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La lutte biologique contre les insectes forestiers: travaux récents et perspectives d'avenir

H. PISHORN-WALCHER
Station européenne du Commonwealth Institute of Biological Control, Delémont, Suisse

ACTUELLEMENT, un bref article d'ordre général sur la lutte biologique contre les insectes forestiers risque fort de ne constituer qu'une répétition d'ouvrages antérieurs puisque le principe de cette méthode de lutte contre les insectes et la façon de l'aborder ont été traités deux fois au cours de l'année dernière par des biologistes forestiers fort compétents, MM. M. L. Prebble et R. E. Balch du Service forestier canadien (1, 2)1. iL y a un an seulement, deux autres publications faisant également autorité, et dues à M. F. J. Simmonds, directeur du «Commonwealth Institute of Biological Control» (3) et au Professeur G. C. Varley de l'Université d'Oxford (4), ont donné un aperçu des travaux déjà effectués et de l'évolution future de la lutte biologique en général, et étudié plus spécialement les insectes nuisibles à l'agriculture. L'auteur du présent article n'a fait des études personnelles que sur certains problèmes posés par la lutte biologique contre des insectes forestiers européens introduits en Amérique du Nord, sujet déjà traité dans les deux publications canadiennes mentionnées ci-dessus. Cependant, la question ne sera pas abordée de la même façon: ces deux publications tentent surtout de décrire le comportement des ennemis naturels importés d'Europe, en vue de la lutte biologique, tandis que le présent article traite essentiellement des recherches à entreprendre pour choisir et collecter des agents de lutte biologique efficaces, puis pour les importer dans d'autres régions. Pour cela, il faut procéder à une étude approfondie de l'écologie de l'insecte nuisible dans son aire naturelle, afin de se faire une idée des facteurs biotiques qui lui sont défavorables dans son milieu habituel. Les agents biotiques qui semblent convenir le mieux pour la lutte biologique dans l'aire d'introduction de l'insecte sont ensuite choisis, collectés et multipliés pour être expédiés. Le présent article se limitera donc essentiellement au problème de l'amélioration des méthodes actuelles d'introduction d'agents de lutte biologique.

1 Les chiffres entre parenthèses renvoient aux références bibliographiques citées en fin d'article.

Quand on parle d'améliorations possibles, il faut tout de suite préciser qu'il existe des divergences entre les opinions émises à l'heure actuelle au sujet de la lutte biologique. M. Balch (2) déclare par exemple «que les études écologiques effectuées dans les pays d'origine (de l'insecte) sont nécessaires, mais ne sont probablement pas déterminantes». Il souligne que pour la lutte biologique contre un insecte forestier introduit, «il faut importer tous les parasites, prédateurs et maladies les plus importants, mais en priorité ceux qui vivent dans des conditions écologiques analogues à celles des régions où l'insecte est indigène mais subit une limitation naturelle».

Si l'on tient compte de l'étroite similitude existant entre les types de forêt de l'Eurasie boréale et de l'Amérique du Nord, la dernière partie de l'affirmation de M. Balch prend sans aucun doute une valeur certaine. Des méthodes générales, permettant de comparer l'écologie des zones où sont prélevés les agents de lutte biologique avec celles des régions où ils seront relâchés, ont déjà été décrites par l'auteur (5).

Cependant, il est douteux que ces seules recherches préliminaires puissent contribuer à résoudre les problèmes posés par la lutte biologique en ce qui concerne les espèces et le nombre d'ennemis naturels à choisir et à introduire, la détermination des zones de prélèvement l'ordre dans lequel les introductions doivent être faites, etc. On peut au contraire penser que cette similitude écologique entre les principaux types de forêt du Vieux et du Nouveau Monde - similitude due à la longue période d'histoire et d'évolution communes qui se situe avant la fin de l'époque tertiaire - permettra, grâce à des études comparatives approfondies, de déboucher plus rapidement sur des méthodes de lutte biologique plus efficaces que le procédé consistant à «essayer pour voir» qui a prévalu dans le passé. Comme Varley (4) l'a souligné, ce problème est des plus importants; en effet, lorsque la lutte biologique réussit, son action est souvent définitive.

Le problème posé par la tenthrède européenne du pin, Neodiprion sertifer, en Amérique du Nord est l'un de ceux qui ont mis en évidence l'importance de cette question. Cet insecte forestier eurasien s'est installé fortuitement dans l'est de l'Amérique du Nord il y a 40 ans environ. Il y cause des dégâts dans les plantations de pins sylvestres destinées à la production commerciale des arbres de Noël, mais s'attaque aussi à divers pins américains spontanés (6). Pour le combattre, on a introduit d'Europe, avec succès, un certain nombre de parasites, dont quelques-uns à l'occasion d'un autre programme de lutte biologique contre une tenthrède européenne voisine, celle de l'épicéa (Gilpinia hercyniae) (2). Ces parasites ont été lâchés dans le Sud de l'Ontario et dans des Etats voisins. Cependant, un seul de ces parasites a pris de l'extension, tandis que trois autres réussissaient à s'installer sans prendre un développement important, et que pour sept autres, l'échec semblait total. D'autre part, un nombre surprenant de parasites américains se sont spontanément adaptés à cet hôte nouveau et le parasitent dans la proportion de 20 pour cent environ (6).

Il semble qu'on aurait pu prévoir certains de ces résultats en faisant une étude comparative de l'insecte et de l'ensemble de ses ennemis naturels, en Europe et en Amérique du Nord, avant d'introduire des parasites européens qui ont donné des résultats plutôt décevants; il a pourtant fallu récolter et expédier 30 millions de cocons de tenthrède. Neodiprion sertifer est la seule espèce du genre en Eurasie. Toutes les autres espèces de Neodiprion, au nombre de 25 à 30, ont une aire entièrement néarctique, c'est-à-dire américaine. Ceci permet de supposer que N. sertifer elle-même ne serait pas en fait d'origine palaéarctique; elle aurait émigré des régions néarctiques vers l'Asie orientale avant ou au cours de la période glaciaire, puis aurait progressé jusqu'en Europe occidentale [voir aussi Ross (7)]. Comme cette espèce ne donne qu'une génération par an et qu'elle hiverne à l'état d'œuf, alors que les autres tenthrèdes européennes du pin ont généralement deux générations (bivoltines) et passent l'hiver à l'état de chrysalide, les parasites européens éprouvent apparemment certaines difficultés à s'adapter au cycle biologique d'un hôte aussi différent. En fait, en Europe, trois espèces d'Ichneumonides seulement (Lophyroplectus luteator, Exenterus abruptorins et Lamachus eques) ont réussi à synchroniser leur cycle avec celui de N. sertifer. Chez ces parasites, on trouve même sur certains sujets des indices montrant qu'il s'agit peut-être de descendants d'une ancienne race à deux générations. Ainsi, toute introduction au Canada d'œufs ou de larves de parasites européens à deux générations - à l'exception des trois parasites spécifiques signalés ci-dessus - est en définitive vouée à l'échec, par suite du manque de synchronisation avec l'hôte, aussi longtemps du moins qu'il n'y aura pas à côté de N. sertifer une tenthrède américaine du pin à deux générations qui permettrait à la deuxième génération du parasite de survivre.

Il semble possible de trouver des parasites plus intéressants en Amérique du Nord même. Etant donné que N. sertifer est en fait un élément étranger en Eurasie, bien qu'elle y soit représentée depuis très longtemps, son introduction involontaire en Amérique du Nord peut être considérée comme un retour dans son aire d'origine. Dans ce cas, il est moins surprenant de voir, en Amérique du Nord, un grand nombre de parasites indigènes attaquer la tenthrède européenne du pin. Toutefois, l'action de la faune de parasites américains est incomplète car elle comporte surtout des parasites du cocon, un seul parasite important des larves Exenterus canadensis), mais aucun parasite des œufs; ce sont souvent ces derniers qui, en Europe, exercent une action efficace contre les espèces bivoltines de Diprionidées. Etant donné que près de la moitié des espèces américaines de tenthrèdes ont, comme N. sertifer, une seule génération par an et hivernent de la même façon, ii serait plus facile de corriger le déséquilibre actuel de la faune de parasites en recherchant au préalable de nouveaux parasites d'espèces peu différentes et vivant dans des conditions écologiques analogues dans l'Ouest des Etats-Unis.

Un autre exemple du même genre est fourni par la mineuse de l'épicéa, Choristoneura fumiferana, le plus important insecte forestier nuisible du Canada. On a plusieurs fois essayé d'accroître l'efficacité de ses ennemis naturels au Canada en introduisant d'Europe centrale d'autres parasites qui s'attaquent à une espèce très voisine, la mineuse du sapin (Ch. murinana). Pour autant qu'on puisse en juger, jusqu'à présent, l'opération a échoué. M. H. Zwölfer de la Station européenne du Commonwealth Institute of Biological Control a fait une étude comparative approfondie (non encore publiée) des parasites de ces deux meneuses. Il a démontré que la gamme de parasites de la mineuse de l'épicéa est plus complète que celle de la mineuse du sapin et que ceci est dû apparemment à l'évolution de ces espèces dans leurs aires respectives. Certains groupes de parasites comme les parasites des œufs ou les Tachinides ne sont pas représentés en Europe, alors qu'en Amérique, ils jouent parfois un rôle important. Ces découvertes permettent de conclure que l'introduction de parasites européens au milieu de la faune de parasites, plutôt «saturée» de la mineuse de l'épicéa, peut se révéler plus difficile que l'opération inverse. Comme M. Balch le souligne, une telle conclusion ne doit jamais être considérée comme absolument définitive; mais il semble que des études de ce genre devraient permettre de prévoir, avec une certaine précision, les effets d'introductions de parasites.

Pour un autre groupe d'insectes forestiers, celui des régions «holarctiques» ou boréales, des études comparatives à entreprendre de chaque côté de l'Atlantique devraient permettre de mieux connaître l'évolution des associations hôte-parasite. Pour les insectes forestiers boréaux ou ceux qui en sont très voisins, ce champ de recherches comparatives est encore virtuellement inexploré. En plus de «l'ignorance de la dynamique des populations» signalée par M. Balch (2), le fait d'ignorer les lois qui règlent la formation et la composition des ensembles de parasites et de prédateurs pourrait également expliquer «que le choix des ennemis naturels à introduire pour combattre un insecte étranger ne puisse pas s'appuyer actuellement sur des bases scientifiques suffisantes».

La tenthrède du mélèze, Pristiphora erichsonii est; un exemple instructif. Certains auteurs prétendent que cette tenthrède a été introduite d'Europe en Amérique du Nord, il y a environ 100 ans; d'autres pensent que cette espèce est indigène dans ces deux régions et qu'elle a donc une origine holarctique. Une tenthrède ayant les caractéristiques écologiques de P. erichsonii est généralement accompagnée d'une vaste faune de parasites comportant une ou plusieurs espèces d'ectoparasites du groupe des Tryphoninae, plusieurs endoparasites du groupe des Mesoleiinae et une ou plusieurs espèces de Diptères parasites (Tachinides), qui s'attaquent tous aux larves. De plus, on trouve généralement un certain nombre de parasites du cocon qui opèrent dans le sol, ainsi que des parasites des œufs. Des études faites en Europe centrale ont permis de trouver cette faune «typique» et on a pu élever, jusqu'à présent, un ectoparasite, plusieurs endoparasites, y compris trois Tachinides et un certain nombre de parasites du cocon. Au Canada, la faune de parasites qui attaque cette tenthrède est beaucoup plus pauvre en espèces et celles que l'on retrouve régulièrement sont soit des espèces introduites comme Mesoleius tenthredinis, soit des espèces dont l'origine géographique est douteuse. Ceci est manifestement contraire à la théorie de l'origine boréale de P. erichsonii et il semblerait donc tout à fait justifié de poursuivre l'effort actuel d'introduction de parasites européens pour enrichir la faune canadienne de parasites qui est insuffisante.

Outre ce qui a été dit sur l'intérêt d'études comparatives sur l'écologie des parasites, il faut signaler un autre domaine relativement inexploré de recherches fondamentales en matière de lutte biologique. Il s'agit de l'étude des insectes qui subissent apparemment un contrôle naturel efficace dans une partie au moins de leur aire. Depuis son origine, la lutte biologique a évidemment été concentrée sur les insectes qui provoquent des dégâts aux cultures (y compris les forêts) entraînant des pertes sur le plan économique. Beaucoup de ces espèces sont aussi nuisibles dans leur pays d'origine que dans les régions d'introduction. Parmi les insectes forestiers introduits dans le Nouveau Monde, on trouve les exemples bien connus suivants: le bombyx disparate (Lymantria dispar) et le «cul brun» (Euproctis chrysorrboea) qui provoquent également de temps en temps des dégâts sérieux aux forêts de chêne européennes. Il en est de même de l'arpenteuse d'hiver (Oporophtera brumata) qui s'est installée récemment en Nouvelle-Ecosse, et de la tordeuse du pin (Rhyacionia buoliana) qui exerce une menace sérieuse sur les plantations de pin en Amérique et en Europe.

FIGURE 1. - Pousse de mai de mélèze, recourbée par réaction à la ponte dans la pousse de la tenthrède du mélèze (Pristiphora erichsonii). Noter la forme des excréments de la larve à son premier stade, sur le premier bouquet d'aiguilles.

FIGURE 2. - Larve complètement développée de la tenthrède du mélèze portant un œuf d'un parasite externe du groupe des Ichneumonides, Polyblastus tener.

Dans le cas, par exemple, de la tordeuse du pin, on trouve à l'état endémique en Europe une demi-douzaine d'espèces appartenant au même genre, qui se nourrissent également de bourgeons de pin: cependant, la densité de leurs populations reste faible et il semble y avoir une régulation naturelle suffisante. Il se pourrait qu'en étudiant ces espèces «mineures» de Rhyacionia et en les comparant à l'espèce nuisible, on puisse se faire une idée des raisons qui font que les unes ont naturellement un développement limité alors que l'autre peut se multiplier au point de devenir nuisible. Cette étude permettrait peut-être de mieux connaître les possibilités d'amélioration des méthodes de lutte biologique contre R. buoliana.

Un autre exemple est fourni par les deux tenthrèdes du mélèze, Pristiphora erichsonii et Anoplonyx destructor. Ces deux espèces sont assez rares dans les forêts naturelles de mélèze des Alpes. Cependant, hors de l'aire naturelle de Larix europaea, elles font de temps en temps des dégâts sérieux dans les plantations (par exemple, en Angleterre) et P. erichsonii s'attaque même aux peuplements de tamarack (Larix laricina) au Canada, comme cela a déjà été signalé. Apparemment, il existe donc un facteur qui arrive à limiter le développement de cet insecte dans les Alpes, mais dont l'action est intermittente ou inefficace dans les régions où les tenthrèdes et leurs hôtes ne sont pas spontanés. En comparant des populations de P. erichsonii vivant soit dans des forêts de mélèze alpines, soit dans des plantations bavaroises, on trouve un facteur qui différencie ces deux régions: il s'agit de l'action destructrice de fourmis foestières (Formica spp.). Dans les Alpes, on a protégé contre les fourmis certaines branches de mélèzes infestées de P. erichsonii: on a constaté que la mortalité des larves qui atteignait 70 à 80 pour cent sur les rameaux non protégés tombait à 30 à 40 pour cent seulement sur les rameaux protégés par des pièges. Des expériences identiques effectuées en Bavière n'ont pas permis de trouver une différence significative pour la mortalité des larves qui était de l'ordre de 40 pour cent sur les deux types de branches, mais les fourmis forestières manquaient totalement dans les deux cas. Il est possible que cette absence des fourmis en Bavière soit une des raisons au moins de la pullulation des tenthrèdes dans les peuplements artificiels de mélèze. L'importation de fourmis forestières dans les peuplements de tamarack du Canada semble vouée à l'échec; il s'agit en effet de forêts marécageuses et les fourmis ne pourraient probablement pas s'y installer de façon permanente en nombre suffisant pour exercer une action utile.

La tordeuse verte, Tortrix viridana, ennemi courant du chêne, en Europe centrale et ailleurs, est un exemple du même genre. On l'a récemment étudiée en France dans les Vosges où son action est relativement peu importante (8), et en Allemague du Nord (9) où elle devient fréquemment envahissante. Zwölfer (communication personnelle) attribue cette différence au fait que les larves sont moins parasitées en Allemagne du Nord que dans les Vosges. Les forêts vosgiennes sont très mélangées; elles favorisent la présence d'une gamme de parasites naturels plus importante que les peuplements plus uniformes de chênes des plaines allemandes.

La lutte biologique et en général l'entomologie utilitaire, s'occupant surtout d'insectes nuisibles, la difficulté du problème vient de ce que les recherches portent sur des populations caractérisées seulement par le fait qu'elles subissent à des degrés divers une régulation naturelle insuffisante. Toutefois, les insectes nuisibles ne représentent qu'une minorité parmi les espèces formant l'ensemble de la faune. Ainsi, sur les 14 espèces de tenthrèdes qui vivent sur l'épicéa (Picea abies) en Europe, une seule est considérée comme espèce nuisible courante et cela uniquement dans les forêts où l'épicéa n'est pas spontané; trois autres sont parfois signalées comme étant peu importantes, la plupart cependant sont «inoffensives» comme l'a démontré Thalenhorst (10). Il semble bien que les théories actuelles du contrôle naturel et en particulier les schémas de Nicholson (11) et de Lack (12) ne soient pas très concluants lorsqu'on les applique à des espèces «peu abondantes» comme celles-ci. Elles ne manquent jamais de nourriture et il ne semble pas que les agents de cette lutte naturelle plus ou moins stable aient une action qui dépende de la densité d'insectes. La majorité des insectes (et des autres animaux) se rangent pourtant dans cette catégorie. Ceci semble indiquer qu'il est absolument essentiel d'étudier ces espèces «inoffensives» pour mieux comprendre et mieux utiliser la lutte biologique. Cette notion a déjà été mise en relief par le regretté Prof. Eidmann en 1949 (13).

Thienemann (14) a émis dans son «deuxième principe de biocénose» le postulat suivant: dans une association végétale, animale, ou mixte, très riche en espèces, l'incidence d'une espèce est généralement faible, tandis que dans une association pauvre en espèces, chaque membre est souvent représenté par de nombreux individus; ce deuxième type d'association ou «biocénose» est moins stable que le premier. Il serait légitime d'appliquer ce principe aux associations forestières et plus particulièrement aux insectes qui s'y trouvent. Les forêts tropicales humides, par exemple, comportent un nombre considérable d'espèces végétales et animales; elles constituent des groupements écologiques stables et, dans les peuplements vierges, il n'y a pratiquement jamais d'apparitions explosives d'insectes. Par contre, dans certains types de forêts, comme les forêts de pin ou d'épicéa, qui, d'une façon générale, sont régulières et caractérisées par la pauvreté de leur flore et de leur faune, on observe le phénomène inverse. Dans ce cas, on enregistre des invasions d'insectes, même dans les forêts naturelles; c'est le cas de la mineuse des bourgeons de l'épicéa au Canada ou de Zeiraphera griseana pour le mélèze dans les Alpes; ces invasions deviennent fréquentes dans les peuplements artificiels comme les monocultures d'épicéa d'Europe centrale (15, 16).

On pense généralement que la pauvreté relative de la flore et de la faune des forêts européennes est due au fait que la période glaciaire a eu sur la vie des végétaux et des animaux des effets beaucoup plus accusés en Europe qu'en Asie orientale et en Amérique du Nord. Dans le cas des Tachinides parasites, par exemple, de nombreuses espèces européennes se retrouvent en Extrême-Orient; au contraire, beaucoup d'espèces voisines qui sont courantes en Extrême-Orient n'existent pas en Europe. S'il est exact que l'absence en Europe de tant d'espèces est principalement due à ces raisons historiques, un vaste champ d'action peut s'ouvrir en matière de lutte biologique: essayer d'enrichir et de stabiliser les biocénoses appauvries d'Europe, en important des ennemis naturels d'Asie orientale. Un grand nombre d'insectes nuisibles importants des forêts européennes sont également indigènes en Extrême-Orient, par exemple: Lymantria dispar, Malacosoma neustria Dicranura vinula, Stilpnotia salicis, Operophtera brumata, de nombreuses espèces de coléoptères, la tenthrède du pin Neodiprion sertifer, etc.; il serait certainement intéressant d'entreprendre des études comparatives de leurs faunes de parasites et peut-être par la suite d'envisager des introductions qui permettraient de combler les lacunes éventuellement constatées en Europe.

Evidemment la riche faune d'ennemis naturels que l'on pense trouver en Asie orientale présente également de l'intérêt au Canada et aux Etats-Unis pour la lutte biologique contre les insectes forestiers et autres. Pour cette raison, le Commonwealth Institute of Biological Control a prévu l'installation d'une station régionale dans le Nord du Japon à partir de 1961. Cette station permettra de mieux connaître l'écologie des insectes forestiers de l'hémisphère Nord et les facteurs physiques et biotiques auxquels ils sont soumis dans les différentes parties de leur aire naturelle; elle facilitera aussi le choix des ennemis naturels à introduire en Amérique du Nord. Simmonds (3) a sans doute raison de dire que, «sur l'ensemble du domaine de la lutte biologique, le travail est à peine commencé».

Références bibliographiques

1. PREBBLE, M. L. 1960. Biological control in forest entomology. Bull. Entom. Soc. America, 6:6-8.

2. BALCH, R. E. 1960. The approach to biological control in forest entomology. Canad. Entom., 92:297-310.

3. SIMMONDS, F. J. 1959. Biological control, past, present and future. Journ. Econ. Entom., 52:1099-1102.

4. VARLEY, G. C. 1959. The biological control of agricultural pests. Journ. Roy. Soc. Arm, 107:475-490.

5. PSCHORN-WALCHER, H. 1958. Climatic and biocoenotic aspects for the collection of predators of Adelges piceae Ratz. (Hemiptera: Adelgidae) in Europe. Proceed. 10th Int. Congr. Entom., 1956, Montreal, 4:801-805.

6. GRIFFITHS, K. J. 1959. Observations on the European pine sawfly, Neodiprion sertifer (Geoffr.) and its parasites in southern Ontario. Canad. Entom., 91:501-512.

7. Ross, H. H. 1955. The taxonomy and evolution of the sawfly genus Neodiprion. Forest Sc., 1:196:209.

8. ZWÖLFER, H. & KRAUS, M. 1957. Biocoenotic studies on the parasites of two fir and two oak Tortricids. Entomophaga, 2:173-196.

9. SCHÜTTE, F. 1957. Untersuchungen über die Populationsdynamik des Eichenwicklers (Tartix viridana L.). Zeitschr. f. angew. Entom., 40:1-36, 285-331.

10. THALENHORST, W. 1957. Vergleichende Untersuchungen über den Massenwechsel. der Fichten-Nematinen. Verh. d. Deutsch. Ges. f. angew. Entom., 14:95-109.

11. NICHOLSON, A. J. 1933. The balance of animal populations. Journ. Anim. Ecol., 2:132-178.

12. LACK, D. 1954. The natural regulation of animal numbers. Oxford, Clarendon Press. 343 p.

13. EIDMANN, H. 1949. Das Problem der Indifferenz: ein Beitrag zur Oekologie der Insekten. Die Naturwissenschaften, 36:268-273.

14. THIENEMANN, A. 1920. Die Grundlagen der Biozönotik und Monards faunistische Prinzipien. Festschrift f. Zschokke, No. 4, Basel.

15. SCHWERDTFEGER, F. 1954. Forstinsekten im Ur - und Nutzwald. Algem. Forstzeitechrift, 9:277-282.

16. FRANZ, J. 1948. Über die Zonenbildung der Insektenkalamitäten in Urwäldern. Forstwiss. Centralblatt, 67:38-48.

L'association internationale de recherche sur le bois

On ressentait depuis de nombreuses années la nécessité d'une Association internationale de recherche sur le bois. Les plans primitifs de création d'un tel organisme remontent à la Conférence sur la technologie du bois convoquée par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, conférence qui réunissait les délégués de nombreux pays de toutes les parties du monde. Les recommandations de cette Conférence ont abouti à la création de l'Association le 27 mai 1960, lors d'une réunion spéciale qui s'est tenue à Paris et qui groupait quinze spécialistes du bois venus de neuf pays. Les Statuts et le Règlement intérieur qui avaient été proposés par un comité international spécial furent approuvés et des plans en vue de l'organisation de l'Association furent élaborés.

L'Association est une organisation internationale sans buts lucratifs et indépendante, dont peuvent faire partie les particuliers, les entreprises privées et les représentants des universités et organismes gouvernementaux qui travaillent dans les domaines de la recherche, de l'éducation et des aspects industriels de l'utilisation des produits forestiers. L'Association est parrainée par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture qui, durant la phase de mise sur pied, lui assurera les services de secrétariat nécessaires, à son Siège central à Rome. Tous ceux qui adhéreront en 1960 seront considérés comme membres fondateurs.

Importance de l'Association internationale

Le bois est l'un des premiers matériaux qui aient contribué au progrès de la civilisation et il demeure de nos jours un produit tout aussi indispensable. Alors que les ressources naturelles s'amenuisent, les forêts, qui représentent un patrimoine commun pour l'humanité constituent la seule source renouvelable de matériaux. Depuis quelques années, on comprend de mieux en mieux qu'il est indispensable d'améliorer l'utilisation du bois et d'effectuer des recherches sur les produits forestiers afin de tirer un meilleur parti des forêts, au bénéfice de tous les pays.

La nécessité d'améliorer les échanges internationaux de renseignements et d'idées entre les personnes qui travaillent dans le domaine des produits forestiers a souvent été discutée. Cette nécessité s'est accentuée encore en raison de la difficulté qu'éprouvent ces personnes à se tenir au courant des conclusions et découvertes des multiples centres de recherche existant dans le monde entier, ainsi que des publications toujours nombreuses consacrées à ce sujet dans tant de pays divers. Il est ainsi devenu extrêmement souhaitable qu'il existe un organisme indépendant chargé d'instituer des contacts et des échanges de vues entre ceux qui s'intéressent à l'amélioration de l'utilisation du bois, et de mettre sur pied des réunions auxquelles les participants pourront présenter des communications et confronter leurs points de vue.

Réunions

L'Association internationale de recherche sur le bois a été créée pour promouvoir le progrès des connaissances et l'utilisation plus efficace du bois et des produits dérivés du bois.

Au termes de ses Statuts, elle tient une assemblée générale tous les deux ans, à la date et au lieu désignés par le Comité exécutif. D'autres assemblées générales peuvent avoir lieu périodiquement avec l'autorisation du Comité exécutif, à l'occasion d'une réunion de la Conférence de la technologie du bois de la FAO. Des réunions spéciales peuvent être organisées avec l'autorisation du Comité exécutif, à l'occasion de réunions d'autres organisations apparentées. Il est prévu d'organiser des groupes régionaux chargés de parrainer des réunions régionales.

Publications

Le Comité exécutif fixera les procédures détaillées à suivre en matière de publications. L'Association encouragera la publication d'écrits scientifiques. On envisage de publier un bulletin de l'Association et d'utiliser les moyens offerts par la presse technique et commerciale. Les communications relatives à des questions d'organisation, ainsi que les notes et rapports scientifiques et techniques seront portés à la connaissance de tous les membres par les soins du sécrétaire exécutif au moyen de bulletins périodiques.

Invitation à adhérer

Toutes les personnes et organisations qui s'intéressent au progrès des connaissances et à l'utilisation plus efficace du bois et ´ des produits du bois sont cordialement invitées à présenter une demande d'admission à l'Association. Ces demandes, ainsi que toute autre correspondance, doivent être adressées au Secrétaire exécutif de l'Association internationale de recherche sur le bois, FAO, Viale delle Temme di Caracalla, Rome, Italie.


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