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Le chancre du châtaignier en Europe

par ALDO PAVARI

Régions d'infestation par Endothia parasitica en Italie

LA première manifestation de l'Endothia parasitica en Europe a été signalée en 1938 dans la province de Gênes (Italie) par le professeur Paoli et le parasite a été identifié par le professeur A. Biraghi de la Station de Pathologie végétale de Rome. En 1939, l'infection s'était étendue de la province de Gênes à la province voisine d'Alexandrie. Des mesures sanitaires que l'on estimait alors suffisantes pour venir à bout de l'infection furent immédiatement adoptées, mais elle continua à se propager rapidement. En 1940, la maladie apparut sous une forme très grave dans la province d'Udine. Il est facile de se rendre compte en consultant la carte ci-dessus, qu'un grand nombre des plus importantes régions productrices de châtaignes de l'Italie, ont été contaminées au cours des dix années qui ont suivi la découverte du premier champignon. La situation est grave en particulier dans les Apennins, de la Ligurie à la Toscane, où les forêts de châtaigniers couvrent une vaste superficie de régions montagneuses et représentent une des principales ressources économiques du pays.

Répartition du châtaignier en Europe

Le châtaignier occupe une place plus importante en Italie et dans les pays limitrophes, ainsi que dans les pays du Bassin méditerranéen, que dans tout autre pays d'Europe. Son aire naturelle dépasse la région soumise au climat méditerranéen, mais en ce qui concerne l'Europe, ce n'est que dans cette zone méditerranéenne que le châtaignier peut être cultivé de façon extensive pour la récolte des châtaignes.

Le châtaignier a besoin pour bien se développer d'étés chauds et d'automnes très doux, avec de longues journées ensoleillées; il craint les gelées tardives et demande un degré de pluviosité relativement élevé, toutes conditions qui se trouvent réunies dans les régions montagneuses du bassin de la Méditerranée.

Au Portugal, où le climat maritime à degré d'humidité élevé permet la culture du châtaignier dans des régions non-montagneuses, la superficie couverte par les châtaigniers est de 85.228 hectares. Là, le châtaignier est surtout utilisé pour son bois, et dans une mesure moins importante pour la production de châtaignes. La production de bois de châtaignier est estimée à 426.000 m³, soit 4,8 pour cent du total de la production de bois du Portugal.

En Espagne, la culture de cet arbre se trouve limitée à certaines régions suffisamment humides, telles que les Pyrénées et Biscaye, où on le cultive surtout pour la récolte de châtaignes et où on le trouve en de nombreuses châtaigneraies et parfois au milieu de prés ou de terres agricoles. D'après les statistiques de 1933, la superficie occupée par des châtaigniers était égale a environ 55.000 hectares; mais elle a dû certainement diminuer, surtout dans les provinces du Nord où cet arbre était autrefois prolifique, la maladie de l'encre causée par le Phytophtora cambivora ayant depuis vingt ans causé des ravages énormes aux châtaigneraies.

En France, si l'on se reporte aux Statistiques agricoles annuelles pour 1945, les arbres porteurs de fruits couvraient alors une superficie de 169.714 hectares et produisaient 110.562 tonnes de châtaignes. Ici aussi, les rapports signalent que la maladie de l'encre a très sérieusement attaqué les châtaigniers. C'est la Corse qui, avec 30.000 hectares, contient la plus vaste superficie de châtaigneraies productives.

En Suisse, le châtaignier n'est important que dans la région méridionale, les châtaigneraies occupant une superficie de 9.405 hectares dans la partie méridionale des Grisons. Le nombre total d'arbres est de 886.000 et la production de châtaignes se monte chaque année à environ 7.500 tonnes.

En Grèce, les châtaigniers couvrent une superficie d'environ 28.350 hectares, sur laquelle 15.285 hectares sont des bois taillis. Cette superficie représente 1,5 pour cent du total de la superficie forestière du pays.

En Yougoslavie, c'est la Dalmatie, avec environ 51.000 hectares, qui constitue la région de châtaigniers la plus importante. On trouve également des châtaigniers dans des régions où le climat est doux comme la Croatie et la Slavonie, mais leur nombre n'est pas aussi grand qu'en Dalmatie. On ne dispose d'aucun renseignement précis sur la Superficie consacrée en Albanie.

Le chancre sur des pousses de châtaignier près de Gênes.

La récolte des châtaignes en Italie.

Importance économique du châtaignier en Italie

Les châtaigneraies productrices de fruits couvrent en Italie une superficie d'environ 450.000 hectares, à laquelle il faut ajouter 400.000 hectares de bois taillis, ce qui représente en tout une superficie de 850.000 hectares consacrée à cet arbre. La province de Cosenza à elle seule contient 33.416 hectares de châtaigniers porteurs de fruits, la province de Lucques 39.590 hectares, la province de Cuneo 48.000 hectares et d'autres provinces en contiennent encore davantage. Comme on le voit c'est l'Italie qui en Europe possède la plus grande superficie productrice de châtaignes.

Cette production a atteint en moyenne 640.000 tonnes par an pendant la période 1909-1913. De 1922 à 1925, elle a oscillé autour de 500.000 tonnes annuellement, diminuant ensuite jusqu'à 350.000 tonnes entre 1934 et 1936. On estime que ce dernier chiffre représente la production annuelle actuelle. Bien que la production ait diminué dans des proportions considérables (en raison, entre autres, des dommages causés par la maladie de l'encre) elle représente toujours un facteur économique de la plus haute importance. La valeur du châtaignier, en tant que producteur de châtaignes, n'est dépassée que par la valeur de la production de raisins et d'olives. En outre, les exportations de châtaignes représentent un poste important dans la balance commerciale de l'Italie. Au cours des 20 dernières années, les exportations de châtaignes ont oscillé autour de 30.000 tonnes par an.

En Italie comme ailleurs, les châtaignes ne sont pas utilisées uniquement pour la consommation humaine. Les châtaigneraies constituent une source importante de fourrage, non seulement en raison des châtaignes elles-mêmes, mais en raison aussi des plantes fourragères qui poussent parmi les arbres isolés. Le bois de châtaignier est également utilisé de façon importante dans l'industrie du tannage, comme combustible, ainsi que pour la construction et la fabrication de meubles. Si l'on calcule que chaque hectare de châtaigneraie ou de forêt de châtaigniers produit une moyenne annuelle de 1,5 m³ de bois, on peut estimer que le total de la production de bois se monte à une moyenne de 600.000 à 700.000 m³ par an. 1

1 Il y a à l'heure actuelle en Italie 31 usines produisant une moyenne annuelle de 40.000 tonnes d'extrait sec contenant 60 pour cent de tannin. Cette production correspond à une consommation annuelle d'environ 400.000 tonnes de bois.

Les bois taillis de châtaigniers, qui couvrent environ 400.000 hectares, fournissent du bois pour la consommation agricole, industrielle et domestique. Les premières tailles peuvent être effectuées dans ces bois taillis après un an ou deux et donnent du bois convenant à la fabrication de paniers, d'articles de vannerie, de petits pieux, etc. Les tailles ultérieures, qui peuvent être effectuées jusqu'à un maximum de 25 à 40 ans, donnent du bois pour la construction et la fabrication de meubles, et en particulier pour des poteaux télégraphiques et électriques. Le taillis de châtaignier italien, notamment dans les sols volcaniques du sud de l'Italie, est extrêmement productif, atteignant ou dépassant très souvent un rendement de 15 à 20 m³ par hectare et par an. Si l'on admet que l'accroissement moyen pour toute une région est de 6 m³ par an, la production annuelle totale des bois taillis peut être estimée à 2.400.000 m³.

En Italie, les châtaigniers croissent surtout dans les régions montagneuses dont ils couvrent les versants, protégeant le sol contre l'érosion. Ils constituent également une source d'emploi et de revenus pour les populations denses de régions de montagnes dans la nourriture desquelles la châtaigne entre pour une part très importante pendant l'hiver.

Le chancre en Italie

Etant donné ces circonstances, il est facile de comprendre pourquoi l'apparition et la propagation en Italie du chancre du châtaignier, surtout à la suite des dommages très graves déjà causés par la maladie de l'encre, revêt l'apparence d'une calamité nationale. La lutte contre cette maladie constitue l'un des projets les plus importants du Ministère de l'Agriculture et des Forêts. Un vaste programme de recherches et d'expériences a été assigné à la Station forestière d'Expérimentation à Florence et à la Station de Pathologie végétale de Rome.

En Italie, on trouve actuellement des cas d'Endothia parasitica dans les régions suivantes:

Ligurie: l'ensemble des provinces de Gênes, d'Alexandrie (1938) et plus de la moitié de la province limitrophe de Savona (1938-1948).

Piémont: province de Cuneo; une région assez étendue à Bagnasco; quelques arbres à Chiusa Pesio et Mondovì (1948); province de Turin; deux arbres à Traves (1948); province de Vercelli; une zone de faible étendue près de Biella (1948); province de Novare; toute la partie orientale du lac d'Orte (1948).

Lombardie: province de Pavie; des superficies assez importantes à Varzi et Ponte Nizza (1946) et quelques arbres à Cilavegne (1948); province de Côme; certaines zones près de Chiasso (frontière suisse) et ailleurs vers l'est (1948).

Vénétie: l'ensemble de la province d'Udine (1939-1946).

Emilie: province de Parme; quelques petites zones dans la vallée du Taro (1947-48); la province de Modène; une région assez étendue à Fanano (1947); La province de Bologne; quelques arbres à Gaggio Montano (1948).

Toscane: province d'Apuanie; une région importante à Fivizzano (1947); province de Lucques; des régions plus ou moins importantes dans la moitié orientale de la province limitrophe de la province de Pistoia; la province de Pistoia; une superficie assez importante à Cutigliano où la maladie se répand avec une rapidité considérable (1946-1948) et des régions voisines à Piteglio et San Marcello; la province de Florence; un arbre près de Vallombrosa (1948).

Latium: la province de Rome; une superficie assez importante à Velletri (1948); la province de Latina (autrefois Littoria) près de Velletri, et un grand nombre de petites zones dans les montagnes des environs des marais pontins maintenant asséchés (1946); province de Frosinone; quelques petites zones autour de celles déjà mentionnées à Ceccano et Veroli (1946).

Campanie: province d'Avellino; de la région sévèrement infestée à Baiano (1943), la maladie s'est répandue au côté occidental de la province, et l'on trouve maintenant des zones contaminées dans les provinces voisines de Bénévent, Caserte, Naples (1947) et Salerne (1948) ainsi que dans les régions limitrophes de la province d'Avellino (1947).

De façon générale, tous les centres d'infection nouvellement découverts présentent un chancre qui a dû commencer à se développer il y a environ cinq ans. Dans la province de Pavie, la région infectée de Cilavegna présente un intérêt tout particulier en raison du fait que les châtaigniers se trouvant là forment un petit groupe de vieux arbres complètement isolés de toute autre châtaigneraie. Cette zone se trouve située dans une région rizicole et les seuls autres arbres qui s'y trouvent sont des peupliers. Le chancre se développe sur les plus hautes branches, ce qui semble prouver que l'Endothia parasitica doit avoir été transporté là par des oiseaux. La propagation de la maladie est étonnamment lente dans la province d'Avellino, et seul un petit nombre d'arbres ont été contaminés sur une zone assez vaste, ce qui présente un contraste intéressant avec l'importante infestation observée dans la région initiale. Il est possible que la lenteur de la progression dans le reste du district soit due à des facteurs climatiques, vents rares, atmosphère très humide et hivers assez doux.

Programme de recherches et lutte contre le parasite en Italie

Les points essentiels de ce programme sont énumérés ci-dessous. Les quatre divisions en sont les suivantes: 1) essais d'application de méthodes préventives et curatives; 2) recherche de variétés résistantes de Castanea sativa; 3) introduction de variétés orientales de Castanea; 4) hybridation.

Essais d'application de méthodes préventives et curatives

Certaines mesures législatives ont été tout d'abord adoptées pour éliminer la maladie, à savoir: abattage et incinération des arbres contaminés, désinfection du sol, instauration de mesures interdisant les exportations de bois et de tous autres produits tirés du châtaignier, etc... Ces mesures se sont cependant révélées inefficaces en raison de l'étendue des régions contaminées et de la facilité de propagation du parasite. On cessa donc de les appliquer, car outre qu'elles étaient contraires aux lois de l'économie, elles étaient inutiles du point de vue phyto-sanitaire.

On s'est efforcé, dans la province d'Alexandrie, de trouver une méthode de traitement direct en élaguant et en brûlant ensuite les branches contaminées. L'écorce cariée des arbres était enlevée et une solution de sulfate de fer était versée sur la surface ainsi découverte, mais après une année, cette méthode se révéla complètement inefficace.

Une autre méthode consiste à pulvériser ou a verser divers fongicides sur les troncs des arbres. De nombreux essais ont été effectués aux Etats-Unis, mais les résultats n'ont pas été satisfaisants. Quoiqu'il en soit, il a été jugé utile de poursuivre les essais de ces méthodes en Italie. On a essayé l'année dernière de procéder à des pulvérisations de sulfate de cuivre et les troncs des châtaigniers ont été traités avec des solutions de sulfate de cuivre sous diverses formes. Les résultats ont jusqu'à présent été négatifs, mais des pulvérisations d'autres fongicides vont bientôt être essayées.

Incinération de bogues de châtaigniers pour la production de potasse servant à améliorer te sol.

Une méthode indirecte d'attaque sur la maladie, qui pourrait être à la fois préventive et curative, a également été essayée: il s'agit de l'emploi d'engrais chimiques. Il est utile de rappeler à ce sujet les travaux de recherches effectués aux Etats-Unis par A.H. Graves, à la suite desquels il fut constaté que la concentration du protoplasme est une caractéristique physiologique de la plus haute importance en ce qui concerne la résistance à la maladie. En dehors de leur effet sur la vigueur de l'arbre, il est possible que les engrais chimiques contribuent à augmenter cette concentration. Il est encore trop tôt pour tirer la moindre conclusion des résultats obtenus, mais on ne fonde pas beaucoup d'espoir sur le succès possible de cette méthode, notamment en raison du fait que le chancre du châtaignier s'est développé avec la même intensité et la même persistance dans les régions à sols volcaniques de la province d'Avellino, qui sont très fertiles et contiennent de grandes quantités de phosphore et de potasse (éléments nécessaires au châtaignier), que dans les régions à sols pauvres. Une autre méthode actuellement mise à l'épreuve est l'emploi d'éléments appelés «mineurs» tels que bore, manganèse, etc. Mais là encore, les perspectives de succès sont assez réduites.

Etant donné l'importance de ces expériences, on a l'intention de poursuivre les essais de méthodes curatives, mais il est impossible, à l'heure actuelle, de préjuger de leurs résultats, de leur coût ou de leurs possibilités d'application pratique.

Recherche de variétés résistantes de Castanea sativa

L'espoir qui s'attachait aux recherches effectuées pour découvrir aux Etats-Unis des variétés de Castanea dentata résistant à la maladie fait maintenant place au découragement, étant donné qu'aucun résultat positif n'a encore été acquis jusqu'à présent. Peut-être Castanea sativa, avec ses variétés innombrables cultivées en Europe, offrirait-il plus de chances de fournir une variété isolée résistante. De nombreuses variétés de châtaigniers européens ont été jusqu'ici introduites aux Etats-Unis, mais toutes se sont révélées sensibles à l'infection, bien qu'à un degré moindre que le châtaignier américain. Pendant les 10 années qui ont suivi l'apparition du chancre en Italie, on a découvert que de nombreuses variétés de châtaigniers à fruits, y compris les châtaigniers sauvages trouvés dans diverses régions contaminées, avaient toutes été attaquées. L'infection se manifeste aussi bien dans les forêts de futaie que dans les bois taillis. Cependant, l'importance qui s'attache à la découverte d'une variété résistante parmi les nombreuses variétés de châtaigniers italiens exige que cette recherche soit poursuivie. On a entrepris en conséquence à la pépinière forestière de Masone (province de Gênes), une des régions où la maladie s'est manifestée avec le plus de violence, la culture d'environ 130 variétés de châtaigniers venant de toutes les différentes parties de l'Italie. Un arboretum d'expérimentation sera établi l'automne prochain dans la même localité pour éprouver le degré de résistance des semis obtenus. En même temps, des observations précises seront relevées afin de pouvoir éventuellement identifier les variétés résistantes.

L'expérience des Espagnols en ce qui concerne l'Endothia parasitica. L'expérience acquise en Espagne a encouragé les Italiens à persévérer. La Mission italienne d'étude en Espagne, composée des professeurs Biraghi, Morettini et Pavari, s'est rendue à Biscaye, en février 1947, pour étudier la culture expérimentale de châtaigniers orientaux effectuée sous la direction de l'Institut de sylviculture expérimentale de Madrid. Un grand nombre de Castanea crenata de la variété Tamba étaient atteints du chancre. Cependant, certaines variétés indigènes de Castanea sativa, se trouvant dans le voisinage immédiat de la plantation de châtaigniers orientaux, ne présentaient aucun signe d'infection à l'exception d'un seul arbre qui, bien que contaminé, faisait preuve d'une très forte résistance à la maladie. Ce fait était si surprenant que les scientistes espagnols se demandèrent s'ils se trouvaient vraiment en présence d'un cas d'infection par l'Endothia parasitica. A l'occasion d'un autre voyage effectué pendant l'automne 1947, sous les auspices de la FAO, les professeurs Biraghi et Pavari confirmèrent non seulement l'absence complète d'infection sur le Castanea sativa, mais ils réussirent également à réunir des éléments à l'aide desquels le professeur Biraghi put isoler le parasite en culture pure, et constata qu'il était identique à celui ravageant les châtaigniers d'Italie. Sa «pathogénicité» est actuellement essayée sur des châtaigniers d'Italie, et le professeur Biraghi s'est entendu avec l'Institut de recherche forestière de Madrid pour que l'on procède en Espagne à l'inoculation de souches italiennes et espagnoles d'Endothia parasitica au Castanea sativa espagnol.

Les deux principaux centres d'infection se trouvent, l'un à S. Roque et l'autre à Elorrichueta (province de Bilbao), et seule la variété Tamba a été contaminée alors que la variété Shiba (Castanea crenata) ne présente aucun signe d'infection. Ce qui est plus surprenant cependant, c'est que la maladie ne se soit pas étendue au Castanea sativa, bien que l'infection remonte à plusieurs années et que le climat, relativement doux en hiver avec des pluies abondantes et fréquentes, présente les conditions les plus favorables à la propagation de la maladie. Il sera possible de résoudre l'énigme en inoculant le champignon à des châtaigniers espagnols ou en cultivant ces derniers dans des régions infectées et en les comparant avec les types de châtaigniers indigènes ayant été attaqués par la maladie. Dans ce but, 100 kilogrammes environ de châtaignes espagnoles ont été expédiées en Italie, de Biscaye, région qui se trouve très près des centres d'infection observés par la Mission italienne d'étude, ainsi que des provinces de Burgos et de Grenade. Les châtaignes ont déjà été plantées dans la pépinière de Masone.

Introduction des espèces orientales de châtaigniers

Longtemps avant l'apparition d'Endothia parasitica, soit vers 1919-1920, le châtaignier japonais Castanea crenata fut introduit en Italie en raison de sa résistance à la maladie de l'encre. Avec la coopération du Service forestier italien, la Station sylvicole expérimentale de Florence établit partout en Italie, à titre d'expérience, des plantations dont les résultats furent assez variés. Dans l'ensemble, le châtaignier japonais qui est très sensible aux vents, aux gelées tardives et, par-dessus tout, à la sécheresse, se révéla plus exigeant que la variété indigène, surtout en ce qui concerne la fertilité du sol, l'humidité et le climat. Le problème de l'acclimatisation du Castanea crenata n'a pas encore été résolu, bien qu'il y ait en Italie d'excellents arbres producteurs de châtaignes, notamment de la variété Tamba. Il est reconnu que le terme «Shiba» est trop simple pour désigner le type de châtaignier japonais sauvage qui donne de petits fruits; il en est de même du terme «Tamba» appliqué, au type portant des fruits de plus grandes dimensions, étant donné que l'on connaît au Japon de 70 à 80 variétés distinctes de ces châtaigniers. L'importance attachée à l'origine des arbres, surtout pour les questions d'acclimatisation, joue également en ce qui concerne la résistance à Endothia parasitica qui, même aux Etats-Unis, présente des différences d'un cas à l'autre. On a remarqué que dans les bosquets de Castanea crenata se trouvant dans les régions attaquées par le chancre, certains arbres des variétés Tamba et Shiba étaient attaqués suivant des degrés différents, et qu'il y avait également quelques cas d'immunité complète, au moins jusqu'à présent.

Aire naturelle te aire d'extension du Châtaignier

Ces faits justifient la poursuite et l'intensification des expériences entreprises en Italie sur les châtaigniers japonais, en raison notamment de la résistance certaine des variétés japonaises à la maladie de l'encre et de leur résistance possible à Endothia parasitica.

La variété chinoise Castanea mollissima fait preuve d'une résistance très nette. Etant donné que cette variété n'a pas été jusqu'ici introduite en Italie, des mesures ont été immédiatement prises pour se procurer des semences et des greffons; il a été également possible d'obtenir pour ces travaux le concours de spécialistes américains, en particulier de MM. Graves, Cravatt et Clapper, du Ministère de l'Agriculture des Etats-Unis, lesquels ont envoyé en Italie les précieux matériaux de travail cités plus haut. Les membres de la Mission d'étude italienne, envoyés en Espagne dans le but exprès de se procurer des châtaigniers orientaux, ont dû à l'amabilité de leurs collègues espagnols, des quantités considérables de semences de Castanea mollissima et des greffons. En automne dernier enfin, et grâce à l'appui de M. Han Ngan, Directeur du Bureau national de recherche forestière de Nankin, il a été possible de se procurer 40 livres de châtaignes japonaises de deux variétés Liang-shang et Mao-li. Bien que les châtaignes aient été expédiées par avion, elles ont beaucoup souffert pendant le voyage, mais ont cependant été plantées dans la pépinière de Masone.

Il a été également possible de se procurer certaines quantités de châtaignes coréennes provenant de la province de Bilbao. Cette espèce tout à fait distincte des autres, possède des caractéristiques intermédiaires entre celles des variétés Castanea crenata et Castanea mollissima. Il est même possible qu'elle soit une variété de Castanea crenata, bien que le fait n'ait pas encore été absolument établi. Mais il est certain que, tout comme aux Etats-Unis et en Espagne, le châtaignier coréen résiste au chancre et s'est même révélé encore plus vigoureux que le châtaignier chinois. On attend avec grand intérêt le résultat des expériences actuellement entreprises en Italie sur des châtaigniers chinois et coréens placés dans diverses conditions écologiques, d'autant que l'on croit que ces deux châtaigniers offrent plus de résistance au froid et à la sécheresse, et n'exigent pas un sol aussi fertile que le châtaignier japonais.

Hybridation

Les recherches approfondies effectuées à l'heure actuelle par les spécialistes américains pour réaliser l'hybridation du Castanea dentata avec des espèces orientales résistantes à la maladie, guident les travaux analogues entrepris en Italie, et il conviendrait de les pousser et de les élargir, même si leur but est différent. Le châtaignier américain est apprécié avant tout comme arbre forestier en raison de ses dimensions, la forme de son tronc et la qualité de son bois. Sous ces rapports, les châtaigniers orientaux, en particulier les espèces chinoises, sont bien inférieures aux variétés américaines. En conséquence, les travaux d'hybridation entrepris aux Etats-Unis visent à produire des hybrides offrant le même degré de résistance à la maladie que le châtaignier chinois ou coréen, mais possédant également des qualités de bois analogues à celles du Castanea dentata. C'est là une entreprise ardue, car la résistance de l'hybride provient de la prédominance des caractéristiques des parents orientaux, et il est difficile d'éviter le confit des caractères biologiques et morphologiques. Le problème est plus simple en Italie, car l'on vise moins à obtenir une forme particulière d'arbre adaptable aux conditions œcologiques locales qu'à assurer une production régulière et abondante de châtaignes de bonne qualité. Etant donné que les châtaigniers chinois et coréens se sont révélés satisfaisants comme producteurs de châtaignes, il est logique de supposer que la prédominance de leurs caractéristiques dans l'hybride assurera la résistance désirée sans que leur capacité de production de fruits en soit affectée. Grâce à la coopération de M. Graves, une certaine quantité de greffons prélevés sur des hybrides qu'il a obtenus ont été envoyés en Italie pour y être entés, et l'on pense qu'il sera possible à l'avenir de se procurer aux Etats-Unis d'autres matériaux de valeur. En vue des travaux d'hybridation poursuivis en Italie, on a d'abord prélevé aux Etats-Unis le pollen de diverses variétés de Castanea crenata et de Castanea sativa et par la suite, du pollen provenant d'hybrides américano-orientaux obtenus à partir du Castanea mollissima, du Castanea crenata, du Castanea pumila, et du Castanea seguinii a été envoyé en Italie. En raison du retard avec lequel ce pollen est arrivé, la saison était trop avancée pour la pollination et les résultats ne furent pas très satisfaisants. En octobre 1947 cependant, un nombre restreint de fruits furent obtenus et immédiatement plantés. Au printemps 1948, M. Gravatt a envoyé des plantations de Georgie, où la floraison est plus précoce, du pollen qui est arrivé à temps pour la pollination.

Les recherches se poursuivent en Italie, et l'on espère créer prochainement un centre spécialement chargé des recherches sur les châtaigniers.

Photos communiquées par Avv. Ermanno Biagini, Florence et Dr. Lucidi.


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