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Module 7: La dimension économique du développement durable (2 à 3 journées)


Objectifs pédagogiques de l'ensemble du module
Introduction générale à ce module
Objectifs pédagogiques spécifiques
Outils macro-économiques
Outils micro-économiques
Outils financiers
Que faire dans chaque cas concret?


Objectifs pédagogiques de l'ensemble du module

Rendre le stagiaire capable de:

- comprendre la complexité et l'enjeu du sujet et prendre conscience du foisonnement actuel des idées et des méthodes

- maîtriser plusieurs outils d'intégration économie-durabilité

- maîtriser plusieurs outils non économétriques pour cette intégration

- s'inspirer de l'exemple de plusieurs financements innovants et créatifs pour ses propres projets ultérieurs

Introduction générale à ce module

Le mariage économie-gestion durable des ressources naturelles est encore loin d'être consommé. On en est juste encore aux travaux d'approche, chaque partenaire examinant l'autre avec le mélange habituel de crainte et d'attirance.

Pour les économistes conventionnels, toutes les notions liées à la gestion durable des ressources naturelles, long terme, biens et services non marchands (termes précisés plus loin), approche multi-sectorielle sont autant de repoussoirs dans une approche qui est beaucoup plus à son aise dans le court terme et les secteurs marchands.

Pour les «spécialistes» de gestion durable, et, en particulier, les environnementalistes, les économistes ont partie liée avec le diable: le simple fait de donner une valeur commerciale à un espace comme la forêt rendrait cette forêt cessible et donc plus facile à détruire.

En fait, toute solution durable ne pourra venir que d'un rapprochement entre économistes et environnementalistes, comme nous allons tenter de le montrer ci-après.

Objectifs pédagogiques spécifiques

Rendre le stagiaire capable de:

- mieux comprendre le lien entre gestion de l'environnement et développement économique,

- comprendre l'enjeu et la complexité d'une gestion économiquement durable des ressources naturelles,

- comprendre l'application du calcul économique conventionnel au constat de la dégradation des ressources naturelles,

Outils macro-économiques


Phase d'apprentissage
Phase de synthèse


Phase d'apprentissage

Macro-économie de la durabilité

La gestion durable des ressources naturelles est une nouvelle approche. Dans le calcul économique conventionnel, il est difficile d'intégrer toutes les dimensions du développement durable. Toutefois, dans le domaine de l'environnement, les méthodes commencent suffisamment à être au point pour permettre l'enseignement de plusieurs outils, présentés ici et qui font l'objet d'exercices.

I. LE CADRE DÉCISIONNEL NATIONAL ET LE BESOIN DE PASSERELLES ENTRE APPROCHES ÉCONOMIQUES ET «GESTION DURABLE»

1. LES POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT: GÉNÉRALITES

Les politiques de développement tracent le cadre dans lequel des décisions majeures sont prises qui engagent l'avenir d'un pays pour plusieurs années. Parme les politiques ayant une influence évidente sur la gestion des ressources naturelles, on peut citer:

- politique forestière,
- politiques d'aménagement du territoire (nationale ou locale, par exemple en zone littorale);
- politique agricoles;
- politique d'urbanisme,
- politique éducative,
- politique de recherche......

Par rapport à ces politiques, les projets et activités qui sont mis en oeuvre doivent faire face à des contraintes qui sont celles du cadre tracé par la politique du secteur ou du domaine à l'intérieur duquel ces projets et activités sont conçus.

Par exemple, la politique agricole de Côte d'Ivoire a été longuement influencée par le mot d'ordre du Président Houphouët-Boigny «la terre appartient à celui qui la met en valeur». Dès lors, tous les défrichements étaient non seulement légaux et encouragés par ce mot d'ordre, mais ils permettaient également au défricheur de transformer du patrimoine commun en patrimoine privé. On a ainsi assisté à une deforestation sauvage dans un pays autrefois forestier. Tout projet de conservation de la Nature en Côte d'Ivoire s'est heurté ou se heurte à un moment ou à un autre à cette politique de conquête foncière.

L'absence de politique elle-même influence la manière dont les projets peuvent être conçus et mis en oeuvre. Par exemple, dans la plupart des pays pauvres, en particulier en Afrique, il n'y a pas à proprement parler de politique d'aménagement du territoire. Tout effort pour développer des hinterlands (arrière-pays) se heurte donc au manque de moyens et au manque de priorité nationale.

2. LIMITATIONS DES APPROCHES NON FINANCIÈRES DES POLITIQUES DE DÉVELOPPEMENT

Dans le mode décisionnel actuel, le rapport de force entre planificateurs-aménageurs-développeurs et défenseurs de l'environnement s'est essentiellement traduit (et continue à se traduire) par des oppositions à la réalisation de politiques et de projets.

En ce sens, les soucis d'environnement ne sont pas réellement intégrés à la conception et à la mise en oeuvre de ces politiques et projets. Cette intégration est limitée, au pire, à une démagogie écologiste (on rajoute une petite échelle à poissons dans un projet de barrage pour faire plaisir aux écolos), au mieux à la mise en oeuvre des recommandations les moins douloureuses de l'Etude d'Impact sur l'Environnement. En ce qui concerne la planification-programmation des projets, les décisions continuent à se prendre principalement à l'aide de critères financiers et économiques.

Pour que l'environnement soit pris en compte de la même manière que l'économie, il est important de créer des passerelles entre les calculs financiers et les évaluations environnementales.

3. LES ACTEURS IMPORTANTS DANS L'ELABORATION DES POLITIQUES

Une confirmation de ce déséquilibre entre environnement et économie peut être trouvée dans les rôles respectifs des départements gouvernementaux dans les négociations de politiques sectorielles ou non avec les organismes internationaux.

Ce sont systématiquement les ministres sectoriels et les représentants des ministères des finances qui dirigent ces négociations. Or, ces représentants sont généralement les moins bien informés des problèmes environnementaux de leur pays.

Ou plutôt, la présentation actuelle des données environnementales, et les discours des groupes qui apportent leur soutien à la protection de l'environnement, ne sont pas adaptés aux décideurs finaux que sont principalement les ministres des finances

4. LES BESOINS DES ECONOMISTES ET ANALYSTES FINANCIERS

Ce sont souvent eux qui préparent les décisions des ministres des finances. Par leurs contraintes comme par leur formation, ces analystes doivent effectuer leurs calculs d'évaluation à partir de données:

- disponibles,
- quantifiées,
- ayant déjà subi le jugement des spécialistes techniques.

C'est ainsi que les économistes prennent en compte les éléments techniques nécessaires à leurs évaluations (données de transport ou industrielles, par exemple).

Les données environnementales ne sont pas actuellement disponibles sous la forme désirée, d'une part parce qu'elles sont en général de mauvaise qualité, d'autre part parce qu'elles ne sont pas exprimées en termes économiques et financiers de manière homogène avec les autres données techniques.

Ceci n'est pas un mal insoluble, mais c'est une importante priorité pour l'avenir que de remédier à cet état de fait.

L'avenir du développement durable passera par une adaptation réciproque des analystes de politiques et de projets et des analystes environnementaux. Il y a donc besoin, à la fois, d'une comptabilité environnementale et d'un changement de méthodes chez les analystes de projets. Au minimum, les analystes de politiques et de projets devront prendre en compte les éléments environnementaux financiers et économiques dans leur analyse. Au maximum, les analystes de politiques et de projets devront recourir - et ce sera toujours avec suspicion dans les circonstances actuelles - à des méthodes d'analyse multi-critères.

5. LA DIFFÉRENCE ENTRE MARCHAND ET NON MARCHAND

L'économie est l'étude de la gestion et de l'allocation des ressources rares. A ce titre, tous les échanges de biens et de services relèvent de l'analyse économique. Parmi ces échanges, certains font l'objet d'un paiement en monnaie: on parle alors d'échanges marchands. D'autres échanges se produisent avec une contrepartie en nature. C'est le troc. Dans beaucoup de cas, cependant, l'échange se fait sans rémunération monétaire, et même sans contrepartie directe. On peut citer le travail ménager, l'éducation parentale des enfants, le coup de main,..... C'est au sein de la famille au sens large que ces échanges non marchands se produisent le plus fréquemment.

Or, dans le domaine de l'environnement en particulier et du développement durable en général, beaucoup d'actions relèvent du non marchand, ce qui a jusqu'à présent largement découragé les économistes classiques. Il faut cependant prendre en compte cet aspect non marchand dans une démarche économique cohérente.

Exercice: Classer les actions suivantes entre marchand et non marchand:


Marchand

Non marchand

- faire des livraisons à vélo rémunérées,



- faire une promenade à vélo,



- aller récolter du bois pour la cuisine pour la famille,



- auto-produire ses légumes,



- produire des légumes et les vendre sur le marché,



- éduquer ses propres enfants,



- enseigner dans une école du Gouvernement,



- faire le métier de tisserand,



- coudre pour la famille,



- produire et vendre du charbon de bois



(ajouter des exemples proposés par les stagiaires si besoin est)

6. LES FREINS À L'INTÉGRATION DE L'ÉCONOMIE DANS LES ÉVALUATIONS ENVIRONNEMENTALES ET À L'INTÉGRATION DE L'ENVIRONNEMENT DANS LES CALCULS ÉCONOMIQUES.

Les principales raisons pour lesquelles 1'inter-pénétration économie-environnement a été aussi limitée jusqu'à présent sont:

- la gestion de l'environnement n'était tout simplement pas enseignée dans les cursus d'économistes,

- beaucoup des aspects environnementaux ont trait au secteur non marchand (par exemple dans le domaine des combustibles ligneux),

- les théories économiques ont jusqu'à présent privilégié une vision du monde linéaire non systémique,

- beaucoup des ressources environnementales ont un prix qui est extrêmement difficile à évaluer (voir plus loin),

- complexité du sujet,

- il n'y avait jusqu'à présent aucune obligation statutaire à intégrer les aspects environnementaux dans le calcul économique, en particulier pour les bailleurs de fonds internationaux.

II. EXEMPLES DE PASSERELLES ÉCONOMIE-GESTION DURABLE MISES EN OEUVRE JUSQU'À PRÉSENT

Ces passerelles ont commencé à être mises en place de manière piorrière, d'une part dans le cadre de la préparation de Plans Nationaux d'Action Environnementale (PNAE), d'autre part dans le cadre d'exercices de recherche comme celui de l'Institut des Ressources Mondiales (WRI en anglais).

1. LE COÛT NATIONAL DE LA DÉGRADATION DE L'ENVIRONNEMENT A MADAGASCAR

Voici un exemple traité sous forme d'exercice.

ORDRES DE GRANDEUR GLOBAUX DE L'IMPACT ÉCONOMIQUE DE LA DEFORESTATION

Pour les besoins du Plan d'Action Environnemental (PAE) de Madagascar, François FALLOUX, à l'époque chef de division adjoint (division technique environnement pour l'Afrique AFTEN - désormais AFTES - à la Banque Mondiale) a recueilli, au sein même de son institution, des estimations lui permettant de chiffrer le coût de la deforestation pour l'économie malgache.

Cet exercice, effectué rapidement, avait comme principal objectif de convaincre le Gouvernement Malgache et des banquiers internationaux du bien fondé d'un investissement dans la protection de l'environnement à Madagascar. Dans le cadre de cet ouvrage, les estimations faites méritent que l'on s'y arrête et que l'on y ajoute des commentaires.

Tout d'abord, considérons les impacts sur l'économie interne du pays. Voici les catégories de coûts et la manière dont ils ont été évalués.

- Pertes de fertilité agricole et pastorale
- Pertes de patrimoine forestier
- Ensablements en aval (accroissement des charges d'entretien et de fonctionnement),

Notons que plusieurs catégories de coût n'ont pas été incluses, faute de moyens de mesure adéquats: c'est particulièrement le cas de l'augmentation de fréquence des crues.

Les pertes évaluées ont été rapprochées du Produit National Brut (PNB) de Madagascar.

Evaluation du coût de la deforestation à Madagascar: hypothèses
Les hypothèses effectuées sont les suivantes:

 

Hypothèses

Basse

Haute

Brûlis et défrichements:

1,0 Mha/an

3,0 Mha/an


dont pâturages

0,6 Mha/an

1,8 Mha/an


collines

0,3 Mha/an

0,9 Mha/an


forêts naturelles

0,1 Mha/an

0,3 Mha/an

Surface touchée par l'érosion:



Grands périmètres

80.000 ha

80.000 ha

Moyens périmètres

400.000 ha

400.000 ha

Petits périmètres

500.000 ha

500.000 ha

Les dégradations dues aux brûlis et défrichements se décomposent ainsi:

Unité: 1000' ha (appelés kha)

 

Hypothèses

Basse

Haute

pâturages

600 kha/an

1.800 kha/an

dont irrécupérables

30 kha/an

90 kha/an

productivité baisse

570 kha/an

1.710 kha/an

collines

300 kha/an

900 kha/an

dont irrécupérables

15 kha/an

45 kha/an

productivité baisse

285 kha/an

855 kha/an

forêts naturelles

100 kha/an

300 kha/an

dont bonne qualité

50 kha/an

150 kha/an

dont irrécupérables

5 kha/an

15 kha/an

en cultures

45 kha/an

135 kha/an

dont dégradées

50 kha/an

150 kha/an

dont irrécupérables

5 kha/an

15 kha/an

en cultures

45 kha/an

135 kha/an

Les hypothèses économiques sont les suivantes:

- les pâturages représentent avant dégradation une productivité de 8 kg de viande bovine/ha/an, et une valeur de 130.000 FMG/ha. La destruction d'un hectare de pâturage ramène à une valeur estimée arbitrairement nulle. Sur les pâturages à productivité décrue (hypothèse moins 5% de productivité, et donc de valeur), la perte est de 6.500 FMG/ha/an.

- sur les collines, avec un produit brut estimé de manière pessimiste à 50.000 FMG/ha/an, la baisse de productivité - estimée à 10% - entraîne une perte de 5.000 FMG/ha/an. La perte d'un hectare de colline, estimée de la même manière que les pâturages, entraîne une perte économique de 500.000 FMG.

- les forêts naturelles ont vu leur valeur estimée à 2.000.000 FMG/ha pour la forêt de bonne qualité et la moitié pour la forêt dégradée. Dans le cas de destruction, on a estimé une perte totale de ce patrimoine. Dans le cas de transformation en terrains de culture, la perte est de 1.500.000 FMG/ha (valeur initiale de la forêt moins valeur du terrain de culture) pour la forêt de bonne qualité et 500.000 FMG/ha pour la forêt dégradée.

- les effets de l'érosion sur le coût d'entretien des infrastructures sont les suivants:

Irrigation grands périmètres

15.000 FMG/ha/an

Irrigation moyens périmètres

10.000 FMG/ha/an

Irrigation petits périmètres

5.000 FMG/ha/an

Routes

1.900 MFMG/an

Ports

1.250 MFMG/an

Calculer les coûts estimés (i) des dégradations dues aux brûlis et défrichements, (ii) de l'entretien supplémentaire des périmètres d'irrigation, routes et ports et (iii) totaux.

Rapprocher du PNB de Madagascar de l'époque (2.500 Milliards FMG environ). Qu'observez-vous?.

2. PRODUIT INTÉRIEUR NET INDONESIE: UNE ETUDE DE CAS

(extrait de World Resources 1990-1991, traduction de l'auteur)

Au cours des vingt dernières années, l'Indonésie a fortement prélevé sur ses principales ressources naturelles. Les recettes de la production de pétrole, gaz, minéraux, bois d'oeuvre, et autres produits forestiers ont couvert une grande partie des dépenses de développement et courantes du Gouvernement. La production primaire représente 44% du Produit Intérieur Brut (PIB), 84% des exportations et 55% de l'emploi total (voir tableau suivant). D'une manière générale, les résultats économiques de l'Indonésie sur la période 1983-1987 sont jugés satisfaisants: la croissance du PIB par habitant a été de 4,6% l'an entre 1965 et 1986. Seul un petit nombre de pays à faible et moyen revenus ont dépassé cette valeur, et la moyenne de la croissance de ces pays est bien inférieure aux résultats de l'Indonésie. L'investissement brut est passé de 8% du PIB en 1965, à la fin de l'ère Sukarno, à 26% du PIB (là encore bien au dessus de la moyenne) en 1986, malgré la faiblesse des cours du pétrole et une forte dette extérieure.

Les estimations effectuées à l'occasion de l'étude de cas Indonésie illustrent à quel point ces résultats dépendent de la bonne tenue de la comptabilité des facteurs mis en jeu. Les tableaux suivants comparent le Produit Intérieur Brut à prix constants au Produit Intérieur Net (PIN), calculé en soustrayant au PIB l'amortissement des ressources naturelles dans trois secteurs seulement: pétrole, bois d'oeuvre, sols. Il est évident qu'après la prise en compte de la consommation du capital naturel, le PIB et sa croissance, calculés par les méthodes conventionnelles sont largement supérieurs au PIN et à sa croissance. En fait, alors que le PIB croît de 7,1% l'an entre 1971 et 1984, le PIN ajusté croît seulement de 4% l'an. En excluant 1971, une année où les réserves de pétrole ont été substantiellement augmentées, les taux de croissance sont respectivement de 6,9 et 5,4% l'an pour le PIB et le PIN.

Dans les faits, la surestimation du revenu et de sa croissance peut être encore plus fort puisque trois ressources seulement ont été prises en compte: le pétrole, le bois d'oeuvre et les sols à Java. D'autres ressources non renouvelables qui ont été exploitées pendant cette même période: gaz naturel, charbon, cuivre, alumine et nickel, n'ont pas encore été intégrées dans cette analyse. L'amortissement de ressources renouvelables, comme les produits forestiers autres que le bois d'oeuvre et les produits de la pêche, n'a pas non plus été pris en compte. Lorsque l'ensemble de ces données seront disponibles, l'écart entre le PIB et le PIN sera probablement encore plus fort. D'autres indicateurs macro-économiques sont encore plus biaises. Les tableaux et la figure suivants comparent les estimations des investissements intérieurs bruts et nets, ce dernier indicateur intégrant l'amortissement du capital de ressources naturelles. Cette donnée statistique est d'une importance primordiale pour la planification économique dans les économies fondées sur la gestion des ressources naturelles. Les pays comme l'Indonésie, qui dépendent étroitement de leur base de ressources naturelles non renouvelables doivent la diversifier pour assurer une croissance soutenable et à long terme. L'exploitation et la commercialisation des ressources naturelles doivent financer les investissements productifs dans les autres secteurs. Il est donc pertinent de comparer l'investissement intérieur brut à la valeur de la consommation des ressources naturelles. Si l'investissement intérieur brut est inférieur à la consommation des ressources, le pays, toutes choses égales par ailleurs, s'appauvrit plutôt qu'il ne s'enrichit. Cela signifie que la consommation des ressources naturelles, irréversible, finance des dépenses courantes. Si l'investissement intérieur net est positif, mais inférieur à celui qui serait requis pour équiper les nouveaux travailleurs arrivant sur le marché à hauteur normale, la productivité technique et financière de ces travailleurs a peu de chances de croître. En fait, les résultats de l'étude de cas Indonésie montrent que les ajustements liés à la consommation des ressources naturelles sont du même ordre de grandeur que l'investissement intérieur brut. En 1971 et 1973, l'ajustement est positif, grâce à la découverte de nouvelles ressources pétrolières. Dans les années suivantes, pour la plupart des cas, l'ajustement consomme une bonne partie de l'investissement intérieur brut. Certaines années, l'investissement intérieur net est négatif, ce qui implique que les ressources naturelles étaient détruites pour financer des coûts récurrents.

Une telle évaluation devrait normalement envoyer un signal non équivoque aux responsables des politiques économiques pour leur indiquer qu'ils font fausse route. Un système comptable qui ne met pas en relief de tels résultats est sans valeur en tant qu'outil d'analyse et de planification dans des économies ayant une base importante de ressources naturelles. De tels systèmes comptables devraient être améliorés.

Le même constat peut être fait pour l'évaluation des résultats dans des secteurs particuliers comme l'agriculture. Environ les trois quarts des Indonésiens vivent dans les îles intérieures fertiles mais surpeuplées de Java, Bali et Madura. Dans les bas-fonds de ces îles, la production rizicole irriguée est intensive. Sur les plateaux, la pression démographique a obligé à la mise en culture en maïs, manioc et autres cultures annuelles. Au fur et à mesure des défrichements qui en découlent, l'érosion s'est intensifiée, atteignant désormais 54 t/ha/an en moyenne, selon les estimations de l'Institut pour les Ressources Mondiales.

Les conséquences économiques de l'érosion incluent les pertes de nutriments et de fertilité des sols, ainsi que l'accroissement de la sédimentation dans les retenues, les ports et les ouvrages d'irrigation. L'augmentation des matières en suspension nuit aux utilisations aval, pêches et autres. Même si les rendements ont été augmentés sur les plateaux à cause des pratiques intensives (variétés végétales améliorées, fertilisation), les estimations d'un rapport récent de l'Institut des Ressources Mondiales montrent que l'amortissement annuel de la fertilité des sols, calculé sur la base de la perte de revenu agricole, représente environ 4% de la valeur de la production végétale, à peu près la valeur de l'accroissement annuel de production. En d'autres termes, ces résultats donnent à penser que les accroissements de production agricole sur les plateaux Indonésiens sont obtenus entièrement aux dépens des gains de production futurs. Comme il est peu probable que la population diminue sur les plateaux dans les années à venir, l'érosion est un transfert de richesse de l'avenir vers le présent. En ne tenant pas compte des coûts futurs de l'érosion, les comptes sectoriels surestiment de manière significative la croissance des revenus agricoles sur les plateaux Indonésiens.

Questions après la lecture:

- la méthode a-t-elle pris en compte tous les éléments naturels?
- quelle est la différence entre PIB et PIN dans l'article?
- dans quels cas le PIN peut-il être supérieur au PIB?
- quelle est la différence entre l'Investissement Intérieur Brut et l'Investissement Intérieur Net?
- dans quels cas l'Investissement Intérieur Net est-il négatif? Qu'est ce que cela veut dire?
- la méthode proposée est-elle directement opérationnelle?
- quelle utilisation un formulateur de politique, par exemple sectorielle, peut-il faire de cette méthode?

Comparaison du Produit Intérieur Brut (PIB) et du Produit Intérieur Net (PIN)

Milliards de Rupiah constants
1973





Année

PIB°

Pétrole

Forêts°°

Sols

Variation Nette

PIN

1971

5545

1527

-312

-89

1126

6671

1972

6067

337

-354

-83

-100

5967

1973

6753

407

-591

-95

-279

6474

1974

7296

3228

-533

-90

2605

9901

1975

7631

-787

-249

-85

-1121

6510

1976

8156

-187

-423

-74

-684

7472

1977

8882

-1225

-405

-81

-1711

7171

1978

9567

-1117

-401

-89

-1607

7960

1979

10165

-1200

-946

-73

-2219

7946

1980

11169

-1633

-965

-65

-2663

8506

1981

12055

-1552

-596

-68

-2216

9839

1982

12325

-1158

-551

-55

-1764

10561

1983

12842

-1825

-974

-71

-2870

9972

1984

13520

-1765

-493

-76

-2334

11186

° Source: Bureau Indonésien des Statistiques
°° Comprend les grumes, les bois sciés et les panneaux de particules.

Produits Intérieurs Bruts & Nets

Comparaison de l'Investissement Intérieur Brut (IIB) et de l'Investissement Intérieur Net (PIN)

Milliards de Rupiah constants 1973


Année

IIB°

Variations de Ressources °°

IIN

1971

876

1126

2002

1972

1139

-100

1039

1973

1208

-279

929

1974

1224

2605

3829

1975

1552

-1121

431

1976

1690

-684

1006

1977

1785

-1711

74

1978

1965

-1607

358

1979

2128

-2219

-91

1980

2331

-2663

-332

1981

2704

-2216

488

1982

2783

-1764

1019

1983

3776

-2870

906

1984

3551

-2334

1217

° Source: Bureau Indonésien des Statistiques
°° Comprend les pertes des ressources forestières et pétrolières, ainsi que les pertes liées à l'érosion dans l'île de Java.

Investissements Bruts & Nets

III. ELEMENTS DE COMPTABILITÉ PATRIMONIALE

1. SES ENJEUX

Les déclarations du rapport Brundtland (voir module 1) et la mise au point de plusieurs critères d'appréciation de la pertinence de projets par rapport au développement durable sont des acquis très importants pour les acteurs du développement.

Cependant, l'approche nationale du développement durable est encore à définir et à inventer. En effet, le développement d'un pays est un processus continu. Ce développement se traduit, tant en termes de structuration qu'en terme d'accroissement de la valeur ajoutée et de l'accumulation financière. La structuration est celle de ses institutions publiques et privées. La mise en place de projets de développement durable ne sera pas suffisante pour s'assurer de la pertinence de ce développement. La seule rentabilité des projets, même si elle intègre d'autres éléments que financier et économique, ne suffira pas à mesurer l'état de progrès d'une société vers le développement durable.

De plus, dans le système économique actuel, le marché semble destiné à jouer un rôle de plus en plus important. Ce mécanisme est capable d'intégrer la rentabilité financière des projets naturellement. Par contre, il convient de vérifier la pertinence des approches de développement durable avec d'autres outils que des simples grilles d'analyse de projets. Il convient, en particulier, de mettre au point et de mettre à jour de véritables tableaux de bord des sociétés nationales afin de suivre leur évolution vers la durabilité.

L'approche nationale du développement durable nécessitera la mise en place de nombreux outils, en particulier dans la transversalité des thèmes abordés. Ce problème est en essence le même que celui qu'a connu la comptabilité macro-économique pour sa mise en oeuvre.

Parmi ces outils de suivi du développement durable, un nouveau type de comptabilité devra être mis en place pour permettre un suivi à un niveau macro-économique des progrès sur le terrain du développement durable.

Les éléments requis pour la mise en place de ces outils de suivi, en plus de ceux décrits dans la partie précédente Introduction à la macro-économie de la durabilité sont décrits ci-après:

- les nouvelles méthodes de comptabilité patrimoniale des ressources naturelles,
- quelques règles de décision économiques non économétriques,

2. LES NOUVELLES MÉTHODES DE COMPTABILITÉ PATRIMONIALE DES RESSOURCES NATURELLES

2.1. Le besoin d'analyses de stock

Un élément déterminant pour la compréhension de l'intégration des soucis de développement durable dans la comptabilité est la distinction entre patrimoine et flux.

Le ministre des finances qui participe à une négociation avec la Banque Mondiale peut être persuadé du bien fondé des éléments environnementaux à prendre en compte. C'est rare, et cela restera rare dans les années à venir.

Par contre, si l'attention du ministre des Finances est attirée sur le fait que son pays est plus pauvre à la fin de l'année (parce que, par exemple, la surface de forêt nationale, ainsi que le stock sur pied, ont régressé) en terme de patrimoine (ou d'actif net pour employer un langage comptable micro-économique) qu'au début de l'année, l'attention de ce haut fonctionnaire pourra être retenue, ce qui est un préalable à toute action.

Le problème est qu'actuellement, la comptabilité nationale ne prend en compte que les flux, et non les stocks.

Les flux sont, par exemple, le Produit National Brut, qui fait, si l'on peut dire, deux fois l'impasse sur le stock: une fois parce que cet indicateur est - justement - brut, et donc ne prend pas en considération l'amortissement des biens nationaux. Une deuxième fois parce qu'il s'agit d'une simple addition des valeurs ajoutées, éléments qui représentent, au moins en théorie, les créations brutes de richesse économique dans le pays, mais pas l'état de cette richesse.

Aucun particulier, aucun chef d'entreprise, ne se contenterait d'un indicateur de flux isolé. Il est de la première importance de connaître aussi l'état de son patrimoine. Si l'individu ne s'y intéresse pas, d'ailleurs, son banquier s'y intéressera pour lui dans toute demande de crédit.

Actuellement, un pays ne se préoccupe pas de son patrimoine, même financier. Tant que cette anomalie ne sera pas corrigée, il sera très difficile d'introduire le développement durable dans la comptabilité nationale. Les travaux actuels des Nations Unies sur les comptes économiques satellites vont dans le sens de corriger ces anomalies.

Exercice sur le patrimoine: classement des éléments de flux et de stock

En comptabilité financière micro-économique, voici des éléments, les classer en flux et en stock.

- Capital d'une société,
- Bénéfice net,
- Bénéfice brut,
- Dettes,
- Créances,
- Vente d'un service,
- Achat d'un billet d'avion,
- Achat d'un véhicule de société,
- Amortissement,
- Assurances,
- Achat d'actions,
- Vente d'un immeuble,

Comptabilité patrimoniale financière

Elément

Stock Flux







En comptabilité environnementale, voici des éléments, faire les mêmes classements (et mettre des unités cohérentes).

- Energie solaire incidente,
- Biomasse présente dans une forêt,
- Naissances annuelles de bovins,
- Nombre de laitières dans le cheptel,
- Morts annuelles de caprins,
- Rendement d'une culture annuelle,
- Croissance annuelle d'un arbre,
- Teneur en Plomb de l'atmosphère,
- Emissions annuelles de nitrates,
- Teneur en matière organique des sols,
- Tonnes de terre perdues annuellement par érosion,
- Emissions annuelles de polluants aquatiques,

Comptabilité patrimoniale environnementale

Elément

Stock Flux







Faire enfin une liste de 20 éléments de stock environnemental et 20 éléments de flux environnemental connus du stagiaire (en dehors de ceux ci-dessus).

Stock

Flux

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2.2. Les comptes du patrimoine naturel

(lecture: les comptes du patrimoine naturel, J.L. WEBER, voir lectures associées au kit)

Questions après la lecture:

- les comptes du patrimoine dans la méthode exposée sont-ils uniquement financiers?
- quelles sont les applications principales de la méthode proposée?
- sur quels éléments cette méthode a-t-elle été testée?
- quelles conclusions opérationnelles retirez-vous de cette lecture?

2.3. Autres approches dans lesquels le territoire est traité comme un monde fini

En attendant que le Système de Comptabilité des Nations Unies intègre les indicateurs de patrimoine, on peut très simplement raisonner la prise en compte du caractère minier de l'exploitation de certaines ressources potentiellement renouvelables en valorisant les statistiques existantes. C'est par exemple le calcul de la valeur réelle des exportations de bois ivoiriennes.

Prenons le cas de la Côte d'Ivoire vers 1980: sa production de bois était d'environ 3 Millions de m3/an pour une valeur ajoutée annuelle de 120 Milliards de FCFA en valeur moyenne dans les années 1980. La deforestation annuelle moyenne était de 250.000 hectares, supposons que la production de bois en provenance de cette deforestation soit de 1,5 Millions de m3/an, à raison de 6 m3/ha de coupe à blanc.

- quelle est la production renouvelable de bois?
- quelle est la valeur ajoutée de cette production renouvelable?
- quelle est la valeur ajoutée du destockage de bois?
- quelle somme aurait normalement due être retenue pour le calcul du PNB sur le bois?

IV. QUELQUES RÈGLES DE DÉCISION ÉCONOMIQUES NON ÉCONOMÉTRIQUES

Tout en regrettant de ne pas voir une comptabilité des ressources naturelles mise en place internationalement, on peut aussi se rappeler que l'économie est l'étude des échanges de biens et de services rares. En ce sens, l'économie des ressources naturelles peut se raisonner hors économétrie à partir de considérations sur les gaspillages et les utilisations sous-optimales de ressources rares. On peut donc avec fruit utiliser les réflexions ci-après d'économistes internationaux d'Harvard. (Extrait de The economics of environmental degradation: problems, causes and responses Harvard Institute for International Development, avec l'aimable autorisation des auteurs).

DIX CONSTATS SUR LA VALORISATION NON DURABLE DES RESSOURCES NATURELLES

(source: Harvard Institute for International Development)

1. Les gaspillages qualitatifs et quantitatifs et les utilisations inefficaces coexistent avec la rareté croissante

2. Des ressources de plus en plus rares sont mobilisées pour des usages dégradés, à faible rentabilité et sans pérennité, alors que des usages de haut niveau, à forte rentabilité et pérennes existent,

3. Des ressources renouvelables, justifiables d'une gestion pérenne, sont exploitées comme des ressources minières,

4. Des ressources sont utilisées à une fin unique, alors que plusieurs utilisations complémetaires seraient plus rentables,

5. Des investissements ne sont pas réalisés dans la protection et le développement de la base de ressources, alors que ces investissements généreraient un bénéfice actualisé net en accroissant la productivité et en assurant la pérennité.

6. Des efforts et des dépenses importants sont consentis là où des efforts et des dépenses moindres auraient permis plus de production, plus de revenus et un dommage moindre aux ressources

7. Des communautés locales et tribales et d'autres groupes comme les femmes sont déplacés et privés de leurs droits d'accès traditionnels aux ressources, alors même que, par leur expertise, connaissances, expérience et dans leur propre intérêt, les membres de ces groupes seraient les meilleurs gestionnaires des ressources

8. Des projets publics sont mis en oeuvre sans qu'ils contiennent les précautions élémentaires, et sans qu'ils génèrent des bénéfices suffisants aux groupes visés (y compris l'environnement) pour que ces derniers soient sans conteste dans une situation meilleure après qu'avant le projet En d'autres termes les projets ne remplissent pas leurs objectifs.

9. Il n'est pas procédé au recyclage des ressources et des sous-produits, alors que ce recyclage aurait des effets économiques et environnementaux bénéfiques

10. Des sites et des habitats uniques sont perdus, et des espèces animales et végétales sont supprimées sans raison économique valable à la hauteur des pertes environnementales irréversibles

DIX QUESTIONS A SE POSER SUR LA VALORISATION DURABLE DES RESSOURCES NATURELLES

(source: élaborées par l'auteur sur la base des 10 constats précédents)

1. Avez-vous identifié des gaspillages dans la gestion des ressources naturelles?
- exemples: pertes abondantes d'aliments après récoltes,
Peut-on remédier à ces gaspillages?

2. Inventoriez les usages dégradés des ressources naturelles:
- exemples: combustion de bois d'oeuvre, céréales pour alimentation du bétail,
Quels sont les moyens de lutter contre cette dégradation?

3. Inventoriez les usages miniers de ressources renouvelables:
- exemples: deforestation, surpâturage
Quels sont les alternatives à ces usages? Quelle est la faisabilité de ces alternatives?

4. Inventoriez les usages uniques de ressources naturelles:
- exemples: plantation d'arbres pour bois de feu, retenues collinaires,
Quels sont les usages complémentaires de ces ressources (ex. pisciculture dans les retenues)? Quel est le bilan global de ces usages complémentaires?

5. Inventoriez systématiquement les investissements possibles dans la gestion et la protection des ressources naturelles.
- exemples: connaissance de la biodiversité, amélioration des variétés locales,
Certains de ces investissements seraient-ils rentables? A quelles conditions?

6. Analysez les efforts financiers faits dans la gestion actuelle des ressources naturelles.
- exemple: gestion des réserves naturelles, gestion des forêts domaniales,
Peut-on améliorer l'efficacité de ces efforts (ex. mieux intégrer les habitants dans la gestion d'une réserve naturelle, augmenter le prélèvement fiscal sur les combustibles ligneux et reverser une partie des recettes aux habitants voisins des forêts/plantations)?

7. Inventoriez les connaissances des habitants sur les ressources naturelles locales.
- exemples: variétés culturales locales, pratiques agronomiques, chasses douces,
Peut-on mieux mobiliser ces connaissances? A quelles conditions?

8. Analyser l'efficacité des dépenses publiques pour la gestion des ressources naturelles.
- exemples: fonctionnaires ou procédures inefficaces,
Peut-on améliorer cette efficacité?

9. Analyser les circuits suivis par les déchets et les sous-produits des activités courantes.
- exemple: mise en décharge des matières organiques, mauvaise fabrication des fumiers
Peut-on valoriser ces déchets et sous-produits?

10. Inventorier les sites et habitats sensibles.
- exemples: zones humides, paysages attractifs, forêts primaires,
Peut-on éviter de les détruire? A quelles conditions?

Questions après cette lecture:

- donnez des exemples de l'application de chacune des règles ci-dessus,
- ces règles vous paraissent-elles applicables dans vos situations concrètes?
- peut-on transformer ces principes en critères d'évaluation de projets?
- peut-on transformer ces principes en guides pour la conception de projets?

V. LE CHEMIN RESTANT A PARCOURIR POUR INTÉGRER LES CONSIDÉRATIONS DE DURABILITÉ DANS L'ÉVALUATION ÉCONOMIQUE

1. OBSTACLES CONCEPTUELS

Il reste, selon le ministère de l'Environnement Français, beaucoup d'obstacles conceptuels à la mise en place de ce nouveau type de comptabilité. Un des principaux obstacles est la base de prix à utiliser pour valoriser les éléments de patrimoine national, plusieurs éléments posant un problème de définition même du prix (ex. paysages, ou certains patrimoines culturels, historiques ou naturels), d'autres éléments pouvant connaître une fluctuation importante de prix d'une année sur l'autre en fonction des changements de l'environnement international.

Deux attitudes sont possibles devant cette difficulté:

- attendre que la majorité des problèmes soit résolue avant de mettre en oeuvre (attitude typiquement Française),

- commencer par mettre en place - en acceptant les risques d'erreur - des morceaux de la méthode de manière ad hoc (attitude typiquement Anglo-Saxonne).

2. OBSTACLES DE CONNAISSANCE

Il n'en restera pas moins, comme le souligne la note du ministère de l'Environnement (voir le point 3 Les comptes du patrimoine naturel du présent module), un besoin très important de génération de connaissances à partir des éléments statistiques existants ou de nouveaux éléments à recueillir.

Il faudra donc à la fois:

- centraliser les éléments statistiques existants, mais actuellement dispersés,

- définir de nouveaux cadres comptables, pour les entreprises comme pour les administrations, facilitant, par exemple, la détermination du bilan énergétique ou du bilan matière (en particulier polluants) des activités économiques.

3. BESOINS EN MOYENS HUMAINS, TECHNOLOGIQUES ET FINANCIERS

Tout cela nécessitera de nouveaux moyens humains et technologiques qui se traduiront par des besoins financiers. Un bon exemple dans ce domaine est celui des Agences Financières de Bassin, en France, organismes paritaires comprenant des représentants de l'administration, des collectivités locales et des acteurs économiques. Ces Agences ont progressivement constitué des bases de données très conséquentes permettant désormais de bien connaître, non seulement les sources de pollution, mais aussi les technologies de réduction de ces pollutions et les impacts de l'installation d'une nouvelle activité sur son environnement.

Au niveau d'un pays pauvre, il sera évidemment hors de question d'installer des outils aussi sophistiqués. Il n'en reste pas moins que l'installation de systèmes d'information est une des premières priorités de la mise en oeuvre des Plans Nationaux d'Action Environnementale, comme le soulignent François FALLOUX et Lee TALBOT dans Environnement et développement: crise et opportunité:.. dans le futur, la demande d'information environnementale devra fortement augmenter, voire changer d'échelle, si, d'un développement aujourd'hui trop souvent agressif et réactif à l'égard de l'environnement, on s'oriente vers une forme plus douce d'éco-développement où les modes de production s'intègrent plus intimement au fonctionnement des écosystèmes. Dans le premier cas, la demande d'information, qui pourtant n'est pas totalement satisfaite aujourd'hui, est en effet bien moindre que celle qui sera demain exigée dans le second cas, où la connaissance profonde des écosystèmes et le suivi de leur évolution requerra un saut quantitatif et qualitatif informationnel.

Ces nouvelles demandes de gestion des systèmes d'information s'accompagneront de l'émergence de nouveaux métiers et de nouveaux emplois. Il faudra en effet des statisticiens capables de comprendre les besoins très spécifiques des environnementalistes, et, chez ces derniers, des spécialistes suffisamment ouverts pour traduire leurs mesures en éléments utilisables.

Les géographes, les ingénieurs et les statisticiens devraient désormais travailler plus étroitement pour la mise sur pied de ces nouveaux systèmes d'information.

Dans ce domaine, la technologie ne devrait pas constituer un facteur limitant, parce que:

- les matériels et logiciels existent et coûtent de moins en moins cher,

- les instruments de mesure sont également en pleine progression, à la fois par une augmentation de la finesse et de la fiabilité de leurs résultats et par une baisse relative de leurs coûts,

- les puissances disponibles de stockage et de traitement de l'information dépassent très largement la quantité des données à intégrer à court terme.

4. LA VOLONTÉ POLITIQUE

Mais, bien évidemment, l'ingrédient qui fera le plus défaut dans les années à venir sera la volonté politique, exprimée au plus haut niveau, de traduire les besoins du développement durable en termes concrets à tous les niveaux, en particulier celui de la comptabilité nationale.

Les querelles engendrées à l'occasion du Sommet de la Terre à Rio en 1992, ainsi que le grand vide d'action qui l'a suivi, sont symptomatiques de la difficulté d'accouchement des nouveaux hommes politiques requis.

Cette difficulté provient à la fois de la grande complexité des problèmes à traiter, inhabituelle pour les dirigeants politiques et aussi de la nécessité, dans l'avenir, de voir ces dirigeants accepter un jugement objectif sur l'efficacité de leurs politiques en termes de développement durable.

Phase de synthèse

L'introduction des considérations de durabilité dans les approches macro-économiques est en cours dans la plupart des organismes bailleurs de fonds.

Cette introduction se fera progressivement dans les Gouvernements sous la pression des mêmes bailleurs de fonds internationaux.

L'impact de cette introduction sur la décision en matière de projets et de plans est potentiellement considérable. Comme on le verra sur l'exemple de la mine étudiée en exercice, le coût de non durabilité peut représenter une fraction majeure du coût global d'un projet.

Il est donc bon pour un planificateur de connaître. A l'avance les méthodes à utiliser demain. Leur philosophie restera celle qui a été présentée ici, même si la formulation change légèrement.

Outils micro-économiques


Objectifs spécifiques du sous-module
Phase d'apprentissage
Phase de synthèse


Objectifs spécifiques du sous-module

Rendre le stagiaire capable de:

- comprendre la formation de coûts et de recettes environnementaux au niveau micro-économique,

- intégrer, au moins de manière qualitative, la rareté des ressources naturelles de bonne qualité dans l'économie de projets,

- intégrer les impacts sur l'environnement de projets dans les calculs économiques,

Phase d'apprentissage

Il est désormais question dans ce sous-module de micro-économie et d'application du calcul économique au choix de projets. C'est le domaine dans lequel la pensée sur la gestion durable des ressources naturelles a fait le plus de progrès ces dernières années, sans toutefois que des méthodes soient encore homologuées.

Une partie de ce qui a été dit dans le sous-module précédent sera utile pour ce qui suit, en particulier tout ce qui tourne autour de la distinction entre aspects marchands et non marchands.

Spécifiquement, nous commencerons ici par planter le décor d'un élargissement du calcul économique permettant de prendre en compte plus d'éléments qu'habituellement, puis nous examinerons quelques méthodes pertinentes et qui ont commencé à être employées pour enfin conclure sur l'avenir probable des dites méthodes.

I. LA DURABILITÉ ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

1. RAPPEL SUR LA DIFFÉRENCE ENTRE CALCUL ÉCONOMIQUE ET CALCUL FINANCIER DANS L'APPROCHE CONVENTIONNELLE.

Les grands bailleurs de fonds (en particulier la Banque Mondiale) procèdent à une double évaluation des projets: financière et économique.

La différence entre ces deux approches est fondamentale.

· l'approche financière se limite au compte privé de l'opérateur considéré.

· l'approche économique, au contraire, cherche à cerner le mieux possible la contribution macro-économique du projet.

Prenons l'exemple caricatural, mais pédagogique, d'un calcul de la marge brute d'une culture en se limitant à la vente du produit et l'achat d'engrais:

. dans l'approche financière, si les prix de l'engrais et du produit sont respectivement Pe et Pp, la marge brute est calculée comme suit:

MBf=Pp*R-Pe*E

où MBf est la marge brute financière par hectare, R le rendement et E la dose d'engrais.

. dans l'approche économique, la marge brute devient:

MBe = Pp' * R - Pe' * E

où Mbe est la marge brute économique par hectare, Pp' le prix économique du produit et Pe' le prix économique de l'engrais.

La différence entre Pp et Pp', Pe et Pe' est la suivante:
Pp et Pe sont les prix payés par l'agriculteur.
Pour déterminer Pp' et Pe', on examine la structure des prix Pp et Pe.

Supposons, ce qui est souvent le cas, que les engrais sont subventionnés (subvention Se) et non taxés. Dans ces conditions, Pe' = Pe + Se, puisque les coûts globaux pour l'économie nationale sont le prix payé par l'agriculteur plus les coûts payés par la puissance publique.

Supposons que le produit agricole soit soumis à une taxe (d'exportation, par exemple, égale à Te). Dans ces conditions, Pp' = Pp - Te, puisque les recettes nettes pour la nation sont nettes de taxes (qui sont un transfert).

L'approche économique représente donc la contribution du projet à l'intérêt général dans le pays. Ces techniques d'estimation sont considérées ici comme acquises, et elles ne seront pas présentées à nouveau ici. Pour le propos de la gestion durable des ressources naturelles, il est essentiel de bien comprendre la différence de résultats entre les deux estimations, puisque l'on va rechercher une durabilité au niveau économique comme au niveau financier.

Cette différence doit avoir été intégrée par les stagiaires, sinon, elle peut être présentée à nouveau et discutée dans le présent module.

2. DURABILITÉ ET FONCTIONNEMENT FINANCIER D'UN AGENT ÉCONOMIQUE

Une deuxième approche est la détermination de la durabilité du flux des revenus pour un opérateur. Cette approche, uniquement financière, consiste à établir le cash flow de l'opérateur (méthode d'analyse supposée connue ici) sur la période de l'investissement étudié.

Si le cash flow est constamment positif à partir d'une année donnée, l'opération étudiée peut être considérée comme durable sur la durée de l'investissement, sous réserve d'une étude fine du cycle d'investissement suivant.

Ceci est extrêmement important. La gestion du développement durable passe et passera de plus en plus par une coopération entre acteurs publics, privés et ONG (voir module 5 - dimension socio-organisationnelle). Or les acteurs publics et ONG ont souvent les plus grandes difficultés à mobiliser des fonds. La mise en oeuvre de leurs actions, aussi souhaitables et bénéfiques soient-elles, se heurte souvent au manque de moyens financiers durables, avec des mécanismes durables de génération de revenus.

Dans beaucoup de pays pauvres, en particulier en Afrique, on est même confrontés à un cercle vicieux de l'appauvrissement:

Populations de plus en plus pauvres -> faibles rendements fiscaux -> faibles services publics rendus à la population -> faible incitation à payer les taxes + mauvaise productivité de l'économie (mal soutenue par de mauvais services publics) -> contribution à la paupérisation ->.....

Ces cercles vicieux peuvent cependant être brisés, par exemple par l'opération Registre Foncier Urbain mené dans plusieurs villes du Bénin avec l'assistance du bureau d'études national SERHAU. Par une combinaison d'informatisation des relances et de sécurisation des parcelles enregistrées, cette opération a permis de récolter 50% de taxes qui n'étaient jusqu'alors perçues que de manière marginale. Cette opération est en cours d'extension à d'autres villes du Bénin et d'Afrique de l'Ouest.

3. APPROCHE GLOBALE DES COÛTS:

Au niveau de l'opérateur individuel, il est fondamental de bien identifier tous les coûts et les revenus liés à l'action étudiée. Un bon exemple introductif à cette analyse globale est le calcul de la Vitesse Moyenne Généralisée d'Ivan Illitch.

Voici la méthode sous forme d'exercice:

EXERCICE: Détermination de la Vitesse Moyenne Généralisée (VMG) d'un véhicule selon le type du véhicule et la catégorie sociale de l'utilisateur

Calculer la vitesse moyenne réelle d'un véhicule pour un opérateur privé en intégrant tous les paramètres:

- temps réel mis à effectuer le déplacement,

- temps requis pour gagner l'argent nécessaire au fonctionnement du véhicule sur la période considérée.

Cette vitesse moyenne généralisée sera donc évidemment inférieure à la vitesse physique du véhicule qui est, elle, égale au déplacement effectué divisé par le temps mis à ce faire.

Voici les données pour deux catégories socio-professionnelles et les deux types de véhicules associés:

- Renault 5 CV et ouvrier agricole: vitesse physique de 50 km/h, coût au km de 1,6 Franc et revenu horaire moyen 30 F/heure

- BMW et cadre supérieur urbain: vitesse physique de 50 km/h (moyenne ville-campagne, plutôt haute), coût au km 3 Francs et revenu horaire 148 F/heure.

A peu de choses près, de telles méthodes sont appliquées à la détermination du coût global d'un produit dans le cadre d'un éco-audit.

Dans la même catégorie d'approches classiques, on trouve l'analyse coût-efficacité. Dans ce mode d'analyse, on peut choisir une action parmi un éventail d'actions possibles sans devoir recourir à l'évaluation des bénéfices économiques de ces actions.

Ceci est un problème général dans le domaine de l'environnement, car il est souvent difficile de chiffrer les bénéfices de la conservation d'une espèce animale, par exemple.

Dans ces conditions, il faut comparer les actions possibles sous l'angle de leur coût pour une efficacité donnée. On verra un exemple d'application de cette analyse coût-efficacité dans le domaine de la lutte contre la deforestation en fin de module. Voyons ici une première application dans le domaine de l'éclairage domestique, en déterminant le coût de la production d'un lumen (unité d'énergie lumineuse) en comparant trois possibilités concurrentes: bougie, lampe à pétrole et photopîles solaires.

Voici un exemple de calcul sous forme d'exercice (données sur Madagascar 1994 transformées en Francs Français au taux de 1 FF = 300 FMG).


Kerosene

Bougie

Unité

litre

bougie

Prix d'achat (FF)

1,4

0,3

Energie équivalente par unité (kWh/unité)

1,3

0,13

Coût d'amortissement de la lampe (FF/kWh)

0,01


Quel est le prix de revient d'un kWh dans chacune des possibilités?

La réponse est 1,09 FF/kWh pour le kérosène et 2,30 FF/kWh pour la bougie.

Et le solaire photovoltaïque? Son prix de revient est d'environ 1 FF/kWh. Pourquoi ne pas essayer?

II. QUELQUES MÉTHODES PERTINENTES POUR UNE ANALYSE MICRO-ÉCONOMIQUE INTÉGRANT LA DURABILITÉ

On peut distinguer actuellement deux grands types d'approches pour la prise en compte de la durabilité dans les évaluations économiques et financières de projets:

- la provision pour reconstitution de revenus,
- l'évaluation des coûts et bénéfices environnementaux et leur intégration dans le calcul.

1. LA PROVISION POUR RECONSTITUTION DES REVENUS:

Un problème relativement simple, mais de portée générale, est celle de l'exploitation minière de ressources naturelles sur le moyen terme (exemple typique: projet d'extraction de minerai ou de matériau énergétique).

Il est dans ce cas impossible d'exploiter la ressource de manière durable au sens fort. Les économistes de la Banque Mondiale les plus avancés sur ce sujet ont mis au point une formule permettant de calculer le coût de non durabilité d'une ressource exploitée. C'est le montant à économiser tous les ans sur l'exploitation minière pour disposer en fin d'exploitation d'un capital permettant de générer le même revenu annuel que celui de la mine.

Cette formule, ainsi que son utilisation, sont expliquées dans l'exercice contenu dans la feuille de calcul MODULE 71.WK3, à utiliser à ce moment précis du cours:

COÛT DE LA NON-DURABILITÉ: EXPLICATION DE LA FORMULE.

La formule du coût de la non-durabilité permet de calculer le montant à économiser chaque année pendant la durée du projet d'exploitation de la ressource naturelle, pour disposer en fin d'exploitation du même revenu annuel généré par l'exploitation.

Ici on explique comment obtenir cette formule. La feuille MODULE 71.WK3 donne un exemple d'utilisation pratique de la formule. Il montre comment une mine qui génère un flux constant de $ 250.000 pendant 20 ans doit calculer l'amortissement annuel à épargner pour avoir un capital qui donne un flux constant de $250.000 indéfiniment par la suite. Cette feuille permet également de changer les données en faisant une analyse de sensitivité.

Si je veux avoir un capital qui génère un flux de revenu R depuis l'année (n+1) jusqu'à l'année 2n, au début de l'année (n+1) je dois avoir un capital qui est égal à la valeur actualisée du flux que je veux obtenir dans les années suivantes. Comme je fais l'hypothèse d'un flux de revenu constant, pour calculer le capital nécessaire à générer ce flux je peux utiliser la formule de la valeur actuelle des annuités1.

1 Une annuité c'est une activité qui paye une somme fixée chaque année pour un nombre fixé d'années. La valeur actualisée d'une annuité est calculé comme différence de la valeur actuel de deux perpétuités, (activité qui donne un flux constant et perpétuel) l'une commençant en l'année 1 et l'autre commençant l'année après la fin de l'annuité. La valeur actuelle d'une annuité R pour n ans au taux T est obtenue par la formule:

R(n, T)=R/T-R/T[1/(1+T)n] (a) Þ
R(n, T)=R[(1/T-1/T(1+T)n] (b)

Dans la (a), la première partie à droite de l'équation: R/T est la valeur actuelle d'une perpétuité R au taux d'actualisation T. La deuxième partie est la valeur actuelle d'une perpétuité qui commence après n ans. On peut remarquer que la valeur actuelle de cette perpétuité est obtenue en actualisant la valeur d'une perpétuité R/T pour n ans au taux T.

La valeur actuelle d'une annuité peut également être obtenue en se souvenant que la réduite énième Sn d'une série géométrique de raison "q" est: Sn = [1-q (n+1)]/(1-q).

En plus, la valeur actuelle au début de la période (n+1) du flux annuel R dans la période [(n+1);2n] est égale à la valeur actuelle d'un flux annuel A dans la période [1;n] au début de l'année 1, qui est tout simplement la valeur actuelle d'une annuité de R:

R(n, r)=R[(1/T-1/T(1+T)n] (1)
où R= revenu annuel désiré; T= taux d'actualisation; n= durée du flux.

La valeur future à la fin des vingt ans de mes amortissements annuels (E) capitalisés et additionnés (le montant M) doit être exactement cette valeur.

Le montant généré par les amortissements annuels est calculé de la manière suivante:

M=E1 (1+T)n-1 +E2 (1+T)n-2.+...+En

Supposant que je veux un amortissement constant E dans chaque année, c'est a dire:

E1 = E2 = ... = En = E Þ
M=E[(1+T)n-1+(1+T)n-2+....+1] Þ
M=E[(1+T)n-1]/r (2)

Ce résultat est obtenu en remarquant que l'addition entre parenthèses carrées est la réduite d'une série géométrique.

On a vu que le montant des amortissements doit être égal au capital nécessaire pour générer le flux de revenus R. L'amortissement annuel M doit donc être calculé de façon à ce qu'on obtienne l'égalité de l'expression (1) avec l'expression (2):

E[(1 +T)n-1 ]/T=R[(1/T - 1/T(1 +T)n] (3) Þ
E=R[(1/T - 1/T(1+T)n]/[(1+T)n-1]/r

En simplifiant cette équation on obtient la formule du coût de la non durabilité:

E=R/(1+T)n

Il est évident que cette formule fait l'hypothèse d'une possibilité d'investir soit les amortissements épargnés E soit le montant M au taux T.

Il faut observer que le coût de la non durabilité est en relation inverse avec le taux d'actualisation. Un taux élevé, toutes choses égales par ailleurs, réduit la valeur de E. Il y a aussi une relation inverse entre le coût et la durée.

2. L'ÉVALUATION MONÉTAIRE DES COÛTS ET BÉNÉFICES ENVIRONNEMENTAUX

2.1. Problématique d'ensemble d'évaluation des coûts et bénéfices environnementaux

a) Les difficultés

Elles se posent à trois niveaux principaux:

- fixation des limites de l'analyse,
- existence des données physiques fiables,
- existence de systèmes de prix utilisables.

Les limites de l'analyse doivent être fixées dans l'espace, dans la société et dans le temps.

Où commence et où s'arrête un mécanisme environnemental? En suivant les spécialistes les plus radicaux, il est impossible de fixer des limites dans l'espace, et on a vu des gens très sérieux démontrer que le battement des ailes d'un papillon pouvait déclencher des tempêtes à des milliers de kilomètres plus loin. Dans la pratique, il faut fixer des limites. Parfois elles s'imposent (bassin versant pour une rivière), parfois il faut les fixer arbitrairement.

Dans la société, il faut choisir les groupes sociaux affectés et ceux qui ne le sont pas (pas suffisamment affectés pour entrer dans l'analyse). Dans l'introduction de foyers améliorés au charbon de bois, par exemple, on comptabilise les économies directes réalisées par l'utilisateur. Mais on compte rarement la perte de recettes du vendeur de charbon de bois et sa nécessité de trouver de nouveaux marchés.

Enfin, les bénéfices ou les impacts environnementaux peuvent s'étendre sur une longue période, bien au delà des horizons habituels de l'analyse économique. C'est notamment le cas pour les déchets radioactifs qui peuvent le rester pendant plusieurs décennies, voire plusieurs siècles. Dans une optique économique classique, ces phénomènes sont négligés au delà des deux prochaines décennies à cause de l'effet réducteur du taux d'actualisation. Mais dans une optique de développement durable, une telle impasse est souvent inadmissible.

Un bénéfice ou un coût environnemental fera le plus souvent appel à un résultat physique (tonnes de bois économisées ou masse de polluants émis) multiplié par un prix.

Or, le résultat physique n'est pas toujours quantifié avec précision. Dans le cas de la deforestation, par exemple, il est souvent difficile de connaître avec précision les surfaces déforestées. Il est encore plus dur de connaître le volume et la composition des arbres détruits, ce qui rend l'estimation très approximative.

Enfin, il reste le problème du prix, qui sera particulièrement débattu ici. A ce stade, on peut retenir trois grands types de situation:

- dans le domaine retenu (dans l'espace et dans le temps), les prix de marché existent sans ambiguïté pour les biens et services considérés (cas n°1),

- là où les prix de marché n'existent pas, il existe des utilisateurs fréquents qui consomment des ressources pour avoir accès à ces biens ou services (cas n° 2),

- si l'une et l'autre des conditions ne sont pas remplies, il peut exister des groupes sociaux intéressés par la simple protection des biens et services environnementaux considérés (cas n°3).

b) les trois grandes méthodes

La prise en compte du prix du bien ou service environnemental dépend du cas de figure.

Cas

Exemple

Méthode recommandée

1

Impacts sur une pisciculture à l'aval d'une pollution aquatique

Recherche des coûts aux prix du marché

2

Espaces de loisirs gratuits (ex. paysages)

Coûts d'accès (transports) = WTP

3

Conservation d'espèces en danger.

Prix hédoniques

WTP: Willingness to pay: Consentement à payer.

Une situation confortable pour calculer le prix d'une destruction environnementale est l'existence d'un prix de marché unique et non discuté pour cette destruction, la seule raison de son oubli par l'analyste de projet étant le caractère externe de la destruction par rapport au projet étudié.

C'est le cas, par exemple, des augmentations de coûts de maintenance créées par l'érosion pour les ouvrages d'art. Il est alors facile de déterminer l'augmentation du coût d'entretien et de l'affecter à l'auteur de l'érosion.

Un des premiers travaux de l'analyste de projet sera donc d'identifier les effets externes du projet et leur prix.

Mais, dans la plupart des cas, la solution n'est pas aussi simple. Quel est le prix du lémurien supprimé par un projet?

Si l'on interroge l'un des ouvriers Chinois du chantier de la route Toamasina-Antananarivo à Madagascar, il dira 10 US$ le lémurien qui est le prix qu'il paye pour cette nourriture (Kirk TALBOTT, anthropologue à l'Institut des Ressources Mondiales, a interrogé des paysans malgaches sur ce qu'ils pensaient de la biodiversité. Ils ont répondu Hum, ça a bon goût!). Pour l'écologiste scientifique, la valeur du lémurien est quasi-infinie, car c'est une espèce menacée. Il est bien entendu impossible de trouver un prix moyen entre 10 US$ et l'infini.

Il n'existe donc pas toujours de prix d'une destruction environnementale.

On retrouve le même problème de fond lorsque l'on cherche à évaluer les bénéfices environnementaux d'une action.

Quelle est la valeur d'un paysage embelli? Quelle est la valeur d'un air plus pur? d'une espèce animale ou végétale conservée?

Le meilleur instrument de mesure trouvé jusqu'à présent est le consentement à payer (willingness to pay), méthode dans laquelle l'utilisateur potentiel estime la somme qu'il est prêt à payer pour bénéficier du bien ou du service environnemental créé ou conservé. La base de l'évaluation est la détermination des frais actuellement engagés pour bénéficier du bien ou du service. Le cas le plus simple est celui d'une visite à un espace de loisirs gratuit. Dans ce cas, on affecte à la conservation du bien ou du service environnemental la valeur des frais engagés par les visiteurs sous forme de déplacements. Par exemple, si les visiteurs font en moyenne 60 km aller retour pour visiter une forêt de loisirs, on estime que l'acceptation du paiement est au minimum du coût des 60 km, soit environ 100 Francs par famille au coût actuel en France.

En fait, il s'agit essentiellement d'un problème d'échelle d'observation. Si l'on intègre une échelle plus vaste, le consentement à payer devient simplement la somme acceptée par les contribuables pour purifier l'air par exemple.

Bien souvent, cependant, la détermination des prix ne peut se faire que de manière indirecte, en estimant le prix hédonique qu'un individu est prêt à payer pour une intervention environnementale. Un exemple classique est celui de la conservation d'espèces animales ou végétales menacées se trouvant à une grande distance de l'utilisateur. Quelle est, pour le Français moyen, la valeur de la survie de la race des gorilles ou des rhinocéros blancs?

Pour répondre à cette question, on interroge en général un panel d'utilisateurs potentiels, et on leur demande combien ils sont prêts à payer pour aller visiter un site restauré, ou pour un air plus pur, ou pour simplement savoir qu'une espèce a été conservée. C'est ce que l'on appelle le prix hédonique

En tout état de cause, si l'évolution des sociétés occidentales continue sur sa lancée actuelle, sur la base des sondages récents dans les pays de l'OCDE montrant que le vaste panel sondé met la gestion de l'environnement avant le développement économique, et devant les succès électoraux croissants des écologistes en Occident, on peut estimer que le consentement à payer pour les biens et services environnementaux peut croître d'une manière générale.

c) Le besoin et la difficulté des méthodes multi-critères et multidisciplinaires

En pratique, la seule manière de résoudre convenablement, et dans le long terme, la contradiction entre les diverses composantes du développement durable, est de recourir à des méthodes multi-critères.

Il est difficile dans le cadre de ce cours d'exposer l'ensemble, ou même une partie, des méthodes développées pour passer du choix mono-critère (le sacro-saint taux de rentabilité interne) au choix multi-critères.

Dans le cadre présent, il suffit peut-être de noter que:

- en tant qu'acteurs de nos propres existences, nous faisons en permanence du multi-critères sans le formaliser (exemple: choix d'une profession, d'un conjoint ou d'une localisation géographique). S'il n'en était pas ainsi, tous les Français vivraient à Paris où les salaires moyens sont les plus élevés dans le pays,

- plusieurs méthodes multi-critères existent, ont été testées depuis plusieurs décennies, et donnent des résultats très satisfaisants pour pouvoir effectuer rationnellement des choix entre des biens ou des services ayant des avantages et des inconvénients selon chacun des critères retenus (en éliminant la solution immédiate du bien ayant uniquement des avantages sur tous les autres, solution rarement rencontrée dans la vie de tous les jours),

- ces méthodes multi-critères ne sont pas souvent utilisées explicitement par les décideurs importants. Plusieurs gouvernements (ex. Pays-Bas) font cependant une utilisation accrue de ces méthodes).

2.2. Le concept de vaisseau spatial Terre et de monde fini

Plusieurs auteurs Nord-Américains ont forgé le concept de vaisseau spatial Terre dans les années 60. Cette expression signifie que la Terre est un milieu fini, surtout face à sa colonisation croissante, et que nous ne pourrons pas, en tant que race humaine, indéfiniment tirer des chèques sans provisions sur les ressources naturelles, car ce que nous consommons de manière irréversible ne pourra pas être compensé par des importations de biens et de services de l'extérieur de la Terre, ou l'exportation de populations sur les autres planètes. Le récent échec financier, technique et scientifique de l'expérience Biosphère 2 aux Etats-Unis confirme bien l'impossibilité actuelle de cette dernière solution.

En pratique, ceci explique l'accent croissant mis sur l'environnement dans les milieux insulaires et littoraux. D'une part, ces milieux risquent d'être directement victimes des changements globaux (pour un grand nombre d'îles, en particulier coralliennes, l'élévation de quelques décimètres du niveau de la mer peut être un désastre complet ou partiel). D'autre part, nulle part mieux que dans une île ou un archipel, la contrainte environnementale peut être perçue.

Un exemple concret en est le coût de traitement des ordures ménagères. Sur le continent français, la mise en décharge coûte entre 150 et 500 F/tonne. Dans les îles bretonnes, par exemple, ce traitement, qui peut aller jusqu'à l'exportation par voie maritime, peut coûter plus de 1.200 F/tonne.

2.3. L'absence de normalisation des méthodes et de leur intégration dans les méthodes d'aide à la décision

A l'heure actuelle, les méthodes de prise en compte environnement-économie sont encore le fait d'efforts dispersés et leur utilisation est laissée à l'appréciation des Gouvernements et des bailleurs de fonds. Ainsi, plusieurs bailleurs de fonds comme le FIDA, la Banque Asiatique de Développement et la Banque Mondiale ont pris en compte l'environnement dans les évaluations économiques (comme on le voir plus loin pour le projet forestier de Djibouti), mais celle-ci n'est pas encore systématiquement exigé.

Un Institut privé comme le World Resources Institute met au point des méthodes et en fait une large publicité. Un organisme dominant comme la Banque Mondiale a fait figurer le calcul économique dans la directive d'évaluation environnementale, mais ne force pas encore à cette évaluation.

Cette obligation devrait cependant se renforcer dans les années qui viennent.

3. COÛTS ET AVANTAGES EXTERNES

Les économistes ont l'habitude de traiter des impacts environnementaux en les faisant passer dans la catégorie coûts et avantages externes, sous-entendu externes au projet.

Dans la plupart des cas, cette approche sera suffisante, à condition que l'ensemble des coûts et avantages externes soient effectivement pris en compte. A terme, les économistes et fiscalistes chercheront à internaliser les coûts et avantages externes.

Voici un exercice illustrant cette internalisation:

LE FINANCIER ET LE JARDINIER

En tant que propriétaire d'un bout de jardin en zone péri-urbaine, je peux décider de composter la fraction organique de mes déchets ménagers. En France, en tablant sur une production totale de déchets de 1 kg/hab./jour, dans une famille de trois personnes, une fraction organique d'environ 40% (selon régime alimentaire, évidemment), et un coût total de la tonne d'ordures ménagères pour une collectivité locale d'environ 500 F, quelle est l'économie annuelle réalisée par la collectivité locale si je recycle cette fraction organique par compostage? Si le composteur coûte à l'achat 800 Francs et que la collectivité décide de subventionner à 50%, quelle rentabilité financière pour la commune sur 5 ans (durée de vie minimale du composteur)? Que se passe-t-il pour un taux de subvention de 100% (distribution gratuite des composteurs aux ménages)?

Dans le cas ci-dessus, la collectivité aurait largement intérêt à subventionner, le jardinier internalisant ainsi un avantage externe.

4. L'UTILISATION DE MESURES INDIRECTES

Une dernière situation est celle dans laquelle certains coûts et bénéfices environnementaux internes au projet ne peuvent être quantifiés par des prix de marché (économie non marchande) et pour laquelle il faut avoir recours à des mesures indirectes de ces coûts et bénéfices.

Voici un exercice sur cette estimation indirecte.

Exercice: Estimations des bénéfices liés à la production de fourrages dans un projet de protection environnementale

Situation: République de Djibouti, projet de développement rural et de protection de l'environnement de la Day forest

Problématique: arrêt de la dégradation des sols, des forêts et des eaux dans cette région surexploitée.

Moyens envisagés: combinaison d'actions coordonnées dans la gestion sylvopastorale, la conservation et la régénération des forêts, la gestion des eaux, des sols, et la diversification des activités.

Composante étudiée ici: sylvopastorale avec augmentation de la production fourragère, actuellement sans valeur marchande.

Indicateur recherché: valeur d'une unité fourragère en Francs Djiboutiens par kg de matière sèche (MS).

Techniques d'estimation:

- valeur marchande (substitution d'importations)
- productivité du cheptel

Paramètres disponibles:

Taux de change: 1 US$ = 177 FDJ
Sorgho FOB Ports du Golfe: 96 US$/t
Fret et assurances: 105 US$/t
Transport local: 5337 FDj/t
Conversion sorgho-fourrage Djibouti: 1 kg sorgho = 1,53 kg MS du fourrage local
Besoins énergétiques totaux du cheptel: 4735 t MS/an
Valeur de la production de viande et de lait du cheptel: 56.500.000 FDj

Cet exercice est présenté sous forme de feuille de calcul dans le fichier MODULE72.WK3.

Phase de synthèse

On dispose, dans beaucoup de cas de figure, de méthodes d'évaluation des coûts et avantages environnementaux permettant d'intégrer cette approche dans l'évaluation des projets.

Ces méthodes sont encore optionnelles et peuvent être utilisées à la discrétion des chargés d'études.

Par ailleurs, il est important de connaître les mécanismes de financement disponibles pour les projets présentant des avantages importants en termes de développement durable.

Outils financiers


Objectifs pédagogiques spécifiques
Phase d'apprentissage
Phase d'utilisation des connaissances acquises
Phase de synthèse


Objectifs pédagogiques spécifiques

Rendre le stagiaire capable de:

- identifier des sources et des mécanismes de financement disponibles pour des opérations de gestion durable des ressources naturelles sur le terrain,

- maîtriser des procédures de financement dans ce domaine,

- comprendre les objectifs des principaux bailleurs de fonds dans ce domaine.

Phase d'apprentissage

Les outils de financement du développement durable

L'encouragement au développement durable a largement dépassé le niveau des intentions. Dans le concret, il existe désormais des moyens et des mécanismes de financement, permettant de traduire en actions les grands principes du développement durable, aux niveaux local, national et international.

I. NIVEAU LOCAL:

Les outils de financement du développement durable sont disponibles auprès d'organismes appartenant aux catégories suivantes:

- banques,
- tontines,
- Fonds d'Aide aux Initiatives de Base,
- fiscalités locales

Un petit nombre de banques se sont spécialisées dans la lutte contre la pauvreté dans une optique de développement durable. L'exemple cité le plus souvent est celui de la Banque Grameen au Bangla Desh, connue pour sa capacité à fournir un grand nombre de petits prêts à beaucoup d'emprunteurs avec des taux de remboursement record. Par ailleurs, cette banque opère de manière purement privée et n'est pas subventionnée par le Gouvernement.

Les principaux secrets du «miracle» Banque Grameen sont:

- le suivi individuel des clients,

- l'obligation qui est faite à chaque emprunteur de se former à la gestion de ses finances personnelles avant d'obtenir son prêt,

- la présence de la banque sur le terrain,

- le travail privilégié avec les groupes de femmes.

A la connaissance de l'auteur, aucune tentative sérieuse d'implanter une Banque de type Grameen n'a été effectuée en Afrique.

Par contre, le système informel de tontines fonctionne bien dans ce continent. Ce système a été décrit en détail par Alain HENRY de la Caisse Française de Développement. Rappelons-en les principales caractéristiques:

- le groupe gérant la tontine a une forte cohésion sociologique: famille étendue ou quartier limité de grande ville,

- c'est un système mutuel informel dans lequel chaque apportant effectue des versements généralement réguliers et retire l'argent en fonction des besoins, selon une règle décidée collectivement,

- les taux d'intérêts de ces prêts sont négociés à l'intérieur du groupe, Jusqu'à présent, peu a été fait pour mobiliser les fonds de tontines sur des ouvrages collectifs ou à but environnemental. Toutefois, le système de tontines en général est extrêmement durable.

Des bailleurs de fonds, avec l'aide d'ONG ont créé dans plusieurs pays, en particulier Africains, des Fonds d'Appui aux Initiatives de Base. C'est notamment le cas au Bénin pour des investissements productifs: artisans, commerçants, petites industries,..... Des initiatives sont en cours pour utiliser ce type de fonds à des travaux environnementaux, dans ce même Bénin.

Mais le véritable mécanisme durable en matière de gestion locale de l'environnement est et devrait de plus en plus être la fiscalité locale. C'est notamment par ce mécanisme que l'environnement est géré dans la plupart des communes Européennes. Les collectivités territoriales de droit (en France: communes, départements, régions) prélèvent des taxes locales servant aux investissements et charges récurrentes qui représentent des services à la population: gestion des déchets solides et liquides, construction et entretien de la voirie,.....

On assiste même actuellement à la mise en oeuvre, dans la gestion urbaine, de mesures de fiscalité locale destinées à décourager l'entrée dans les grandes villes par des véhicules individuels, allant du péage à l'entrée des villes à des tarifs de stationnement très dissuasifs.

De nombreuses tentatives de développement municipal sont en cours en Afrique comme on l'a vu dans le module 5 (dimension socio-organisationnelle). Ces tentatives sont couplées à la mise en place de fiscalités locales. Ces fiscalités et leur utilisation à des fins de développement durable se heurtent à trois séries de difficultés:

- la crise généralisée rend les contribuables objectivement peu solvables,

- les prélèvements de fiscalité, locale ou non, ne sont de toute façon pas très populaires et nécessitent une forte communication pour être admises,

- plusieurs aménagements, pourtant indispensables, se prêtent peu pour leur financement à la fiscalité locale. C'est notamment le cas en Afrique pour la gestion des eaux pluviales. Il est pourtant possible de taxer les surfaces imperméabilisées, causes fondamentales des nuisances générées par ces eaux pluviales.

II. NIVEAU NATIONAL:

Au niveau national, trois autres mécanismes sont disponibles:

- fiscalité nationale,
- échange dette-nature (debt swap),
- fonds nationaux pour l'environnement.

La fiscalité nationale dans le domaine de l'environnement est en pleine évolution. Trois grands mécanismes sont actuellement en fonctionnement dans plusieurs pays riches:

- taxes sur les déchets ultimes (mise en décharge),,
- taxes sur l'utilisation des ressources (ex. carburants et combustibles), et,
- taxes fiscales et parafiscales sur l'eau.

La taxe sur la mise en décharge devient en France, depuis la loi sur les déchets de 1992, une taxe sur les déchets ultimes (concept introduit depuis la parution de cette loi). Destinée à minimiser les invasions de déchets et à ralentir la saturation des décharges, cette taxe est gérée de manière très inégale selon les pays. Fixée à 20 F/tonne en France depuis le début des années 90, elle atteint 400 F/tonne, soit vingt fois plus, en Allemagne et en Suisse.

Le système de taxation sur les carburants et combustibles est ancien dans la grande majorité des pays, riches ou non, et constitue une forte source de revenus pour les Gouvernements Centraux. Originellement considérée comme un des moyens logiques d'alimenter les dépenses publiques, en particulier les aménagements routiers, ces taxes vont de plus en plus inclure une partie destinée à lutter contre l'effet de serre par l'émission de gaz carbonique (CO2), dite «taxe sur le carbone». Cette introduction génère des débats politiques très importants, et les lobbies industriels et pétroliers sont en première ligne dans ce combat. Face à eux, quelques écologistes (René DUMONT dit, par exemple; il faut que le baril de pétrole coûte 100 US$ - au lieu des 20-25 actuels, NdA - pour que les systèmes économiques commencent à devenir un peu plus écologiques).

Enfin le système de taxes fiscales et parafiscales sur l'eau est destiné à financer, non seulement l'approvisionnement et la mise en potabilité de l'eau, mais également l'assainissement et l'épuration, pendants obligés de cet approvisionnement. En France, suite au fort accroissement des dépenses de maîtrise des pollutions aquatiques pour une qualité égale, les Agences de l'Eau ont doublé le montant des redevances payés par les industriels et les collectivités locales. Elles commencent à taxer les élevages agricoles. Ceci donne évidemment lieu à des luttes incessantes entre les diverses parties concernées.

III. NIVEAU INTERNATIONAL:

On peut noter l'existence d'une grande initiative, le Fonds de l'Environnement Mondial depuis 1991.

Il existe aussi d'autres changements dans les attributions de fonds bilatéraux, ainsi que dans les potentialités de financement par les ONG internationales. On prendra ici l'exemple du Fonds Mondial pour la Nature Sauvage (en anglais Worldwide Fund for nature - WWF).

Voici un encadré présentant le GEF.

LE GLOBAL ENVIRONMENTAL FACILITY, PRESENTATION SOMMAIRE

Le Fonds Mondial de l'Environnement (en anglais Global Environment Facility - G.E.F.) a été créé en 1991 par 24 pays et a été doté de 1,2 Milliard de dollars pour une première période de trois ans (1991-1993). Il est géré par la Banque Mondiale, le PNUD et désormais également par la Coopération Française.

Son objectif est de co-financer des actions de terrain par le biais de subventions. Ces actions vont de la manière la plus efficace possible dans le sens d'une amélioration de l'état de l'environnement de la planète. Les trois domaines concernés sont:

- lutte contre les émissions de carbone et l'effet de serre (amélioration de l'efficacité énergétique, énergies renouvelables, traitement des déchets),

- protection des eaux internationales,

- protection de la biodiversité,

La protection de la couche d'ozone, qui était initialement affectée au GEF, a été directement reprise dans le cadre du protocole dit de Montréal par une entité différente.

A la Conference des Nations Unies dite de Rio 1992 sur l'environnement et le développement, et malgré de violentes critiques de la gestion au cours de la période pilote, il a été décidé de prolonger l'exercice et de doter le GEF de fonds supplémentaires pour la période 1994-1997 (plus de 2 milliards d'US$).

Dans la phase actuelle du GEF, il est possible de financer des actions ayant un effet de déclenchement du développement d'énergies renouvelables, et non plus seulement des actions ayant un impact direct significatif sur le bilan énergétique global.

Ceci peut être pris comme une chance pour le développement de l'énergie solaire en particulier.

Les financements bilatéraux vont de plus en plus dans la gestion de l'environnement et le développement durable, même si, au total, les montants restent faibles par rapport aux enjeux. Les Coopérations Danoise et Néerlandaise, par exemple, ont explicitement placé le développement durable dans les principes de leurs interventions.

Voici un exemple de stratégie d'Organisations Non Gouvernementales:

Le Fonds Mondial pour la Nature (WWF), initialement un groupe de pression en faveur de la conservation de la nature, s'est progressivement renforcé au fur et à mesure de son audience dans le public, en particulier dans plusieurs pays dont la Suisse et les Etats-Unis. Une politique commerciale dynamique (vente directe de produits, redevances sur le célèbre Panda de l'Association pour sa présence sur de nombreuses marques de produits) a généré de tels revenus que la seule Association Suisse emploie une centaine de personnes, avec plus de 100.000 adhérents, et que le WWF Suisse gère directement plusieurs projets de coopération sur la conservation de la nature avec les pays pauvres.

IV. LE RÔLE DU SECTEUR PRIVE:

En plus des banques, le secteur privé productif peut contribuer directement au financement du développement durable.

Contrairement à la plupart des idées reçues, il est possible de gérer l'environnement de manière rentable.

Deux exemples peuvent soutenir ce jugement:

- la prospection de la biodiversité au Costa Rica,
- les stratégies de tourisme durable, par exemple aux Maldives.

Le cas de la prospection de la biodiversité au Costa Rica est suffisamment remarquable pour mériter le développement du chapitre suivant.

En ce qui concerne les stratégies de tourisme durable, des Gouvernements, par exemple aux Maldives, ont mis en place des outils permettant de financer la gestion de l'environnement, qui est à la base même de l'attraction touristique de ces territoires.

Tourisme durable aux Maldives

Situé au sud de l'Inde et à l'ouest du Sri Lanka, cet archipel s'étire sur 800 km de longueur dans une direction générale nord-sud. Il comprend 26 atolls et 1190 îles coralliennes, dont 200 sont habitées. La population totale est d'environ 200.000 habitants, dont 50.000 dans la seule capitale de Mahé.

La société est Islamiste, et l'économie est dominée par la pêche, le tourisme et les activités nautiques. Le tourisme est devenu de plus en plus important ces dernières années et représente désormais près du cinquième du Produit National Brut du pays. Plus de 8.000 lits sont désormais disponibles dans une soixantaine d'hôtels.

Les points saillants de la politique touristique suivie par le pays depuis 1978, date de la création du Département du Tourisme (désormais un Ministère), sont essentiellement:

- le choix de situer les zones balnéaires sur les îles inhabitées,

- la publication en 1983 d'un Plan à Long Terme de Développement Touristique,

- la possibilité pour le Gouvernement (déjà utilisée) de faire fermer les hôtels ne satisfaisant pas aux normes demandées,

- la parution de normes en matière de capacité de charge, comprenant:

. contrôle de l'abattage des arbres, aucun bâtiment ne devant dépasser leur cîme,

. la limitation des zones bâties à 20% du territoire de chaque île, à deux le nombre d'étages des bâtiments à la condition expresse qu'ils soient masqués par la végétation,

. l'obligation pour toutes les chambres d'hôtels de faire face à la mer, avec au moins 5 mètres de plage pour chaque chambre,

Au total, les mesures mises en oeuvre pour protéger directement l'environnement sont nombreuses et efficaces:

- contrôle architectural de toutes stations balnéaires,

- interdiction de l'utilisation de coraux dans la construction,

- conception des jetées de manière à minimiser les érosions côtières,

- rationalisation de l'offre d'eau potable en mettant en oeuvre les ressources disponibles (récupération de l'eau de pluie, désalinisation, utilisation limitée de l'eau souterraine),

- encouragement à l'enterrement systématique des réseaux,

- gestion fine des déchets (compression des canettes vides, pas de décharge de produits plastiques dans la mer, recyclage encouragé),

- interdiction de la vente et de l'utilisation des coraux, fruits de mer et même pierres et roches du milieu naturel, interdiction de la vente de tortues au dessous d'une certaine taille,

Enfin, le formation, à tous les niveaux, est une activité prioritaire pour le Gouvernement des Maldives: formation des professionnels du tourisme comme éducation des touristes eux-mêmes.

Il est sans doute bon de préciser que les Maldives ont opté pour un tourisme haut de gamme, avec comme objectif la fréquentation par des visiteurs dépensant de l'ordre de 400 à 500 US$/jour.

Actuellement, le principal obstacle à une intervention plus intensive du secteur privé productif dans le développement durable est sans doute culturel. Les industriels conventionnels et les groupes environnementalistes s'observent réciproquement avec beaucoup de suspicion avec, au milieu, des gouvernements centraux et locaux qui dépensent très peu d'énergie pour faire la pédagogie du développement durable.

V. LE CAS PROSPECTION DE LA BIODIVERSITÉ

Au Costa Rica, un projet extrêmement intéressant a été lancé dans les années 80. Ce cas est particulièrement pertinent pour le présent enseignement. Il montre que la conservation de la biodiversité peut être utilisée directement comme source de revenus, sans prélèvement, par les habitants d'une région, principalement à leur propre profit.

Tout ou presque est contenu dans le communiqué suivant:

En septembre 1991, l'Institut National de la Biodiversité du Costa Rica (INBio, une ONG) et la firme pharmaceutique Nord Américaine Merck & Co Ltd ont annoncé la signature d'un accord selon lequel INBio approvisionnerait Merck en principes actifs extraits de plantes, insectes et micro-organismes en provenance des zones restées sauvages au Costa Rica pour le programme de test de médicaments de Merck en échange d'un budget de recherche et d'échantillonnage de 1,14 millions d'US$ et de royalties en provenance des futures commercialisations. INBio acceptait dans le même temps d'attribuer 10% du budget et 50% des royalties au Fonds National des Parcs et Réserves pour la gestion des Parcs Nationaux au Costa Rica, et Merck donnait son accord pour une assistance technique et une formation afin d'aider à mettre en place une capacité de recherche pharmaceutique au Costa Rica.

Ceci était l'aboutissement de plusieurs années de travail de terrain de pionniers ayant identifié cette source de revenus potentiels pour les populations locales, à condition de les organiser pour l'identification et la mise en banque de données de ces espèces végétales.

Cet accord INBio-Merck est le premier, mais en 'aucun cas le dernier accord à entrer en vigueur dans ce domaine. Le Japon lance actuellement un grand programme de recherche sur la biodiversité en Micronésie, l'Institut Nord Américain de Santé passe actuellement en revue les espèces végétales sauvages susceptibles de contenir des principes actifs permettant de lutter contre le SIDA et le cancer. Le Kenya et l'Indonésie mettent en oeuvre des programmes d'inventaires similaires à ceux d'INBio et cherchent des activités de prospection de biodiversité.

Dans ce schéma, ce sont les habitants de la zone qui, sous le contrôle périodique ponctuel de consultants extérieurs, ont été formés à l'identification des plantes et à la saisie de leurs caractéristiques sous forme de bases de données. Ces habitants sont donc directement bénéficiaires des recettes des contrats d'exploitation avec les compagnies pharmaceutiques.

On comprend bien tout le profit que des habitants organisés peuvent tirer de la prospection de biodiversité.

D'une part, les membres de l'association ont intérêt à préserver la biodiversité qui constitue sa poule aux oeufs d'or.

D'autre part, les contrats de mise à disposition des informations relatives aux espèces prospectées permettent l'auto-financement de l'ONG de manière durable.

Il existe sans doute des centaines d'autres possibilités non explorées/exploitées, en particulier dans des pays très riches en biodiversité comme Madagascar.

Phase d'utilisation des connaissances acquises

Premier exercice

Le Fonds Mondial de l'Environnement, comme il a été dit plus haut, a mis en oeuvre une procédure d'aide aux investissements permettant de limiter les émissions de carbone vers l'atmosphère, afin de minimiser l'effet de serre. Une règle explicite d'attribution de la subvention GEF est que la tonne de carbone séquestrée (non émise) doit coûter moins de 50 US$.

Précisons cette notion.

On sait que les émissions de carbone dans l'atmosphère (CH4, CO et CO2) sont des éléments déterminants de l'accroissement de l'effet de serre, responsable du réchauffement de l'atmosphère et d'une élévation du niveau des mers.

Plusieurs activités (déplacements automobiles, production thermique d'électricité,...) sont responsables de ces émissions. En ce qui concerne les ressources naturelles, plusieurs activités émettent du carbone vers l'atmosphère: élevage de ruminants, rizière irriguée et combustion/décomposition de matière organique.

Prenons ce dernier cas, jugé responsable de la majorité des émissions de CO2 dans beaucoup de pays pauvres.

Lorsque l'on abat une partie de forêts, soit pour la brûler d'une manière ou d'une autre (sur place, sous forme de bois de feu ou sous forme de charbon de bois), tout le carbone qui était stocké dans les arbres part dans l'atmosphère. Si, au contraire, on transforme ce bois en meubles ou autres objets pérennes. le carbone reste dans ces objets et ne part pas dans l'atmosphère. Le bilan carbone émis est alors nul. Les plantations d'arbres, elles, permettent même de piéger du carbone tout au long de la période de croissance. Ensuite, lorsque la plantation est coupée, en totalité ou partiellement, l'effet de la plantation sur le bilan carbone émis dépend à nouveau de l'utilisation du bois.

Les décideurs du GEF privilégient donc, dans le domaine forestier, les plantations d'arbres -avec une croissance aussi rapide que possible - à destination de bois d'oeuvre, celles à destination de bois-combustible pouvant être souhaitables pour d'autres raisons, mais pas au titre de la séquestration de carbone.

Voyons le mode de calcul du coût de la tonne de carbone séquestrée. Cet exercice est présenté dans la feuille de calcul MODULE73.WK3.

LA VALEUR DE LA TONNE DE CARBONE SEQUESTREE

Le coût d'une tonne de carbone "séquestrée" se calcule de la façon suivante:

a) calcul du volume de bois d'oeuvre (m3) produit par le projet chaque année;

b) calcul de la quantité (en tonnes) de carbone qu'on pourrait produire chaque année avec le bois d'oeuvre (tonnes séquestrées);

c) actualisation et totalisation des tonnes de carbone séquestrées

d) actualisation et totalisation des coûts du projet (plantation + entretien).

e) rapport entre les tonnes de carbone séquestrées actualisées et les coûts actualisés.

Ces passages sont expliqués et formalisés ci dessous.

a) Calcul du volume de bois d'oeuvre (m3) produit par le projet chaque année,

Dans l'exemple on a les données suivantes:

· le volume du bois d'oeuvre produit par hectare pour chaque année de production (m3/ha/an)(Vht)

· la surface de la plantation (S) en hectares

Le Volume total annuel (Vtt) de la plantation est donc:

Vtt=VhtS

b) Calcul des tonnes séquestrées au cours de chaque année de production.

L'exemple donne les paramètres suivants:

· poids spécifique du bois (s) (en Kg/m3)

· pourcentage de bois d'oeuvre effectivement utilisé en bois d'oeuvre (u). u=(total - déchets)/total

· contenu de carbone d'une tonne de bois d'oeuvre (c) (en tonnes) Les tonnes de carbone séquestrées chaque année de production (Tct) sont:

Tct = Vtt s/1000 u c

Il faut noter que:

- Vtt s/1000 représente les tonnes de bois d'oeuvre produites dans l'année "n" de toute la plantation (il faut diviser par 1.000 parce que le poids spécifique est donné en Kg).

- Vtt s/1000 représente les tonnes de bois d'oeuvre produites par la plantation entière en l'année "t" et effectivement utilisées en ouvrages.

c) actualisation et totalisation des tonnes de carbone séquestrées.

En actualisant les tonnes de carbone séquestrées chaque année Tct on exprime la valeur des tonnes séquestrées pendant les différentes années en terme de tonnes séquestrées au début du projet. L'exemple donne le taux d'actualisation (r).

En actualisant, on donne aux tonnes "séquestrées" dans les années à venir moins de poids qu'aux tonnes séquestrées plus récemment. Lorsque les tonnes séquestrées pendant les différentes années sont exprimées dans la même unité de mesure, elles peuvent être additionnées pour avoir les tonnes totales actuelles séquestrées (Tca).

d) Actualisation et totalisation des coûts du projet (plantation + entretien).

Les coûts de chaque année (Ct) du projet sont actualisés et additionnés pour avoir la valeur actuelle des coûts du projet (C):

e) Rapport entre les coûts actualisés et les tonnes de carbone séquestrées actualisées.

Le coût actualisé d'une tonne de carbone séquestrée actualisée (Ctcs) est le rapport entre les coûts actualisés totaux (C) et les tonnes de carbone séquestrées actualisées (Tca):

Ctcs = C/Tca

Dans l'exemple on a un coût de la tonne séquestrée de $ 219, avec un taux d'actualisation de 3% et un coût d'implantation de $ 1.000.000. Le Fonds Mondial pour l'Environnement n'accorde pas son aide, puisque le coût de la tonne de carbone séquestrée doit être inférieur à $50.

Remarques sur l'exercice

Tous les flux sont actualisés au début de l'année 0 à la place du début de l'année 1. (La formule @NPV de Lotus considère les flux à la fin de chaque période et les actualise jusqu'au début de la première période considérée, c'est à dire, au début de l'année 0).

Les paramètres de la feuille signalent par contre que la mise en place est faite en année 1.

Selon les paramètres de la feuille, l'entretien est prévu pour les années >1, mais dans le tableau des flux, en l'année 1 il y a le coût de l'entretien.

Si on veut améliorer le contenu formatif de l'exercice on pourrait faire une analyse de sensibilité bi-dimensionnelle pour voir comment le coût de la tonne séquestrée change en modifiant quelques paramètres (par exemple le taux d'actualisation et le pourcentage de bois d'oeuvre effectivement utilisé en ouvrages). On pourrait trouver les combinaisons du taux d'utilisation et du taux d'actualisation qui donnent la possibilité d'obtenir l'aide du Fonds.

Second exercice

Voyons l'effet de la taxation sur les incitations à améliorer l'efficacité de la filière carbonisation.

On a vu que, lorsque le coût de renouvellement du bois (par exemple par replantation) n'est pas inclus dans le prix de revient du bois (ce qui fait que le coût de la matière première de carbonisation est limitée à celui de l'abattage des arbres), il y a peu d'incitations pour les charbonniers à utiliser les méthodes améliorées. Voyons où se situe le point où l'incitation à utiliser les méthodes améliorées (et donc à économiser la ressource) se place. Cet exercice est présenté dans MODULE74.WK3.

L'EFFET DE LA TAXATION DES RESSOURCES NATURELLES SUR LE CHOIX DE LA TECHNOLOGIE.

Un producteur décide d'améliorer sa technologie productive si les bénéfices de l'amélioration sont plus grands que les coûts. En général il doit y avoir:

(Ra-Ca) - (Rt-Ct) ³ E (1) où:

· Ra = revenus avec l'amélioration
· Ca = coûts avec l'amélioration
· Rt = revenus avec la technologie traditionnelle
· Ct = coûts avec la technologie traditionnelle
· E = investissement nécessaire pour l'amélioration1

Il est évident que si les flux des coûts et des revenus se déroulent sur différentes périodes, il faut les actualiser à un taux (r) avant de les comparer. En général, on peut interpréter Ra, Ca, Rt, Ct comme des valeurs actuelles totales actualisées à la période de l'investissement E.

Dans notre exemple nous imposons quelques simplifications:

· Les prix de vente ne changent pas avec l'amélioration (la qualité du carbone que nous allons produire ne change pas).

· La quantité de carbone produite par un chantier dans une période ne change pas. On produit toujours la quantité (Qc).

· L'amélioration ne peut pas être fractionnée, ni dans le temps (sur différentes périodes), ni dans l'espace (l'amélioration est de tout le chantier) et coûte (E) au début de la période 1.

· L'amélioration permet de produire la même quantité de carbone en utilisant moins de bois. Pour produire une tonne de carbone avec la technologie traditionnelle il faut (at) tonnes de bois. Pour produire une tonne de carbone avec la technologie améliorée il faut (aa) tonnes de bois (at>aa).

· D'abord on assure que la durée de l'amélioration est de deux ans.

· On considère la taxation comme l'unique coût de la ressource naturelle "bois".

Ayant fixé les prix de vente et la quantité produite, les revenus après l'amélioration ne changent pas: Ra=Rt=R. Ils n'ont aucune influence sur le choix de la technologie. La condition de rentabilité du producteur devient alors:

(Ct - Ca) ³ E (2)

Les hypothèses sur les coûts nous permettent de specifier les coûts totaux actualisés des deux technologies:

Ct = patQc/(1+r) + patQc/(1+r)2 Þ Ct = p atQc[1/(1+r) + 1/(1+r)2] (3)
Ca = paaQc/(1+r) + p aaQc/(1+r)2 Þ Ca = p aaQc[1/(1+r) + 1/(1+r)2] (4)

Les expressions ci-dessus nous indiquent que les coûts de production au cours des deux périodes sont déterminés par le prix du bois (p) et par le choix de la technologie. Etant la quantité de carbone produite dans un chantier fixée au niveau Qc, la quantité de bois utilisée change seulement en changeant la technologie.

Si le prix du bois (p) est positif (p>0), en améliorant la technologie le producteur réduit le coût d'exploitation.

En remplaçant (3) et (4) dans (2), on obtient:

p atQc[1/(1+r) + 1/(1+r)2] - p aaQc[1/(1+r) + 1/(1+r)2] ³ E (5)

L'inégalité (5) se simplifie en donnant (6):

P (at - aa) Qc[1/(1+r) + 1/(1+r)2] ³ E (6)

Lorsque:

p > E/(at - aa) Qc[1/(1+r) + 1/(1+r)2] (7)

Le producteur est incité à investir dans l'amélioration de la technologie. On peut calculer le niveau de bascule de la taxation pour l'usage du bois. Si la taxation est supérieure à ce niveau le producteur est incité à l'amélioration de la technologie.

L'exemple de la feuille MODULE74.WK3 fournit les données suivantes:

<> Quantité de carbone produite par un chantier: Qc = 30 tonnes.

<> Coût de l'amélioration du chantier: E= $ 690.

<> Quantité de bois pour produire une tonne de carbone avec la technologie traditionnelle: at = 10 tonnes.

<> Quantité de bois pour produire une tonne de carbone avec la technologie améliorée: aa = 6,666 tonnes.

<> Taux d'actualisation: r=0.

En utilisant ces données dans la (6) on obtient le prix de bascule: P=3,45.

En observant la (7) on peut faire aussi d'autres constatations:

· Toutes choses égales par ailleurs, la croissance de la durée de l'amélioration permet un prix de bascule plus bas.

· Toutes choses égales par ailleurs, la croissance de E cause une croissance du prix de bascule.

· Plus grande est la différence entre les coefficients de production (plus grande est l'amélioration technologique) plus bas est le prix de bascule.

· La croissance du taux d'actualisation amène à une croissance du prix de bascule, en réduisant les coûts de production par rapport à l'investissement initial.

· Toutes choses égales par ailleurs, la croissance de p accroît la rentabilité relative de la technologie améliorée.

Phase de synthèse

Ce sous-module devrait normalement avoir convaincu les stagiaires de l'existence de nouvelles opportunités dans le domaine du financement du développement durable.

Moyennant un peu d'imagination et la prise en compte de la diversité des objectifs et des pratiques des groupes sociaux concernés, il est possible de monter des financements de projets permettant à la fois une bonne efficacité et une bonne durabilité. Il reste à distiller cette imagination et cette approche réellement inter-disciplinaire.

Que faire dans chaque cas concret?


Objectifs pédagogiques spécifiques
Phase d'apprentissage
Phase de synthèse


Objectifs pédagogiques spécifiques

Rendre le stagiaire capable de:

- décider, sur un cas concret, des méthodes de calcul économique à utiliser ou à faire utiliser,
- utiliser une des méthodes disponibles, ou superviser l'utilisation de cette méthode,
- maîtriser les limites de validité des résultats de cette méthode.

Phase d'apprentissage

Que faire dans chaque cas concret?

I. EN PRIORITÉ: LE BON SENS ET L'ADAPTATION DES MÉTHODES CLASSIQUES EN AJUSTANT LES LIMITES DE L'ÉTUDE

Une bonne analyse économique dans le domaine du développement durable est avant tout une bonne analyse économique tout court.

Ce qui compte essentiellement pour une bonne analyse dans ce domaine est de bien en établir les limites.

Voici plusieurs exemples de problèmes lors de la fixation des limites:

- extension de réseaux d'irrigation,
- industries et émissions de polluants,
- défrichement type Amazonie,
- lutte phytosanitaire,

On peut en effet penser à fixer ces limites plus ou moins loin selon les besoins de l'analyse.

Voici trois règles qui semblent de bon sens pour cela:

- les impacts sur l'environnement doivent réellement provenir de l'activité étudiée sans ambiguïté. Une distance de quelques kilomètres autour du point de rejet des pollutions est sans doute un maximum en général. Il existe cependant des exceptions (hautes cheminées pour les pollutions atmosphériques, devenir des déchets noyés dans un océan, en particulier) et des effets cumulatifs,

- l'ensemble des activités indispensables à la bonne marche du projet doit être pris en compte. C'est par exemple le cas pour le transport des produits, soit depuis la zone d'importation (produits importés), soit depuis la zone d'extraction (produits miniers),

- le chiffrage économique des impacts - négatifs ou positifs - d'une activité est une tâche délicate qui réclame des moyens à la hauteur des ambitions. Il ne faut pas bâcler cette partie sous prétexte de satisfaire à une exigence bureaucratique.

Voici plusieurs commentaires sur les exemples de projets:

· extension de réseaux d'irrigation,

- attention à la fixation des limites du périmètre et, en particulier au caractère renouvelable de l'eau d'irrigation utilisée,

- attention au paquet technologique généralement associé aux projets d'irrigation (intrants d'origine chimique),

- attention aux pertes de qualité des produits (les fameuses pommes à l'eau qui, bien que plus lourdes en poids humide, ne comportent pas plus de matière sèche individuellement dans les projets irrigués que dans la culture en sec),

- attention aux maladies d'origine hydrique pouvant être associées au développement des points d'eau stagnants ou non,

- attention aux impacts sur la faune sauvage et, plus généralement, sur la biodiversité,

- attention à la qualification des opérateurs à tous les niveaux (du niveau décisionnel à celui de la manutention),

- attention à la possibilité de fractionner le projet en une suite de petits projets au lieu des méga-structures.

· agro-industries et émissions de polluants,

- attention aux impacts cumulatifs et éventuellement aggravés avec d'autres activités industrielles ou non proches (éventualité de combinaison de composés chimiques),

- attention à l'ensemble des rejets (liquides, gazeux et solides), ainsi qu'à la destination des produits finis,

- attention à l'emprise des infrastructures (par exemple sur de bons sols agricoles dans des zones où la bonne terre agricole est un facteur limitant de la production),

- attention aux alternatives envisageables et aux effets de taille des unités industrielles,

- attention à la qualification des opérateurs à tous les niveaux (du niveau décisionnel à celui de la manutention),

· défrichement type Amazonie,

- attention à la politique globale d'aménagement du territoire (existence d'alternatives de migrations internes),

- attention aux possibilités de contrôler les opérations sur le terrain,

- attention à la qualification des opérateurs à tous les niveaux (du niveau décisionnel à celui de la manutention),

- attention aux effets locaux et éloignés sur l'érosion des sols,

- attention à la protection des ethnies et cultures locales,

- attention aux bilans globaux, en particulier carbone.

· lutte phytosanitaire,

- attention aux alternatives possibles souvent non considérées (lutte intégrée ou lutte biologique),

- attention aux informations fournies aux opérateurs, principalement ceux au contact direct et fréquent avec les produits toxiques,

- attention à la qualification des opérateurs à tous les niveaux (du niveau décisionnel à celui de la manutention),

Tous ces facteurs doivent se retrouver dans l'analyse économique des projets correspondants (par exemple, coût du plan pour le suivi interactif des effets locaux et globaux du défrichement type Amazonie).

II. ETABLIR LE MODÈLE CAUSE-EFFET.

Dans la plupart des cas, il sera possible d'évaluer l'économie d'un projet en intégrant l'environnement sans modification des méthodes habituelles d'évaluation des investissements, mais en élargissant le champ d'étude.

Voici un exercice sur la pollution de l'eau et la rentabilité de son traitement.

Exercice: Choix d'une stratégie optimale de réduction de pollution aquatique

Situation: Rivière de la Mae Klong en Thaïlande

Problématique: cette rivière, qui reçoit les effluents de plusieurs usines, dont une série de sucreries qui emploient 86% de la main d'oeuvre industrielle régionale (12.500 emplois), permet également une série d'activités, marchandes et non marchandes, dont l'élevage de coquillages à son aval.

Le niveau de pollution atteint des niveaux extrêmement alarmants à la fin des années 60. Vers 1970, on a tenté de chiffrer l'étendue des dommages à partir d'une combinaison d'enquêtes d'opinion et de recueil de données scientifiques.

Au niveau maximal de pollution (300 mg/l de DBO), il a été estimé que, les élevages de coquillages, conduits sur environ 640 ha, ont perdu 7,8 M Bahts, qui sont venus s'ajouter aux 6 M Bahts perdus par les élevages de crevettes (sur 1.300 ha environ). Enfin, on a globalisé les pertes pour l'agriculture, la consommation domestique, la santé et la pêche amateur à 9,9 M Bahts, soit une perte totale de 23,7 M Bahts en valeur 1970.

Indicateur recherché: niveau optimal de la réduction de pollution dans les conditions économiques du moment, compte tenu d'une courbe théorique de dommages économiques en fonction du niveau de pollution.

Moyens envisagés: action coordonnée et cohérente sur le bassin versant sur les industries, en particulier par l'installation de stations de traitement des eaux usées, ainsi que par la création d'une station centrale de traitement des eaux usées pour gérer les déchets de l'agriculture et des activités domestiques, afin de réduire le niveau actuel de pollution au moindre coût.

On a décidé de construire une station ayant la capacité de traiter 96,6% de la pollution aquatique.

Le niveau de fonctionnement optimal de cette station est à rechercher.

Données de base:

Teneur en DBO

Traitement en %

Coûts prévisionnels

Capital

Fonction

Dommages

20

96,6

6

16,3

0

30

95,0

6

15,2

0

40

93,3

6

14,3

0

50

91,6

6

13,8

0

60

90,0

6

13,5

0

70

88,3

6

13,4

0

80

86,6

6

13,1

0

90

85,0

6

12,8

0

100

83,3

6

12,5

0

120

80,0

6

12,1

0

140

76,6

6

11,8

0

160

73,3

6

11,5

2,2

200

66,6

6

10,5

10,9

240

60,0

6

9,9

19,6

300

50,0

6

8,7

32,5

Note: Dommages = coût en M Bahts des dommages aval.

Le coût des dommages a été estimé de la manière suivante: à 40% de traitement (DBO résiduelle de 360 mg/l), il ne reste plus d'oxygène dissous, et les dégâts sont maximaux, égaux en monnaie constante à l'estimation supra. En valeur 1976, les dommages sont estimés à 45,33 MBahts (taux moyen d'inflation 11,5% par an entre 1970 et 1976),

Travaux à effectuer par les stagiaires:

- tracer la courbe réduction de la pollution-coût total
- déterminer le pourcentage optimal
- commenter les résultats
- identifier les besoins de collecte d'informations
- identifier les autres méthodes disponibles pour résoudre le même problème
- critiquer constructivement la méthode.

Commentaires de l'enseignant:

On peut remarquer que la stratégie retenue permet de diminuer notablement le niveau de pollution en sortie de station. La simulation informatique effectuée pour ce cas en Thaïlande a permis de déterminer que la station était capable de gérer 30 t/jour de DBO en provenance des sucreries. Avec une production réelle de 13 t/jour de DBO, l'étude conclut que, si la stratégie de traitement de l'eau est mise en oeuvre, on peut. tout en contrôlant les dommages, accueillir deux fois plus de sucreries sur un plan environnemental. Cette conclusion s'inscrit bien dans une logique de gestion durable des ressources naturelles.

Cet exercice est présenté et commenté dans la feuille de calcul MODULE75.WK3.

III. ETABLIR LA PERTINENCE DES SOLUTIONS

Le principal piège à éviter ici est de ne pas confondre efficacité sur la pollution et efficacité sur la qualité du milieu.

Ceci est un rappel par rapport au cas de l'étang de Berre décrit dans le module 4, Mais ce point est suffisamment important pour le répéter avec force, en particulier dans cette partie économique.

Beaucoup de décideurs confondent, dans la gestion des ressources naturelles comme ailleurs, l'efficacité individuelle de leur propre action avec l'impact sur le milieu. Il s'agit en fait de la mise en pratique du renversement de perspectives proposé dans le module 4 (dimension environnementale de la gestion durable).

Prenons, pour nous reposer des ressources naturelles (encore que) le problème de l'analphabétisme, et supposons que la scolarisation accrue participe directement et efficacement à la lutte contre ce fléau. Faisons la démonstration de ce qui est dit plus haut sous forme d'exercice.

Dans une population type pays de l'OCDE, le taux d'analphabétisme est de l'ordre de 5%, soit 3 Millions de personnes environ en France. La population scolarisée est de l'ordre de 10% de la population totale, soit environ 6 Millions de personnes. Supposons que le population scolarisée augmente de 10%. et que, donc, 600.000 personnes deviennent moins analphabètes au cours de leur scolarité de 10 ans environ. Quel sera l'impact annuel sur le taux d'analphabétisme?

Réponse: ceci signifie que, tous les ans, 60.000 jeunes perdent la qualité(?) d'analphabètes. En faisant provisoirement l'impasse sur la démographie propre du groupe des analphabètes Français, cela signifie que le nombre d'analphabètes va reculer de 60.000 par an, soit 2% du nombre d'analphabète et que le taux d'analphabétisme (nombre d'analphabètes sur population totale) va diminuer de 0,1% par an.

En pratique, il est donc indispensable, dans le domaine de la gestion des ressources naturelles, de bien ramener l'efficacité des mesures par rapport à leur impact sur le milieu et non par rapport seulement aux moyens mis en oeuvre.

IV. LE COÛT DU PRÉVENTIF PAR RAPPORT AU CURATIF

1. APPROCHE GÉNÉRALE

Une autre manière d'évaluer une politique ou un programme environnemental est de comparer les coûts de traitements préventifs et curatifs pour un même objectif technique (ex. réduction de 10% de la concentration en NOx de l'air d'une ville).

Plusieurs exercices de ce type ont été conduits. La quasi-totalité des analyses a conclu à la plus grande efficacité des traitements préventifs. On peut prendre l'exemple d'une étude effectuée sur le réseau d'adduction d'eau potable de la ville de Pékin (ou Beijing, en Chine). Les économistes ont chiffré le prix de revient des actions d'économie d'eau (dites aussi gestion de la demande) par rapport au coût de la mise en service d'une unité de production d'eau supplémentaire (dite aussi accroissement de la capacité d'offre). Voici les résultats de l'étude sous forme graphique, puis l'interprétation de ces résultats.

Economie d'actions d'économie d'eau par rapport au coût de la création d'un apport supplémentaire

La manière d'interpréter la figure précédente est la suivante: on classe d'abord les actions d'économie d'eau les moins coûteuses (ce sont en général les contrôles de fuites et pertes des réseaux - pertes qui peuvent atteindre, voire dépasser, 10 ou 20% de la livraison totale), puis celles qui coûtent de plus en plus cher. Au delà d'un certain seuil, il est plus économique d'accroître la capacité de production du réseau.

Comme on peut le voir,

- dans les usages domestiques, on peut économiser jusqu'à 75 Mm3/an à un coût actualisé inférieur à 0,08 US$/m3 (dont 45 Mm3/an à moins de 0 02 US$/m3),

- dans l'industrie, on peut économiser jusqu'à 325 Mm3/an à un coût actualisé inférieur à 0,08 US$/m3 (dont 125 Mm3/an à moins de 0,02 US$/m3),

- dans le même temps, le coût actualisé de la création d'une unité supplémentaire d'adduction d'eau est de l'ordre de 0,11 US$/m3,

2. UN EXEMPLE-EXERCICE

En ce qui concerne la gestion durable des ressources naturelles, une question de fond dans la plupart des pays pauvres est la détermination des actions les plus économiquement efficaces pour lutter contre la deforestation. Voici d'abord le cadre de réflexion, puis une application avec des données réelles sur Madagascar

PARAMETRES POUR LA COMPARAISON ENTRE DIVERS MOYENS D'ECONOMISER DU BOIS DANS UN PAYS AFRICAIN

Voici, pour un économiste, la liste des paramètres à prendre en compte pour comparer diverses solutions de lutte contre la deforestation en se limitant à l'aspect «stock de bois» On peut en effet vouloir, soit diminuer la demande, soit augmenter l'offre

(a) Economie de bois par accroissement d'offre grâce à une plantation:

- coûts annuels de la plantation,
- production de bois localisée à chaque période de récolte,
- actualisation des coûts et des productions,
- coût moyen = rapport coût actualisé/production actualisée,

(b) Agro-foresterie: même chose, mais en déduisant les recettes autres que le bois et en diminuant le coût (rôle du travail paysan)

(c) Foyer amélioré pour réduire la demande de bois (bois ou charbon de bois)

- différentiel de coût du foyer,
- bois ou charbon de bois économisé durant la période de durée de vie du foyer,
- rapport entre les deux,

(d) Amélioration de la carbonisation pour réduire la demande de bois:

- coût supplémentaire de la meule améliorée sur la durée de vie d'une meule améliorée,

- bois total économisé sur cette période (pour la production de charbon de bois de la meule améliorée, différence entre le bois consommé par la méthode traditionnelles et par la meule améliorée),

- éventuellement actualisation (si plus d'un an),

- rapport entre coût et économie de bois,

(e) Gestion des taillis d'Eucalyptus pour augmenter l'offre,

- accroissement de la productivité annuelle des taillis,
- temps de travail supplémentaire requis pour l'élagage.

(f) Développement de combustibles de substitution pour augmenter l'offre,
briquettes de balles de riz
gaz
pétrole

Une version simplifiée (incomplète faute de l'ensemble des bonnes données de base, mais rendue possible quand même grâce à l'aimable obligeance de José Luis CALABRESE et René MASSE) de cet exercice est présentée dans la feuille de calcul MODULE76.WK3

V. INTÉGRER LE CALCUL ÉCONOMIQUE DANS LE SCHÉMA DÉCISIONNEL GLOBAL

1. LA MATRICE SIMPLETTE

Le guide décisionnel ultime est le suivant: la polémique environnement-rentabilité économique doit d'abord être mise à plat.

La vraie rentabilité d'un projet s'analyse a posteriori. Si un projet a produit plus de biens et de services qu'il n'en a consommés, alors il est rentable, sinon il ne l'est pas. Dans cette approche, il existe donc des projets rentables économiquement et d'autres qui ne le sont pas. On les a notés respectivement économie + et économie - dans la suite.

La vraie efficacité environnementale s'analyse a posteriori. Si un projet a détruit de manière irréversible trop de ressources naturelles, il a été négatif pour l'environnement. S'il a amélioré l'environnement ou n'a pas entraîné de destructions irréversibles, il est positif ou neutre pour l'environnement

La base du raisonnement est donc une matrice simple, présentée ci-après.

Les relations économie-environnement sur un projet donné peuvent présenter quatre cas de figure:

Environnement

-

+

Economie




-

I

II


+

III

IV

- On se polarise le plus souvent sur le cas III (économie + environnement -): les écolos nous empêchent de développer en rond Mais nous devrions tout d'abord nous interroger sur I (économie - environnement -), rencontré très souvent, et pas seulement dans le Tiers Monde (Concorde, Hermès, Super Phénix) et sur IV (économie + environnement +) Cherchons donc en priorité a décourager le cas 1 et à encourager le cas IV Nous traiterons de II et III en temps voulu9

- On dispose désormais d'exemples du cas IV, le plus intéressant pour un enseignement comme celui ci: l'opération Clean Lakes aux Etats-Unis a montré, à la fin des années 70, que la restauration de la qualité des lacs par une approche bassin versant avait entraîné un regain d'activité économique (en particulier touristique) qui avait largement dépassé les coûts engagés dans cette restauration,

- On dispose malheureusement de beaucoup trop d'exemples du cas I, et les stagiaires seront les bienvenus d'exposer leurs propres expériences dans ce domaine

2. LES ÉTAPES DE LA RENTABILITÉ

En allant plus finement dans l'évaluation de la rentabilité économique d'un investissement à objectif environnemental, on s'aperçoit qu'il existe quatre étapes:

- économie nette de coûts, une série d'actions à mener en priorité qui sont rentables dès le moment où nous les mettons en oeuvre (l'équivalent du fermer la lumière quand on quitte une pièce): ex. fermer une usine déficitaire et polluante,

- rentabilité locale, des projets qui, évalués selon les normes d'analyse conventionnelle des investissements, rapportent, avec des taux d'intérêts raisonnables, plus d'argent qu'ils n'en coûtent à l'opérateur qui les met en oeuvre: dans le domaine de la maîtrise de l'énergie, les nombreux projets, en particulier de mise en place de matériaux isolants, pour le particulier comme pour le chef d'entreprise, ayant des temps de retour inférieurs à 2 ans, par exemple. Pour cette catégorie de projets, comme pour la précédente, l'opérateur devrait faire les investissements dans le cadre conventionnel (auto-financement ou emprunt bancaire). Si l'opérateur ne fait pas l'investissement, c'est soit qu'il n'a pas la bonne information, soit qu'il n'agit pas rationnellement,

- rentabilité globale, où la rentabilité locale n'est pas acquise, mais où la prise en compte des économies ou des bénéfices pour une instance supérieure (régionale, nationale ou internationale-communautaire) permet d'avoir une rentabilité d'ensemble. C'est le cas de projets comme une station d'épuration pour un industriel ou de la lutte contre l'érosion pour un agriculteur. Les bénéfices locaux peuvent être inférieurs aux coûts, mais, lorsqu'on prend en compte les bénéfices supérieurs (qualité de l'eau dans la rivière pour le premier cas, économie de frais d'entretien pour les terres basses, les retenues d'eau, les centrales hydro-électriques et les ports), le projet devient rentable pour la collectivité. Le projet doit alors se réaliser avec un transfert de fonds de l'instance supérieure, subvention qui est en fait une redistribution des bénéfices globaux de l'opération. C'est le principe d'additionnalité (ou de subsidiarité) de la Communauté Européenne, ou le principe de base de fonctionnement du Fonds de l'Environnement Mondial (GEF), décrit dans le sous-module précédent.

- pas de rentabilité à court terme, enfin, c'est le dernier cas, celui qui justifierait de ne pas investir dans la protection de l'environnement. Mais au fait, on a bien investi des milliards de dollars à fonds perdus pour aller dans l'espace. Quelle a été la rentabilité de ces fonds9 Quelle est la rentabilité des fonds investis dans le budget du Ministère de la Défense9 Pourquoi ne pas investir sans rentabilité dans la protection de l'environnement?

VI. PRESENTATION SYNOPTIQUE DES MÉTHODES A UTILISER

Une présentation des diverses méthodes de calcul économique adaptées à la prise en compte de l'environnement, de leurs conditions d'utilisation et de leur intégration dans les méthodes d'aide à la décision a fait l'objet de recommandations de l'OCDE sur les évaluations des avantages et des dommages (EAD) qui sont rappelées ci-après.

Comparaison des techniques d'aide a la décision

Principe/méthode

Description

Avantages

Inconvénients

Références supplémentaires

1 Analyse coûts-avantages standard

l'évalue les mesures d'après une estimation chiffrée de leurs avantages nets (avantages-coûts)

Examine la valeur (c'est-à-dire ce que les individus consentent à payer) et le coût des actions, exprime les résultats en termes commensurables, cohérent avec l'évaluation en termes de répercussions sur l'efficacité

Ne tient pas compte directement de la répartition des avantages et des coûts, exige un assez grand nombre d'informations, tend à négliger les conséquences dont les effets ne peuvent être chiffrés, tend à conduire au maintien du statu quo, dépend de la répartition existante des revenus et de la richesse

Pearce et Nash (1981)

2. Analyse coûts-avantages développée

Evalue les mesures d'après une estimation chiffrée de leurs avantages nets (avantages-dépenses)

Prend toujours pour base le consentement à payer, mais conditionné par une règle de conservation d'éléments essentiels du patrimoine naturel, chiffrage du projet fictif ou du concept de compensation dans le processus d'évaluation, cohérent avec l'évaluation des termes de répercussions sur l'efficience et l'équité

Exige en assez grand nombre d'informations, manque d'informations scientifiques sur la valeur des éléments du patrimoine naturel et les possibilités de substitution

Pearce, Barbier et Markandya (1990) Turner (1988)

3 Analyse risques-avantages

Evalue les avantages d'une mesure par rapport à ses risques

Structure volontairement vague pour favoriser la flexibilité, conçue pour permettre la prise en compte de tous les risques, avantages et coûts, n'est pas une règle de décision automatique

Les facteurs considérés comme commensurables ne le sont pas toujours; incoherence possible de la perception des risques entre profanes et experts

Fischoff et al. (1981)

4 Analyse décisionnelle

Analyse par étapes des conséquences de choix effectués dans l'incertitude

Permet d'utiliser différents objectifs, rend les choix explicites, reconnaissance explicite de l'incertitude

Les objectifs ne sont pas toujours clairs; le mécanisme d'attribution des pondérations n'est pas clair

Norton (1984)

5. Etude d'impact sur l'environnement

Mesure et estimation chiffrée des différents impacts sur l'environnement

Informations chiffrées (non monétaires) sur différents ensembles d'impacts

Les informations sur les différents impacts ne sont pas échelle commune, pas d'attribution possible d'une valeur


6 Méthodes décisionnelles multicritères méthodes lexicographiques (non monétaires)

Procédure de classement, détermine l'option la «plus favorable» sur la hase d'un nombre limité de critères différents

Méthode souple, facilement adaptable aux nouvelles options ou aux modifications dans les pondérations de critères, besoins limités en matière d'informations

Exige un classement pair par ordre de priorité, l'équité n'est pas prise ne compte

McAllister (1980)

Méthodes graphiques (non monétaires)

Illustre le classement des options sur la base de tous les critères

Méthode souple, résultats cohérents si les fonctions d'arbitrage (pondérations) sont acceptées

Exige un grand nombre d'informations. Des informations complètes sur l'échelle des rapports et des intervalles sont nécessaires pour tous les critères: pondérations nécessaires pour les arbitrages, le résultat final masque les pondérations cachées, les arbitrages et les incidences sur la répartition

McAllister(1980)

Méthodes de maximisation du consensus (non monétaires)

Offre des «pondérations sociales» pour une série de critères, plutôt qu'une solution optimale

Intègre explicitement les considérations d'équité

Nécessite des informations sur les préférences et pondérations individuelles à recueillir grâce à la participation très active d'individus et de groupes

McAllister (1980)

Méthodes d'agrégation (non monétaires, sauf lee bilan de planification)

Offre un classement des options sur la base de tous les critères

Méthodes souples qui peuvent tenir compte de quelque nombre d'options que ce soit, certaines méthodes intègrent explicitement le critère d'équité

Les besoins de données sont souvent élevés, la complexité se traduit par des pondérations «cachées» et par des incidences sur la répartition, les jugements subjectifs reçoivent le même poids que ceux basés sur des données scientifiques

McAllister (1980)

Analyse de concordance (non monétaire)

Offre un sous-ensemble d'options non dominantes basées sur tous les critères

Adaptable et cohérent d'un point de vue méthodologique

Technique compliquée, des informations sur l'ampleur des impacts, une fonction de normalisation et une pondération des critères sont nécessaires, puis «occultés» dans l'analyse

McAllister(19SO)

Pearce, D W. et Nash, CA. (1981), The Social Appraisal of Projects, Macmillan, Londres

Pearce, D W., Barbier, E B et Markandya, A. (1990), Sustainable Development: Economics and Environnement in the Third World, Edward Elgar, Aldershot, Hants

Fischoff, B et al. (1981), Acceptable Risk, Cambridge University Press, Cambridge.

Turner, R K. ed. (1988), Sustainable Environmental Management: Principles and Practice, Belhaven Press, Londres.

McAllister (1980), Evaluation in Environmental Planning, MIT Press, Cambridge, Mass.

Tableau 12. Difficultés d'application des techniques d'EAD

METHODE/TECHNIQUE sur

METHODE D'EVALUATION CONTINGENTE (MEC): préférence exprimée (enquête basée l'interrogation directe d'individus à l'aide de questionnaires)

APPLICABILITE

Grande applicabilité, en principe cette méthode peut englober les avantages de la plupart des biens d'environnement Elle permet d'obtenir des estimations de valeurs d'option en cas d'incertitude. Elle se fonde sur la supposition que les individus se comporteront comme ils ont affirmé qu'ils le feraient (dans le questionnaire) si la situation hypothétique dans laquelle ils étaient placés se concrétisait à l'avenir Les études MEC peuvent être utilisées pour estimer des valeurs d'usage et d'existence (intrinsèques) L'expérience acquise en Amérique du Nord conduit à penser que la MEC est extrêmement utile pour l'évaluation de «biens publies locaux», en particulier ceux qui se trouvent en milieu urbain, comme les parcs et autres types d'espaces libres.
En ce qui concerne les biens d'environnement pour lesquels les individus paient indirectement, la MEC suppose que les individus se comporteraient de la même façon dans un marché réel pertinent - s'il en existait un - qu'ils le font dans un marché hypothétique. Il est également utile que les biens considérés soient «bien connus» - parcs locaux, etc.. Mais dans le cas de biens publies qui peuvent être relativement moins «biens connus», les valeurs déterminées par la méthode d'évaluation contingente ne doivent pas être jugées par rapport à un modèle de marché pertinent (qui n'a probablement Jamais existé), mais plutôt comparées à de véritables référendums, comme moyen de mesure des préférences

VALIDITE (du contenu, lies critères, de construction et convergente

La validité est un concept multidimensionnel, il n'existe donc pas de test définitif unique pour sa verification. Le test «fort» de la validité et serait le degré auquel la méthode mesure la construction théorique étudiée, mais la construction elle-même n'est pas observable. La nature même de certains biens d'environnement (biens purement publics) rend la mesure de valeurs extrêmement difficile à effectuer Pour d'autres biens d'environnement, la construction théorique est le montant maximum que les individus consentiraient à payer si un marché approprié existait réellement pour le bien en question Un problème important dans la recherche relative à l'évaluation contingent est celui de la nature et de l'ampleur des biais inhérents aux réponses fournies dans le cadre d'enquêtes simulant des marchés hypothétiques structurés Les résultats obtenus suite à des tests sur les biais sont mitigés - peu de signes de biais stratégiques, mais détection de biais initiaux et instrumentaux. Les problèmes de biais seront minimisés grâce à des enquêtes bien conçues et à un choix approprié des biens d'environnement à évaluer (à savoir les biens liés - même indirectement - à une structure de paiement et les biens publies «bien connus). Autre facteur très important, le niveau de familiarité de la personne interrogée avec le bien d'environnement concerné Un petit nombre d'études réalisées aux Etats-Unis se sont servies, avec des résultats relativement encourageants, d'un test de validité des critères, qui compare les résultats de la MEC à ceux obtenus dans les marchés simulés de biens semi-privés (permis de chasse)
Les résultats de tests de validité convergente sont raisonnablement bons dans les études réalisées aux Etats-Unis et en Norvège (on compare généralement la MCT, les prix hédonistes et la MEC).
Les tests de validité de la construction, soil la validation d'une mesure par comparaison avec d'autres mesures qui, théoriquement, devraient lui être liées, n'en sont qu'à leurs débuts Les vastes différences constatées entre les résultats empiriques de consentement à payer et de consentement à accepter posent problème. Les connaissances socio-psychologiques doivent être intégrées dans la recherche sur l'évaluation contingente. Les valeurs attachées par les individus aux biens publics sont l'expression d'un choix basé sur un flux complexe de facteurs - les préférences, les Jugements éthiques et d'autres pressions sociales...

FIABILITE

Les écarts sont observes quant aux valeurs de GAI' exprimées par les personnes interrogées, en raison du caractère aléatoire des sources D'après certains chercheurs américains, ce que l'on appelle biais informationnels et biais hypothétiques sont tout simplement des aspects d'une variation non aléatoire.
La fiabilité des études selon la MEC s'accroît avec l'amélioration de la conception des questionnaires et l'adoption de meilleures procédures d'échantillonnage. La méthode de la carte de paiement semble donner des résultats plus fiables, surtout dans le contexte de biens publies dotés de valeurs de référence (en d'autres termes, ce que les personnes paient déjà, par le biais des impôts ou taxes, pour la disponibilité des biens publies).
Seules quelques rares études ont ventilé les composantes de la valeur économique totale en valeurs d'usage, valeurs d'option et valeurs d'existence La qualité des estimations de la valeur d'existence est actuellement douteuse. Les résultats de la MEC sont les plus sûrs lorsqu'ils sont interprétés en tant que Jugement global de la part des personnes interrogées, à savoir des expressions de la valeur économique totale, basées sur les conditions décrites dans un scénario MEC.

ACCEPTABILITE

La méthode d'évaluation contingente est relativement «récente» en Europe. L'expérience acquise en Amérique du Nord a conduit à une amelioration considerable de la conception des enquêtes et des procédures d'échantillonnage. La MEC représente une approche suffisamment prometteuse pour mériter l'établissement d'un programme complet de tests dans un certain nombre de contextes culturels et socio-économiques Il est possible que les résultats nord-américains ne puissent se «transposer» convenablement dans un contexte européen.
La conviviabilité peut être considérée comme assez limitée à l'heure actuelle, en dépit de la simplicité apparente d'une approche fondée sur l'utilisation de questionnaires.

METHODE/TECHNIQUE sur les

PRIX HEDONISTES (variante pour le marché du logement): préférence révélée (technique du marché de substitution basée comportements observés)

APPLICABILITE

Applicabilité limitée (meilleure qualité de vie pour les résidents suite à une amelioration de la qualité de l'environnement dans le voisinage) Ne mesure pas directement la courbe de demande ordinaire Ne permet pas revaluation de modifications potentielles du cadre de vie, ni l'estimation de valeurs d'option en présence d'incertitude. Ne se prête pas à l'estimation des valeurs d'existence La mesure de bien-être social fait appel à la rente du consommateur au sens de Marshall

VALIDITE (du contenu, des critères, de la construction et convergente

Les facteurs pertinents doivent être mesurables en termes quantitatifs, soit des variables fictives; mais les difficultés de collecte des données et de mesure sont importantes - par exemple, les indices supplétifs de pollution, les informations sur les prix immobiliers cl le taux de rotation des logements Le choix de la forme fonctionnelle influe fortement sur l'avantage estimé des mesures antipollution. Une multicolinéarité existe fréquemment entre un grand nombre de variables explicatives et les différentiels dans les prix immobiliers, cette erreur de specification, qui entraîne un biais grave, représente un problème potentiel permanent. La théorie économique sous-jacente repose sur les hypothèses suivantes: offre constante d'unités de logement et marché fonctionnant efficacement. On peut les considérer toutes deux comme relativement irréalistes. La segmentation du marché et le comportement adopté par les ménages pour atténuer la pollution contribuent également à affecter la validité du modèle économique. Certains facteurs qui influent sur l'achat d'un logement sont intrinsèquement subjectifs et ne peuvent être saisis par le modèle Globalement, l'interprétation précise de la mesure du CAP pour réduire le niveau de pollution n'est pas claire, en raison de l'absence d'une théorie des attitudes à l'égard des attributs des biens immobiliers qui influent sur les choix individuels

FIABILITE

Relativement faible, bien qu'à ce jour peu d'études aient été réalisées en Europe dans ce domaine. Les besoins d'informations précises sont importants. Il est difficile d'obtenir suffisamment d'informations sur le marché pour réaliser des estimations fiables, surtout lorsque les aménagements considérés se trouvent au sein d'une zone dotée de nombreux logements appartenant aux collectivités locales ou à des associations pour le logement.

ACCEPTABILITE

Les études du type prix hédonistes ont un rôle à jouer dans le contexte des impacts du bruit ou de la pollution atmosphérique, en particulier des analyses avant et après une modification de l'environnement. L'acceptation de cette méthode par les groupes écologistes est moins certaine La convivialité est faible, et la méthode demande des compétences spéciales.

METHODE/TECHNIQUE

METHODE DU COUT DU TRAJET: preference révélée (technique du marche de substitution basée sur les comportements observes)

APPLICABILITE

Applicabilité limitée (valeur des sites de loisirs, gains et pertes dus à des améliorations ou des baisses de qualité) Ne se prête pas aux estimations de valeur d'option en cas d'incertitude, on suppose que la relation estimée sur la base du comportement passé se maintiendra a l'avenir Ne permet pas d'estimer les valeurs d'existence ou la valeur d'utilisation commerciale d'un site de ressources naturelles Mesure du bien-être social basée sur la rente du consommateur de Marshall.

VALIDITE (du contenu, des critères, de la construction et convergente)

Il s'agit d'une méthode hautement spécifique au site évalué, et les informations relatives aux aménagements du site demandent à être soigneusement mesurées et choisies La plupart des modèles sont basés sur des trajets à destination unique, les trajets à destinations multiples sont sources de problèmes en raison du besoin d'une répartition arbitraire du total des coûts de déplacement Cette méthode demande l'évaluation des coûts de transport, et des coûts d'opportunité du temps de trajet et du temps passé sur le site Certaines difficultés sont inhérentes à la mesure de ces coûts, ainsi qu'à la determination du manque à gagner correspondant Les résultats de la méthode sont sensibles aux formes fonctionnelles utilisées dans le processus d'estimation. Le biais de «séparation» peut fortement limiter la portée de la méthode, à savoir ne tenir aucun compte des non-visiteurs du site (le visiteur marginal le plus éloigné est considéré comme ayant une rente du consommateur nulle) Certaines études récentes, au Royaume-Uni, n'ont pas réussi à confirmer la relation fonctionnelle théoriquement attendue entre la tendance à visiter un site et les coûts du transport ou la distance; ce problème de validité de construction, potentiellement sérieux, demande des travaux de recherche complémentaires. Les résultats de tests de validité convergente réalisés aux Etats-Unis indiquent que la concordance entre les résultats obtenus par la méthode du coût du trajet et ceux d'une évaluation contingente se situe aux alentours de +/- 60%.

FIABILITE

Exige une grande masse de données, mais il s'agit d'une méthode bien établie qui, dans le contexte approprié, peut fournir des approximations raisonnables pour certains sites de loisirs isolés. Fiabilité moyenne dans un nombre très limité de contextes.

ACCEPTABILITE

Cette méthode est en général bien connue, et ses limites reconnues tant par les cercles officiels que par les organismes de protection de l'environnement. Niveau de convivialité: moyen à bas.

METHODE/TECHNIQUE

METHODES D'EVALUATION INDIRECTE: (fonction de production: modèles faisant appel aux relations dose-réponse)

APPLICABILITE

Applicabilité limitée ne se prêtent pas à l'évaluation d'avantages du type valeur d'existence pour non-utilisateurs ou d'avantages de l'utilisation directe. A condition qu'ils soient utilisés de manière réfléchie, les coûts de remplacement, les coûts de compensation et les coûts de protection peuvent fournir des premières approximations de valeurs d'avantages Ces méthodes permettent l'établissement d'une relation avec les prix du marché

VALIDITE

Dépend de la qualité des données physiques/scientifiques, du point de vue de leur «fonction de production» ou relation dose-réponse. Les relations dose-réponse demandent généralement des mesures précises des niveaux de pollution du milieu, ainsi que l'identification des niveaux seuils pour les dommages La science de l'écotoxicologie n'offre encore qu'un premier ensemble de théories et de pratiques Une grande partie des informations découlent actuellement d'études contrôlées réalisées en laboratoire, et non sur l'écosystème dans son ensemble La forme fonctionnelle de la relation dose-réponse est souvent difficile à spécifier

FIABILITE

Un grand nombre de relations dose-réponse n'ont pas été suffisamment étudiées, trop peu d'études y ont été consacrées.

ACCEPTABILITE

Dans le domaine des dommages à la végétation, de la corrosion des matériaux et peut-être des nuisances sonores, les méthodes indirectes (coûts de remplacement, etc.) peuvent fournir des premières approximations raisonnables de véritables mesures de la valeur économique. en termes monétaires.

Techniques d'Evaluation des Avantages et des Dommages et secteurs de l'environnement

Pollution

Type d'effet

Technique d'estimation des avantages

Prix hédonistes immobiliers

Salaires hédonistes

Coût de trajet

Evaluation contingente

Méthodes indirectes

POLLUTION ATMOSPHERIQUE Polluants classiques (TPS, Sox, NOx)

Morbidité maladies respiratoires (pertes de productivité des travailleurs, frais médicaux, souffrance)

O

L

O

x

x

Mortalité: mort pour cause respiratoire

L

x

O

O

x

Esthétique (visuelle, sensorielle)

x

L

O

x

O

Loisirs

O

O

x

x

O

matériaux (entretien. reparations)

O

O

(?)

(?)

x

Végétation (perles de récoltes)

O

O

O

O

x

POLLUTION DE L'EAU Polluants classiques (DBO, etc.)

Loisirs (pèche, navigation de plaisance etc..)

L

O

x

x

O

Pêche commerciale (pertes de stocks)

O

O

O

O

x

Esthétique (odeur, turbidité, etc...)

x

O

L

x

O

Ecosystème (pertes d'habitats et d'espèces)

O

O

O

x

x

Concentration en traces

Eau potable (morbidité cl mortalité)

O

O

O

x

x

Pêché (stocks)

O

O

O

O

x

SUBSTANCE TOXIQUES







Dans l'air (benzène, PCB, pesticides)

Morbidité et mortalité

x

O

x

x

(?)

Sols contamines

Esthétique

x

O

O

x

O

Ecosystème

O

O

O

x

x

RAYONNEMENTS

Morbidité et mortalité

(?)

x

O

L

x

POLLUTION MARINE







Hydrocarbures, eaux d'égout, substances radioactives

Esthétique et loisirs

(?)

O

x

x

x

Pèche

O

O

O

O

x

BRUIT

Nuisance

x

O

O

x

L

x = technique utilisée
O = techn. non utilisable
L = application limitée
(?) = non mise au point, mais possible

Phase de synthèse

Nous voici désormais armés pour maîtriser l'ensemble des dimensions de la gestion durable des ressources naturelles:

- démographique,
- environnementale,
- socio-organisationnelle,
- technologique,
- économique.

Nous allons passer maintenant à l'intégration de ces diverses dimensions dans une démarche opérationnelle, puis à l'intégration de ces soucis dans l'approche sectorielle. Toutefois, quitte à en décevoir beaucoup, nous apprendrons essentiellement dans ces dernières parties qu'il suffit essentiellement d'appliquer convenablement les bonnes méthodes de préparation, mise en oeuvre, suivi et évaluation d'activités. Voyons comment.


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