Axe Développement économique et social

Synthèses

 
février 2010
Quand l’urgence dure plusieurs décennies
Comment améliorer la sécurité alimentaire dans les situations de crises prolongées

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Trente-trois pays sont actuellement confrontés à une crise de sécurité alimentaire. Quatorze d’entre eux subissent cette situation depuis plus d’une décennie. Quand l’urgence perdure aussi longtemps, les paradigmes traditionnels du développement et de l’aide humanitaire sont impuissants à trouver des réponses efficaces. Au lieu de privilégier les programmes de secours ad hoc, les interventions devraient adopter des stratégies à long terme et s’appuyer sur les institutions locales.

Contrairement aux situations d’urgence provoquées par des catastrophes naturelles, les crises prolongées résultent souvent de la défaillance des institutions et de conflits liés à l’accès aux ressources. Elles se caractérisent par des services publics inefficaces ou inexistants, un risque élevé de violence et l’absence de réglementation dans les secteurs productifs et commerciaux. La grande incidence de la faim est une conséquence courante de l’incapacité des pays à protéger leurs citoyens.

La République démocratique du Congo constitue un exemple pertinent. Des années de violence ont bouleversé les moyens d’existence, tendu les relations entre les différentes communautés et érodé le tissu social. La crise politique et économique de la RDC a également coûté cher en termes de sécurité alimentaire. La prévalence de la faim est passée de 29 % en 1990-92 à 75 % en 2004-06.

Secours d’urgence ou changement structurel à long terme
En général, les réponses aux crises prolongées consistent en une série d’interventions d’urgence dont la pérennisation est souvent négligée. Ces opérations s’appuient rarement sur une évaluation adéquate des besoins et risquent d’aggraver encore la situation. En Somalie, la distribution gratuite de semences en réponse à la crise alimentaire a sapé les structures de marché existantes. De la même manière, la fourniture de matériel de pêche en RDC a secouru quelque temps les populations, mais exacerbé le déclin des stocks de poisson déjà sévèrement réduits du lac Edouard.

Passé la phase aiguë des situations d’urgence, très peu de donateurs s’engagent à des buts de développement à long terme. En général, les lacunes structurelles sous-jacentes demeurent et très peu est fait pour les combler. En effet, la plupart des interventions traitent l’insécurité alimentaire dans les crises prolongées comme si elle découlait de facteurs externes, tels que les risques naturels ou les mauvaises récoltes. Ces approches échouent donc à traiter de manière adéquate les causes sociales et politiques de la situation d’urgence.

S’appuyer sur les institutions locales
Du fait d’une absence de vision de développement à long terme, de nombreuses interventions négligent les institutions et les structures de pouvoir locales. En Somalie, par exemple, la méconnaissance des règles de la politique clanique a conduit certaines organisations de développement à soutenir par inadvertance des groupes représentant des milices plutôt que les ménages victimes de l’insécurité alimentaire.

L’analyse approfondie des réalités du terrain constitue donc une condition préalable à l’amélioration de l’efficacité des interventions. Compte tenu de la faiblesse des institutions de l’État dans les pays en crise, s’appuyer sur des mécanismes informels constitue souvent l’approche la plus prometteuse et parfois même la seule possible.

Cette stratégie a déjà livré des résultats encourageants. En RDC, les « chambres de paix » ont facilité le règlement des litiges entre agriculteurs relatifs aux droits fonciers. Composés d’anciens membres de la communauté, ces conseils locaux trouvent des solutions plus efficacement que le système judiciaire officiel, qui a perdu la confiance de la population. De la même manière, parce qu’il s’appuyait sur les structures communautaires, le projet des Montagnes de Nuba au Sud-Soudan est le seul à être parvenu à réunir les adversaires du conflit en cours. Cela a permis d’améliorer les moyens d’existence des populations et posé les bases du retour progressif de la paix. S’il est certes difficile d’identifier des partenaires convenables quand les institutions sont en ruines, la réussite des interventions dépend pourtant crucialement de cette étape initiale.

S’appuyer sur des institutions informelles peut aussi renforcer la pérennité d’une intervention. Dans la réalité, les personnes touchées par une crise grave sont souvent les plus aptes à repérer les opportunités futures et à réajuster leur vie en conséquence. Bien qu’encouragés à poursuivre leur métier traditionnel, les pêcheurs de la région du lac Edouard ont entamé la transition vers des activités agricoles au vu de la diminution du volume des prises. En Somalie, les pasteurs confrontés à des maladies du bétail et à d’autres chocs liés à leurs troupeaux se sont progressivement reconvertis à l’agriculture.

Les responsables de l’élaboration des politiques tiennent trop rarement compte de ces mécanismes d’adaptation et ne les intègrent pas à leur stratégie de développement globale. Les partenaires du développement devraient donc plaider en faveur de stratégies adéquates d’adaptation des moyens d’existence et éviter d’affaiblir les schémas de résilience existants.

Vers des interventions plus efficaces
De nombreux facteurs contribuent aux résultats insatisfaisants dans la gestion des crises prolongées. Avant tout, les donateurs ne disposent pas des bons instruments pour les améliorer. La plupart des interventions de développement relèvent actuellement de trois catégories : (i) aide humanitaire, qui souvent néglige l’importance d’une vision à long terme ; (ii) assistance au développement, qui s’appuie sur le fonctionnement des institutions de l’Etat; et (iii) activités de reconstruction nationale, davantage focalisées sur le relèvement du secteur public que sur le traitement de la source du problème.

Aucun de ces instruments ne peut combattre efficacement à lui seul une situation persistante d’insécurité alimentaire. Bien au contraire, les crises prolongées requièrent une approche intégrée du développement et des interventions humanitaires. Il faudrait impérativement associer les programmes de secours d’urgence à des efforts de prévention et d’atténuation des risques de crises futures. Ces initiatives ont besoin de renforcer le cadre institutionnel du pays et de traiter simultanément les dimensions à court et long terme de la situation d’urgence.

Il faut donc que les responsables de l’élaboration des politiques interviennent sur deux fronts : améliorer l’accès aux denrées alimentaires par le biais de mesures de soutien immédiates et traiter les causes premières de la crise à l’aide d’interventions structurelles à long terme. À cet égard, une meilleure coordination de toutes les parties prenantes est d’une importance cruciale. Le renforcement de la participation des institutions et des partenaires locaux constituera l’un des principaux outils pour casser le cercle vicieux de situations d’urgence qui perdurent et s’auto-perpétuent. Plus important encore, il faudra réviser l’architecture actuelle de l’aide afin de lier efficacement interventions à court et à long terme.

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