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Le problème du logement en Europe

ARTICLE RÉDIGÉ PAR LE PERSONNEL DE LA DIVISION DES FORÊTS ET PRODUITS FORESTIERS DE LA FAO

Les centaines de photos et d'articles qui ont été publiés ont permis au monde de se rendre compte des immenses destructions causées par la guerre dans des divers pays d'Europe et de l'existence d'un problème du logement. Les ruines accumulées par la guerre ont montré le caractère dramatique de la crise européenne du logement. L'horreur des villes bombardées d'Europe, avec leurs rues pleines de décombres' le spectacle désolé de pans de murs vacillants se dressant au milieu de vastes étendues dévastées sont des images familières qui ont appris au monde que l'une des principales tâches des dix prochaines années consistera à donner un toit aux millions d'Européens sans abri. Le Sous-Comité du Logement de la Commission économique pour l'Europe a publié les résultats d'une enquête sur le problème du logement en Europe (examen préliminaire), qui a porté sur les dix-sept pays suivants: Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni, Suède, Suisse, Tchécoslovaquie, soit 43 pour cent du total de la population européenne. Partout, dans le présent article, le mot «Europe» désigne l'ensemble des pays ci-dessus mentionnés.

Ainsi que le fait ressortir l'examen préliminaire, le problème actuel du logement en Europe n'a pas été causé exclusivement par la guerre; il remonte à beaucoup plus loin On peut en retrouver les origines dès la première moitié du 19ème siècle, ère de la révolution industrielle pendant laquelle l'accroissement démographique constant et rapide, ainsi que l'accroissement continu de la population industrielle, ont déterminé une crise du logement qui alla chaque jour en s'accentuant.

Ces besoins furent rarement satisfaits, même quantitativement, mais la qualité des logements fournis était encore pire. et pendant tout le 19ème siècle, les conditions d'existence dans la plupart des centres industriels d'Europe étaient caractérisées par le surpeuplement et le manque d'hygiène. Bien que ces conditions se soient améliorées quelque peu au début du 20ème siècle, les deux guerres mondiales et l'accroissement rapide et continu de la, population, de même que l'industrialisation de l'Europe, ont aggravé la situation à un point tel que le problème du logement est devenu après la guerre un des éléments les plus importants du relèvement d'un grand nombre de pays européens.

Le problème de la réorganisation de la production et des transports auquel, dès la fin de la guerre, on donna la toute première priorité, était en 1950 en grande partie résolu, mais aujourd'hui la question du logement constitue l'un des problèmes intérieurs les plus difficiles que les gouvernements d'Europe aient à résoudre.

Le problème du logement est beaucoup plus qu'un grave problème social; son importance économique est considérable, étant donné que l'accomplissement d'un grand nombre de tâches auxquelles doivent faire face les gouvernements dépend dans une grande mesure de la disponibilité de logements pour les ouvriers et leurs familles. Comme l'industrie privée est dans l'impossibilité d'y apporter une solution, en raison de l'ampleur de la tâche, et surtout du fait que les besoins portent sur des logements à bon marché qui ne présentent pas un attrait suffisant pour l'industrie de la construction, les gouvernements ont en général incorporé le problème du logement dans leur politique sociale et économique.

Au cours des cent dernières années, les gouvernements de l'Europe se sont trouvés dans la nécessité de s'intéresser d'une façon de plus en plus active au problème du logement. Certains Etats se sont parfois acquittés de cette tâche en édifiant des habitations, mais la plupart des autres ont cherché à obtenir des résultats en pratiquant une politique du logement fixant des standards minima de construction, en attribuant des subventions directes à la construction, ou par l'entremise de leur politique financière générale.

La plupart des gouvernements européens actuels ont été élus sur la foi de programmes promettant d'apporter une solution au problème du logement, et les électeurs font maintenant pression pour obtenir la réalisation de ces promesses. D'un autre côté, tous les gouvernements européens se sont engagés dans des politiques anti-inflationnistes et sont forcés de maintenir soigneusement l'équilibre de leur balance commerciale. Les programmes de logement que ces gouvernements avaient donc été en mesure d'élaborer font maintenant l'objet de plusieurs limitations.

Le problème

Les maisons d'habitation représentaient en 1939 en Europe un total d'environ 65 millions de logements, comprenant 205.700.000 pièces, tandis que les constructions nouvelles s'édifiaient à une cadence moyenne d'environ 824.000 logements par an.

Les dommages de guerre se sont montés aux chiffres suivants:

2.800.000 logements totalement détruits;
2.900.000 logements partiellement détruits;:
8.900.000 logements légèrement endommagés.

A la fin de la guerre, environ 5.700.000 1 logements étaient donc devenus inhabitables, et 9 millions nécessitaient de légères réparations.

1 Montant global des logements totalement et partiellement détruits.

Tenant compte des réparations effectuées aux maisons endommagées et; de la construction de nouveaux logements, la situation des logements en Europe présentait à la fin de 1947 la physionomie suivante:

Immeubles inhabitables

22.800.000

Logements

2.400.000

Pièces

196.800.000

La population des dix-sept pays étudiés par la Commission économique pour l'Europe clans son examen préliminaire se montait en 1939 à 243 millions d'habitants. Ce chiffre se trouvait réduit d'environ 6 millions en 1945; il commença à augmenter de nouveau progressivement depuis lors, atteignant 239 millions en 1947 et 243 millions en 1949. Autrement dit, les pertes sévères subies par la population européenne pendant les six années de guerre se trouvaient pratiquement compensées vers la fin de 1949. Le Tableau 1 ci-dessous donne le détail du mouvement démographique des différents pays et, autant que possible, le nombre de pièces par habitant dans chaque pays:

TABLEAU 1. - MOUVEMENT DÉMOGRAPHIQUE

... Chiffre non disponible
1 Chiffre de 1948
2 Chiffre de 1946

En dépit de la diminution de la population, les dommages causés pendant la guerre aux logements des pays européens avaient déterminé une réduction de la moyenne des pièces par habitant de 0,833 à 0,803. En se basant sur ce chiffre moyen de pièces par habitant, il ressort que vers la fin de 1947, il aurait fallu aux pays d'Europe compris dans l'enquête environ deux millions de pièces de plus pour que leur capacité de logement fut égale à celle de 1939.

On a estimé que le nombre total de logements nécessaires en Europe pour que la capacité de logement soit équivalente à celle d'avant-guerre serait d'environ 3.100.000, soit 3 fois 3/4 la production annuelle d'avant-guerre de l'industrie de la construction.

La réparation des dommages de guerre ne constitue cependant qu'une faible partie de l'ensemble de la tâche à accomplir. Iles conditions de logement de 1939 étaient très insuffisantes, et d'on a estimé qu'afin de diminuer le nombre des logements sur. peuplés et de remplacer les immeubles insalubres et dangereux, il faudrait construire plus de 11 mil lions de logements. On évalue à 965.000 le nombre de logements qu'il faudrait construire annuellement pour faire face, d'une part, à l'accroissement démographique annuel dans le nombre de familles ou le nombre de ménages et, d'autre part, au remplacement des immeubles trop vieux et; désuets.

En chiffres ronds, le problème se présente de la façon suivante:

3.100.000 logements pour revenir à la, capacité de logement de 1939,
11.100.000 logements pour améliorer la, capacité de logement de 1939,
1.000.000 logements pour faire face aux besoins supplémentaires annuels courants.

C. Programme de reconstruction tenant compte de l'architecture locale traditionnelle. Amiens, France.

Le problème du logement en Allemagne

Etant donné le manque de renseignements disponibles sur la situation du logement en Allemagne, et l'impossibilité de comparer des statistiques provenant des différentes parties de ce pays, l'examen préliminaire de la CEE n'a pas inclus dans son étude statistique les chiffres relatifs à l'Allemagne. Le problème, tel qu'il se pose dans les différentes zones de ce pays, est cependant étudié dans ses grandes lignes dans une annexe séparée.

Les conditions de logement effroyables résultant de la guerre ont été encore aggravées par l'arrivée en masse de réfugiés venant de l'extérieur, ainsi que par les déplacements de personnes à l'intérieur même des zones.

Dans la zone française d'occupation, où il existait avant la guerre 1.350.000 logements, ce nombre était tombé après la guerre à 955.000, soit 70 pour cent du total d'avant-guerre. Vers la fin de 1949, le total des logements a été porté à 1.092.500 (soit 80 pour cent du chiffre d'avant-guerre). Compte tenu du nombre de réfugiés à loger, ainsi que de l'accroissement démographique normal, on constate qu'il faudrait construire 300.000 logements supplémentaires d'ici 1952/53 pour rétablir la capacité de logement d'avant-guerre. On ne pense pas cependant que le nombre de nouveaux logements susceptibles d'être mis à la disposition du public d'ici trois ou quatre ans, qu'il s'agisse de bâtiments réparés ou de nouvelles constructions, poisse dépasser de beaucoup le chiffre de 90.000.

Dans la zone américaine d'occupation, le nombre de logements habitables à la Un du mois de novembre 1947 se montait à 1.375.200 (soit 65,1 pour cent du chiffre d'avant-guerre). Le chiffre total de la population représentait cette année-là 92,3 pour cent de celui de 1939. Le mombre moyen de pièces par habitant était de 0,55, par comparaison avec 0,78 pour la période d'avant-guerre.

D'après un rapport établi en octobre 1948 par la Section des industries de la construction de la Commission de Contrôle, les besoins se montaient dans la zone anglaise d'occupation à 5.800.000 «équivalents d'unités de logement n. Au rythme de production d'avant-guerre, ce volume de construction nécessiterait 8.700.000 années-ouvrier, et l'on a calculé qu'un effectif annuel de près de 350.000 hommes serait nécessaire pour accomplir cette tâche en 25 ans. Le déblaiement constitue à lui seul un problème particulier. Dans la zone anglaise, un effectif annuel d'environ 70.000 hommes serait nécessaire pour déblayer en 10 ans 200 millions de mètres cubes. L'enlèvement des déblais par voie ferrée nécessiterait pendant la même période l'utilisation de 370 trains de 50 wagons par jour ouvrable.

Le programme de logement de la bizone pour 1949/50 attache la plus haute importance à la construction au cours de cette période d'au moins l25.000 appartements, aussi bien que des services publics correspondants.

Bien que l'on manque de renseignements détaillés en ce qui concerne la zone russe d'occupation, on sait qu'en 1949, les matériaux de construction disponibles représentaient deux fois le volume de 1948, et qu'ils furent surtout utilisés pour la construction de nouvelles maisons ouvrières dans les régions industrielles et agricoles, ainsi que pour la réparation des immeubles dans les grandes villes. Le programme de construction de 1949 prévoyait la remise en état de 68.500 maisons sinistrées. Ainsi qu'on pourra le voir par ces quelques chiffres, problème du logement en Allemagne représente une tâche beaucoup plus importante que celui de l'ensemble des 17 pays visés par les statistiques de l'examen préliminaire.

D. Nettoyage d'une surface bombardée dans la région des docks de Londres. A l'arrière-plan se trouvent de vieilles maisons encore debout qui seront abattues.

Les solutions

La Commission économique propose, dans son examen préliminaire, un plan d'action qu'elle appelle «programme nécessaire» et qui, s'il était appliqué, recoudrait en 22 ans le problème européen du logement. Il représente une tentative ayant pour but de satisfaire la totalité des besoins en logements en un laps de temps raisonnable; il est basé sur un rythme de construction qui, bien que difficile à réaliser dans les conditions actuelles, est théoriquement tout à fait possible.

Pour mettre en œuvre le «programme nécessaire», il faudrait fabriquer des matériaux de construction à un rythme représentant 2 à 3 fois la production d'avant-guerre. Par exemple, les livraisons de bois d'œuvre à l'industrie du bâtiment devraient être effectuées à la cadence de 16.100.000 mètres cubes par an. Ce programme exigerait des efforts énormes de la part des diverses économies nationales et il nécessiterait un approvisionnement en matières premières bien supérieur, non seulement aux possibilités financières des différents pays, mais également à la capacité de production des industries productrices de matières premières Il est évident, par conséquent qu'un programme de ce genre est irréalisable pour le moment et, en fait, aucun des programmes européens de logement actuels ne vise à une telle «solution à court terme».

Comme deuxième solution, la CEE propose, dans son examen préliminaire, un «programme probable» basé sur une estimation réaliste des possibilités de chaque pays. Dans certains cas, cette estimation peut être optimiste, bien que dans d'autres les activités effectives aient déjà dépassé le programme prévu. Ce «programme probable» prévoit un accroissement progressif, passant graduellement du taux atteint en 1948 soit 92 pour cent de celui de 1939, au taux à atteindre en 1952, soit 156 pour cent de celui de 1939.

Bien que beaucoup plus réduit, ce «programme probable», pour être réalisé, mettrait, à une rude épreuve les ressources d'un grand nombre de pays d'Europe, qui éprouveraient certainement tous de grandes difficultés à apporter la contribution demandée, si modeste qu'elle soit, a la solution du problème du logement Le «programme probable» pour 1948 impliquait un approvisionnement annuel en bois d'oeuvre d'environ 7.200.000 mètres cubes (représentant environ 90 pour cent de la consommation d'avant-guerre qui s'élevait à 7 800.000 m3). Comme l'on estime que l'industrie du bâtiment utilise 25 à 30 pour cent de la production de sciages pour la construction de logements, ce programme aurait nécessité une production totale de sciages résineux de 23 à 28 millions de mètres cubes. Cette production s'est élevée en 1948 à 32 millions de mètres cubes environ et elle a été amplement suffisante pour faire face aux besoins en bois d'oeuvre au titre du «programme probable» pour l'année considérée. L'accroissement progressif du rythme de la construction au cours des quatre années sui vantes ferait monter à environ 12 millions de mètres cubes en 1952 le volume des approvisionnements de bois nécessaires pour l'exécution du «programme probable», ce qui correspondrait à une production européenne totale de sciages résineux. de 36 à 48 millions de mètres cubes. Cependant, il est très peu vraisemblable que la production européenne de sciages, qui a atteint péniblement 35 millions de mètres cubes en 1949, puisse être portée à un volume suffisant pour satisfaire ces demandes.

Au surplus, il ne faut pas oublier que les chiffres indiqués par l'examen préliminaire ne tiennent pas compte des besoins du programme de logement de l'Allemagne et, qu'en outre, les années 1948 et 1949 ont été des années record de production de, sciages pour la, période d'après-guerre.

S'il était possible aux gouvernements de l'Europe d'entreprendre la réalisation de programmais de logement au même rythme que celui du «programme probable», le problème européen du logement pourrait être résolu en moyenne en 50 ans, bien que dans certains pays, il faudrait probablement 150 ans pour atteindre le but désiré.

Il convient de remarquer qu'aucun gouvernement européen ne s'est engage à assurer l'exécution de ce «programme probable». Tandis que, dans certains pays, l'activité effective de la construction actuellement en cours se rapproche du «programme probable» défini dans l'examen préliminaire, dans la plupart des autres pays, par contre, les résultats sont loin d'atteindre du «programme probable», étant donné que les programmes de construction sont établis en fonction des conditions financières, des disponibilités en matériaux de construction et en main-d'oeuvre spécialisée. En fait, tous les programmes de construction sans exception ont été élaborés de manière à correspondre aux matériaux disponibles, si bien que, sauf pour un petit nombre de cas locaux et isolés, l'exécution de ces programmes n'a jamais été arrêtée par le manque de matériaux.

Les difficultés

Les plus grandes difficultés rencontrées par les gouvernements européens pour la réalisation et l'expansion de leurs programmes de construction sont des difficultés d'ordre financier. Elles l'emportent de beaucoup sur les difficultés rencontrées pour se procurer les approvisionnements nécessaires en matériaux de construction et en main-d'œuvre spécialisée. L'ampleur du problème et la nécessité de fournir un grand nombre de logements à prix réduit ont forcé la plupart des gouvernements européens à subventionner de façon importante leurs programmes de construction. Il leur sera fort difficile d'aller plus loin sans risquer de compromettre leur politique financière. Les programmes actuels de construction affectent non seulement la politique financière intérieure, mais ils menacent également de rompre l'équilibre de la balance commerciale, du fait de la nécessité d'importer un volume considérable de matériaux de construction.

Tandis que certains gouvernements ont adopté le système des subventions directes, d'autres se sont lancés deus des programmes de construction complètement financés et exécutés par l'Etat.

Ainsi qu'on l'a déjà mentionné, aucune pénurie sérieuse de matériaux de construction ne s'oppose à l'heure actuelle à la réalisation des programmes de logement mis en œuvre par les différents gouvernements européens. Jusqu'en 1947, la pénurie de matériaux de construction, en particulier d'acier de bois et de ciment, était très marquée et, dans certains pays, les programmes de logement ont été handicapés par le manque d'un ou de plusieurs de ces matériaux. Il ne faut pas oublier qu'un programme de construction est impossible à réaliser sans un approvisionnement équilibré en acier, bois, ciment, verre, briques, amiante, aussi bien qu'en tuyaux, appareils sanitaires, etc. Le fait, par exemple, pour un pays, de disposer à un moment donné de ressources abondantes en bois ou en acier ne peut en lui-même supprimer la pénurie de matériaux de construction.

La situation s'est grandement améliorée depuis 1947 en ce qui concerne les matériaux de construction, et il est peu vraisemblable que la réalisation des programmes actuels ait à souffrir d'une pénurie sérieuse de matériaux. Par contre, si la situation financière venait à s'améliorer, et si les gouvernements, pour une raison ou une autre, se trouvaient en mesure de développer leurs programmes de logement, il est très vraisemblable alors qu'une pénurie des matériaux essentiels de construction se produirait à bref délai.

Les considérations émises à propos de la situation des matériaux de construction s'appliquent également aux disponibilités en main-d'œuvre spécialisée. Les programmes actuels peuvent être exécutés avec la main-d'oeuvre actuellement disponible, étant donné surtout que l'Italie, avec ses immenses ressources en ouvriers qualifiés du bâtiment alimente non seulement les pays voisins mais également les pays d'Europe les plus éloignés.

Le rôle du bois dans la construction en Europe

E. District de Londres sévérement atteint par les bombes, transformé en cité jardin moderne.

En dépit d'une économie considérable, et du remplacement de certains matériaux par d'autres plus récents, les matériaux employés pour la construction des habitations ne sont pas dans l'ensemble tellement différents de ceux qui étaient utilisés avant la guerre. D'autre part, les méthodes essentielles de construction employées sont toujours les mêmes.

Le élevé du bois et la pénurie qui a sévi au coure des quatre premières années d'après guerre ont considérablement renforcé la tendance à économiser le bois par tous les moyens possibles. Il est symptomatique qu'en 1947, tous les pays d'Europe souffraient d'une pénurie de bois plus ou moins grave, à l'exception de la Finlande, de la Suède, de la Norvège et de la Suisse. Même des pays producteurs de bois, comme l'Autriche et la Pologne, ont souffert d'une. pénurie due à l'exploitation abusive des forêts pendant la guerre et au manque de matériel de débardage. Tous les autres pays étudiés par la CEE clans son examen préliminaire (Belgique, Danemark, Grèce, Irlande, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni et Tchécoslovaquie) font état d'une pénurie de bois provenant du volume insuffisant des importations, fait qui découle lui-même de la pénurie de devises étrangères. Tandis que la Pologne, pour remédier à la pénurie de bois, proposait des mesures d'économie et l'utilisation des déchets, l'Autriche proposait un accroissement des importations de charbon, la modernisation de L'équipement et l'emploi de main-d'oeuvre étrangère expérimentée. Tous les autres pays ont proposé, comme seul remède possible, un accroissement du volume des importations, ce qui prouve clairement que, même en 1947, la pénurie de bois était avant tout une question de devises étrangères.

Mis dans l'obligation soit d'importer du bois pour mener à bien leurs programmes de construction. soit d'économiser autant de bois que possible afin d'accroître le volume exportable de ce précieux matériau, la plupart des pays adoptèrent de rigoureuses mesures d'économie dans l'utilisation du bois par les industries du bâtiment.

Le Tableau 2 ci-dessous donne une estimation des besoins moyens en bois par logement, ainsi que l'estimation de ces mêmes besoins en 1939:

TABLEAU 2. - BESOINS MOYENS EN BOIS PAR LOGEMENT (en mètres cubes)

Pays

1938

1949

Autriche

4,6

12.0

Belgique

19,9

8,5

Danemark

9,6

9.6

Finlande

11,7

11.7

France

7,0

7,0

Grèce

9,9

6,2

Irlande

9,9

9,9

Italie

4,6

4,2

Norvège

33,3

33,3

Pays-Bas

11,2

10,4

Royaume-Uni.

9,1

7,3

Suède

25,8

28,2

Suisse

22,3

22,3

Tchécoslovaquie

14,5

14,5

Moyenne

13,7

12,8

Ce tableau dénote un fait surprenant: c'est qu'en Autriche le chiffre des besoins en bois par logement représente près de trois fois celui d'avant-guerre, sans doute à cause du manque de ciment, alors que les besoins en bois sont demeurés les mêmes en Tchécoslovaquie, au Danemark, en Finlande, en France, en Irlande, en Norvège, et en Suisse. Tous les autres pays ont été en mesure de réduire d'environ 10 à 20 pour cent le volume de leurs besoins en bois par logement.

On s'est efforcé d'économiser le bois de deux façons: 1) en utilisant des matériaux de remplacement; 2) par une utilisation plus économique de ce matériau.

Pour les raisons déjà mentionnées, un grand nombre de matériaux de remplacement ont été utilisés dans l'industrie du bâtiment pendant les premières années d'après-guerre. Toutefois, ces pratiques se sont fréquemment révélées défectueuses à la longue, étant donné qu'un grand nombre de substitutions étaient en elles-mêmes anti-économiques. Certaines mesures de remplacement. en particulier l'utilisation de matériaux complètement nouveaux, semblent toutefois appelées à durer. Les charpentes de béton et les lames de parquet posées sur un remplissage solide ont remplacé le bois dans la fabrication des planchers, et un grand nombre d'autres matériaux. de remplacement' tels que panneaux de revêtement, aluminium et autres, ont été utilisés pour les planchers, soit mélangés au béton. soit; en remplacement de ce dernier.

La question de savoir si l'utilisation de ces matériaux de remplacement se révèlera à la longue économique ne pourra être tranchée que lorsque les conditions du marché seront revenues plus normales et que le libre jeu de la concurrence décidera des matériaux qui seront utilisés dans l'industrie du bâtiment. Il est cependant possible d'affirmer qu'un grand nombre des matériaux fabriqués à l'aide de déchets de bois ou de produits locaux sont assurés d'une utilisation permanente.

Pratiquement tous les pays ont adopté des mesures rigoureuses pour réduire l'utilisation du bois dans l'industrie du bâtiment. Les mesures d'économie appliquées dans l'utilisation du bois comprennent le traitement du bois avec des produits anti-parasitaires efficaces et l'application de principes de construction plus rationnels. Il faut citer également la standardisation de la menuiserie par l'établissement de dimensions fixes et par la limitation du nombre de types d'éléments manufacturés: plusieurs pays ont maintenant adopté des types standard de portes, de chambranles et de châssis de portes et de fenêtres qui sont maintenant fabriqués en grande série.

Il faut mentionner à cet égard la construction de maisons préfabriquées, qui s'est développée dans des proportions énormes depuis la guerre. Tandis que les maisons préfabriquées ont été pendant longtemps considérées comme des constructions provisoires utilisées seulement dans les cas de besoins extraordinaires, la construction moderne a permis à l'industrie des maisons préfabriquées/le certains pays, tels que la Finlande et la Suède (voir le tableau 3 ci-dessous) de se développer dans des proportions considérables, si bien que la consommation intérieure et le commerce d'exportation de ces maisons ont augmenté de façon constante depuis la fin de la guerre.

TABLEAU 3. - EXPORTATIONS DE MAISONS DE BOIS PRÉ-FABRIQUÉES (en tonnes)

Pays

1945

1946

1947

1948

1949

Finlande 1

37.950

121.806

148.881

159.181

180.222

Finlande 2

43.765

35.820

16.092

2.491

-

Suède

17.401

71.439

17.505

9.675

44.527

1 exportations commerciales
2 livraisons effectuées par la Finlande a l'U.R.S.S. au titre des réparations de guerre.

Conclusions

On peut se faire une idée de l'ampleur de la tâche devant laquelle se trouve placée l'Europe pour résoudre le problème du logement, si l'on considère qu'il faudra en moyenne 50 ans pour remplacer toutes les maisons, qui, selon les critères actuels, sont estimées dangereuses et insalubres, soit à la suite de dommages causés par la guerre, soit en raison de leur état de vétusté ou d'autres causes, et encore à la condition que rien ne vienne entraver l'exécution de vastes programmes de logement. ta solution du problème dépend en grande partie des possibilités financières des divers gouvernements et de leur aptitude à fournir à la population ouvrière des habitations à loyer modéré en rapport avec son pouvoir d'achat.

Le rôle que jouera le bois dans la solution du problème dépend d'un grand nombre d'impondérables, tels que les fluctuations des prix du bois et des matériaux de remplacement, l'évolution de la situation financière et économique générale, le progrès de l'industrie des panneaux de revêtement dans l'avenir et un grand nombre d'autres facteurs. Il est évident que la demande de bois de construction continuera à être très importante pendant les prochaines décades et, en dépit de toutes les substitutions et économies qui pourront être pratiquées, le bois jouera un rôle prépondérant dans la solution du problème du logement en Europe.

Clichés A. B. C. Division de l'Information de l'Ambassade de France
Clichés D. E. Services britanniques de l'Information


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