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The challenges and problems of agricultural policy reform in the Republic of Korea:
rural development directs its attention to liberalization

The Republic of Korea, one of the four "Asian tigers", has experienced high rates of growth for several decades. In 1997, the country joined the Organisation for Economic Co-operation and Development (OECD), confirming its new-found status as a rich country. Unprecedented growth, however, has made a significant impact on agriculture, a sector long dominated by small family-owned rice plantations. Towards the beginning of the 1980s, liberalization of the Republic of Korea's economy triggered a severe slump in farming. The outcome of the Uruguay Round, signed in 1993, caused the sector to sink further into recession. Today, there is a growing gap in living standards between rural and urban populations. As policies to protect the future of domestic agriculture lose momentum, increasing imports are crippling the rural economy. In the Republic of Korea, industrialization was accelerated at the expense of agriculture and the sector is now ill-equipped to face foreign competition. Indeed, restructuring agriculture represents a sizeable challenge for policy-makers. This article provides an overview of agricultural policy in the Republic of Korea since the 1960s and examines a number of proposals to remedy the current situation.

La reforma de la pol�tica agraria en la Rep�blica de Corea: nueva orientaci�n del desarrollo rural frente a la liberalizaci�n

La Rep�blica de Corea, uno de los cuatro �dragones� asi�ticos, ha experimentado en los �ltimos decenios un crecimiento r�pido y sostenido que le ha permitido incorporarse al club de los pa�ses ricos. En 1997 ingres� en la Organizaci�n de Cooperaci�n y Desarrollo Econ�micos. Este progreso no ha dejado de tener consecuencias para el sector agrario, estructurado desde antiguo en peque�as explotaciones familiares donde predomina el cultivo del arroz. La apertura de la econom�a coreana provoc� a comienzos del decenio de los a�os ochenta una profunda crisis en esta agricultura poco modernizada. Los acuerdos del GATT de 1993 dieron m�s tarde la se�al para un verdadero desmantelamiento de este sector de la econom�a. Actualmente se observa una diferencia de desarrollo cada vez mayor entre las poblaciones rurales y urbanas. Mientras que las pol�ticas de sostenimiento de los precios agr�colas se aten�an progresivamente, el aumento de las importaciones del extranjero conmociona la econom�a rural del pa�s. Este sector, que ha sido marginado en la r�pida industrializaci�n del pa�s, tiene dificultades para afrontar la competencia externa. Las reorientaciones necesarias en la agricultura constituyen un importante desaf�o. En este art�culo se examinan las respuestas actuales a la crisis, al tiempo que se describe la evoluci�n de la pol�tica agraria en la Rep�blica de Corea desde el decenio de 1960.

La r�forme de la politique agricole en R�publique de Cor�e, ses d�fis et ses probl�mes: la nouvelle orientation du d�veloppement rural face � la lib�ralisation

Hyunseok Oh1
Hyunseok Oh est chercheur aupr�s du Korean Rural Economic Institute (KREI) de S�oul

La R�publique de Cor�e, l'un des quatre �dragons� asiatiques, a connu durant les derni�res d�cennies une croissance rapide et soutenue qui lui a fait p�n�trer le club des pays riches. Elle a adh�r� � l'Organisation de la coop�ration et du d�veloppement �conomiques (OCDE) en 1997. Cet essor n'a pas �t� sans cons�quence sur le secteur agricole qui, depuis longtemps, �tait structur� en petites exploitations familiales et o� la riziculture dominait. L'ouverture de l'�conomie de la R�publique de Cor�e a entra�n� vers le d�but des ann�es 80, une crise profonde dans cette agriculture peu modernis�e. Et l'on peut affirmer que les r�sultats du Cycle d'Uruguay, sign� en 1993, sont venus ensuite donner le signal d'un v�ritable d�mant�lement dans ce secteur de l'�conomie. On constate aujourd'hui que l'�cart de d�veloppement va s'agrandissant entre populations rurales et urbaines. Alors que les politiques de soutien des prix agricoles se font moins vigoureuses, l'accroissement des importations de l'�tranger met l'�conomie rurale du pays en �tat de choc. Comme ce secteur a �t� d�laiss� dans l'industrialisation rapide du pays, il a du mal � affronter la concurrence ext�rieure. Les r�orientations n�cessaires dans l'agriculture repr�sentent un d�fi de taille. On examinera dans le pr�sent article les r�ponses actuelles � la crise, tout en retra�ant l'�volution de la politique agricole en R�publique de Cor�e depuis les ann�es 60.

SITUATION DE L'AGRICULTURE EN R�PUBLIQUE DE COR�E

L'importance de l'agriculture dans l'�conomie de la R�publique de Cor�e a fortement diminu� depuis la mise en oeuvre des plans quinquennaux �tablis au d�but des ann�es 60. La contribution du secteur agricole au PNB a chut� de 25 pour cent � 7 pour cent entre 1975 et 1995. Jusqu'au milieu des ann�es 70, la population vivant de l'agriculture �tait majoritaire. Elle ne comptait que pour 13 pour cent de la population active en 1995.

Quelques ann�es apr�s avoir atteint l'autosuffisance en mati�re de production de l'aliment de base, le riz, gr�ce aux vari�t�s � haut rendement, l'agriculture est entr�e, au d�but des ann�es 80, dans une p�riode de stagnation. Durant les ann�es 70, le secteur agricole a enregistr� un taux de croissance annuel moyen de 4 pour cent. Toutefois, ce taux de croissance a r�gress� pour atteindre une moyenne de 0,5 pour cent entre 1980 et 1995. Les ann�es les plus difficiles pr�sentent m�me un r�sultat de croissance n�gatif: -0,5 pour cent entre 1987 et 1991. Cette stagnation agricole a touch� particuli�rement les c�r�ales, alors que les viandes, les fruits et les l�gumes connaissaient durant la m�me p�riode une croissance annuelle constante autour de 5 ou 6 pour cent.

Transformation structurelle de l'�conomie de la R�publique de Cor�e depuis 1960

 

1960

1970

1980

1990

1995

Population (millions d'habitants)

25

32

38

43

45

PNB par habitant (dollars EU)

200

1600

5900

10 000

 

Structure du PNB (en pourcentage)

- Agriculture

33

27

15

9

7

- Secteur manufacturier

19

29

39

43

43

- Service

48

44

46

48

50

- Population active- (en pourcentage)

- Agriculture

79

50

34

18

13

- Secteur manufacturier

6

14

23

27

24

- Service

15

36

43

55

63

Le recul de l'agriculture appara�t aussi dans l'�volution de la surface agricole utile (SAU) totale. Celle-ci continue de diminuer sous les effets conjugu�s de l'urbanisation et de l'industrialisation: entre 1980 et 1995, elle est pass�e de 2,2 millions d'hectares � 2,0 millions d'hectares. Le taux d'utilisation du sol est pass� de 125 pour cent � 108 pour cent durant la m�me p�riode. Les cultures sont devenues de moins en moins intensives, sauf pour ce qui est des cultures mara�ch�res en serre. Face � cette r�gression, les importations ont pris une part de plus en plus importante dans l'alimentation de la population. Le taux d'autosuffisance alimentaire est pass� au-dessous de 40 pour cent, alors que les importations alimentaires se sont accrues de 3,2 � 9,7 milliards de dollars EU entre 1985 et 1995.

Le d�peuplement des campagnes s'�tait amorc� d�s le milieu des ann�es 60, et il n'a cess� depuis. La population rurale, qui s'�levait � 10 millions de personnes en 1980, est tomb�e � 4,8 millions en 1995. La rar�faction et le vieillissement de la main-d'oeuvre rurale se sont acc�l�r�s encore ces derni�res ann�es, et rien n'indique que la situation s'am�liorera de sit�t. � l'heure actuelle, les activit�s agricoles sont assur�es pour l'essentiel par des exploitants �g�s; en effet, la part des chefs d'exploitation �g�s de plus de 50 ans est pass�e de 28 pour cent � 72 pour cent entre 1976 et 1995. L'industrialisation des villes, en absorbant la jeune g�n�ration des campagnes, a bris� la structure familiale des m�nages agricoles: alors que dans les ann�es 70, chaque m�nage comptait en moyenne quatre � cinq personnes, aujourd'hui, il n'est compos� que de deux ou trois personnes. Ce recul d�mographique s'est accompagn� d'une diminution des exploitations agricoles, mais cela n'a pas vraiment contribu� � r�soudre le probl�me de l'exigu�t� des exploitations agricoles.
En effet, si le nombre des exploitations a baiss� de 2,2 millions � 1,5 million entre 1980 et 1995, la surface agricole par exploitation familiale, elle, n'a augment� que de 1,0 � 1,3 ha.

L'�VOLUTION DE LA POLITIQUE AGRICOLE DEPUIS LES ANN�ES 60

Au cours de la premi�re moiti� des ann�es 60, l'�cart de d�veloppement entre le secteur agricole et le reste de l'�conomie n'�tait pas tr�s important. Le gouvernement d�montrait d'ailleurs dans son premier plan quinquennal (1962-1966), une volont� d'�quilibrer le d�veloppement. Apr�s avoir d�cid�, d�s son arriv�e au pouvoir, d'�liminer les dettes usuri�res dans les campagnes, le gouvernement militaire a lanc� d'ambitieux projets d'autosuffisance alimentaire. Il a pour ce faire r�organis� les institutions agricoles existantes en fusionnant notamment les coop�ratives agricoles et le cr�dit agricole. � cette m�me �poque, un centre de recherches agronomiques et un r�seau de vulgarisation agricole ont aussi �t� cr��s. Il a fallu mettre sur pied des programmes d'investissement en vue de proc�der aux travaux d'ass�chement des marais, � l'installation de r�seaux d'irrigation, et � l'am�nagement des terres agricoles. Toutes ces mesures expliquent peut-�tre que la croissance du secteur agricole ait �t� comparable pendant un certain temps � celle du reste l'�conomie2.

Cependant, vers la fin des ann�es 60, les projets d'autosuffisance alimentaire ont �t� entrav�s par des obstacles qui ont forc� les autorit�s � revoir � la baisse leurs ambitions initiales. La demande alimentaire d�passait de plus en plus l'offre int�rieure.
Trois facteurs �taient en cause: l'accroissement d�mographique, la concentration urbaine et la hausse des revenus, et, au d�but des ann�es 70, le gouvernement s'est trouv� dans l'obligation de r�orienter sa politique agricole. C'est ainsi que le pays est pass� de l'autosuffisance int�grale, � l'autosuffisance dans les aliments de base, le riz et l'orge.

Dans les ann�es 70, l'�tat �tait tr�s interventionniste dans le domaine agricole. Il voulait en effet ma�triser tous les param�tres de la vie du paysan, de l'�conomie � la morale. Au d�but de cette m�me d�cennie, l'�tat a lanc� une vaste campagne, le �mouvement des nouvelles communaut�s� (Saema�l Undong), qui avait pour objectif de stimuler le d�veloppement des zones rurales. On propagea l'esprit de la r�volution verte, qui fut symbolis� par des banni�res vertes dans les villages. Le syst�me coop�ratif � petite �chelle devint la nouvelle norme de l'organisation du travail. Pour l'imposer, on chercha � r�former les vieilles mentalit�s jug�es surann�es. La construction de l'infrastructure rurale fut alors accomplie par la mobilisation d'une main-d'oeuvre qui �tait dans ces r�gions en �pseudo-ch�mage�. Le choix des vari�t�s � semer ne revint plus au seul paysan; l'�tat avait d�sormais son mot � dire sur ce sujet. Les nouvelles vari�t�s de riz avaient mauvaise r�putation aupr�s des consommateurs, et pour encourager les paysans � produire davantage dans ces vari�t�s, le gouvernement dut soutenir le prix du riz. On peut donc r�sumer la politique d'autosuffisance en riz des ann�es 70, par ces trois concepts cl�s: la r�volution verte, le mouvement des nouvelles communaut�s, et le soutien du prix du riz. Cet effort aboutit en 1976 � ce que le gouvernement de l'�poque appela l'�ind�pendance pr�coce�: l'autosuffisance dans l'aliment de base avait �t� atteinte plus t�t que pr�vu, quelques ann�es seulement apr�s la mise en place de la politique

Ce mod�le de d�veloppement agricole a pendant un temps sembl� convenir parfaitement � une strat�gie de croissance �conomique fond�e sur l'exportation et le protectionnisme. Dans ce contexte, le secteur agricole fournissait de la main-d'oeuvre � bon march�, tout en assurant l'alimentation de base de la population. Pour que cette politique fonctionne bien, il fallait une main-d'oeuvre abondante dans les campagnes, car si la modernisation agricole avait consist� � adopter de nouvelles vari�t�s de riz, elle n'avait cependant pas �t� accompagn�e d'une m�canisation. On se retrouvait donc au d�but des ann�es 80 avec une agriculture trop concentr�e sur la riziculture (65 pour cent de la SAU totale), et encore principalement assur�e par de petites exploitations familiales, couvrant en moyenne 1 ha.

Un facteur nouveau influence le march� int�rieur. Les habitudes alimentaires des habitants de la R�publique de Cor�e se sont un peu occidentalis�es, et la consommation du riz a fl�chi. La position des agriculteurs se fragilise lorsque le gouvernement d�cide, en raison de l'inflation et des contraintes budg�taires, de diminuer le soutien des prix agricoles. Le riz ne permet donc plus aux agriculteurs de pr�server leurs revenus. C�t� ext�rieur, la pression des �tats-Unis pour l'ouverture du march� agricole ne simplifie point la situation.

Le nouveau gouvernement militaire, arriv� au pouvoir en 1980 devait donc remanier la politique agricole des ann�es 70. C'est ainsi qu'il accorda la priorit� � la diversification des revenus des agriculteurs. Les autorit�s �taient alors convaincus qu'il ne serait plus possible d'am�liorer la condition des m�nages agricoles moyennant le seul soutien des prix. D'une part, cette politique provoquait l'inflation, et, d'autre part, elle n'�tait plus compatible avec l'ouverture exig�e du march� agricole. Les autorit�s en ont conclu qu'il fallait, premi�rement, faciliter l'acc�s des agriculteurs � un revenu d'appoint � l'ext�rieur de leur exploitation et, deuxi�mement, s'efforcer de diversifier leur production agricole, qui confinait � la monoculture du riz. C'est pour toutes ces raisons qu'a �t� promulgu�e la loi de 1983 relative au d�veloppement des �sources ext�rieures de revenus� dans les zones rurales. Si l'on se reporte quelques ann�es plus tard, on constate que pour l'ann�e 1990, par exemple, cette politique d'industrialisation rurale pr�voit que 2 000 entreprises iront s'installer dans les 210 zones industrielles �tablies en territoire rural. On esp�re fournir ainsi 660 000 emplois aux agriculteurs. Les r�sultats de la politique se sont r�v�l�s bien inf�rieurs aux ambitions de d�part. � la fin de la premi�re p�riode du plan, on avait seulement atteint le dixi�me de l'objectif fix� (Bac, 1994). Le d�placement souhait� des entreprises urbaines vers les zones rurales se faisait � un rythme d�courageant, malgr� les divers avantages financiers et fiscaux consentis. Parmi les obstacles � ce transfert de la ville � la campagne, se trouvaient d'abord l'insuffisance de l'infrastructure rurale, mais aussi l'impossibilit� de former un tissu �conomique coh�rent entre les entreprises immigr�es et l'agriculture locale, et tout cela sans compter les conflits qui pouvaient na�tre entre les entreprises nouvellement install�es et les agriculteurs locaux, qui se disputaient tous une main-d'oeuvre rar�fi�e par l'exode rural.

La politique de diversification de la production agricole, exigeait tout d'abord que l'on cesse de soutenir le prix du riz. On voulut ensuite inciter les agriculteurs � s'engager dans des productions plus lucratives, comme celle de la viande, des l�gumes ou des fruits. On finan�a � cette fin la transformation des exploitations, en se gardant bien de garantir les prix des produits.

Cette intervention gouvernementale n'avait malheureusement pas tenu compte des caprices du march� de ces produits, o� les prix sont tr�s sensibles et r�agissent aux moindres fluctuations de l'offre et de la demande. L'instabilit� du march� fut encore aggrav�e par des mesures gouvernementales concernant les importations, d�cid�es dans l'urgence, en vue de freiner la hausse des prix. Cette politique a pr�cipit� la faillite de nombre des agriculteurs qui avaient suivi les incitations du gouvernement. Pendant ce temps, les N�gociations commerciales multilat�rales du Cycle d'Uruguay, notamment avec les �tats-Unis, allaient bon train. Dans la seconde moiti� de la d�cennie, elles plong�rent le gouvernement dans un grand d�sarroi quant � la politique agricole qu'il fallait choisir. La crise agricole s'�tait ancr�e partout dans les campagnes.

Des mouvements de paysans, cr��s en r�action � la crise agricole, se sont fait conna�tre de fa�on tumultueuse ces derni�res ann�es. Ils ont canalis� la col�re des campagnes o� l'�conomie s'est effondr�e. M�fiants � l'�gard des organisations agricoles para�tatiques, ces agriculteurs se sont organis�s suivant les produits les plus touch�s: le tabac, le porc, le boeuf et les �pices.

Au d�part, ce mouvement �tait essentiellement local mais, par la suite, il a pris de l'ampleur et atteint l'�chelon national. On a vu ces agriculteurs manifester leur col�re � plusieurs reprises dans de grandes marches tr�s suivies, dans la capitale. Ces v�h�mentes protestations ont atteint leur point culminant lors de l'ouverture du march� du riz, d�cid�e lors de la table ronde finale du GATT, fin 1993.

L'insatisfaction g�n�rale des paysans a pouss� le gouvernement � annoncer une s�rie de mesures d'urgence pour apaiser le m�contentement. Ce furent d'abord, en mars 1986, ce que l'on a appel� les �Mesures globales contre les probl�mes ruraux�, suivies des �Mesures d'all�gement des charges des agriculteurs� en mars 1987, et par la suite des �Mesures de promotion de l'�conomie rurale� de d�cembre 1987, et, enfin, du �Plan de doublement des revenus des agriculteurs� en mai 1989. Toutes ces mesures d'urgence ont �t� regroup�es en 1989 dans le �Plan global de d�veloppement agricole � long terme�, dont les principaux �l�ments sont d'ailleurs repris dans la r�forme actuelle de la politique agricole. La �Nouvelle politique agricole� (NPA) s'est amorc�e par des consultations men�es aupr�s des repr�sentants du monde rural. C'est en juillet 1994 que la Commission sp�ciale pour le d�veloppement agricole, cr��e la m�me ann�e par le gouvernement civil (1993), et pr�sid�e par le pr�sident de la R�publique lui-m�me, a d�pos� son rapport. Intitul� �Orientation de la r�forme de la politique agricole�, ce rapport cherche � tenir compte du ph�nom�ne de la mondialisation qui agit sur l'�conomie du pays.

LA NOUVELLE POLITIQUE AGRICOLE: SES D�FIS ET SES MOYENS

La nouvelle politique agricole (NPA) a �t� appliqu�e au moment m�me o� l'on voyait na�tre cette nouvelle institution de l'�conomie internationale qu'est l'Organisation mondiale du commerce (OMC). La politique en question se donne pour objectif de relever dans les plus brefs d�lais, face � la concurrence �trang�re, le niveau de comp�titivit� de l'agriculture de la R�publique de Cor�e. Alors que les accords du GATT ont fait tomber depuis quelques ann�es les barri�res non douani�res, la NPA doit concentrer ses efforts sur la restructuration des exploitations agricoles. Son action peut se r�sumer ainsi: �former� ou ��liminer�; former l'exploitation si elle est �comp�titive et viable�, ou l'�liminer si on la juge �non viable�, c'est-�-dire incapable de r�pondre � certaines exigences de productivit�.

Une majorit� d'exploitants agricoles est incit�e � vendre ses ressources fonci�res aux �bons �l�ves�, qui constituent la minorit� d'exploitations s�lectionn�es dans chaque r�gion rurale. Le gouvernement esp�re que ce transfert de ressources fonci�res stimulera des exploitations d�j� reconnues comme prometteuses.

Pour accro�tre l'efficacit� �conomique, la NPA pr�voit l'�tablissement de centres de distribution des produits agricoles. On peut esp�rer des b�n�fices tangibles de ces mesures, et de celles qui concernent entre autres le remembrement des terres, le d�veloppement des ressources hydrauliques, et l'am�nagement des voies agricoles. La figure pr�sent�e � la page 114 montre le fonctionnement g�n�ral de la NPA.

Cette restructuration de grande envergure, principal objectif de la NPA, est assortie d'un ensemble de mesures visant � redresser l'infrastructure sociale en milieu rural. C'est ce que l'on a appel� la d�marche �synth�tique� de la NPA. Celle-ci concerne l'infrastructure sociale et �conomique en milieu rural. On construit par exemple des �coles agricoles qui devront former une nouvelle g�n�ration d'agriculteurs. En outre, pour rendre la vie rurale plus attrayante, on cr�e un r�gime de s�curit� sociale sp�cifique et des aides � la scolarisation des enfants d'agriculteurs.

Cela ne fait aucun doute que sur le plan de la dimension budg�taire, la NPA m�rite bien son �pith�te de �nouvelle�. Aucune politique agricole n'avait pr�c�demment dispos� d'une enveloppe budg�taire comparable, ni d'un nombre aussi grand de mesures l�gislatives. Pour donner un ordre de grandeur, il suffit de constater que le budget total de la NPA sur une p�riode de 10 ans (1994-2004) se monte � l'�quivalent du budget annuel de l'�tat (5 700 milliards de wons, soit 38 milliards de francs). Cela comprend des fonds tir�s d'un nouvel imp�t sp�cialement consacr� au d�veloppement rural et qui fut institu� juste apr�s les accords du GATT. Pr�s de 85 pour cent du budget total de la NPA est affect� � la restructuration des exploitations agricoles proprement dites (�former ou �liminer�). Parmi les adaptations l�gislatives qui sont venues appuyer la NPA on retiendra particuli�rement quatre mesures nouvelles: la suppression du plafond de propri�t� fonci�re fix� � 3 ha par la r�forme agraire de 1950; la d�r�glementation des transactions fonci�res agricoles; la cr�ation de coop�ratives agricoles sp�cialis�es pour certaines cat�gories de produits; et l'all�gement des imp�ts pesant sur les activit�s agricoles.

TROIS PROGRAMMES VISANT LA RESTRUCTURATION DES EXPLOITATIONS AGRICOLES

Le couple �formation� et ��limination�, qui est au cœur de la politique de restructuration de la NPA, comporte essentiellement trois programmes. C�t� formation, il y a le programme des exploitations familiales sp�cialis�es (les exploitations jug�es prometteuses) ainsi que le programme de l'installation des jeunes agriculteurs, et, enfin, il existe aussi un programme d'encouragement � la retraite.

Programme de formation d'exploitations familiales sp�cialis�es. Quels sont les crit�res retenus par le gouvernement pour qualifier de �comp�titive� une exploitation qui sera s�lectionn�e pour recevoir des subventions? Ce genre d'exploitation doit �tre �� m�me de tirer de sa production un revenu comparable � celui du m�nage urbain moyen�. Elle doit de plus �tre �sp�cialis�e dans un domaine de production, o� l'augmentation de sa taille permettra d'accro�tre la productivit� agricole� (KREI, 1996). Les crit�res de s�lection au titre d'�exploitation familiale sp�cialis�e� portent ensuite sur les conditions de la main-d'oeuvre familiale dont dispose chaque candidat. Ce dernier doit �tre relativement jeune, comp�tent, et bien form�. Il doit aussi justifier d'une carri�re professionnelle dans le m�tier agricole concern�. En outre, il lui faudra d�montrer, moyennant le projet qu'il soumettra � l'�tat, une certaine comp�tence dans le domaine de la gestion qui lui permettra d'agrandir rapidement son exploitation (un d�lai lui est en effet fix� pour proc�der � cette extension).

Ce que le candidat cherche � obtenir de la commission de s�lection, c'est une subvention assortie d'un pr�t bonifi�. Les mesures pr�conis�es pour agrandir son exploitation se r�partissent en deux cat�gories: il y a les aides � l'achat d'�quipement, et les aides � l'acquisition ou au loyer de biens fonciers. Mis en oeuvre par la pr�fecture de chacune des r�gions, ce programme a pour objectif de transformer en 10 ans, environ 10 pour cent des exploitations existantes en exploitations familiales sp�cialis�es.

Programme d'installation des jeunes agriculteurs. Ce programme vise � remplacer les exploitants �g�s par des agriculteurs plus jeunes. Comme ce type d'aide existait depuis le d�but des ann�es 80, le nouveau programme a surtout consist� � renforcer la subvention et � augmenter le nombre des b�n�ficiaires: le montant offert � l'installation du candidat s�lectionn� a doubl�; et les candidats qui en profitent sont trois ou quatre fois plus nombreux que pr�c�demment.

Les jeunes ayant �t� s�lectionn�s sont inscrits dans chaque r�gion en tant que �jeune agriculteur�. Ils ont entre 19 et 32 ans. Sont aussi admissibles, les personnes �g�es de moins 40 ans, qui exercent d�j� une activit� agricole, et recommand�es comme �successeurs dans une exploitation� par les organisations agricoles locales, telles que les coop�ratives agricoles et le centre de vulgarisation. En plus du pr�t sp�cial bonifi�, un candidat s�lectionn� peut esp�rer, s'il fait preuve de comp�tence comme jeune agriculteur, une aide suppl�mentaire, ainsi qu'un stage � l'�tranger aux frais de l'�tat.

Le gouvernement pr�voit qu'en l'an 2004, ces jeunes agriculteurs remplaceront environ 10 pour cent des exploitants �g�s. On croit ainsi qu'une partie importante des exploitations g�r�es par ces jeunes agriculteurs pourront se transformer en exploitations familiales sp�cialis�es.

Programme d'encouragement � la retraite. Pour organiser l'arr�t des activit�s d'exploitations jug�es moins performantes, un programme d'encouragement � la retraite est offert aux agriculteurs. Ils peuvent ainsi c�der leur place � des exploitants mieux arm�s pour affronter la lib�ralisation des importations agricoles.

Le programme d'encouragement � la retraite n'a �t� mis en place que tr�s r�cemment, en 1997. Ce programme figurait pourtant dans la loi sp�ciale de d�cembre 1994. Il semblerait qu'au sein du gouvernement les mesures envisag�es (l'aide compensatoire aux revenus) ne faisaient pas l'unanimit�.

Certains pr�f�raient en effet la disparition des exploitants �non viables� par l'arriv�e d'une retraite due au seul vieillissement3. Mais comme ces exploitants �g�s avaient tendance � conserver leurs terres pour diverses raisons, et que cela freinait l'extension des exploitations plus dynamiques, le gouvernement dut se r�soudre � pr�voir un budget r�gulier pour le programme d'encouragement � la retraite.

On voit que ce programme, qui s'adresse aux exploitants de plus de 65 ans, est �troitement li� � celui des exploitations familiales sp�cialis�es. Cela est d'autant plus vrai lorsqu'il s'agit de riziculture. La m�canisation dans ce domaine exige n�cessairement une augmentation de la surface exploit�e. Ainsi, les propri�taires b�n�ficiant d'une aide � la retraite sont-ils invit�s � vendre ou � louer leurs rizi�res aux exploitations s�lectionn�es dans l'autre programme. Les autorit�s estiment que gr�ce au programme d'encouragement � la retraite, les �exploitants sp�cialis�s� de la riziculture pourront �tendre leur surface moyenne d'exploitation jusqu'� 2,3 ha (KREI, 1996).

LA NPA FONCTIONNE-T-ELLE BIEN?

Le gouvernement juge que la politique actuelle a redonn� un nouveau souffle aux zones rurales, nagu�re assomm�es par les accords du GATT. On doit reconna�tre que depuis la mise en oeuvre de la NPA, l'exode des jeunes ruraux a �t� contenu. L'esprit d'entreprise touche m�me, et c'est nouveau, le monde agricole. Mais on ne doit pas penser que la confiance dans l'avenir r�gne partout et pour tous. La NPA a certes fait na�tre de l'optimisme, mais on ne doit pas pour autant ignorer ce qui ne va pas. On peut �mettre, au moins sur trois points, de s�rieuses r�serves quant � son bon fonctionnement.

Le premier des effets inattendus de la NPA a �t� de favoriser la sp�culation fonci�re l� o� pr�cis�ment on recherchait la fluidit� de ces ressources entre les diff�rentes cat�gories d'exploitations. On observe que certains propri�taires ont eu tendance � conserver leurs terres depuis qu'a augment� la demande en terres agricoles des exploitations subventionn�es. L'aide financi�re a provoqu� l'accroissement du prix foncier et du loyer de la terre. Cela affaiblit la performance �conomique des exploitations auxquelles l'�tat verse de l'argent.

La NPA a eu pour autre effet n�faste de pousser les exploitants au surinvestissement en �quipement. La subvention pour l'achat de machines agricoles n'est fournie qu'au niveau de l'unit� de production. D�s lors, on n�glige d'optimiser le partage des machines, et on immobilise ainsi son capital dans l'�quipement. Or, on sait que les machines rizicoles (repiqueuses et moissonneuses) ne s'utilisent tout au plus que 30 jours par ann�e. Par la surcapitalisation, l'exploitation perd de sa souplesse, et l'accroissement, tant souhait� par l'�tat, devient plus difficile.

En dernier lieu, force est de constater que hors du domaine de la riziculture il est assez difficile d'acc�der au statut d'�exploitant sp�cialis�, tant le march� est versatile. Pour le producteur de l�gumes en serre ou de viande d'�levage hors sol, la fluctuation des prix est impr�visible. Cette incertitude chronique, due aux importations nouvelles qui peuvent surgir sur le march� � tout moment, est source de d�couragement pour ceux qui aspirent � profiter de la NPA.

La NPA serait parfaitement con�ue si l'on se trouvait � la veille d'une lib�ralisation de march�. Mais elle est venue apr�s les derniers accords du GATT. Elle arrive aussi apr�s quelques d�cennies d'une industrialisation de rattrapage, o� l'agriculture s'�tait trouv�e rel�gu�e dans des fonctions auxiliaires. L'esprit d'entreprise n'y �tait pas courant. Le r�veil est donc brutal, car on doit aujourd'hui se pr�cipiter dans la modernisation, alors que la protection s�curisante du march� int�rieur est tomb�e. Ce n'est que prot�g�s des �vagues� du monde ext�rieur, que l'on aurait pu mener dans la s�r�nit� tous ces projets ambitieux de restructuration agricole. Maintenant, avec de l'eau jusqu'aux genoux, il ne faudra pas m�nager ses efforts.


1 Cet article est tir� d'une th�se de doctorat de l'INA-PG (1997), intitul�e �L'Agriculture et l'industrialisation en Cor�e du Sud: la crise agricole et sa r�ponse�. L'auteur remercie M. Marcel Mazoyer, professeur � l'Institut national agronomique Paris-Grignon, pour la relecture de l'article.

2Durant cette m�me p�riode, le taux de croissance agricole se chiffre, en moyenne annuelle, � 5,6 pour cent, alors que celui du PNB s'�l�ve � 7,8 pour cent. Mais d�s le deuxi�me plan quinquennal (1967-1971), cette croissance relativement �quilibr�e n'existe plus.

3D'apr�s les estimations du gouvernement, il �tait pr�vu qu'en 2004, la moiti� des exploitations existantes auraient disparu pour cause de vieillissement des chefs d'exploitations, et d'absence de successeurs (KREI, 1989).


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