales exploitent des flottilles plus importantes qu'elles ne devraient l'être pour capturer et débarquer, à bon marché, les quantités de poissons disponibles et pour ne pêcher qu'une seule fois des stocks en passe de se reconstituer. Autrement dit, non seulement elles menacent la pérennité des stocks de poissons exploités, mais

elles constituent aussi un danger potentiel pour les autres. Une telle situation se produit parce que les investisseurs constatent - même lorsque la taille de la flottille est optimale d'un point de vue socioéconomique général - que des investissements dans de nouveaux navires seront source de profits dépassant ce qu'ils pourraient espérer d'autres opportunités. La surcapacité est due par conséquent à l'absence de contrôle sur l'accès des pêcheurs aux stocks de poissons et, dans certains pays, au fait que les pouvoirs publics financent les investissements dans de nouveaux navires et/ou dans la réhabilitation d'anciennes embarcations. Cependant, des études conduites récemment par la FAO sur le financement public de l'industrie halieutique montrent une tendance à la baisse de ces dépenses.

Actuellement, on reconnaît que la surcapacité des flottilles tient à la surcapitalisation qui se traduit dans l'ensemble par trop d'investissements et une utilisation inconsidérée des intrants de la pêche. La surcapacité des pêches se manifeste par des performances économiques médiocres et une surexploi-tation biologique. La surcapitalisation dans la pêche de capture entraîne elle un gaspillage des capitaux investis et par conséquent une hausse importante des coûts pour le secteur, tout comme la surexploitation des stocks entraîne un gaspillage des ressources halieutiques.

Les tentatives de maîtrise de la surpêche peuvent être annulées - du moins partiellement - par les difficultés pratiques liées à la mesure de la capacité de pêche, que ce soit en intrants (unités de pêche) ou en rendement (captures potentielles). Un bateau équipé d'une soixantaine de casiers à homards, par exemple, dispose d'une capacité de pêche plus grande qu'un bateau équipé de 20 casiers; en outre cette capacité dépend aussi, bien évidemment, des dimensions des casiers, et si ceux-ci sont vidés deux fois au lieu d'une pendant une même rotation. Ce genre de subtilités rendent le contrôle total de la capacité de pêche très difficile, surtout lorsqu'il s'agit d'évaluer la capacité des intrants. C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles on a été amené progressivement à contrôler la capacité de pêche par le biais de la production, c'est-à-dire en limitant les quantités de poissons débarquées (voir encadré 9, Contrôle de la capacité de la pêche à la crevette en Australie).


ENCADRÉ 9
Contrôle de la capacité de la pêche à la crevette en Australie

En 1997, les pêcheries du nord de l'Australie ont produit environ 8 500 tonnes de crevettes, les crevettes bananes et les crevettes tigrées étant les principales espèces visées. Tandis que la superficie aménagée couvre environ 1 million de kilomètres carrés, moins de 10 pour cent sont exploités à des fins commerciales. Les captures commerciales de crevettes ont commencé au début des années 60 et l'effort de pêche s'est rapidement développé. La pêche est restée libre d'accès jusqu'en 1977, date à laquelle des restrictions ont été mises en place et seules 292 embarcations ont été autorisées à pratiquer la pêche à la crevette.

Malgré cela, l'effort de pêche a continué de s'intensifier à cause de l'amélioration de la technologie, de l'utilisation d'embarcations plus grandes et de l'allongement des périodes de pêche, ce qui a suscité des inquiétudes d'ordre économique et biologique sur l'avenir des pêches. A partir de 1984, des mesures d'aménagement prévoyant notamment des politiques renforcées de remplacement des navires, un système volontaire de rachat, la fermeture permanente des alevinières, des clôtures saisonnières et des restrictions imposées aux engins, ont été progressivement mises en place. Ces mesures n'ont réussi que partiellement à améliorer la performance des pêches.

En 1984, des unités négociables ont été allouées aux exploitants en fonction de la capacité de pêche de leurs navires; environ 130 000 unités de la classe A ont été ainsi distribuées. Les exploitants avaient le droit de s'engager dans des activités de pêche à condition d'avoir obtenu le nombre nécessaire d'unités de la classe A et une unité de la classe B. Les unités de la classe A étaient déterminées en fonction de la taille du navire et de la puissance du moteur, tandis que les unités de la classe B garantissaient le droit de pêche. En 1985, près de 300 navires bénéficiaient de telles autorisations.

La restructuration a commencé en 1985 avec l'introduction d'un système volontaire de rachat qui avait pour objet de réduire le nombre de navires et, partant, la capacité de pêche. Le système était financé par une subvention des pouvoirs publics à hauteur de 3 millions de dollars australiens et par un prêt de 5 millions de dollars australiens consenti dans le cadre du Programme national d'ajustement des pêches, ce dernier prêt devant être remboursé par les taxes prélevées sur les exploitants de navires de pêche. Le système prévoyait aussi que les exploitants pouvaient vendre leurs unités en plaçant des appels d'offres. Certes, au début, les offres reçues ont été un peu exagérées mais, en septembre 1986, 12 000 unités avaient été achetées, à un prix moyen de 200 dollars australiens par unité de classe A, et pour un coût total de 2,5 millions de dollars australiens. D'autres achats ont ramené le nombre d'unités de la classe A à 100 000 et celui des navires à 222 en novembre 1989.

La même année, la concurrence des crevettes d'élevage d'Asie du Sud Est a provoqué une chute des prix. Aussi le gouvernement, après avoir consulté les instituts de recherche nationaux, a-t-il été amené à approuver en 1990 un autre paquet de mesures de restructuration qui n'était en fait qu'une nouvelle mouture du précédent. Il s'engageait à verser une subvention de 5 millions de dollars australiens sur trois ans et à garantir jusqu'à 40,9 millions de dollars australiens en contrepartie des unités qui seraient retirées. Les emprunts devaient être remboursés sur une période de 10 ans par les opérateurs qui n'avaient pas participé au premier projet. La restructuration visait un objectif de retrait de 54 000 unités de la classe A avant le 13 décembre 1992, et si l'objectif n'était pas atteint, tous ceux qui détenaient des unités avant le début de la campagne 1993 seraient obligés de les céder.

Le second système a moins bien fonctionné que le premier, peut-être parce que le prix de rachat des unités de la classe A offert par le gouvernement était inférieur à ceux du marché libre. Au 1er septembre 1992, il restait 72 216 unités de la classe A et 162 navires. En décembre de la même année, le gouvernement décidait de modifier son plan d'aménagement de la pêche à la crevette dans le nord du pays en instituant la restitution obligatoire des unités de la classe A. C'est ainsi que le 1er avril 1993, 18 000 unités de la classe A et 25 navires étaient retirés des pêches sans indemnisation, laissant 54 000 unités de la classe A et 137 navires.

Bien que la légalité de ces mesures ait été contestée à la Cour fédérale, un jugement en appel a confirmé que le gouvernement avait le droit de réduire l'effort de pêche sans verser d'indemnités. Cet imbroglio juridique a conduit le secteur des pêches à se mobiliser pour obtenir des droits d'accès aux pêches et exiger que ces droits soient mieux protégés. Ces revendications ont été prises en compte dans le nouveau plan officiel d'aménagement des pêches préparé en 1995 qui prévoyait que les anciens permis de pêche seraient remplacés par des droits reconnus donnant aux propriétaires de navires l'assurance d'avoir accès durablement à la pêche. Cela a créé aussi un climat plus sécurisant qui permettait aux propriétaires de planifier leurs opérations et leurs investissements futurs.

L'importante réduction de la capacité de pêche et la hausse des prix de la crevette ont entraîné un retournement de situation favorable à une meilleure rentabilité des pêches. Les estimations des bénéfices avant impôt montrent une augmentation de 19 millions de dollars australiens par an. Pour maintenir cette rentabilité économique, il sera indispensable de contenir l'expansion future de la capacité de pêche. Comme les contrôles s'appliquent aux intrants, de nouvelles réductions de la capacité de pêche seront nécessaires à l'avenir. L'AFMA (voir encadré 5) et l'industrie halieutique étudient la possibilité d'utiliser des unités d'engins et non pas des unités de navires comme moyen de mesurer la capacité de pêche. En principe, l'utilisation de telles unités devrait permettre de contrôler la capacité de pêche de façon plus précise, bien que les avantages pratiques ne soient pas évidents. En décembre 1997, l'AFMA a décidé qu'un système d'aménagement des pêches, fondé sur des unités d'engins, serait progressivement mis en place pour 1999, l'attribution des unités étant proportionnelle aux unités de classe A détenues.

Source: M. Harwood, ancienne Secrétaire adjointe, Division des pêches et de l'aquaculture, et T. Battaglene, Directeur de la politique des pêches du Commonwealth, Département de l'énergie et des industries primaires d'Australie, communication personnelle.

Le problème fondamental de nombreux pays est le manque de données fiables sur le nombre et les caractéristiques des embarcations et des engins et, plus particulièrement, sur l'incidence du redéploiement des embarcations entre plusieurs pêches. Cet élément est important en ce sens où toute mesure de réduction de la capacité dans une pêcherie peut avoir comme conséquence directe de provoquer une surcapacité dans une autre, en raison de la réaffectation rapide de la capacité excédentaire. Malheureusement, c'est souvent le résultat auquel sont parvenus les pays qui ont cherché à réduire la capacité de chaque pêcherie individuellement. Le problème s'est posé dans certains pays comme la Nouvelle-Zélande, ou des groupes de pays comme l'UE, qui ont décidé de réduire en même temps la capacité de chaque pêcherie et la capacité globale de l'ensemble des flottilles. Pour cela, il leur a fallu au préalable évaluer la capacité de chacune des pêcheries concernées.

A plus grande échelle, la réduction de la capacité de pêche entreprise par certains pays développés a conduit au redéploiement des embarcations supprimées dans les pêcheries d'un autre pays - d'ordinaire un pays en développement ou moins développé. Au niveau mondial, on ne peut pas parler de véritable réduction de la capacité de pêche. De plus, plusieurs raisons expliquent aussi pourquoi ces redéploiements pourraient être désastreux pour de nombreux pays importateurs. En effet, les navires, achetés le plus souvent à peu de frais, peuvent être exploités avec profit (au moins pendant un temps) même sur des stocks de poissons appauvris, mais ils risquent éventuellement de les appauvrir encore davantage. Il y a eu aussi de nombreux cas où les conflits locaux se sont aggravés du fait que les navires importés - d'ordinaire de type industriel - opèrent en concurrence directe avec les flottilles artisanales.

La capacité de pêche est excédentaire dans la plupart des régions du monde. En Asie du Sud par exemple, où la pression des pêches s'accroît de plus en plus, de nombreux stocks de poissons pélagiques et démersaux des côtes du golfe du Bengale, du golfe de Thaïlande et de la mer de Chine méridionale sont totalement exploités ou surexploités. Les quantités toujours plus importantes d'espèces à faible valeur et de jeunes poissons à valeur élevée qui sont capturés en sont notamment la preuve.

Le fait que la pêche hauturière soit d'accès libre crée une situation particulièrement difficile du point de vue du contrôle de la capacité. La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, en particulier, ne traite pas cette question. L'Accord d'application19 de 1995 rappelle lui que les Etats du pavillon sont tenus de respecter les systèmes d'aménagement des organismes de pêche régionaux, mais il ne donne pas à ces derniers les moyens de refuser l'accès à des navires venant d'Etats non membres qui acceptent de respecter les mesures de conservation et de gestion actuelles et de ne pas saper le travail des organisations régionales des pêches. De plus, d'importants stocks de poissons pélagiques ne relèvent pas des organismes régionaux existants. Dans l'éventualité de nouveaux efforts visant à contrôler la capacité des flottilles de haute mer, la collecte d'informations sur les navires au niveau mondial dans le cadre de l'Accord visant à favoriser le respect par les navires de pêche en haute mer des mesures internationales de conservation et de gestion de la FAO devrait se révéler utile.

SOLUTIONS ÉVENTUELLES

Le contrôle efficace de la capacité de pêche suppose que l'on comprenne comment il est lié à d'autres questions, dont les plus importantes sont l'impact des subventions, les effets de la mobilité des flottilles et les incidences des méthodes qui peuvent être utilisées pour réglementer l'accès aux stocks de poissons. Si l'on a acquis une expérience considérable en matière d'aménagement des pêches, la plupart des méthodes ou des outils ont servi à contrôler les captures, ou effort de pêche, et non pas la capacité en soi. On comprend mieux maintenant l'efficacité relative de ces méthodes, et il est évident qu'un contrôle efficace exigera d'évaluer régulièrement la biomasse des stocks et de comprendre la dynamique des flottilles, sur la base d'un suivi de leur taille et de leur utilisation.

Les pays développés ont acquis une vaste expérience quant à l'utilisation d'autres méthodes d'aménagement pour contrôler la capacité de pêche. Ils sont de plus en plus favorables à un aménagement fondé sur les ITQ lorsque cela est possible. Dans la plupart des cas, cela implique de limiter le nombre d'unités de pêche (par exemple, les embarcations), d'attribuer un contingent (ou une part des captures totales autorisées [TAC]), à chacune de ces unités et d'offrir la possibilité de vendre ou de louer le «droit» à un contingent. L'un des avantages de ce système est d'inciter les propriétaires à réduire d'eux-mêmes la capacité excédentaire, puisqu'ils ne cherchent plus à accroître les captures mais à réduire les coûts pour améliorer leurs revenus. Tel serait le cas, par exemple, d'un propriétaire qui achèterait des droits à un contingent pour deux embarcations et qui les fusionnerait ensuite lorsqu'il en mettrait une hors service. L'aménagement fondé sur les ITQ peut néanmoins se révéler difficile, notamment dans le cas des pêcheries comportant un mélange d'espèces pour lesquelles il faut d'ordinaire utiliser un système complexe pour compenser les incitations supplémentaires à rejeter les captures accessoires.

Toutefois, les pêcheries ne se prêtent pas toutes à l'aménagement par contingents, et les difficultés d'application peuvent être énormes. L'alternative la plus fréquente a été de limiter le nombre de permis, notamment lorsqu'il s'agit de contrôler le nombre et la puissance des unités de pêche. Dans la plupart des cas, cette mesure est associée à la possibilité de vendre ou de louer le droit à un permis. Ce système permet d'acheter ou de restituer des droits - dans le cadre du dispositif de rachat - pour réduire la capacité de pêche. Il encourage aussi les réductions volontaires (comme dans le cas de l'aménagement avec des ITQ) de la part des propriétaires de navires eux-mêmes. Cela se produit par exemple, lorsque plusieurs droits à des engins de pêche sont fusionnés pour une seule et même embarcation. Toutefois, les réductions volontaires de capacité sont habituellement lentes, ce qui fait que les pouvoirs publics sont généralement obligés d'intervenir d'une manière ou d'une autre.

Là où le contrôle de la capacité s'applique aux intrants, l'expérience montre que la capacité continuera vraisemblablement à augmenter, malgré tous les efforts déployés par les organismes d'aménagement. En effet, s'il est assez facile de limiter le nombre et la taille des unités qui composent la capacité de pêche, il est en revanche extrêmement difficile de contrôler la puissance de pêche de ces unités. Les pêcheurs tentent constamment, et souvent avec succès, d'augmenter leur puissance de pêche. Nombreux sont les exemples d'organismes qui ont adopté, de façon un peu paradoxale, des mesures d'aménagement visant à réduire la puissance des unités de pêche pour compenser les gains de puissance réalisés par les pêcheurs.

Pour résoudre ce problème, l'organisme d'aménagement doit surveiller l'évolution de la technologie et son impact sur la capacité de pêche, et ce, en étroite collaboration avec le secteur halieutique. En vérité, l'aménagement des pêches fondé sur le contrôle des intrants a le plus de chances des réussir et d'être largement accepté si l'industrie assume conjointement avec le gouvernement une part substantielle de la gestion.

Dans la plupart des pays de la région Asie et Pacifique, les cadres d'aménagement des pêches se révèlent plus ou moins efficaces. Dans l'ensemble, ils ont tous besoin d'être considérablement améliorés (voir encadré 10, Améliorer les cadres d'aménagement des pêches).


ENCADRÉ 10
Améliorer les cadres d'aménagement des pêches

Une récente étude de la FAO sur les cadres d'aménagement des pêches des pays limitrophes de la mer de Chine méridionale a abouti aux conclusions suivantes: il faut que les gouvernements aient la volonté politique de préserver les ressources halieutiques grâce à des systèmes d'aménagement des pêches mieux adaptés et plus efficaces. Il leur faut élaborer des politiques d'aménagement visant à optimiser les avantages socioéconomiques sur le long terme et non à accroître au maximum la production. Il faut aussi qu'ils s'occupent en priorité de la prévention et du contrôle de la dégradation de l'environnement. L'étude conclut que les gouvernements pourraient en outre:

- expliquer, en termes clairs et simples, au secteur privé, à l'industrie halieutique et aux pêcheurs, les lois et règlements existants et les mesures d'aménagement qu'ils ont adoptés;
- adopter une approche de précaution, tant dans le cas des pêches côtières que dans celui des pêches hauturières, lorsque des informations et des données actualisées ne sont pas disponibles;
- donner la priorité à la recherche portant sur l'élaboration de modèles d'évaluation des ressources, adaptés localement, l'analyse bioéconomique des stocks de poissons exploités et l'aménagement des stocks transfrontières;
- faciliter les transferts de technologies en améliorant les méthodes et les capacités du personnel de vulgarisation et en établissant une coopération plus étroite entre administrateurs, instituts scientifiques et établissements universitaires, industrie halieutique et pêcheurs.

Il est possible de résoudre au niveau régional un certain nombre des questions importantes liées à un aménagement plus rationnel. Parmi celles-ci, on citera le renforcement des compétences des scientifiques et des administrateurs; la collecte d'informations et de données statistiques sur les pêches fiables et à jour ainsi que la création d'un réseau régional; l'étude de certains aspects concernant la recherche et l'aménagement des stocks de poissons communs ou transfrontières; l'élaboration de méthodes d'évaluation des stocks; la prévention et le contrôle de la dégradation de l'environnement; et le suivi des grands écosystèmes tels que la mer de Chine méridionale ou le golfe de Thaïlande.

Source: FAO. 1997. Fisheries management frameworks of the countries bordering the south China Sea. Commission Asie-Pacifique des pêches, Bureau régional de la FAO pour l'Asie et le Pacifique, Bangkok.

Dans les pays très peuplés victimes d'une grande pauvreté et du chômage, le contrôle de la capacité de pêche reste très difficile. Dans le cas des pêches artisanales, même lorsqu'il est démontré par les organismes de pêche qu'une réduction de la capacité de pêche serait économiquement bénéfique, les perspectives de conséquences sociales négatives ont invariablement empêché une telle mesure. La pénurie d'autres emplois font que la pêche reste l'employeur du dernier ressort. C'est pour cette raison que les organismes de pêche privilégient de plus en plus l'aménagement qui donne aux communautés locales elles-mêmes des pouvoirs - en particulier par l'attribution de droits d'usagers - pour prendre des décisions concernant la capacité de pêche et la manière de partager les bénéfices qui en résultent. C'est ce qu'on appelle l'«aménagement fondé sur la communauté» (voir encadré 11, Aménagement des pêches fondé sur la communauté dans la lagune de Negombo, Sri Lanka).


ENCADRÉ 11
Aménagement des pêches fondé sur la communauté dans la lagune de Negombo (Sri Lanka)

Negombo est une ville située à 30 km au nord de Colombo. Près de Negombo se trouve une lagune dont la superficie s'étend sur 31,64 km2. En 1997, les captures provenant de cette lagune ont été estimées à près de 1 700 tonnes, dont 538 tonnes de crevettes, et à une valeur totale de 100 millions de Rs SL (soit 1,7 million de dollars EU). D'après un sondage aréolaire, il y a au total 1 305 embarcations (non motorisées) et 2 000 hommes d'équipage environ. La rémunération nette par mois et par pêcheur se situe aux alentours de 4 000 Rs SL (environ 67 dollars EU).

L'aménagement fondé sur la communauté est bien établi à Negombo. Peut-être, l'exemple le plus intéressant concerne l'utilisation de filets, semblables à des chaluts, fixés à des pieux, qui sont installés à l'entrée de la lagune, la nuit, à marée basse. Il y a environ 60 installations de ce type - chiffre qui varie légèrement selon les changements topographiques des fonds - et chacune offre plusieurs lieux de pêche. Elles sont bien connues et même répertoriées dans les règlements sur la pêche. La pêche a lieu tous les mois de l'année et, en 1997, environ 200 embarcations, avec chacune deux pêcheurs à son bord (l'un d'eux doit appartenir à une entreprise ) ont participé à ce type de pêche et capturé 308 tonnes de poisson dont 211 tonnes de crevettes.

Conformément à des traditions établies depuis plusieurs dizaines d'années, la gestion de cette pêche est essentiellement confiée à quatre entreprises locales indépendantes qui se répartissent la quasi-totalité des 60 installations. Chaque année, à l'occasion des grands rassemblements qu'elles organisent, elles allouent à leurs membres les droits d'exploitation, par tirage au sort, puis procèdent à des appels d'offres - sorte d'enchères - pour répartir les lieux de pêche sur chaque installation. Un membre peu chanceux lors des enchères peut refuser un lieu de pêche connu pour sa faible productivité.

Comme le nombre de membres des entreprises est supérieur à celui des lieux de pêche, chaque lieu est attribué à plus d'un membre. Ces dernières années, les droits de pêche ont été alloués en moyenne à trois membres, chacun ayant la possibilité de pêcher par roulement, c'est-à-dire une fois tous les trois jours. Dans l'ensemble, ils pêchent avec ces filets 10 jours par mois et participent à d'autres types de pêche le reste du temps. Seule une personne par famille peut être membre, et la qualité de membre est héréditaire et ne peut être transmise qu'à un membre mâle de la famille immédiate. En l'absence de membre mâle, les droits sont périmés.

D'autres personnes peuvent s'affilier, mais à condition d'être un homme marié, descendant de pêcheur ayant pratiqué ce type de pêche, de religion chrétienne et avoir entre 18 et 50 ans. Ils doivent aussi prouver qu'ils peuvent disposer des embarcations et des engins nécessaires et qu'ils ont des compétences en matière de pêche. Les entreprises imposent des sanctions en cas de non-respect des règlements. L'église tire des revenus modestes des lieux de pêche qui lui ont été attribués, qu'elle consacre à des œuvres sociales locales. Aussi joue-t-elle un rôle important dans l'évolution du régime actuel.

La plupart des autres exemples d'aménagement fondé sur la communauté qui existaient autrefois au Sri Lanka ont maintenant disparu. Les facteurs qui y ont contribué sont la plus grande mobilité des pêcheurs, due à la motorisation des embarcations, l'afflux de personnes fuyant les zones de conflit dans le nord du pays et la perte de cohésion des communautés côtières.

Sources: UNDP/Government of Sri Lanka/FAO Marine Fisheries Management Project SRL/91/022; various published and unpublished papers.

MESURES RÉCENTES

Un nombre croissant de pays ont pris des mesures pour réduire sensiblement leur capacité de pêche. Dans l'UE, des programmes d'orientation pluriannuels (MAGP) sont en place depuis le milieu des années 80. Conçus initialement pour contrôler et limiter l'expansion des flottilles, ils ont été revus récemment et axés sur la réduction des capacités. L'objectif des MAGP est défini en fonction du tonnage et de la puissance du moteur des navires, lesquels, entre 1991 et 1996, ont été réduits de 15 et 9,5 pour cent respectivement.

En Nouvelle-Zélande, les réductions de la capacité de pêche sont associées depuis la moitié des années 80 à la mise en place de contingents individuels transférables (ITQ), ce qui a permis dans les 10 années qui ont suivi de réduire de moitié le nombre de navires pratiquant la pêche côtière (voir encadré 4). En Australie, la capacité de pêche a été réduite au niveau des pêcheries individuelles. Certains pays, en particulier le Japon, ont renforcé leur réglementation relative à la mise hors service des flottilles et à l'accès à la pêche hauturière.

En Amérique latine, l'Argentine, le Chili et le Pérou ont récemment lancé des programmes de réduction de la capacité de pêche. Toutefois, à ce jour, ces pays ont rencontré une forte résistance de la part des associations de professionnelles avec lesquelles les négociations sont longues et ardues, qui estiment en général que les difficultés causées par El Niño sont suffisantes.

Entre 1995 et 1997, la FAO a entrepris une évaluation de la viabilité économique de quelques flottilles (voir encadré 12). Les résultats montrent que la pêche reste rentable dans la plupart des principales pêcheries; ce qui semblerait indiquer que la baisse des rendements a été compensée par une augmentation des prix et une diminution des coûts, cette dernière étant due à l'amélioration des techniques, mais dans certains cas encore, par des transferts de fonds publics vers le secteur.

L'objectif à long terme de la FAO est d'élaborer, dans le cadre du Comité des pêches (COFI), un Plan international d'action en faveur de l'aménagement de la capacité de pêche mondiale. Aussi, un Groupe de travail technique d'experts internationaux s'est réuni à La Jolla (Etats-Unis) en avril 1998, et a passé en revue les questions concernant la capacité de pêche20. Les résultats de la réunion ont été examinés par les pays réunis au siège de la FAO à Rome du 22 au 24 juillet 1998.


ENCADRÉ 12
Viabilité économique des pêches de capture marines

En coopération avec les instituts et les organismes de recherche halieutique d'Asie, d'Afrique, d'Amérique latine et d'Europe, la FAO a conduit entre 1995 et 1997 des études sur la viabilité économique et financière des associations embarcations/engins de pêche les plus courantes. Par ailleurs, des informations sur le niveau d'exploitation des ressources ainsi que sur les politiques nationales en matière d'aménagement des pêches, les subventions et les mesures fiscales ont également été recueillies.

Les études ont concerné les pays suivants: Allemagne, Argentine, Cameroun, Chine, Espagne, France, Inde, Indonésie, Ghana, Malaisie, Pérou, Sénégal, République de Corée, Taïwan Province de Chine et Thaïlande. En 1995, ils représentaient ensemble environ 50 pour cent du total de la production des pêches de capture marines d'Amérique du Sud, d'Europe, d'Afrique et d'Asie, soit 84 pour cent de la production mondiale des pêches de capture. La FAO considère que ces études apportent une contribution concrète au débat sur la viabilité économique des pêches de capture marines. Elles devraient être poursuivies et étendues à d'autres pays, comme cela a été recommandé, en vue de valider leurs conclusions et de surveiller les changements qui se produisent au fil des ans.

Un atelier interrégional organisé à Kuala Lumpur (Malaisie) du 15 au 18 décembre 1997 a examiné les résultats des études et conclu que dans l'ensemble, malgré une exploitation totale et parfois une surexploitation des ressources halieutiques, la plupart des pêches de capture marines étaient économiquement et financièrement viables dans la mesure où elles généraient des revenus suffisants pour couvrir les coûts, y compris les dépenses d'amortissement et les coûts d'opportunité, qu'elles garantissaient une rémunération satisfaisante aux propriétaires de navires de pêche et aux équipages, et qu'elles dégageaient des excédents qui pouvaient être réinvestis.

Parmi les pays africains étudiés, seules les embarcations à filets maillants encerclants et les chalutiers hauturiers pêchant le poisson et la crevette au Sénégal ont enregistré un flux de trésorerie net négatif, alors que pour toutes les autres associations embarcations/engins de pêche étudiées, l'excédent a été positif. En Amérique latine, le chalutage à grande échelle au Pérou a enregistré un flux de trésorerie net négatif, mais celui des senneurs a été positif. En Argentine, l'excédent a été positif à la fois pour les chalutiers et les senneurs.

En Asie, toutes les composantes des flottilles de pêche étudiées en République de Corée, à Taïwan Province de Chine et en Malaisie ont dégagé un excédent net positif; il en a été de même pour cinq des sept unités types de pêche importantes ou moyennes en Chine, et pour sept des huit unités types en Indonésie. En Europe, sur les 23 types de navires pratiquant une pêche à petite, moyenne et grande échelle en France et en Espagne, seuls deux types de chalutiers hauturiers exploités en France ont présenté des résultats négatifs, l'excédent net étant positif pour les 21 autres types d'embarcations.

On a également observé ces dernières années que le nombre des subventions dans les pays en développement avait considérablement diminué. Des subventions étaient encore accordées dans certains cas, à la pêche hauturière, à la pêche artisanale et aux coopératives de pêche ainsi qu'à des opérations de pêche menées dans des zones éloignées ou sous-développées. Versées le plus souvent sous forme de dotation ou de droits réduits sur les carburants, leur nombre allait être aussi réduit.

Source: FAO. Economic viability and sustainability of marine capture fisheries - Findings of a global study and recommendations of an interregional workshop. Document technique sur les pêches no 377. (en préparation)

PERSPECTIVE MONDIALE

De nombreux pays développés et un petit nombre de pays en développement ont réussi à prendre les mesures importantes et difficiles qui s'imposent pour contrôler efficacement l'effort de pêche et le réduire lorsque cela est nécessaire. On peut s'attendre à ce que d'autres pays fassent de même. Néanmoins, la réduction de la capacité dans certains pays n'a pas entraîné nécessairement de diminution de la capacité mondiale, en raison du redéploiement des capacités et de l'augmentation continue des capacités dans d'autres pays. A court terme, des contrôles de la capacité seront effectués principalement dans les eaux des ZEE, autres que celles des pays très peuplés et les moins développés. Dans ces derniers, le contrôle de la capacité de pêche passera après les problèmes d'emploi. Dans quelques-uns, la pêche commerciale diminuera au profit d'activités de loisirs et du tourisme.

Résoudre le problème de la capacité excédentaire de la pêche hauturière sera très lent, probablement en raison de l'«accès libre» de ces pêches, de la difficulté d'adopter et de faire appliquer au niveau international (ou régional) des mesures mutuellement acceptées de contrôle de la capacité et de la nécessité de créer d'autres organismes d'aménagement régionaux pour les stocks de poissons qui ne relèvent pas de la compétence de ceux existants. Il faudra aussi compter avec la participation plus active à la pêche hauturière d'Etats côtiers (par exemple, ceux de l'océan Indien) qui utilisent souvent des navires et des engins moins perfectionnés que les flottilles existantes de la haute mer. Il est peu probable que ces pays collaborent à toute tentative des organismes régionaux de contrôler efficacement la capacité de pêche alors qu'ils sont encore au stade de la création de leur propre flottille hauturière. En définitive, ils pourraient chercher à déplacer les flottilles hauturières.


DIMINUTION DES CAPTURES ACCESSOIRES ET DES REJETS

LE PROBLÈME

Il y a des captures accessoires parce que la plupart des engins et des pratiques de pêche ne permettent pas de sélectionner parfaitement les espèces et les tailles qui sont visées et que les espèces visées se trouvent dans des habitats occupés par une vaste gamme d'autres espèces. Les espèces visées peuvent être elles-mêmes considérées comme des captures accessoires si elles n'ont pas la taille ou le sexe voulus ou ne correspondent pas à la partie de l'animal recherchée. Les carcasses de requin sont un exemple de ce dernier point, lorsque c'est seulement les ailerons qui sont visés. La définition de «recherché ou voulu» en pareil cas est fonction soit du marché soit des règlements qui s'appliquent aux pêches. De même, certaines captures accessoires d'espèces non visées sont commercialisables, d'autres pas. Dans la plupart des cas, les captures accessoires non commercialisables sont rejetées, sauf exception de taille, lorsque les rejets sont interdits.

On reconnaît depuis longtemps que les rejets de captures accessoires constituent un gaspillage, même s'ils sont inévitables en raison de la nature même des pêches. Ils représentent une perte de produits alimentaires précieux, ont des conséquences sur l'environnement et la biodiversité et peuvent même choquer d'un point de vue esthétique. Les captures accidentelles de dauphins dans les sennes à thon, de tortues dans les chaluts à crevettes, de mammifères marins, d'oiseaux, de tortues et de poissons dans les filets dérivants à encornets de la haute mer ont eu pour effet de placer le problème au centre des débats publics. Les résultats pour toutes les pêches concernées ont été spectaculaires même si les intéressés n'ont pas nécessairement compris les raisons.

L'évaluation de la FAO publiée en 199421 a fourni pour la première fois un ordre de grandeur des quantités de poissons rejetés. Selon les estimations, les rejets pour l'ensemble des pêches mondiales étaient compris entre 17,9 et 39,5 millions de tonnes par an. Une réévaluation effectuée par la suite, compte tenu des ajustements consécutifs à une baisse de ces rejets, montre que les niveaux actuels se situent en bas de cette fourchette. Le chiffre de 20 millions de tonnes, estimé récemment par la FAO correspondrait, s'il est exact, à 25 pour cent de la production annuelle connue des pêches de capture marines. Ce sont celles qui produisent la plus grande quantité de rejets.

Dans le Pacifique, les pêcheurs qui pratiquent la pêche artisanale et de subsistance rejettent dans l'ensemble une faible quantité de leurs captures. Dans cette région, la plupart des rejets proviennent des thoniers, en particulier les thoniers-palangriers qui pêchent le germon et, dans une moindre mesure, les senneurs qui recherchent le listao et l'albacore.

Dans la plupart des cas, la décision des pêcheurs de rejeter certaines composantes de leurs captures est motivée par des facteurs économiques. Dans un contexte de pêche non réglementée, les pêcheurs sont incités à rejeter le poisson si le prix net escompté, c'est-à-dire le prix réel moins les coûts de débarquement, est négatif et s'il est moins cher pour eux de le rejeter que de le débarquer. Ils seront en outre tentés de s'en débarrasser si la capacité de leur cale est limitée. Ils vont donc rejeter les espèces à faible valeur et ne conserver que celles qui ont une valeur élevée. Cette pratique est souvent appelée «écrémage».

L'aménagement qui prévoit le recours à des contingents de capture conduit habituellement à accroître les incitations au rejet. C'est le cas notamment des pêches qui capturent des espèces mélangées, dont plusieurs sont soumises à des contingents. Les rejets liés à ce type d'aménagement sont de trois sortes: rejets des captures qui dépassent le contingent, «écrémage» et «vente au rabais». Ce dernier phénomène se produit lorsque la capture d'une espèce est totalement ou partiellement rejetée si l'on prévoit que les prix qui seront offerts seront bas. Un pêcheur décidera par exemple pendant le voyage de retour vers le port de rejeter les captures de la journée afin de conserver son contingent pour un moment où les cours seront plus favorables.

Les rejets de captures caractérisent tout système d'aménagement, sauf lorsque cette pratique est spécifiquement interdite et que des moyens sont mis en oeuvre pour faire respecter les interdictions. On peut se demander alors si les coûts supplémentaires justifient la perte de revenus, et qui devra payer. En fait, la plupart des mesures visant à réduire les rejets entraînent des dépenses importantes. On s'accorde de plus en plus à reconnaître que ces coûts devraient être imputés aux pêcheries et supportés par conséquent, directement ou indirectement, par ceux qui de toute évidence tirent des bénéfices de la pêche.

SOLUTIONS ÉVENTUELLES

L'introduction de restrictions dans le cadre de permis ne modifie en rien les incitations aux rejets. Néanmoins, si cette mesure permet de réduire le nombre de navires, il est probable qu'à court terme, la quantité de captures accessoires aura aussi tendance à diminuer. Imposer des tailles minimales revient habituellement à faire augmenter les rejets surtout si les interdictions sont appliquées sur les lieux de débarquement. En revanche, les interdictions sur les lieux de capture - pas toujours pratiques à faire respecter - ont tendance à «encourager» les pêcheurs à exploiter des lieux où les poissons de taille insuffisante sont peu nombreux et à utiliser des engins et des pratiques plus sélectifs.

Des restrictions appliquées au nombre de jours passés en mer peuvent conduire à une diminution des rejets. Cela peut être simplement la conséquence d'une réduction de l'effort de pêche, auquel cas les effets sont les mêmes que lorsqu'il y a réduction du nombre de navires. De plus, comme ce serait le cas si les capacités d'entreposage étaient limitées, la période de pêche risque de ne pas être assez longue pour pouvoir remplir les entrepôts uniquement avec des espèces à valeur élevée. Par conséquent, davantage d'espèces de moindre valeur seront conservées et il y aura donc moins de rejets.

Au niveau des pêches, les mesures d'aménagement qui cherchent à réduire les rejets appartiennent à deux grandes catégories. La première contribue à abaisser les quantités de captures accessoires, par l'utilisation d'engins et de pratiques plus sélectifs, des fermetures de la pêche sur certains lieux et en certaines saisons et une meilleure utilisation des captures accessoires. La seconde catégorie vise à réduire les rejets de captures accessoires; il peut s'agir de mesures directes - par exemple, l'interdiction de rejets - ou d'incitations économiques pour modifier les comportements.

Les mesures de réduction des rejets dans le cadre d'un aménagement par contingents sont de plus en plus acceptées étant donné que davantage de pêches sont soumises à des systèmes de contingents individuels transférables (ITQ). Elles prévoient notamment la possibilité de commercialiser les captures qui dépassent le contingent - c'est-à-dire de les vendre à des pêcheurs ayant une capacité sous-utilisée - au lieu de les rejeter. Les pêcheurs peuvent dépasser leur contingent pendant une année à condition de le réduire l'année suivante. En Nouvelle-Zélande, le dépassement autorisé est limité à 10 pour cent du contingent initial pour toutes les espèces. Toujours en Nouvelle-Zélande, les pêcheurs peuvent débarquer des espèces pour lesquelles ils n'ont pas de contingent et les défalquer de celui d'autres pêcheurs. L'autre possibilité est de livrer volontairement et sans pénalité les captures excédentaires. Dans ce cas, le pêcheur peut les vendre dans les conditions habituelles à condition de reverser à l'Office d'aménagement la valeur «nette», c'est-à-dire la valeur obtenue en sus du coût du débarquement.

La Norvège a imposé un système qui interdit le rejet d'espèces soumises à contingent - y compris celles de taille insuffisante - et exige de déduire toutes les captures des contingents (voir encadré 13). Il appartient aux pêcheurs de veiller à conserver une capacité non utilisée suffisante pour tenir compte de toutes captures accessoires d'espèces soumises à contingent lorsqu'ils visent d'autres espèces contingentées. Ils sont également tenus de quitter un lieu de pêche s'il y a un risque de dépassement de contingent ou surabondance de jeunes poissons. Cet aspect du système norvégien a vivement incité les professionnels à concevoir et à utiliser des engins plus sélectifs. Aux Etats-Unis, le Conseil d'aménagement des pêches du Pacifique Nord a décidé d'interdire les rejets de lieu d'Alaska, de morue du Pacifique, de limande du Japon et de fausse limande du Pacifique. Le dispositif est en place pour les deux premières espèces et sera progressivement appliqué aux autres sur une période de cinq ans.


ENCADRÉ 13
Expérience du contrôle des captures accessoires et des rejets en Norvège

Il y a quelques dizaines d'années, la plupart des pêcheries norvégiennes produisaient des captures accessoires; c'était surtout le cas pour le chalutage des poissons de fond et des crevettes roses (Pandalus borealis). A l'époque, il n'y avait pour ainsi dire pas de réglementations concernant spécifiquement les captures accessoires. Toutefois, des mesures visant à préserver les espèces visées influençaient la quantité et la composition des captures. Ces mesures prévoyaient entre autres une réglementation de la taille minimale des mailles de filet et une interdiction de conserver le poisson à bord ou de le débarquer s'il n'avait pas une certaine taille (taille minimale de débarquement [MLS]). Le système d'aménagement en place rendait donc inévitable le rejet d'espèces visées et non visées.

En 1983, le parlement a adopté la Loi sur les pêches marines qui a été appliquée dans le cadre de nouvelles dispositions. L'intention était d'amorcer et d'encourager un processus conduisant à réduire les quantités de poissons tués et rejetés, à la fois pour les espèces visées et les espèces non visées. La Loi précise clairement que toute capture illégale doit être immédiatement rejetée à la mer pour donner aux poissons une chance de survivre. Toutefois, la plupart des captures remontées à bord et triées n'avaient que peu de chances de survivre une fois rejetées par-dessus bord.

Très vite, les autorités se sont rendu compte que la loi et ses dispositions étaient imparfaites et plusieurs mesures administratives ont été prises au cours des 15 dernières années pour tenter de trouver une solution. L'objectif était de réglementer non pas les débarquements de poisson mais la pêche et, par conséquent, d'appliquer les mesures aux opérations de pêche proprement dites.

L'une des premières mesures a été l'introduction en 1983/84 d'un programme de surveillance. Des navires de pêche commerciale affrétés étudiaient les lieux de pêche les plus importants pour surveiller les captures accessoires de poissons et espèces de taille illégale dont la capture était interdite. Ce programme a été ensuite complété par de nouvelles réglementations contenant des critères spécifiques sur les captures accessoires maximales autorisées.

Alors que les garde-côtes norvégiens étaient chargés de faire respecter ces critères, on s'est vite rendu compte que les autorités seraient obligées de fermer provisoirement plusieurs lieux de pêche productifs. Il est maintenant courant que des lieux soient fermés au chalutage à la crevette si les captures contiennent, soit plus d'une morue et/ou un aiglefin juvéniles par kilogramme de crevettes, soit 10 pour cent en poids de crevettes de trop petite taille. De même, les lieux de chalutage des poissons de fond sont fermés lorsque les captures contiennent plus de 15 pour cent (en nombre) de juvéniles des espèces visées. La pêche à la senne coulissante du lieu noir ne peut avoir lieu si la taille de 10 pour cent ou plus des captures est inférieure à la taille minimale de débarquement.

Depuis 1983, d'autres mesures importantes ont été appliquées, notamment: i) l'obligation de quitter les lieux de pêche lorsque le mélange de poissons de taille insuffisante dépasse certains niveaux; ii) la clôture temporaire des zones sensibles; iii) l'interdiction d'utiliser des machines de tri à bord des navires (par exemple, pour la pêche aux maquereaux); et iv) l'obligation d'utiliser des engins plus sélectifs.

Toutefois, l'étape décisive a été probablement l'interdiction des rejets. Les pêcheurs norvégiens sont obligés de débarquer toutes les captures de toutes les espèces commerciales importantes. Peu importe qu'ils aient eu ou non l'intention de le pêcher, le poisson de taille réglementaire et de taille insuffisante doit être débarqué. Ces captures «illégales» doivent être mises à quai et sont ensuite déduites des captures totales autorisées (TAC) prévues pour les espèces concernées. Dans l'ensemble, les pêcheurs sont favorables à l'interdiction de rejets, car ils ont appris que les captures accessoires - en particulier de juvéniles - sont synonymes d'une baisse des captures dans les années à venir.

Ils ont aussi très vite réalisé qu'ils pouvaient respecter les règlements, s'ils pêchaient à l'aide d'engins et de méthodes plus sélectifs, c'est-à-dire s'ils capturaient seulement les poissons des espèces visées ayant une taille supérieure à la taille minimale de débarquement. Les responsables des pêches norvégiens l'ont aussi compris, et c'est pourquoi ils ont apporté un soutien financier à la conception d'engins de pêche sélectifs.

En moins de deux ans, un système à grille permettant d'éviter les captures accessoires de jeunes poissons dans les chaluts et de plus gros poissons non visés, a été mis au point, et il est maintenant largement utilisé dans l'Atlantique Nord. La grille est placée à 45º par rapport au chalut, derrière une vanne de guidage. Ce système s'est avéré un excellent moyen de sélection pour la pêche à la crevette: plus de 90 pour cent (en poids) des captures de crevettes sont relâchées et les pertes de crevettes sont inférieures à 2 pour cent. Il est devenu obligatoire pour ce type de pêche au début des années 90. Encouragées par les bons résultats, les autorités ont commencé à équiper également les chaluts de fond et les sennes de dispositifs de filtrage. Après plusieurs années d'utilisation volontaire, un système à grille a été imposé en 1997 aux navires utilisant ces types d'engin dans les ZEE norvégiennes et russes. A ce stade, le système à grille a été vite accepté, car les pêcheurs étaient déjà habitués à s'en servir.

Source: B. Isaksen, Institut norvégien de recherche halieutique, Bergen (Norvège).


MESURES RÉCENTES

L'Accord de 1995 aux fins de l'application des dispositions de la Convention des Nations Unies relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs vise à réduire au minimum la pollution, le gaspillage, les rejets, les captures par des engins perdus ou abandonnés, les captures d'espèces - poissons et autres - non visées. De tels objectifs sont réalisables notamment si l'on adopte des mesures prévoyant, si possible, la conception et l'utilisation d'engins et de techniques de pêche sélectifs, respectueux de l'environnement et rentables. Le Plan d'action de la Conférence internationale pour une contribution durable des pêches à la sécurité alimentaire organisée à Kyoto (Japon), en 1995, a confirmé ces obligations pour tous les types de pêche.

Le Code de conduite pour une pêche responsable précise que: «Les Etats devraient, avec la participation de groupes appropriés de l'industrie, encourager l'élaboration et l'application de technologies et de méthodes opérationnelles propres à réduire les rejets. Le recours à des engins et pratiques de pêche conduisant à rejeter les captures à la mer devrait être découragé, alors que l'utilisation de ceux propres à accroître les taux de survie des poissons échappés devrait être encouragée.» Dans le cas où des engins et pratiques de pêche sélectifs et respectueux de l'environnement existent et qu'ils sont appropriés, ces engins et pratiques devraient être reconnus et une priorité leur devrait être accordée lors de l'élaboration de mesures de conservation et d'aménagement concernant la pêche.

La Consultation technique sur la réduction du gaspillage dans les pêches22 qui a eu lieu au Japon en octobre 1996, a été l'occasion de débats approfondis entre spécialistes internationaux. Les participants ont conclu que la diminution des rejets avait été significative dans le monde au cours des 10 dernières années, à la suite d'une diminution de l'effort de pêche, des interdictions de pêcher sur certains lieux et, en certaines saisons, de l'emploi d'engins plus sélectifs, de l'utilisation des captures accessoires qui auparavant étaient rejetées, du respect des interdictions de rejets et des initiatives prises par les consommateurs. Ils ont formulé des recommandations concernant la collecte d'informations, l'estimation à long terme des rejets, les options d'aménagement des pêches, l'impact des pêches artisanales et de loisir, le choix des engins et l'utilisation des captures accessoires.

A la session de mars 1997 du Comité des pêches (COFI) de la FAO, plusieurs délégations ont rendu compte de programmes de réduction des captures accessoires qui avaient donné de bons résultats. Les documents23 présentés à l'Atelier international sur les captures accessoires (Solving By-Catch: Considerations for Today and Tomorrow), organisé par les Etats-Unis à Seattle en 1995, ont fourni de nombreux exemples de réductions des captures accessoires grâce à l'utilisation d'une plus grande variété d'engins et de pratiques de pêche. La question des captures accessoires et des rejets est traitée par des organismes régionaux des pêches qui recueillent des données, en particulier sur les captures accessoires, et dans le cadre des programmes de déploiement d'observateurs provenant des pays membres) sur les flottilles de thoniers hauturiers.

La Commission interaméricaine du thon tropical (CITT) continue à participer activement aux recherches sur les captures accessoires de dauphins. La Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA) s'intéresse elle de plus en plus aux captures accessoires de requins (voir encadré 14).



ENCADRÉ 14
Evolution des mesures internationales visant à réduire les captures accessoires
de requins dans les pêches aux thons et espèces apparentées dans l'Atlantique

A la neuvième réunion de la Conférence des Parties à la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES), qui a eu lieu à Fort Lauderdale (Etats-Unis) en novembre 1994, il a été proposé d'inscrire plusieurs espèces de requins sur la liste des espèces menacées figurant dans l'annexe à la Convention. La Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA) a pris acte, étant donné que le requin est une composante importante des captures accessoires de nombreuses pêches aux thons. Les requins sont également visés par certains thoniers qui utilisent des engins légèrement modifiés. Les Parties à la CITES n'ont pas approuvé la proposition, mais ont tout de même adopté une résolution sur le Statut du commerce international des espèces de requins.

A sa réunion de 1994, le Comité permanent de la recherche et des statistiques de la CICTA a décidé de conduire une étude pour déterminer les espèces de requins capturées en tant que captures accessoires dans la pêche aux thons. Les résultats de l'étude ont été communiqués à la réunion du Comité permanent en 1995. La même année, la CICTA a confirmé, après examen des clauses d'habilitation de sa Convention internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique, que la responsabilité de la collecte d'informations sur les captures de requins et autres espèces de poissons capturés accidentellement par la pêche aux thons et espèces apparentées lui incombait. Elle a également décidé de contribuer à toute évaluation des stocks de requins pélagiques, étant donné que la méthodologie est similaire à celle qui est utilisée pour les thons et que les scientifiques ont des compétences dans ce domaine.

Conformément à la résolution de la CITES, la CICTA a adopté à sa session de 1995 la Résolution sur la coopération avec la FAO concernant l'étude du statut des stocks et des captures accessoires d'espèces de requins. Cette résolution précise que la FAO doit être l'organisme international de coordination pour la diffusion des données sur les captures de requins et que tous les autres organismes régionaux doivent collaborer avec elle.

A la session de 1995, la CICTA a en outre décidé de:

- créer un Sous-Comité sur les captures accessoires pour orienter la recherche et l'analyse des données, ainsi qu'un Groupe de travail sur les requins, qui s'occupera des captures accidentelles et visées de requins;
- modifier sa base de données statistiques pour y inclure des informations sur les captures accessoires, et encourager des collectes de données plus globales;
- conduire des évaluations des stocks, notamment ceux de requins pélagiques (par exemple, requin à peau bleue, requin taupe bleu, renard de mer, requin soyeux).

La première réunion du Groupe de travail sur les requins créée par la CICTA a eu lieu à Miami (Etats-Unis) en février 1996. Le Groupe a finalisé une liste des différentes espèces de captures accessoires liées à la pêche aux thons et, après avoir étudié un résumé des données sur les captures de requins et leur commerce dans la base de données de la FAO, a élaboré un plan pour améliorer les systèmes de collecte de données. Il a également préparé un projet pour recueillir et introduire des données sur les captures accessoires de requins dans la base de statistiques de la CICTA ainsi qu'un nouveau format de notification. Les participants ont approuvé un formulaire de collecte de données pour la notification des captures accessoires de thons et recommandé qu'il soit diffusé par l'intermédiaire du Secrétariat de la CICTA aux quelque 80 pays pratiquant la pêche aux thons dans l'Atlantique, lesquels devront le renvoyer complété chaque année à la CICTA.

La deuxième réunion du Groupe de travail sur les requins a eu lieu à Shimizu (Japon) en mars 1997 en prélude à la dixième Conférence des Parties à la CITES. Le Groupe de travail s'est concentré sur la mise à jour de sa liste d'espèces de requins capturés par la pêche aux thons, et examiné des donnés supplémentaires fournies par la CICTA sur les captures et les captures par unité d'effort (CPUE) de requins dans l'Atlantique. Il a également examiné les réponses d'autres organismes internationaux à la demande de la CITES de collaborer à la collecte de données sur la recherche et le commerce des requins. Aussi, la CICTA a-t-elle été amenée à demander à la CITES de tenter d'améliorer la collaboration entre organismes régionaux et d'obtenir davantage de données des pays pêcheurs de thons.

A sa réunion de 1997, le Comité permanent sur la recherche et les statistiques de la CICTA a mis au point des équations mathématiques, ou facteurs de conversion, pour estimer le poids en fonction de la longueur des principales espèces de requins de l'Atlantique. Il faut de telles formules pour convertir les divers types de statistiques qui sont fournies avant de les introduire dans la base de données de la CICTA. Egalement en 1997, l'application de programmes nationaux d'observateurs pour les navires-palangriers, les senneurs et les bateaux porte-appâts sont devenus obligatoires pour les Parties contractantes de la CICTA. Comme on l'a indiqué en octobre 1997, des observateurs ont été déployés sur plusieurs thoniers de 11 Parties contractantes et non contractantes (Brésil, Canada, Espagne, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Mexique, Royaume-Uni, Taipei chinois et Venezuela).

Malgré certains progrès, il est toujours difficile de créer une base de données globale sur les requins. Aux problèmes de la collecte de données chronologiques sur les captures accessoires s'ajoute celui de l'identification des espèces par les pêcheurs, et de ce fait les données sur les captures sont souvent présentées sans être ventilées par espèces. Les ailerons de requins, qui sont l'objet d'un commerce international, créent des difficultés particulières. Parfois, les carcasses sont rejetées en mer et seuls les ailerons sont conservés; parfois, carcasses et ailerons sont débarqués et vendus sur des marchés différents, ce qui fait qu'il peut y avoir une «double comptabilité», par exemple lorsque le poids des ailerons et des carcasses sont convertis en poids global estimé. Le commerce des ailerons de requins est également complexe en raison de la pratique courante dans certains pays de réexporter ce qu'ils importent.

Source: P. Miyake, Secrétariat de la CICTA, Madrid (Espagne).

PERSPECTIVE MONDIALE

La solution au problème des captures accessoires et des rejets devra tenir compte de divers éléments. Le public en général continuera d'être mécontent, en particulier lorsque le problème est largement médiatisé et concerne des espèces de grande valeur «esthétique». L'utilisation à grande échelle de filets maillants dérivants, que ce soit en haute mer ou ailleurs, restera sans doute une source de protestations. En matière de gouvernance des pêches, la difficulté sera de parvenir à des résultats équilibrés qui tiennent compte à la fois des valeurs des communautés et évitent des pertes inutiles de revenus à l'ensemble du secteur. Il faudra pour cela que le public soit correctement informé et que les responsables des pêches, y compris les participants, poursuivent de façon crédible leurs efforts pour réduire les captures accessoires et les rejets.

Dans les pays très peuplés, en particulier en Asie, où les pêches se caractérisent par l'utilisation de nombreux engins et le mélange des espèces dans les captures, la quasi-totalité du poisson capturé est soit consommée, soit utilisée comme aliments dans l'aquaculture. Le gaspillage éventuel n'est pas tant dû au rejet, mais au fait que certaines espèces - peut-être même plusieurs - rapportent davantage lorsqu'elles sont capturées d'une taille plus grande. En pareil cas, la meilleure solution consistera probablement à interdire la pêche pendant certaines périodes et sur certains lieux et à encourager l'utilisation d'engins plus sélectifs. Dans ces pays néanmoins, l'aménagement est par nature difficile du fait que la pêche est souvent l'employeur du dernier ressort. Améliorer le bien-être des pêcheurs d'une communauté serait peu profitable vu que les emplois seront pourvus par des pêcheurs venant de communautés voisines.

1 Adopté par la Conférence de la FAO, à sa vingt-huitième session, en octobre 1995, le Code de conduite pour une pêche responsable figure, tout au long de cette publication, sous l'appellation «le Code».
2 Etats-Unis, Japon, Norvège, Fédération de Russie et Union européenne.
3 Chili, Colombie, Equateur et Pérou.
4 Gouvernement des Etats-Unis. 1997. Plan d'application du Code de conduite pour une pêche responsable. Département du commerce des Etats-Unis, Administration nationale des océans et de l'atmosphère (NOAA) et Service national des pêches marines. 20 p.
5 Anon. 1997. Alliance mondiale pour l'aquaculture créée pour orienter le secteur vers un environnement durable. World Aquaculture, septembre 1997, p. 48.
6 D.J. Donovan. 1997. Environmental Code of Practice for Australian Prawn Farmers. Juillet 1997. 32 p.
7 O. Pawaputanon. 1997. Manual for harmonization of good shrimp farm practice. Projet du réseau des pêches de l'ANASE.
8 Anon. The Holmenkollen Guidelines for Sustainable Aquaculture. In Proceedings of the Second International Symposium on Sustainable Aquaculture, Oslo, 2-5 novembre 1997. Norwegian Academy of Technological Sciences, Trondheim, Norvège.
9 Voir FAO. 1997. Risk management and food safety. Rapport de la Consultation mixte d'experts FAO/OMS, Rome, 27-31 janvier 1997. Etude FAO: Alimentation et nutrition no 65. Rome; et FAO. 1998. Animal feeding and food safety. Rapport d'une Consultation d'experts de la FAO, Rome, 10-14 mars 1997. Etude FAO: Alimentation et nutrition no 69. Rome.
10 SEAFDEC/FAO/CIDA. Rapport et débats de la Réunion d'experts SEAFDEC/FAO/CIDA sur l'utilisation des produits chimiques dans l'aquaculture en Asie, 20-22 mai 1996, Centre de développement des pêches de l'Asie du Sud-Est, Iloilo, Philippines. (en préparation)
11 FAO. 1997. Vers une utilisation sûre et efficace des produits chimiques dans l'aquaculture côtière. Rapports et études du GESAMP no 65. Rome. 40p.
12 FAO/RCAAP/OMS. Food safety issues associated with products from aquaculture. Rapport d'un Groupe d'étude mixte FAO/RCAAP/OMS, Bangkok, Thaïlande, 22-26 juillet 1997. WHO Technical Report Series No. 883. OMS, Genève. (sous presse)
13 Directive 91/493/EEC modifiée par la directive 95/71/EC.
14 Directive 91/67/EEC modifiée par les directives 93/54/EEC et 95/22/EEC.
15 WRI. 1996. Ressources mondiales 1996-1997. WRI/PNUE/PNUD/Banque mondiale. Oxford University Press. Oxford, Royaume-Uni. 365 p.
16 International Workshop on Integrated Coastal Management in Tropical Developing Countries: Lessons learned from Successes and Failures. 1996. Enhancing the success of integrated coastal management: Good practices in the formulation, design, and implementation of integrated coastal management initiatives. MPP-EAS Technical Report No.2. Quezon City, Philippines. GEF/UNDP/IMO Regional Programme for the Prevention and Management of Marine Pollution in the East Asian Seas, and the Coastal Management Center.
17 J. Sorensen. 1997. National and international efforts at integrated coastal management: definitions, achievements and lessons. Coastal Management, (25): 3-41.
18 B. Cisin-Sain, R.W. Knecht et G.W. Fisk. 1995. Growth in capacity for integrated coastal management since UNCED: an international perpsective. Ocean and Coastal Management, 29(1-3):93-123.
19 Accord aux fins de l'application des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relative à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs.
20 Voir FAO Fisheries Department Report of the Technical Working Group on the Management of Fishing Capacity, La Jolla, Californie, Etats-Unis, 15-18 avril 1998.
21 FAO. 1994. A global assessment of fisheries by-catch and discards. FAO, Document technique sur les pêches no 339. Rome.
22 I.J.Clucas et D.G. James (éds). 1997. Documents présentés à la Technical Consultation on Reduction of wastage in Fisheries. Tokyo, 28 octobre-1er novembre 1996. FAO, Rapport sur les pêches no 547, Suppl. Rome, FAO. 338 p.
23 Solving By-Catch: Considerations for Today and Tomorrow. Alaska Sea Grant College, Program Report No. 96-03, University of Alaska, Fairbanks.

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