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Recherches sur les relations entre les forêts et les cours d'eau

par C. R. HURSCH, Chef de la Division des influences forestières, Station d'expériences forestières du Sud-est, Asheville, Caroline du Nord, U.S.A.

L'eau, ressource forestière

Il existe moins de compréhension en ce qui concerne l'aménagement de l'eau qu'en ce qui concerne toutes les autres ressources forestières. Du fait que l'homme ne peut changer le climat dans une mesure notable et que le climat est associé à L'eau c'est une opinion commune qu'il est impuissant à aménager les ressources naturelles en eau. Cette conception est profondément erronée et néfaste.

Suivant la manière dont il utilise le sol, l'homme peut, soit faciliter là régularisation et l'emmagasinement des eaux pluviales dans le sol, soit créer des conditions édaphiques qui provoquent un ruissellement intense associé à des inondations dévastatrices et gaspiller ainsi l'eau qui pourrait autrement être utilisable pour lui. Le but de l'aménagement dés ressources en eau est de régulariser et de gérer judicieusement les précipitations que reçoit la terre

Les cours d'eau à fort débit fournissant une eau de qualité supérieure sont universellement associés à une superficie boisée intacte. C'est là la conséquence du fait que la structure et la porosité du sol sont favorables à l'infiltration, à la rétention maxima de l'eau et font obstacle - à l'érosion. Cependant, cette influence favorable des forêts sur le débit de l'eau a été, à plusieurs reprises, contestée par des hydrologistes et des ingénieurs hydrauliciens sous prétexte que les arbres exigent plus d'eau que les autres plantes pour leur transpiration et réduisent ainsi, dans un bassin de réception, la quantité d'eau totale disponible pour les cours d'eau. Evidemment ces deux points de vue sont raisonnables. Une des considérations pratiques qui doit guider la résolution de ce paradoxe est de trouver comment maintenir des conditions édaphiques favorables tout en réduisant le prélèvement de la transpiration.

Recherches sur les bassins de réception

Nécessité de résultats d'observation

La science de l'hydrologie, qui traite de l'origine et de la distribution de l'eau en tant que ressource naturelle est encore un domaine relativement peu étudié. L'application des principes d'hydrologie à l'aménagement et à l'utilisation du sol est un domaine entièrement nouveau à peine connu même de beaucoup de techniciens forestiers ou agricoles.

La principale raison de ces connaissances si limitées en ce qui concerne les relations entre les cours d'eau et l'utilisation de la terre est naturellement le manque de données expérimentales. Il y a des raisons très plausibles à cette situation. Les études sur les cours d'eau doivent être effectuées sur la base d'une aire d'écoulement et les bassins de réception expérimentaux sont coûteux à installer et difficiles à utiliser. De nombreuses années de relevés continus et précis sont nécessaires avant d'obtenir des résultats acceptables. Il faut des techniciens compétents pour mettre en œuvre les instruments de mesure indispensables et pour analyser et interpréter les résultats De plus on n'a pas encore mis au point ni éprouvé les meilleures méthodes et techniques de recherches sur les bassins de réception sous différents climats et il faudra encore beaucoup d'études et d'investigations sur ce problème. Il en est de même dans le choix de surfaces d'expériences appropriées répondant aux caractéristiques exigées au point de vue géologique, topographique, comme au point de vue de la distribution des précipitations. Pour ces raisons, un petit nombre seulement d'études expérimentales intensives sur des bassins ont été entreprises dans l'ensemble du monde, bien que la nécessité de données sur l'écoulement des eaux ait été depuis longtemps reconnue.

Historique

Parmi les travaux expérimentaux importants qui ont apporté une contribution aux connaissances générales sur l'aménagement des versants, l'un des premiers fut l'étude de la vallée d'Emmen entrepris en 1900 par l'Institut Suisse de Recherches Forestières. En 1909 les études du Wagon Wheel Gap, au Colorado, furent organisées par le Service Forestier des Etats-Unis en collaboration avec le Bureau météorologique. Des études destinées à mettre en évidence l'effet de la végétation forestière sur le débit des cours d'eau sont en cours à Java et en Afrique du Sud.

Aux Etats-Unis des études sur les bassins de réception sont poursuivies par le Service forestier des Etats-Unis dans les Etats de Californie, d'Utah, de Pennsylvanie, de Virginie de l'Ouest, de Caroline du Nord et d'autres régions. Le Service de Conservation du Sol a organisé une surface expérimentale pour des recherches intensives sur les bassins de réception à Coshocton, Ohio, et a effectué des études dans d'autres régions afin de déterminer les effets sur les terres agricoles des mesures de lutte contre l'érosion.

Plusieurs écoles d'ingénieurs ont aussi utilisé des bassins de réception expérimentaux pour établir des formules de ruissellement applicables aux projets de conduites d'évacuation des pluies d'orages, de conduites souterraines et de ponts. Une documentation générale importante a été tirée de ces expériences en ce qui concerne les données de base nécessaires à l'étude des effets de l'utilisation des terres sur le régime des cours d'eau. Elles indiquent aussi que certains types physiques de régions sont plus favorables à l'étude des phénomènes fondamentaux de l'hydrologie.

Le laboratoire d'hydrologie de Coweeta

Besoins et choix

Afin d'établir les principes hydrologiques fondamentaux à appliquer à l'aménagement des bassins de réception dans la zone de précipitations élevées des Monts Appalaches du Sud, un emplacement pour un Laboratoire d'études de bassins de réception fut choisi dans le Sud des Etats-Unis par le Service forestier des Etats-Unis en 1931. Le choix de cette station d'études sur le terrain ne fut arrêté qu'après une investigation minutieuse, de manière à trouver une superficie qui satisfit aux conditions rigoureuses définies par les hydrologistes, les ingénieurs et les forestiers intéressés à ces recherches. En 1933 des recherches actives furent entreprises sur l'aménagement des ressources en eau à ce laboratoire d'hydrologie, d'une superficie de 5.600 acres (2.400 Ha) situé à Coweeta, dans l'ouest de la Caroline du Nord.

Le laboratoire de Coweeta est situé à une altitude de 2.200 à 5.200 feet (700 à 1.700 m). Sa topographie est particulièrement favorable à l'étude expérimentale de petits bassins d'écoulement satisfaisant à toutes les conditions d'unités hydrologiques indépendantes. Les versants sont rapides et des croupes à arête aiguë forment les limites naturelles de nombreux petits bassins de réception dont l'étendue varie de 25 à 200 acres (10 à 80 ha).

L'ensemble de la région repose sur des formations granitiques archéennes, principalement des schistes et des gneiss, profondément délitées. Il n'existe aucun indice qu'une quantité quelconque de l'eau d'infiltration puisse échapper aux mesures. Les sols sont relativement profonds et poreux. Les précipitations s'élèvent en moyenne à 183 cm (72 inches) par an et sont distribuées assez uniformément entre les mois de l'année. En raison de cette répartition des précipitations et du grand nombre des orages dans l'année, il est possible de recueillir des résultats expérimentaux en relativement peu d'années par comparaison avec des régions moins arrosées.

L'ensemble de la région a peu subi l'influence de l'utilisation des terres. Une forêt feuillue mélangée prédomine, avec des pins isolés dans d'anciennes cultures ou occasionnellement sur les crêtes. On trouve quelques tsugas isolés le long des cours d'eau. Bien que 60% de la superficie ait été exploitée, un quart de siècle ou plus avant l'acquisition par le gouvernement fédéral, cette partie de la Coweeta porte maintenant une forêt secondaire, le reste étant encore à l'état de forêt primaire. Avant d'être exterminé par le chancre, le châtaignier (Castanea dentata) était l'essence principale. Maintenant 80% environ de la forêt expérimentale est peuplée de chêne et d'hickory - 15% consiste en feuillus de sols d'alluvions: tulipier (Liriodendron tulipifera) et chêne rouge (Quercus borealis). Le tsuga (Tsuga caroliniana) se trouve avec cette essence le long des cours d'eau. 5% consiste en feuillus septentrionaux: érable à sucre (Acer saccharum), bouleau jaune (Betula lutea) hêtre (Fagus grandifolia); le pin à résine (Pinus rigida) se trouve aussi compris dans ces 5% mais ne se trouve qu'à plus basse altitude. La forêt est à trois étages: les grands arbres forment l'étage dominant, les petits arbres et les grands arbustes le sous-étage, les arbrisseaux et plantes herbacées la couverture vivante. Le sous-étage dense de laurier (Kalmia latifolia) et de rhododendron (Rhododendron maxima) qui se trouve sur certains des versants est sans doute la conséquence d'incendies survenus au cours du siècle dernier.

Domaine et buts des recherches

Le plan de recherche à longue échéance du laboratoire de Coweeta est dirigé vers quatre domaines connexes:

1) Etablir les relations fondamentales entre la forêt et l'eau;

2) Fournir des coefficients de ruissellement, d'infiltration et de rétention de l'eau pour différents types d'utilisation des terres telles que le pâturage, l'exploitation forestière et l'agriculture montagnarde;

3) Enoncer les principes de l'aménagement forestier qui fournira le maximum d'eau utilisable de la meilleure qualité;

4) Mettre au point des méthodes accessibles et pratiques pour stabiliser le sol lors des exploitations forestières, sur les banquettes des routes et sur les rives des cours d'eau et des réservoirs.

Techniques et méthodes

Actuellement on étudie les mouvements de l'eau dans 28 bassins de réception. Parmi ceux-ci 16 sont soumis ou vont être soumis à des expériences et 12 sont conservés comme témoins et en vue d'expériences ultérieures.

Différents modèles de dispositifs de mesures des débits sont nécessaires pour les bassins de dimensions différentes, afin de mesurer avec précision le ruissellement pour une vaste gamme depuis l'étiage jusqu'aux crues d'orage maxima. Chaque dispositif de mesure est prévu pour satisfaire aux besoins particuliers de l'expérience. Des déversoirs entaillés à angles vifs, des lames inclinées à 45° vers l'aval sont utilisés pour la plupart des petits bassins inférieurs à 40 hectares (100 acres). Des lames rectangulaires et des lames de Cipolletti de plusieurs dimensions sont utilisées pour les aires d'écoulement plus étendues. Là où l'écart entre les crues et l'étiage atteint le maximum extrême on utilise un déversoir de ciment à encoche profonde de section elliptique. On pense que ce déversoir a, en outre, l'avantage qu'il est franchi par sédiments et les fragments de roches sans que l'encoche soit obstruée.

Le comportement des eaux souterraines est étudié au moyen de 26 puits d'observation dans lesquels les mouvements du plan d'eau sont enregistré automatiquement.

Les précipitations sont mesurées dans 75 stations pluviométriques après chaque orage important. Ces stations ont été placées en tenant compte de l'exposition et de l'altitude, de sorte qu'en deux stations voisines les quantités mesurées ne diffèrent pas de plus de 5% 10 pluviomètres enregistreurs sont aussi en service. La distribution totale des précipitations dans chacun des bassins est estimée sur la base de la méthode des surfaces de Theissen. Cette méthode consiste à situer avec précision sur la carte chaque station pluviométrique. Les polygones formés par les médiatrices des droites joignant les stations voisines circonscrivent la partie de la surface du bassin la mieux représentée par la station qu'ils entourent.

Etalonnage des bassins

Le programme général de recherche suivi par le Laboratoire d'Hydrologie de Coweeta comporte en premier lieu des mesures hydrologiques continues dans toue les principaux bassine et leurs tributaires pendant une période de cinq à dix ans sous le couvert forestier naturel Cette phase a été considérée comme étant une période d'étalonnage et de normalisation au cours de laquelle sont déterminées les caractéristiques du régime d'écoulement de chaque bassin. Des modifications sont alors apportées au couvert végétal suivant des procédés expérimentaux soigneusement déterminés pendant que l'enregistrement des précipitations et du ruissellement est poursuivi comme auparavant On enregistre sans interruption l'économie continue de l'eau du bassin expérimental à la fois avant et après ces changements apportés à la végétation Les effets des modifications intervenues dans ce bassin peuvent alors être comparés par la méthode statistique en les rapportant aux caractéristiques hydrographiques des orages ou aux variations mensuelles dans le débit et la qualité de l'eau. Les différences climatologiques annuelles sont corrigées en maintenant en permanence un ou plusieurs bassins témoins dans les conditions naturelles.

En moyenne 50 hydrogrammes utilisables pour une analyse détaillée ont été obtenus chaque année. De plus, l'allure du débit saisonnier pour les différente mois affecta bientôt un type uniforme sur la base de quelques relevés annuels seulement.

Au fur et à mesure que l'exécution des plans de recherche de Coweeta se poursuivait, on constata que, en raison des conditions favorables de pluviométrie, de sol et de topographie, la solution de certains problèmes fondamentaux relatifs au comportement des coure d'eau en pays boisé était devenue possible avant que ne fût écoulée la période d'étalonnage du bassin.

Caractéristiques normales du régime d'écoulement dans les conditions forestières naturelles

Au cours de la période d'étalonnage on constata que pendant les périodes d'orages courtes et intenses les coure d'eau s'enflaient rapidement, presque aussi rapidement que les cours d'eau issus de bassins relativement imperméables et non boisée. Dans le passé, ce phénomène a été interprété comme indiquant qu'il y a une infiltration insuffisante de l'eau pluviale dans le sol forestier et qu'il se produit du ruissellement au cours des orages, en dépit des assertions contraires, sur les sole des régions fortement boisées. Cependant, les observations faites sur le terrain pendant ces orages dans les bassins de Coweeta indiquèrent qu'il n'y avait nulle part dans le bassin d'accumulation d'eau provenant de l'orage et que, par suite, il n'aurait pu se produire de ruissellement.

De nouvelles recherches ont montré que ces crues rapides des coure d'eau provenant de régions boisées étaient dues presque entièrement à la pluie qui tombe directement dans le lit du coure d'eau et non au défaut d'infiltration dans le sol forestier. En établissant la part exacte fournie par la précipitation dans le lit au ruissellement d'un bassin donné il est alors devenu possible de séparer cette composante du régime hydrographique des orages pour les analyses et les interprétations ultérieures du régime des cours d'eau dans ses relations avec les conditions du bassin de réception

Interprétation des hydrogrammes forestiers

Une analyse semblable des hydrogrammes d'orage fut faite pour les périodes de pluies prolongées sur des zones boisées. Dans ce cas, l'hydrogramme d'orage montre un accroissement considérable du débit qui ne peut visiblement pas être imputé à la seule précipitation dans le lit du cours d'eau. Il ne peut être davantage imputé à un ruissellement causé lors de l'orage par le défaut d'infiltration dans le sol. Dans les bassins de réception de Coweeta des analyses des mouvements des plans d'eau peu profonds tels qu'ils sont enregistrés dans les puits d'observation ont montré que l'eau de pluie pénétrait d'abord dans le sol puis s'écoulait latéralement à travers les couches superficielles poreuses du sol jusqu'au lit du cours d'eau dans un temps tel qu'elle contribuait à exercer une action sur l'hydrogramme d'orage. Il fut ainsi démontré que l'hydrogramme d'écoulement d'un orage était produit à la fois par la précipitation dans le lit du cours d'eau et par une forme d'écoulement sub-superficiel dont la nature n'avait pas, jusqu'alors, été clairement expliquée. Ce dernier type d'écoulement d'une pluie d'orage est intermédiaire entre le ruissellement proprement dit et l'écoulement des eaux profondes et a été nommé débit sub-superficiel d'orage. C'est un facteur important dans l'écoulement des eaux des territoires boisés et il ne se produit que là où le sol superficiel est extrêmement poreux et présente beaucoup de grands vides dus aux racines décomposées, aux galeries des vers de terre, des insectes ou des rongeurs Il est probable aussi qu'une partie de cet écoulement suit d'anciennes lignes d'écoulement dans des lits de ravins enfouis. Ainsi l'emmagasinement de grandes quantités d'eau pluviale par le revêtement poreux du sol forestier est analogue à la régulation de l'évacuation des eaux d'orages par des barrages de retenue et de réserve qui accumule seulement l'eau excédant sur la capacité de débit du lit du cours d'eau Pour Coweeta cette capacité d'accumulation est estimée à environ 77.000 m3 par Km2 (7 millions de cubic feet par acre).

Bilan hydrographique annuel

Une autre étude relative au débit normal des cours d'eau soumis à l'influence de forêt naturelle est rapportée au bilan annuel de l'économie de l'eau dans les petits bassins. On a constaté que pour le climat humide de Coweeta, la précipitation annuelle peut être quantitativement répartie en écoulement, humidité du sol, eau d'infiltration emmagasinée dans le bassin, évaporation et transpiration. Le bilan approvisionnement-débit est exprimé par l'équation: précipitation égale écoulement plus ou moins eau libre emmagasinée dans le bassin, moins évaporation, moins transpiration, plus ou moins rétention normale d'humidité dans le sol 1. Des bilans ont, jusqu'à présent, été établis sur des récapitulations mensuelles, mais - on a reconnu que, pour certains buts, la situation de l'eau doit être chiffrée par orage et ce sera là le but final de l'étude.

1 Ce terme correspond à la couche capillaire d'eau qui entoure les particules du sol et se trouve retenue contre la pesanteur. En conséquence elle ne contribue pas au débit du cours d'eau, bien qu'elle puisse être en partie utilisée par les végétaux.

Ordinairement l'année hydrographique est basée sur une période de 12 mois partant du 1er octobre ou du 1er novembre. Les études antérieures ont montré qu'il était difficile d'arrêter un bilan hydrographique sur cette base. La période la plus favorable avait été déterminée d'après des considérations théoriques comme étant le printemps mais la preuve expérimentale manquait car on ne disposait pas de relevés continus portant sur de petits bassins convenant à ces mesures. Une analyse des relevés de Coweeta a montré que la période approximative de 12 mois entre deus dates du printemps où la réserve d'humidité du sol est maxima constitue réellement l'intervalle le plus favorable pour ce bilan annuel. A ce moment le sol est saturé d'humidité et le facteur humidité du sol, qui est difficile à mesurer pour tout un bassin, est éliminé de l'équation primitive: alimentation = écoulement ± réserve.

Des mesures furent également effectuées pour trouver la quantité de pluie perdue pour le sol forestier du fait qu'elle est interceptée par les cimes des arbres. Après correction pour tenir compte de la pluie qui atteint le sol forestier en ruisselant le long des troncs, ce facteur a été trouvé compris entre 12 et 18 pour cent de la précipitation annuelle totale.

Ces études effectuées sur des bassins de réception boisés naturellement pendant la période d'étalonnage ont fourni une base sérieuse pour évaluer les effets des traitements appliqués par la suite aux bassins à Coweeta.

Effets des coupes sur le débit du cours d'eau

La végétation forestière crée un sol poreux qui admet et emmagasine de grandes quantités d'eau, mais en même temps les arbres en utilisent une quantité considérable pour leur croissance. Ces deux faits ont été à l'origine de beaucoup de spéculations sur le rôle des forêts dans la régularisation du régime des eaux. Certaines autorités ont préconisé l'exploitation des forêts pour augmenter le débit de l'eau en éliminant la transpiration, tandis que d'autres ont soutenu que la suppression de la forêt conduirait immédiatement à un désastre. L'eau ruissellerait en surface comme une inondation, laissant peu de réserve souterraine pour alimenter l'écoulement pendant les périodes sèches. Il y a une part de vérité dans ces deux extrêmes et la mission de l'aménagiste d'un bassin de réception est de parvenir à un compromis efficace entre les deux. Dans les régions où les crues sont importantes, il s'agit de réduire le peuplement forestier pour diminuer la transpiration mais de laisser assez d'arbres pour maintenir un sol forestier en condition favorable. D'un autre côté là où il est nécessaire d'assurer le maximum de réserve d'eau dans le sol pour des pluies qui pourraient autrement provoquer des inondations, il serait plus souhaitable de favoriser une végétation dense qui absorberait fortement l'humidité du sol.

En raison du nombre limité de bassins de réception normalisés dont on dispose, l'importance régionale des problèmes particuliers a établi la priorité des traitements effectués au Laboratoire de Coweeta. Les administrateurs de territoires et les directeurs de recherches de la région sont tombés d'accord sur les problèmes suivants concernant les bassins de réception:

1) Influence des exploitations de la végétation forestière sur le régime des cours d'eau:

a) Coupe à blanc de tous les grands arbres et arbustes, suivie par la coupe annuelle de tous les rejets des végétaux ligneux;

b) Coupe à blanc de tous les arbres et arbustes suivie de régénération naturelle;

c) Effet de l'abattage de la seule végétation des rives des cours d'eau;

d) Effet de la suppression du seul sous-étage dense de rhododendron et de laurier.

Effet de l'exploitation suivie de la suppression annuelle des rejets

Cette expérience fut prévue comme étude d'orientation pour déterminer l'effet maximum sur le débit des cours d'eau par la suppression complète de toute la végétation forestière. Après la période d'étalonnage, tous les arbres et arbustes furent coupés sur un versant de 13 ha (33 acres). Cette coupe fut faite avec le minimum de dégats au sol lui-même. Les grumes et les rémanents furent tous laissés sur le parterre afin de ne pas dégrader la surface En raison de la quantité importante de matériel gisant, l'évaporation du sol et des branches resta à peu près la même qu'avant la coupe. Le premier été après l'exploitation, tous les rejets furent coupés et ce nettoyage fut renouvelé chaque année. L'effet sur le débit fut spectaculaire. Bien qu'il n'y eut aucune augmentation des maximas des crues d'orage ni de la turbidité du cours d'eau, le rendement annuel en eau de bonne qualité s'accrut de 65% au cours de la première année après l'exploitation. Cette augmentation équivaut au volume d'une lame d'eau de 43 cm (17 inches) sur les 13 hectares du bassin ou approximativement 68.000 me (15 millions de gallons). Pour un seul square mile (250 hectares) du bassin cet accroissement suffirait à alimenter pendant un an une ville d'environ 8.000 habitants. Pendant la fin de l'été, époque où l'eau est la plus précieuse, l'augmentation de débit utilisable du cours d'eau a atteint 100%.

Cette expérience sera poursuivie en recépant tout le recru annuel jusqu'à ce qu'on ait pu en apprendre davantage sur les modifications qui interviennent dans le sol sous l'actuelle couverture vivante de plantes herbacées, de ronces et de lianes rampantes qui ont envahi la coupe. L'apport initial de rémanents et de grumes a, bien entendu tout d'abord augmenté la quantité de matières organiques à la surface du sol, mais après dix ans elle disparaît rapidement. Le problème est maintenant de savoir s'il sera possible de maintenir sous la couverture vivante actuelle un sol qui ait les mêmes propriétés d'infiltration et de rétention de l'eau pluviale que le sol forestier primitif.

Effets de l'exploitation suivie de régénération naturelle

Dans un autre bassin de réception de 16 hectares (40 acres) une exploitation assez analogue fut pratiquée, mais dans ce cas on laissa la forêt se régénérer naturellement par rejets ou semis naturels. L'accroissement du débit la première année après la coupe fut le même que dans l'expérience précédente, mais, par la suite, il y eut chaque année un accroissement de la transpiration et une diminution relative du débit. Après 9 années de développement de la végétation, le peuplement forestier a environ 10 mètres (30 feet) de hauteur mais l'accroissement annuel du débit total du bassin s'élève encore à environ 25%.

Effets de la suppression de la végétation des rives

Dans un troisième bassin on coupa seulement les arbres et arbustes proches du lit du cours d'eau et des nappes d'eau peu profondes qui lui sont associées, et on laissa sur place les produits de la coupe. Cette exploitation fut limitée à la végétation ligneuse jusqu'à 5 mètres (15 feet) de part et d'autre du lit. L'opération fut effectuée en quelques jours au milieu de l'été, à une époque où le régime du cours d'eau manifestait des variations diurnes très nettes. La coupe fit disparaître cette fluctuation, indiquant qu'elle était due au prélèvement de la transpiration. Environ 12% de la surface totale du bassin fut exploitée. L'accroissement maximum du débit journalier fut d'environ 20%, l'accroissement annuel de moins de 10%.

Effets du recépage du sous-étage d'Ericacées

Un sous-étage dense de Kalmia latifolia et Rhododendron maxima est fréquemment associé aux peuplements feuillus de montagne. Ce sous-étage a souvent 3 à 6 mètres (10 à 20 feet) de hauteur et comprend des tiges qui atteignent parfois un diamètre de 23 centimètres (9 inches). Le feuillage est persistant et cireux à sa surface. On pense, cependant, que ces végétaux transpirent des quantités considérables d'eau pendant toutes les saisons de l'année. Par suite, au cours des études préliminaires des quantités d'eau utilisées par différents types de végétation, une expérience fut effectuée dans un bassin, où un sous-étage dense de Kalmia latifolia et Rhododendron maxima fut complètement coupé rez-terre sur un versant de 70 acres (28 hectares). Les résultats montrent un changement dans le débit, mais l'amplitude de la variation n'a pas encore été déterminée.

Méthode utilisée pour établir un profil en travers d'une route afin de déterminer les pertes par érosion. Cette route a perdu 2 cubic yards (1,75 m3) par yard linéaire (0 m 91) sous l'effet de l'érosion au cours d'une seule période d'exploitation.

Variations du régime d'un cours d'eau causées par l'utilisation du sol

Bien que la conservation d'un couvert forestier intact soit probablement la meilleure pratique d'aménagement possible d'un bassin de réception pour réduire les inondations et lutter contre l'érosion, tout le territoire ne peut rester boisé. Il est évident que, dans les régions semi-humides ou humides, des terres doivent être défrichées pour y établir de. cultures et de meilleurs pâturages. Le problème est alors de savoir comment utiliser la terre tout en conservant une structure du sol qui favorise l'infiltration et l'emmagasinement de l'eau. Le problème de l'aménagement des bassins de réception est de viser à maintenir une structure du sol ressemblant le plus possible à celle du sol forestier primitif. Ce n'est pas un problème simple. Dans la plupart des cas le défrichement des plaines n'a pas créé de problèmes importants pour les bassins de réception. Mais le défrichement et l'utilisation agricole des pentes, faites en grande partie sur une base erronée et à titre d'essai, a soulevé de nombreux problèmes et fait naître des opinions très divergentes sur la manière dont ces terres peuvent être cultivées sans danger. De même, il y eut des idées opposées sur l'étendue des dommages causés par le pâturage en forêt, les exploitations forestières et la construction des routes. Les effets de ces pratiques sur le débit et la qualité de l'eau ont été étudiées dans un bassin expérimental à Coweeta.

Effets des cultures sur des versants rapides

Bien que bien des millions d'hectares de terres boisées à pente rapide aient été défrichées et converties en terres de culture et en pâturages, il existe très peu de données expérimentales précises sur l'influence de ce type d'utilisation du sol sur le régime des cours d'eau Afin de déterminer les effets d'un type très étendu d'agriculture montagnarde, un bassin de réception de Coweeta, d'une étendue de 9 ha, 2 (23 acres) fut d'abord étalonné à l'état boisé pendant une période de 7 ans. La forêt fut ensuite défrichée en 1940 et, depuis, lors, cette surface fut maintenue à l'état d'exploitation agricole de montagne Les méthodes de culture étaient celles utilisées sur les terres analogues dans la localité où se trouve le laboratoire de Coweeta. Environ un tiers du versant était cultivé en céréales et le reste était conservé comme pâturage non amélioré La moitié de ce pâturage était si escarpée qu'elle était très peu utilisée par le bétail et se repeupla rapidement d'arbres et d'arbustes Pendant les deux premières années de culture, il n'y eut pratiquement aucun changement dans le ruissellement au cours des orages et les pertes de sol furent pratiquement les mêmes qu'avant le défrichement. Ces résultats parurent surprenants à beaucoup de personnes qui avaient prédit que la suppression de la forêt sur un terrain aussi escarpé provoquerait des glissements et de l'érosion à la première forte pluie La raison pour laquelle il ne se produisit pas d'érosion fut simplement que la structure peu compacte et friable du sol forestier qui caractérise les conditions forestières primitives subsista sans changement les deux premières années malgré la coupe à blanc du peuplement. Cependant, dès le début de la troisième année, les agrégats du sol commencèrent à se déliter en grains séparés pendant que les matières organiques disparaissaient. La surface commença à se colmater, l'infiltration et l'emmagasinement de l'eau se réduisirent et les pluies d'orage commencèrent à s'accumuler et à ruisseler sur les versants rapides. Une érosion accélérée s'est progressivement aggravée depuis la troisième année après le défrichement.

Lorsque le bassin était boisé, les sédiments transportés par le cours d'eau étaient insignifiants. Pour la période du 4 mai au 8 septembre 1943 le poids du sédiment déposé dans le bassin de décantation fut en moyenne de 350 Kg. (768 pounds) par jour. Au cours d'un seul orage, en 1949, 69.000 Kgs. (152.000 pounds) de terre et de rochers descendirent de cette exploitation montagnarde en 65 minutes de crue d'orage.

Les maxima des crues pour les orages moyens augmentèrent de 10 foie après que ce bassin eut été converti en exploitation agricole. Avant le défrichement, le maximum d'orage était inférieur à 30 cubic feet par seconde et par square mile (0 m3 33 par seconde et par kilomètre carré même pour des orages violente. Le maximum atteignait environ 100 c.s.m. (1 m3 1/sec/Km2) pour des pluies d'intensité exceptionnelle. Après huit ans d'utilisation agricole des maxima d'orage de 200 à 300 c.s.m. (2,2 à 3,3 m3/sec/Km2) se produisent fréquemment et le maximum absolu enregistré pour un orage violent est 1.850 c.s.m. (20, m3 2/sec/Km2). Actuellement la partie pâturée, fortement piétinée, est la source principale du ruissellement au cours des orages. Bien que représentant seulement 20% du bassin, ce pâturage piétiné fournit 60% du ruissellement. Il est visible que le piétinement du bétail a plus réduit l'infiltration de l'eau pluviale que ne l'a fait la culture des céréales L'eau qui ruisselle de cette partie au cours des orages atteint le cours d'eau en amont de la partie cultivée et engendre ainsi un double maximum dans le régime d'orage Il est manifeste que le défrichement et la mise en culture d'un versant rapide tels qu'ils furent réalisés dans ce bassin de réception ont été nettement défavorables à la qualité et à la régularisation de l'eau.

Ces résultats sont généralement applicables aux pratiques agricoles défectueuses habituellement suivies dans d'autres régions comparables par leur topographie et leur sol. Un meilleur système d'exploitation impliquerait un assolement des céréales avec le trèfle et les cultures secondaires et l'emploi régulier d'engrais. Dans les pâturages, des clôtures et le pacage par rotation d'un bétail moins nombreux à l'hectare réduiraient les dommages dûs au piétinement. Cependant, les visiteurs soulignent souvent que des méthodes agricoles plus intensives seraient difficiles et peut être non rentables en terrain aussi accidenté et que le propriétaire aurait avantage à laisser ces parcelles à l'état de forêt.

Effets du pacage en forêt

Il fut un temps où le pacage en forêt était la principale source de revenus dans les montagnes voisines du Laboratoire d'Hydrologie de Coweeta. Des écobuages étaient pratiqués pour réduire la densité du couvert et favoriser le développement de l'herbe et des rejets La promulgation de lois de mise en défens, l'interdiction des feux et la décroissance des profits obtenus ont réduit l'importance du libre parcours dans les forêts feuillues de montagne. Aujourd'hui, cependant, le pâturage dans les boqueteaux des fermes est encore une pratique très répandue. En fait, les programmes agricoles encouragent l'augmentation du cheptel et, bien que la tendance soit d'établir des pâturages améliorés sur de bons sols, la surface totale de forêt pâturée est encore considérable et couvre 20% de la surface agricole dans ce comté Afin de déterminer les effets du pacage dans les boqueteaux des fermes sur le régime du cours d'eau, un. moyenne de huit bestiaux fut maintenue dans un bassin de 58 hectares (145 acres) au cours des mois d'été pendant 8 années consécutives. Pour cette étude, il était nécessaire d'appliquer au bassin un piétinement et un pacage abusifs de manière à réaliser des conditions comparables à l'utilisation typique des boqueteaux ruraux dans cette région.

Le bétail avait tendance à se rassembler sur des sols d'alluvions riches où l'herbe était la plus savoureuse. Les comparaisons des changements subis par la végétation ont été faites dans 17 parcelles clôturées et 17 autres non clôturées. Après 7 ans de pacage, toutes les légumineuses ont disparu des parcelles pâturées. Les régénérations des essences les plus précieuses ont été éliminées dans toute la gamme des plants consommables, de 3 inches à 15 feet (8 cm à 4 m 60) de hauteur sur toute la région d'alluvions. Il s'est produit une augmentation de cent pour cent dans le nombre des arbustes non recherchés par le bétail Après les deux premières saisons, le bétail était incapable de subsister sur la seule végétation restante et serait mort de faim s'il n'avait reçu des rations supplémentaires.

Bien qu'aucun changement observable ne soit intervenu dans le régime ou la turbidité du cours d'eau pendant les huit premières années de cette expérience, il se produisit, dès le début un effet évident de piétinement du sol et une destruction de la couverture morte, partout où le bétail se rassemblait.

Ce ne fut qu'après huit années de pacage estival que des changements marqués purent être discernés dans le ruissellement. La raison en est que la couverture morte s'accumulait dans les ravins et les dépressions, lorsqu'elle était emportée par le vent des zones piétinées atteintes d'érosion lamellaire Cette couverture filtrait les sédiments permettant à l'eau claire de s'infiltrer dans le sol avant de rejoindre le cours d'eau principal. Au fur et à mesure que s'étendaient les zones de piétinement et d'érosion, il se produisait une augmentation progressive de la quantité d'eau des pluies d'orage à la surface du sol. Au fur et à mesure que la quantité de cette eau s'accroissait elle acquérait une force suffisante pour balayer les petits barrages qui s'étaient formés le long des lignes naturelles d'écoulement et créer ainsi un réseau d'écoulement continu jusqu'au cours d'eau principal. A la fin de la huitième saison de pacage, il existait ainsi un lit d'écoulement ininterrompu depuis la source de ruissellement des eaux d'orage jusqu'au lit du cours d'eau permanent. Il se produisit aussitôt une brusque augmentation de la quantité de sédiments transportés et de l'amplitude des maxima du régime hydrographique du cours d'eau

Cette expérience, bien qu'elle provoquât de propos délibéré un piétinement excessif des terrains boisés des fermes, a montré la nature du tassement graduel du sol et son influence sur la régularisation des eaux Au début, les dommages causés au bassin de réception par le piétinement peuvent aisément passer inaperçus. Les effets cumulatifs insidieux ne se manifestèrent que lorsque leur importance fut devenue suffisante pour créer dans le bassin des conditions extrêmement défavorables. D'autres recherches seraient nécessaires pour déterminer le nombre de bovins-jours qui pourraient pâturer au cours d'une saison sans apporter de dommages sérieux au régime hydrographique. Bien que les études poursuivies à Coweeta soient trop limitées pour permettre des conclusions générales, les résultats soulignent le fait qu'il n'existe dans des peuplements feuillus denses, dans le cas le plus favorable, qu'un fourrage insuffisant pour constituer un pâturage très avantageux. De plus, apparaît que le bétail endommage les jeunes peuplements d'essences précieuses et réduit ainsi la qualité de la composition du peuplement. Là où la valeur du bassin de réception est en jeu, il apparaît que toutes les raisons amènent à éliminer complètement le pacage des peuplements feuillus.

Effets des exploitations

Aux Etats-Unis la tendance actuelle dans les exploitations de montagne est de réduire l'importance du traînage en amenant des camions de débard sur le parterre des coupes. Il en résulte que des voies de vidange de plus en plus nombreuses sont tracées par des bulldozers sans qu'un plan soit établi avec soin au préalable, comme c'est le cas pour la plupart des routes. Les pistes pour camions ne sont ni bien situées ni tracées convenablement pour fournir un écoulement adéquat. Il en résulte une érosion active et une masse considérable de sédiments est transportée vers les cours d'eau.

Au Laboratoire d'Hydrologie de Coweeta, un bassin de 84 hectares (212 acres) fut exploité par un exploitant local utilisant les méthodes courantes, avec lesquelles il était le plus familiarisé. Au début, les grumes furent traînées par des chevaux dans les rigoles naturelles d'écoulement, conformément aux pratiques habituelles des exploitations. Ultérieurement une piste pour camions, longue de 3 Km 7 (2,3 miles) fut tracée au bulldozer jusqu'à la coupe en un point choisi par l'adjudicataire.

Les effets de l'exploitation furent bientôt perceptibles par la diminution de la qualité de l'eau. Pendant l'exploitation, le cours d'eau transporta. 95.106 de matières en suspension contre 4.106 pour un bassin témoin non exploité. Le sédiment provenant de la surface exploitée s'éleva à 6.000.106 pendant les orages les plus intenses contre 120.106 pour le bassin témoin.

Avant l'exploitation, le sédiment transporté par les cours d'eau était pour une grande part formé de matières organiques qui s'éliminaient rapidement et n'étaient pas nuisibles aux poissons. Au contraire, les particules finement divisées de sable et d'argile transportées par le courant après la coupe avaient une vitesse de sédimentation très faible et ce sédiment ne pouvait être éliminé que par une filtration coûteuse Ce type de sédiment est aussi très nuisible à la faune piscicole car il tend à asphyxier les œufs des poissons et à changer les conditions de la nutrition du fond du cours d'eau.

Non seulement la qualité de l'eau provenant de la surface de 85 hectares (212 acres) exploitée fut sérieusement diminuée mais toute l'eau provenant d'un bassin de réception de 750 hectares (1.880 acres), dans lequel se jetait ce petit affluent, fut également polluée. Précédemment le cours d'eau principal était toujours resté clair; pendant et après l'exploitation il aurait fallu en filtrer l'eau pour les utilisations domestiques ou industrielles. Au cours d'un seul orage, le principal cours d'eau avait une turbidité de 25.106 en amont du confluent avec son affluent provenant de la zone exploitée, qui transportait 1.200 103 de sédiments En aval, pour une surface totale de 750 hectares (1.880 acres) du bassin de réception, le cours d'eau principal transportait 395.106 de sédiment.

En admettant que l'eau provenant de ce bassin de 750 hectares (1.880 acres) ait dû être purifiée pour les usages domestiques et qu'une installation de filtration ait été possible, le prix total de $ 2.208 tiré de la vente des produits forestiers sur les 85 hectares (212 acres) exploités, n'eut compensé l'augmentation des frais de purification que pour une période de 490 jours, soit 20% de la durée d'activité de l'exploitation forestière.

Ces confirment les observations faites dans d'autres régions du pays sur le fait que les exploitations forestières sont la cause fondamentale d'érosion et d'alluvionnement des cours d'eau des montagnes boisées. Les praticiens les plus familiarisés avec ce problème pensent maintenant que l'application d'un plan d'exploitation, un meilleur tracé, une construction et un drainage améliorés, un entretien plus soigné des routes se traduiront par des économies de temps et de matériel pour l'exploitant en même temps que par la réduction ou la suppression des frais de filtration pour les utilisateurs de l'eau. Les observations faites jusqu'à présent indiquent que des pratiques efficaces d'exploitation, y compris la construction de routes de débard, répondront aux exigences essentielles de la protection des bassins de réception pendant - les exploitations.

Discussion

Les études expérimentales sur les bassins de réception fournissent des données fondamentales qui conduiront à une meilleure compréhension du mécanisme par lequel la forêt agit pour régulariser le régime des eaux et conserver les ressources en eau. La connaissance de ces fonctions est nécessaire afin que les forestiers et les aménagistes d'un territoire puissent efficacement s'acquitter de leurs responsabilités comme gardiens des ressources en eau. Les études des bassins au Laboratoire d'Hydrologie de Coweeta n'ont, jusqu'à présent, indiqué que certaines des possibilités qu'offre cet important domaine des recherches sur les bassins de réception.

L'application pratique de ces recherches s'adapte particulièrement à bien des régions du globe où la valeur locale de l'eau dépasse de beaucoup la valeur totale des bois exploités et des autres produits ligneux. Dans ce cas l'aménagement des forêts doit essentiellement avoir pour but de réaliser l'alimentation maxima en eau de bonne qualité pendant les saisons de l'année où se produit ordinairement, une pénurie. Dans l'aménagement des bassins utilisés par la population et l'industrie, il est particulièrement indiqué de combiner des peuplements forestiers de haute qualité, à longue révolution, avec un débit élevé d'eau de bonne qualité. Les pratiques de l'aménagement des forêts peuvent aussi viser à fournir un débit estival soutenu d'eau provenant de la région des sources pour alimenter la production d'énergie hydro-électrique.

Dans le monde entier la question des ressources en eau est encore le domaine inexploré de l'aménagement des forêts. Pratiquement on ne sait rien sur les effets des arbres sur le débit des eaux dans les pays tropicaux. Il est possible que l'exploitation des forêts côtières sous les latitudes équatoriales aient modifié dans une mesure importante les précipitations et l'hydrologie de l'arrière-pays. Dans les plus hautes latitudes, il y a de nombreux problèmes à résoudre. Par exemple la substitution des conifères au feuillus lorsque cette opération est écologiquement possible, a été suggérée comme un moyen d'accroître le débit des eaux. Les physiologistes ne sont pas tous tombés d'accord sur la légitimité de cette hypothèse. Ce sujet et beaucoup d'autres problèmes connexes doivent encore faire l'objet d'études dans le cadre de bassins de réception donnés.

L'utilisation de forêts protégées comme l'un des meilleurs types de couvert végétal pour lutter contre l'érosion n'a en général pas été mise en doute. Dans quelques rares exemples même cette conclusion peut être erronée car il existe des conditions exceptionnelles de sol dans lesquelles les glissements naturels de terrain sont réputés plus fréquents sous de grands arbres que sous une couverture de plantes basses. Ainsi est-il difficile de généraliser et agir ainsi pourrait conduire à des erreurs dans la solution des problèmes locaux. A coup sûr il reste encore beaucoup à découvrir pour certaines régions prises en particulier en divers points du globe.

Le mieux établi de tous les faits connus actuellement est que les abus liés à l'imprévoyance et les dégâts infligés aux sols forestiers déclenchent des processus de dégradation, qui peuvent au début passer inaperçus, mais peuvent engendrer peu à peu des modifications de la structure du sol avec pour résultat final une atteinte aux ressources en eau. La transformation de terres agricoles en déserts est un exemple classique. Comment tirer parti de la terre tout en maintenant un équilibre rationnel entre les processus de dégradation et ceux de reconstitution est un problème local dans les différentes parties du monde et un problème d'une immense importance. Comprendre ces processus physiques est le point le plus essentiel.


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