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Module V : Genre, population, systèmes d'exploitation agricole et régime foncier : principales questions d'intervention


Module V : Genre, population, systèmes d'exploitation agricole et régime foncier : principales questions d'intervention

Question fondamentales pour l'action

Opposition entre approches verticales et approches holistiques en matière de genre, de population et de développement agro-rural

Comme l'ont montré les quatre modules précédents, les questions relatives au genre, à la population et au développement rural et agricole sont communément abordées selon une optique verticale et souvent indépendamment les unes des autres. Cette situation conduit, soit à ignorer complètement les liens entre ces différents éléments, soit 3 procéder par généralisations excessives et à établir des relations déterministes entre les variables concernées (voir Module II).

L'exemple des Philippines illustre quelques-unes des conséquences à long terme d'une croissance démographique relativement élevée. La population de ce pays est de plus en plus dense non seulement dans les basses vallées fertiles, mais aussi sur les plateaux plus fragiles. Malgré sa croissance modérément rapide, l'économie n'a pas réussi à créer suffisamment de nouveaux emplois pour réduire la masse des ménages ruraux appauvris qui alimente les flux migratoires vers les plateaux. La plupart des ménages ruraux les plus pauvres n'ont pas accès aux services de planification familiale existants, dans lesquels le gouvernement ne s'est jamais fermement impliqué. Pourtant, la politique de population n'est qu'un des déterminants des effets écologiques négatifs de la croissance démographique. Les politiques économiques, qui n'ont pas su réduire le poids de la pauvreté, et les politiques foncières, qui n'ont accordé de droits sur la terre qu'à une minorité de gros exploitants forestiers sur des aires forestières relevant du domaine public et sous la forme de baux à court terme, sont des facteurs au moins aussi importants.

Source: World Resources Institute, Population Growth, Poverty, and Environmental Stress: Frontier Migration in the Philippines and Costa Rica, octobre 1992, p. 12

Prétendre, par exemple, que la croissance de la population est la cause principale de la pauvreté et de la dégradation de l'environnement revient à occulter le rôle de variables telles que les inégalités sociales de genre et dans l'accès 3 la terre, les relations de pouvoir, etc. Dans leurs efforts pour assurer la survie de leur famille et en l'absence de sources alternatives d'emploi ou d'accès au capital, les paysannes sont souvent conduites à surexploiter les ressources du sol. Leur situation s'explique en grande partie par l'inégalité entre genres et parce que les régimes fonciers privilégient les hommes dans l'accès à la terre.

«Les politiques foncières sont des politiques de population lorsqu'elles permettent une utilisation incontrôlée dans /es zones frontières, favorisant ainsi la migration sur une large échelle», comme l'indique une récente étude du World Resources Institute sur la croissance démographique, la pauvreté et l'épuisement des ressources naturelles. «Les politiques économiques qui réduisent les salaires réels et l'emploi ont également des conséquences démographiques. De façon similaire, l'absence d'une réelle volonté de l'Etat de contrôler l'augmentation rapide de la population devrait être perçu comme une politique lourde de conséquences à long terme »1.

Il ne suffit cependant pas de reconnaître les relations entre population, genre et développement agricole et rural. L'étude de cas sur la Thaïlande montrera plus loin que la simple production d'informations ou de données démographiques, telle qu'elle généralement réalisée, est insuffisante pour permettre réellement l'intégration des variables démographiques dans les politiques et programmes agricoles. Ces données doivent être utilisées comme un outil d'analyse pour développer notre connaissance des relations entre la population, le genre et le développement rural à long terme, et pour harmoniser les politiques démographiques et agricoles.

Une approche holistique regroupant genre, population et développement rural doit par définition intégrer la dimension du genre de façon à répondre aux besoins, aux intérêts et aux contraintes des femmes autant que des hommes (voir Module 1). Le Programme de contrôle de l'onchocercose, analysé dans le Module IV, montre que la migration transforme en profondeur la relation entre la terre et les populations relocalisées, dans la mesure où ceux qui s'installent dans de nouvelles zones de peuplement ne sont pas propriétaires des terres qu'ils cultivent. Dans ces circonstances, la dépendance socio-culturelle et économique des femmes envers leur mari, qui venait de ce que les hommes leur avaient confié autrefois une partie des terres dont ils étaient propriétaires, perd sa raison d'être. Le Module IV indique que si l'on tire délibérément profit du changement des relations entre les migrants et la terre et de ses implications, les femmes pourraient plus facilement se procurer des terres et les contrôler.

Etude de cas: la planification de la population et de la gestion des réserves forestières en Thaïlande, INT/90/P402

Le projet INT/90/P40, financé par le FNUAP et pour lequel l'Unité de foresterie communautaire de la FAO a été désignée comme agence exécutrice, examine avec soin la pertinence et la signification des problèmes de population dans la planification des projets de communautés forestières. Il a identifié des liaisons stratégiques entre ces deux facteurs, ainsi que les problèmes d'intervention publique, les besoins et les opportunités en matière de formation dans le domaine de la foresterie. Un bref résumé de ses résultats permet d'illustrer comment des exercices similaires pratiqués dans les secteurs du genre, de la population, des régimes fonciers et des systèmes d'exploitation agricole peuvent aider les politiques et les projets à intégrer d'autres secteurs.

Bien que la pression démographique et le déboisement soient très marqués en Thaïlande, la littérature existante se concentre sur le déboisement, les réserves forestières et leur organisation, les conflits entre communautés, agents forestiers et bailleurs de fonds, et sur la manière dont ces conflits se résolvent ou devraient se résoudre. Rares sont en revanche les études qui s'intéressent aux variables démographiques significatives, telles que répartition géographique, structure de la population (par sexe et âge par exemple), reproduction, densité rurale-urbaine, flux migratoires, taux de croissance, structure par âge, taux de dépendance et autres caractéristiques socio-économiques, ainsi qu'à leurs implications sur l'utilisation de la terre, la foresterie et le déboisement.

Les recherches actuelles en matière de forêts et d'environnement ne considèrent la population qu'en termes de volume, de croissance et de densité. Et non seulement les opinions divergent sur le contenu de la relation causale entre ces caractéristiques démographiques simples et le déboisement, mais la controverse conduit à limiter l'intégration des variables démographiques dans les politiques, plants et programmes forestiers1.

1 Pour une discussion de la fonction économétrique présentée par Panayotou et Sungsuwan pour définir le couvert forestier et le déboisement, voir "Population Issues Relevant to Community Forestry Planning: Thailand", INT/90/P40, p. 16.

Le manque d'intérêt pour les données démographiques de base occulte encore davantage le lien causal entre la population et l'environnement dans la Thaïlande d'aujourd'hui. Certes, certaines informations ont été recueillies, sur la structure par âge, la taille de la population, les migrations, la répartition selon le revenu et l'occupation, et l'organisation communautaire, mais uniquement avec l'objectif de dresser une typologie des communautés et des zones à étudier, et non un but analytique, pour comprendre les relations existant, surtout dans le long terme, entre la population, le déboisement et la dégradation de l'environnement.

Les responsables de la planification forestière et de l'environnement ne devraient pas considérer ces variables simplement comme des éléments d'information sur les profils sociaux et démographiques, bien que tel ait été le cas en Thaïlande jusqu'ici. En fait, cette façon de faire explique largement pourquoi les programmes de formation en foresterie, tout comme l'élaboration des politiques et la planification, ne font aucune place aux variables démographiques. Les planificateurs devraient plutôt s'attacher à identifier la nature des relations (tant directes qu'indirectes) entre ces variables et l'utilisation des sols et des forêts, et déterminer dans quelle mesure, jusqu'à quel point dans le temps, et de quelle manière les caractéristiques de la population peuvent être tenues pour responsables de la dégradation écologique. En réalité, ce dont les études de population et de foresterie ont le plus besoin, c'est d'une approche dynamique basée sur des séries chronologiques, qui permettrait de comprendre l'interaction effective entre les variables de population et la foresterie communautaire, et qui intégrerait par là les caractéristiques démographiques dans la planification de l'exploitation des forêts. Cette façon d'aborder le problème n'existe pas actuellement; les évaluations courantes ont une portée limitée du fait qu'elles sont formulées à partir d'une prise de vue instantanée plutôt que du processus d'ensemble qui a produit la situation observée.

Ainsi, l'évolution des variables démographiques (croissance, volume, structure par âge et sexe) devrait être étudiée à l'échelle des communautés villageoises et des ménages en relation avec l'utilisation des sols et la déforestation pour déterminer si l'accroissement de la pression démographique a une influence nouvelle sur la stabilité de l'environnement. En outre, l'hypothèse selon laquelle la croissance de la population est l'un des déterminants principaux de l'épuisement des ressources naturelles est fréquemment mise en avant, si bien que ces programmes de développement, initialement destinés à soulager la pauvreté en milieu rural, sont perçus comme des outils pour limiter l'augmentation de population. En fait, en Thaïlande, la taux de croissance démographique est en net recul depuis plusieurs années grâce à un programme national efficace de planification familiale. La vraie question qui surgit maintenant vient de ce que le nombre de naissances augmente chaque année (et dépasse le demi million) et continue de poser un problème aux responsables de la planification du développement économique et social, surtout sous l'angle de la préservation de l'environnement et des ressources naturelles.

Le processus de constitution de la famille est une autre variable démographique qui mérite l'attention. Ses indicateurs les plus significatifs sont l'âge à la deuxième, naissance, la planification familiale et les systèmes d'héritage, qu'il convient d'étudier en relation avec le régime foncier, le morcellement des terres, la migration, ainsi que l'utilisation des sols et des forêts. Par exemple, alors que les familles nombreuses ont pu être la norme dans le passé et contribuer ainsi à la pression démographique sur l'environnement, le ménage se caractérise aujourd'hui par une structure plus nucléaire. La pression de la population pourra s'en trouver allégée, surtout dans une situation où les familles voient quelques-uns ou la plupart de leurs membres quitter progressivement le village.

Les migrations doivent être analysées en relation avec le régime foncier, l'utilisation et la dégradation des forêts, dans une perspective surtout diachronique et en tenant compte des rapports entre hommes et femmes et de l'éventail des occupations possibles. La migration peut produire des effets tant positifs que négatifs sur la préservation des réserves forestières, de sorte qu'il est crucial d'en bien comprendre chacune des dimensions.

Les rôles respectifs des hommes et des femmes doivent également être étudiés pour comprendre:

C'est ainsi, par exemple, que dans les réserves forestières du nord de la Thaïlande, le modèle traditionnel correspondait à une séparation rigoureuse du travail selon le sexe. Les femmes avaient la responsabilité de prendre soin des enfants, de se procurer et de préparer la nourriture, de collecter l'eau et de ramasser le bois de chauffage, de récolter les produits de la forêt destinés à la vente. Il incombait aux hommes de parcourir les forêts à la recherche de plantes et de gibier pour la consommation du ménage, de défricher, labourer et herser les rizières, de faire paître le bétail, d'abattre les arbres et de construire les maisons, de tresser les paniers et, enfin, de vendre au marché les produits de la forêt. Aujourd'hui cependant, ce modèle traditionnel relativement rigide s'est effrité. L'avènement de l'économie de marché a assoupli les attributions de chaque sexe pour répondre à la demande croissante en main d'oeuvre. Les rôles masculins et féminins se sont diversifiés pour couvrir l'ensemble des tâches à accomplir. Hommes et femmes se partagent maintenant plus équitablement les travaux des champs, et les hommes participent à l'éducation des enfants.

Enfin, l'ethnicité comme déterminant des rôles et de la division sexuelle du travail est une autre variable démographique importante qui doit être étudiée en relation avec l'utilisation et à la préservation des sols. La situation des Karen et des Lawa, les principaux groupes ethniques des hauts plateaux de Thaïlande, est caractéristique à cet égard. Les deux communautés ont la réputation de protéger leur environnement. Les femmes creusent des galeries destinées à prévenir les incendies en défrichant de nouvelle terres et veillent au renouvellement des ressources en eau de leur communauté. Elles participent aussi aux projets de sylviculture, qui prennent de l'expansion dans ces tribus des plateaux. Au niveau des ménages, elles cultivent légumes, épices et herbes dans les rizières pour la consommation domestique. Bien que ces femmes ne se soient pas regroupées en associations de manière à institutionnaliser la protection de la forêt pour préserver leur environnement, ce sont elles qui utilisent et profitent directement des ressources naturelles.

Ainsi, les variables démographiques traditionnellement associées à l'environnement (répartition géographique, densités rurale et urbaine, taux de croissance) ne sont pas les seuls facteurs pertinents ou déterminants à considérer dans l'évaluation de déboisement et de la pression sur les ressources forestières. Il importe en effet de prendre aussi en compte d'autres facteurs (tels que l'ethnicité et la formation de la famille déjà mentionnées) qui doivent être intégrés dans les programmes de formation destinés aux agents forestiers de manière à promouvoir une meilleure planification de l'utilisation des sols ainsi qu'une gestion et un emploi plus viable des ressources tirées de la forêt.

En guise de conclusion, quelques questions liées à la population ont certes fait l'objet d'explorations dans des projets de recherche en foresterie, mais elles ont servi principalement à tracer des profils descriptifs des communautés pour cerner le contexte démographique. Elles n'ont pas été utilisées comme instruments d'analyse pour la planification en foresterie communautaire.

Le projet INT/90/P403 recommande donc que les futurs programmes de formation renforcent l'expertise des forestiers et des démographes qui pourront ainsi aider les responsables locaux à développer leurs propres plans de gestion des sols en y intégrant les composantes démographiques suivantes4:

1. Structure de la population

Principaux objectifs et initiatives: fournir une information de portée analytique sur la taille de la population et sa répartition par sexe et âge, en relation avec l'utilisation de la terre et de la forêt. Les éléments de structure par sexe et âge forment le noyau de tous les processus démographiques en matière de fécondité, de mortalité, de migration, etc.; ils sont de ce fait en relation directe avec les taux de croissance naturelle et avec l'augmentation ou la diminution des effectifs d'une communauté ou de tout autre groupe social d'importance. La structure par âge et sexe détermine aussi la répartition de la force de travail entre hommes et femmes et le rapport de dépendance, qui est important pour comprendre les modes d'implication passés, présents et futurs des populations, ainsi que leurs compositions et caractéristiques.

2. Fécondité, mortalité, migrations

Principaux objectifs et initiatives: fournir une information de portée analytique sur les naissance et les intervalles intergénésiques, la taille des famille, de la planification familiale, l'utilisation des méthodes de contraception, la capacité de choisir le nombre et le calendrier des grossesses. Fournir le même type d'information sur la mortalité, à savoir, notamment, sur ses différentiels et déterminants. Renforcer chez les forestiers et autres administrateurs, décideurs etc. la compréhension des interrelations entre les mouvement de population et l'utilisation de la terre et de la forêt.

3. Structure familiale, modèles de formation et de succession

Principaux objectifs et initiatives: Examiner le relation entre structure familiale (en termes de types, statuts et rôles, division du travail, formation de la famille, cycles de développement familial et modèles de succession) et utilisation de la terre et de la forêt. La famille a une structure dynamique qui est modelée, de la mortalité et des migrations. Associées aux règles de succession, ces variables ont eu un impact considérable sur la façon d'exploiter la terre, sur son morcellement et sur l'utilisation des réserves forestières.

L'étude de cas du projet INT/90/P40 pourquoi les questions de «population» sont pertinentes pour la planification de la foresterie communautaire. Des exercices similaires reliant population, genre et systèmes d'exploitation agricole, ou encore population, genre et régimes fonciers pourraient aider à documenter et justifier par des preuves empiriques solides quelques-unes des questions soulevées dans les Modules II, III et IV. Une recherche-action portant sur ces relations et présentant des recommandations concrètes applicables aux programmes faciliteraient l'intégration de cette approche holistique dans le budget et les activités régulières des programmes de la FAO, et dans les plans et les programmes de développement de ses Etats-membres.

Préjuges et stéréotypes liés au genre

Les Modules I à IV ont montré que les préjugés et stéréotypes sexistes constituent d'importantes pierres d'achoppement pour des politiques plus équitables et holistique. Ces préjugés et stéréotypes liés au genre imprègnent la terminologie du développement et sont à la source d'affirmations largement répandue, telles que :

Ces stéréotypes sexistes s'expliquent en partie par le manque de données et de preuves empiriques sur l'existences de différences dans les rôles, les contributions et les contraintes des hommes et des femmes sur les exploitations rurales. C'est pourquoi tout travail ultérieur portant sur les liens entre genre, population, systèmes d'organisation agricole et régimes fonciers devrait intégrer la collecte et l'analyse de données ventilées par genre, qui fourniraient aux décideurs les éléments factuels permettant de balayer ces stéréotypes et de corriger ces préjugés sexistes.

Population, genre et problèmes fonciers

Le Module II, consacré aux relations entre genre, fécondité/mortalité et régime foncier, a montré comment des différences dans la situation démographique des ménages exigeaient des ajustements spécifiques en matière de terre et de régime foncier, et comment, de façon similaire, certains aménagements conviennent mieux à certains types de situations démographiques qu'à d'autres. Tout en privilégiant la spécificité de chaque contexte, ce module a proposé une approche plus holistique des relations entre fécondité/mortalité et mode d'occupation de la terre. il a montré comment la capacité d'un ménage à trouver une solution appropriée au problème de la terre et de son occupation dépendait de trois conditions: l'accès à la terre, la sécurité de son occupation et la viabilité de son exploitation. Il a examiné les contraintes que subissent les hommes et les femmes confrontés à ces trois conditions et l'impact qu'elles sont susceptibles d'exercer sur les caractéristiques et les stratégies démographiques des ménages. Ce module a soulevé la question du besoin ressenti de bâtir des lignes directrices générales pour aider les décideurs à choisir les aménagements fonciers les mieux adaptés aux différents types de ménage. Il a également souligné la nécessité de remettre en cause la tendance traditionnelle bien masculine à privilégier la propriété de la terre, dans la mesure où la sécurité d'occupation du sol est apparue comme une question de loin plus importante pour les femmes (et les hommes) que sa propriété.

Le Module IV, qui traitait des relations entre genre, migration, systèmes d'exploitation agricole et régime foncier, a présenté le Programme de contrôle de l'onchocercose comme étude de cas pour illustrer les relations entre exode rural, genre et implantations de populations. Cette étude de cas a montré la manière dont une composante démographique - l'exode rural - peut jouer un rôle crucial dans la réussite et la viabilité d'un programme de nature non démographique. Il a également indiqué comment la dimension genre de cette variable démographique (la migration entre zones rurales et urbaines) pouvait améliorer la situation foncière.

Population, genre et problèmes liés aux systèmes d'exploitation agricole

Le Module III a montré comment l'augmentation de la pression démographique sur des terres progressivement dégradées, l'émigration des hommes et les changements socio-économiques transforment le modèle traditionnel des droits et obligations domestiques et jusqu'au rôle des femmes dans l'agriculture. Le temps et l'énergie consacrés par les femmes à l'exploitation familiale et à la cellule domestique pour des tâches productives et reproductives s'accroissent parallèlement. Dans ce contexte, les familles nombreuses restent un atout majeur et un moyen pour les femmes de la campagne de garantir leur sécurité sociale et économique dans l'immédiat et à long terme. Dans les régions en voie de développement, ceci se reflète dans la forte valorisation du travail des enfants, dans l'absence de techniques à faible intensité de travail tant sur l'exploitation que dans les ménages et dans l'absence d'organismes publiques de sécurité sociale et de soutien pendant la vieillesse.

Le module III a également souligné la nécessité de se préoccuper des points déterminants que sont: les relations entre hommes et femmes, au sein des ménages et entre ménages; la nature des ressources accessibles à chacun selon ses caractéristiques, démographiques notamment +; les contraintes qui pèsent sur les activités des différents membres du ménages dans le cadre des systèmes d'exploitation agricole complexes qui sont les leurs. D'où le besoin en données et en méthodologies prenant en compte la dimension de genre dans les recherches portant sur ces systèmes, sans négliger celles articulant agriculture et population. Ces mêmes recherches, tout comme l'élaboration et la mise en oeuvre de nouvelles technologies, doivent aussi aborder le phénomène de la fréquence croissante des ménages dirigés par des femmes (du fait de la migration de leur mari ou de la polygamie).

De même, certains faits indiquent que l'allaitement intermittent et le sevrage précoce sont associés à la surcharge de travail des femmes pour la production vivrière (tout comme les changements dans les modes d'occupation des terres et dans les techniques agricoles peuvent modifier profondément le travail des femmes sur l'exploitation familiale et leur capacité à allaiter) 5. Des recherches additionnelles s'imposent pour mieux comprendre d'abord comment et jusqu'à quel point la pression des heures supplémentaires de travail à certaines époques du cycle agricole peut amener les femmes à écourter la période d'allaitement, avec les conséquences démographiques qui en découlent et, également, quels effets différents types d'innovations agricoles sont susceptibles d'avoir sur cet allaitement. Le module III souligne en outre le besoin de mesurer et de documenter les contributions économiques des enfants, garçons et filles séparément, pour ensuite les intégrer dans les programmes et les projets. Enfin, l'impact de la mortalité par SIDA sur les systèmes d'exploitation agricole et sur les moyens de subsistance en milieu rural a fait l'objet d'un examen des rapports entre hommes et femmes qui a montré la nécessité pour les programmes tant démographiques qu'agricoles de concevoir des solutions qui tiennent compte des relations entre le genre, la sécurité alimentaire et le VIH/SIDA.

Recommandations

Favoriser les recherches de terrain sur les relations entre genre, population et développement agro-rural

Des enquêtes de terrain similaires à celle du projet INT/90/P40: Problèmes de population concernant la planification en foresterie communautaire, et portant sur le genre, la population et les rapports entre systèmes d'exploitation agricole et occupation de la terre, pourraient aider à l'élucidation de problèmes-clés en fournissant des données empiriques. Elles permettraient de:

Fusionner les recensements agricoles et les enquêtes démographiques

La fusion entre recensements agricoles et enquêtes démographiques représenterait un pas important en direction d'une mise en application pratique de l'approche holistique. Pour le moment, les Enquêtes démographiques et de santé se déroulent indépendamment des recensements agricoles. L'exécution commune de ces recensements et enquêtes pourrait être d'abord réalisée et testée sur une base expérimentale. De la sorte, les deux types de collecte gagneraient en efficacité tout en facilitant l'articulation des liens entre population, genre et agriculture.

Régionaliser les modules existants sur le genre, la population, les systèmes d'exploitation agricole et les modes d'occupation de la terre

Du fait des contraintes de temps et de place, les modules I à IV ont une portée globale. En conséquence, les problèmes évoqués ont été inévitablement simplifiés malgré la variété reconnue des systèmes agricoles et des régimes fonciers, des situations démographiques et des priorités dans les différentes régions. L'étape suivante dans l'identification des relations entre ces variables de manière pertinente pour la mise en oeuvre d'interventions publiques consiste dès lors à les adapter spécifiquement à chaque région et à trouver les moyens de les intégrer aux politiques et programmes régionaux et nationaux de population et

d'agriculture.

Organiser une réunion consultative d'experts sur les questions de genre, de population, de régimes fonciers et de systèmes d'exploitation agricole

Une réunion de spécialistes sur les questions de population, de systèmes d'exploitation agricole, de régimes fonciers et de rapports hommes-femmes pourrait permettre de:

Notes et références

1. M.C. Cruz, C.A. Meyer, R. Repetto et R. Woodward, Population Growth, Poverty, and Environmental Stress: Frontier Migration in the Philippines and Costa Rica, World Resources Institute, octobre 1992, p. 12.

2. L'étude de cas se base sur le document suivant: Draft Population Issues Relevant to Community Forestry Planning: Country Profile Thailand, par Bencha Yoddumnern-Attig, George A. Attig, Tirapong Suntipop et Kriangsak Rojkureestein, 1995.

3. Ibidem

4. On trouvera une liste complète des recommandations dans le document cité en note 2, pp. 19-26.

5. Christine Oppong, Relationships between Women's Work and Demographic Behaviour, 1991 et Ingrid Palmer, Gender and Population in the Adjustment of African Economies: Planning for Change, 1991, citées dans C. Oppong, "Introduction", dans C. Oppong et Aderanti Adepoju (Eds.), Gender, Work and Population un Sub-Saharan Africa, B.I.T., Londres, 1994, p. 14.

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