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Production et utilisation du maïs en Guinée

Sékouna CAMARA
Institut de recherche agronomique de Guinée, Kindia, République de Guinée

Résumé. Le maïs est l'une des principales céréales cultivées en Guinée. il occupe le 3e rang après le riz et le fonio en termes de superficies cultivées. La production du maïs est insuffisante tandis que les besoins de consommation vont sans cesse croissant. La moyenne Guinée représente la plus grande zone maïsicole du pays. Les systèmes de culture les plus courants sont les associations culturales et les cultures pures de maïs autour des cases. Les variétés locales et améliorées de maïs y sont cultivées. Des contraintes édapho-climatiques, biotiques, techniques et socio-économiques limitent le rendement du maïs. D'importantes actions de recherche et de développement sont engagées pour trouver des solutions à ces contraintes. Le maïs en Guinée est utilisé sous plusieurs formes. Vert, il est consommé grillé ou bouilli. Le grain de maïs transformé en farine donne plusieurs recettes: tô, latyri, bouillie. L'importance de ces produits est variable d'une zone à l'autre. Le maïs jaune corné ou denté est le plus demandé par les consommateurs.

Mots clés: Maïs, Zea mays, production, systèmes de culture, contraintes, Guinée.

Abstract. Maize is one of the most important cereal crops cultivated in Guinea. In area cultivated it ranks third after rice and fonio. While production is going down, consumer needs are increasing. Mid-Guinea is the largest producer in the country. Intercropping and plantanion around the huts are the main systems used. Both local and improved varieties are cultivated. Yields are limited by the climatic and soil conditions, the biotic factors (insects and diseases), and the technical and socio-economical conditions. Research programs and development activities are trying to find solutions to these constraints. Maize is used in several forms: fresh maize is grilled or steamed and grain maize is transformed into flour, giving tô, latyri and pap. The importance of these foods varies according to zones. Yellow flint and dent maize are the most used by the consumers

Le maïs (Zea mays L.), introduit pour la première fois dans la baie de Guinée vers 1550 (GAY, 1984), constitue l'une des principales cultures céréalières du pays. En termes de superficies cultivées, le maïs occupe le troisième rang après le riz et le fonio. La production du maïs en Guinée est insuffisante. La demande reste encore importante malgré les progrès enregistrés dans la culture et les potentialités de production du pays. Bien que les données fiables de production soient insuffisantes, la tendance actuelle est à l'augmentation des surfaces en maïs. Les utilisations variées qu'on peut en faire (mets traditionnels, alimentation de la volaille) et la capacité de donner de hauts rendements font qu'aujourd'hui, les agriculteurs et les éleveurs guinéens s'y intéressent de plus en plus. Le but de cette communication est de donner un aperçu de la production, de l'utilisation du maïs et des efforts de la recherche visant à rentabiliser cette culture en Guinée.

La production du maïs

Données statistiques

Les superficies emblavées en maïs sont passées de 62 000 ha en 1975 à 134 000 ha en 1981. La production totale du maïs pour la même période est passée de 71 400 t à 160 800 t/ha (ANONYME, 1986).

Le tableau I fait état de données statistiques sur les principales cultures du pays. Les données consignées dans ce tableau sont assez anciennes et ne reflètent plus la réalité sur le terrain. Les superficies cultivées et la production du maïs ont sans doute évolué ces dernières années, grâce notamment à l'adoption progressive de variétés améliorées ainsi que de leurs techniques de culture par de nombreux agriculteurs.

Faute de données statistiques disponibles, il n'est pas possible de donner des informations sur l'évolution de la production du maïs en Guinée au cours des dix dernières années. Les rendements obtenus sont variables suivant que le maïs est associé aux légumineuses ou au riz (600 à 800 kg/ha) ou en culture pure intensifiée (1 500 à 2 000 kg/ha).

Tableau I. Superficies et production des principales cultures.

Cultures Recensement 1975 Recensement 1981
Surface (1 000 ha) Production(1 000 t) Surface(1 000 ha) Production(1 000 t)
Riz paddy 494,2 397,8 559,9 446,1
Fonio 154,6 77,3 374,9 187,4
Maïs 62,1 71,4 139,9 160,8
Mil,sorgho 8,4 6,7 9,4 7,5
Arachide 127,8 83,1 144,8 94,0
Manioc 92,0 459,8 103,8 519,0
Banane 22,2 99,9 24,9 112,0
Igname,        
Patate douce 21,4 155,1 24,0 173,4
Fruits 37,0 480,2 36,9 -
Ananas 14,9 36,5 14,7 36,4
Café 45,2 14,7 45,2 14,6
Total 1079,8 1478,4    

Les zones et les systèmes de culture

La moyenne Guinée représente la plus grande zone maïsicole de la Guinée, avec 48 % des emblavements en maïs (tableau II). Les zones de savane sud et nord guinéenne ont connu au cours de ces dernières années une augmentation de superficie du maïs.

Les différents systèmes de culture du maïs

Les cultures de tapades bénéficient de l'épandage régulier des ordures ménagères et d'engrais organiques. Ce système de culture est surtout répandu en moyenne Guinée avec l'utilisation des variétés précoces de maïs. Le maïs est produit en culture pure ou en association avec le taro.

Les cultures de plein champ sont pratiquées dans la zone côtière et la zone soudano-guinéenne. Pour ce type de culture, c'est l'intensification qui est souvent pratiquée. En haute Guinée (zone cotonnière), le maïs succède au coton, bénéficiant de l'arrière effet de la fertilisation de ce dernier. Cette pratique culturale est initiée et pilotée par la CFDT (Compagnie française pour le développement textile) qui intervient sur le terrain.

Les cultures de bas-fond sont beaucoup pratiquées en basse Guinée pendant la saison sèche, où les paysans profitent de l'humidité résiduelle du sol et des microaménagements.

Les cultures associées se rencontrent partout. Les variétés traditionnelles de maïs (maturité tardive) sont associées au riz pluvial dans la zone côtière. D'autres associations sont couramment utilisées, notamment maïs-arachide, maïs-niébé, maïs-sorgho.

Les cultures irriguées, moins répandues, sont pratiquées dans les grandes exploitations qui disposent du matériel approprié pour l'irrigation.

Les cycles végétatifs sont très variables. Le maïs à grains jaunes, cornés et dentés est le plus répandu et répond au goût des paysans.

Tableau II. Superficies en maïs par région naturelle.

Région naturelle Superficies (1 000 ha) Pourcentage de la superficie totale
Basse Guinée 26 18,4
Moyenne Guinée 68 48,2
Haute Guinée 29 20,6
Guinée forestière 18 12,8

Les variétés cultivées

• Perta: variété synthétique, cultivée presque dans tout le pays. Elle est de maturité précoce (90 jours), grain jaune corné avec un potentiel de rendement de 3 500 kg/ha.

• Kilissi 113: variété à grain jaune corné avec un cycle de 95 jours; son potentiel de rendement est de 5 000 kg/ha; elle est cultivée en basse et moyenne Guinée.

• Kilissi il 5: variété à grain blanc, de cycle intermédiaire (105 jours), cultivée en moyenne Guinée où le maïs blanc est souvent utilisé dans la préparation de mets de fête. Son rendement potentiel est de 5 000 kg/ha.

• Diansangué: population locale à maturité intermédiaire (110 jours), d'un potentiel de rendement de 2 500 kg/ha, essentiellement cultivée au Fouta Djallon.

• Langan: locale tardive (l 15 jours), cultivée aussi au Fouta Djallon avec un rendement identique à la précédente.

• Kaabè binyé: variété locale à cycle particulièrement long (1 30 jours), rendement de 1 500 kg/ha; elle est souvent associée au riz pluvial en basse Guinée.

• Sataba: cultivée en haute Guinée, variété locale de maturité tardive (140 jours) donnant un rendement à peu près identique à la précédente.

Les contraintes de production

Les contraintes édaphiques et climatiques

Les sois sont en général très dégradés du fait de l'érosion, résultant d'une destruction rapide du couvert végétal et de la non reconstitution de la fertilité. La majorité des sols est acide. Les précipitations, bien qu'abondantes, sont mal réparties.

Les contraintes biotiques

LES INSECTES

En Guinée, les insectes provoquent des pertes considérables au maïs stocké. L'infestation et les dégâts des ravageurs se traduisent par des pertes directes et indirectes qui affectent tant la qualité que la quantité des stocks. Les insectes les plus redoutables sont:

LES MALADIES

Il existe deux principales maladies d'origine fongique chez le maïs en Guinée:

A part ces maladies, on observe souvent au champ la striure du maïs, dont les dégâts sont mineurs.

LES ADVENTICES

L'enherbement constitue un facteur limitant dans la production du maïs en milieu paysan. Les adventices qui posent plus de problèmes sont les suivantes

LES AUTRES PRÉDATEURS

Les oiseaux granivores constituent un véritable fléau dans les zones côtières et du Fouta. L'espèce Quéléa quéléa est la plus nuisible. L'importance des dégâts varie suivant les périodes. Aux mois d'août et de sep tembre, les dégâts sont plus importants; un décalage de date de semis pourrait réduire les attaques.

Les contraintes techniques

L'ÉQUIPEMENT AGRICOLE

L'équipement du paysan guinéen se résume en petits matériels manuels (houe, binette, coupe-coupe). La traction animale, bien que pratiquée, n'est pas encore généralisée. L'intensification de la culture du maïs exige des agriculteurs de disposer de matériel performant (charrue, semoir, etc.).

LA PRÉPARATION DU SOL Les contraintes sont: - le problème d'équipement déjà mentionné, car pour effectuer un bon labour il faut disposer du matériel approprié. Le morcellement des parcelles ne facilite pas le labour. Pour toutes spéculations confondues, le paysan guinéen ne dispose que de 0,3 ha;

LES SEMENCES

Nombreux sont les paysans qui continuent à cultiver les variétés traditionnelles faute de variétés à haut potentiel de rendement.

Les semences de base des cultivars produites par la recherche ne sont pas suffisamment multipliées pour couvrir toutes les zones de production.

LA DATE DE SEMIS

La date de semis est étroitement liée à la préparation des sols et à la pluviométrie. Les paysans profitent généralement des premières pluies pour semer le maïs. Il arrive Souvent que le semis du maïs soit différé à cause d'un manque de semence ou de main-d'oeuvre. Les semis tardifs et les démariages trop retardés sont autant de pratiques nuisibles qui influent négativement sur le rendement du maïs.

LES ENGRAIS

Les difficultés rencontrées par les paysans sont

Les contraintes socio-économiques

Les réserves financières en milieu réel, surtout chez le petit producteur, sont dérisoires. Les excédents de récolte s'épuisent très rapidement, car le paysan pratique une agriculture de subsistance. La faiblesse de son revenu fait qu'il ne peut pas se procurer l'argent nécessaire pour payer les intrants. Il est obligé de se limiter à des superficies réduites.

LE STOCKAGE

Les dommages causés après la récolte sont très importants, car les moyens appropriés pour le stockage font défaut. Les épis entreposés, souvent mal conditionnés, ne bénéficient d'aucun traitement phytosanitaire. Les entrepôts sont mal aérés et constituent des foyers de prolifération des insectes.

LA COMMERCIALISATION

Le paysan pratique l'agriculture de subsistance pour subvenir aux besoins de sa famille. Le surplus de production obtenu est vendu pour acheter d'autres biens familiaux. Généralement, il pratique des cultures de rente dont les prix sont rémunérateurs pour répondre à certaines exigences de la famille. La mise au point d'un système de commercialisation incitatif est une des conditions essentielles pour la promotion de la culture du maïs.

Les actions de recherche et développement

La stratégie de l'agriculture guinéenne vise en tout premier lieu l'autosuffisance alimentaire, surtout en céréales de base. Les recherches menées sont cadrées dans un système de production, pour une analyse correcte de différentes contraintes qui se posent dans l'exploitation, et dans le but de trouver des solutions appropriées. L'accent du point de vue de la recherche est mis sur les points suivants:

Les services nationaux de développement et les organisations non gouvernementales (ONG), partenaires de la recherche sur le terrain, contribuent à diffuser les acquis de la recherche. Le projet semencier national assure la multiplication des semences de base fournie par la recherche en vue d'une diffusion aussi large que possible des semences améliorées dans les zones rurales. Les projets intégrés évoluent dans différentes zones où les paysans concernés bénéficient de leur assistance technique. L'association pour la coopération technique (ACT), une ONG belge, évolue sur le terrain à partir de la zone côtière et vers le Fouta Djallon. Ses activités portent, d'une part, sur l'introduction de la traction animale dans les systèmes de culture en milieu paysan et d'autre part, sur l'importation des intrants agricoles (engrais, semences, pesticides) pour approvisionner les comptoirs agricoles installés en plusieurs endroits.

L'utilisation du maïs

Le maïs constitue l'un des principaux aliments de base des populations de la moyenne et de la haute Guinée. Les produits tirés du maïs sont issus en bonne partie des variétés locales; le maïs subit plusieurs transformations sur le plan traditionnel avec des procédés assez semblables d'une zone à l'autre.

Le maïs vert

• Le maïs grillé: les épis frais sont déspathés et disposés sur les grilles supportées par un fourneau à charbon. Les épis ainsi grillés sont consommés directement.

• Le maïs bouilli: les épis défaits de leurs spathes sont cuits à l'eau ou à la vapeur; pendant la cuisson on y ajoute du sel. ils sont mangés de la même façon que le maïs grillé. a La boule de maïs: les épis frais débarrassés de leurs spathes sont égrenés, les grains frais sont broyés au pilon. On ajoute du sucre au produit qui est ensuite emballé dans les feuilles de maïs et cuit àla vapeur.

Le maïs grain

Les mets traditionnels préparés à partir du maïs grain sec sont obtenus après la transformation de celui-ci en farine. Pour obtenir cette farine, les grains de maïs sont trempés quelques heures auparavant dans de l'eau, puis décortiqués par pilage et vannés. Le maïs débarrassé des sons est pilé dans un mortier, la farine est tamisée au moyen d'un tamis à mailles fines.

Les principaux mets obtenus à partir de la farine sont décrits ci-dessous.

Ndapa: la farine plus ou moins fine mélangée à une certaine quantité de gruaux est placée dans la marmite contenant de l'eau bouillante sur le feu.

Avec une palette en bois, on malaxe en ajoutant du sel jusqu'à l'obtention d'une pâte moyennement consistante. Il est consommé avec de la sauce d'arachide au poisson ou à la viande.

• Tô: se prépare de la même manière que le précédent, à la différence qu'ici on utilise la farine fine seulement.

M'bhadju (ou maïs gras): la farine grossière est malaxée avec de la sauce à la viande dans la marmite placée sur le feu. L'ensemble est régulièrement remué jusqu'au terme de la cuisson.

• Gâteau de maïs: la farine de maïs est transformée en pâte après malaxage avec de l'eau; on y ajoute du sucre et les boulettes sont frites dans l'huile d'arachide ou de palme.

Bouillie de maïs: la farine de maïs est humectée ans une calebasse. Le produit est pétri en toutes petites boulettes, qui seront mises dans l'eau bouillante, on ajoute du sucre en fonction de la demande. L'ensemble est remué durant la cuisson. Le maïs, sous cette forme, est beaucoup utilisé au mois de carême.

• Pain de pâte: la pâte de maïs est frite ou cuite dans un four de construction locale.

• Latyri (couscous de maïs): farine de maïs cuite àla vapeur. Un bol troué en plusieurs endroits est encastré dans une marmite contenant de l'eau sur le feu. La vapeur d'eau pénètre dans le bol contenant la farine à travers les trous plus ou moins fins. Le bol est fermé hermétiquement de telle sorte qu'aucun échappement de vapeur ne soit possible. La farine est remuée régulièrement jusqu'à ce qu'elle devienne molle. Le latyri est généralement consommé avec du lait de vache.

L'importance des produits du maïs en Guinée

L'importance des produits du maïs décrits plus hauts est liée aux habitudes alimentaires de chaque zone (tableau III).

Les variétés utilisées

De façon générale, les variétés locales sont les plus utilisées pour les diverses transformations. L'utilisation des variétés améliorées ne pose pas de problèmes majeurs. Le type de grain qui répond au goût des consommateurs est corné ou denté, de couleur jaune. Le maïs blanc est rarement utilisé.

Remerciements

Mes remerciements s'adressent tout particulièrement aux collègues qui ont contribué de près ou de loin à l'enrichissement de cette communication. Que la Direction générale de l'IRAG reçoive toute ma reconnaissance pour son appui logistique. je tiens à remercier les organisateurs du séminaire «maïs prospère» pour avoir permis ma participation au dit séminaire.

Références bibliographiques

ANONYME, 1986. Etude de restructuration des services agricoles et des schémas directeurs régionaux de développement rural. 9 p.

DUNSTAN WR, MAGAZIN IA, 1981. Outbreaks and new records, Tanzania the larger grain borer on stored products. FAO plant protection, p. 80-81.

GAY JP, 1984. Fabuleux maïs: histoire et avenir. Editions AGPM, p. 12.

Tableau III. Importance des produits du maïs suivant les régions.

Produits Basse Guinée Moyenne Guinée Haute Guinée Guinée forestière
Maïs grillé +++ + ++ +++
Maïs bouilli +++ ++ +++ +++
Boule de maïs + +++ ++  
N'dapa + +++ +  
+ +++ +++ ++
N'bhadju (ou maïs gras) +++ +    
Gâteau +++ +++ ++ ++
Bouillie +++ +++ +++ ++
Pain de pâte + + +  
Latyri ++ +++ ++ +

+++ = grande importance
++ = moyenne importance
+ = faible importance


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