Axe Développement économique et social

Synthèses

 
juin 2010
Genre et droit à la terre
Comprendre les complexités, adapter les politiques

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Accroître l'accès des femmes à la terre est crucial pour lutter contre la faim et la pauvreté. Toutefois, les disparités entre les sexes concernant l'accès aux terres restent importantes dans la plupart des pays, quel que soit leur niveau de développement. Une nouvelle base de données de la FAO aide à comprendre les facteurs qui empêchent les femmes d'accéder à la terre, et à concevoir de meilleures politiques pour lutter efficacement contre cette situation.

La terre - essentielle pour les moyens d’existence ruraux
La terre fournit aux ménages ruraux les moyens de base pour la production destinée à leur subsistance et à la commercialisation. Elle représente une base sécurisée, qui offre protection et soutien aux familles et leur permet de développer des stratégies de subsistance. Même dans les pays où le revenu rural dépend désormais moins de l'agriculture, la terre continue d'être une ressource essentielle pour les populations rurales.

La crise des prix alimentaires de 2006-2008 a mis en évidence le coût social et économique de l'accès limité des femmes à la terre, ce coût s’est traduit en une perte beaucoup plus importante de revenu pour les ménages dirigés par des femmes. L'impact sur la sécurité alimentaire nationale a été particulièrement préjudiciable, car ces ménages ont tendance à dépenser une plus grande part de leurs revenus en nourriture.

Disparités généralisées
Les inégalités entre les sexes concernant les droits à la terre sont généralisées. Non seulement les femmes ont moins accès à la terre que les hommes, mais leur accès est aussi souvent restreint à ce qu'on appelle les droits fonciers secondaires, ce qui signifie qu’elles détiennent ces droits par les membres masculins de la famille. Les femmes risquent donc de perdre leurs droits en cas de divorce, de veuvage ou de la migration de leur mari. Les faits montrent aussi que les parcelles des femmes sont généralement de plus petite taille et de qualité inférieure.

Une comparaison internationale des données du recensement agricole montre que moins de 20% des propriétaires sont des femmes. La situation est particulièrement dramatique en Afrique occidentale et centrale ainsi qu’au Proche-Orient et en Afrique du Nord où généralement moins de 10% des propriétaires sont des femmes. Les chiffres sont légèrement plus élevés en Asie. En Afrique orientale et australe et dans certaines parties de l'Amérique latine, les femmes semblent avoir un accès un peu meilleur à la terre. Dans certains pays, jusqu'à 30% des titres fonciers individuels appartiennent à des femmes.

Dans quelques pays seulement la terre est répartie de façon presque égale entre les femmes et les hommes. La Lettonie et la Lituanie viennent en tête de liste avec plus de 45% de titres de propriété détenus par des femmes. Le faible accès des femmes à la terre l'emporte donc dans des pays avec des contextes sociaux, culturels et économiques différents. En effet, les différences sont souvent plus importantes au sein des régions qu'entre elles.

Application et promotion insuffisantes
Depuis les années 1990, divers programmes de répartition et d’attribution des terres ont tenté d'augmenter l'accès des femmes à la terres. Toutefois, les données disponibles montrent que le succès de ces initiatives a été limité.

Au Vietnam, à partir de 1998, le gouvernement a attribué des droits d'utilisation à long terme aux ménages qui avaient cultivé les terres au sein de communautés. Comme peu de femmes dirigeaient leurs ménages, 90% des certificats ont été attribués aux hommes. Même lorsqu’ils existaient des dispositions juridiques en faveur de la parité homme-femme concernant les droits fonciers, celles-ci n’ont pas garanti le succès des programmes. Dans de nombreux cas, les politiques foncières en faveur de la parité ont échoué en raison du manque ou de l’insuffisance des mécanismes d'application. La réforme agraire de 1994 en Afrique du Sud, le Programme de réforme agraire générale en 1998 aux Philippines et le Programme d’attribution des titres de propriété de 1994 au Laos ont tous rencontré des difficultés à cet égard.

L'application effective est donc une condition nécessaire à la réussite d'un programme. Toutefois, l'application doit être accompagnée d’efforts plus larges pour accroître l'appui des réformes, par exemple en sensibilisant la population et en ciblant des acteurs spécifiques, comme les chefs de village. En effet, grâce à une combinaison de ces mesures, certaines lacunes du programme de réforme du Laos ont été comblées.

Dispositions légales contradictoires
L'héritage et le mariage sont toujours les moyens les plus courants à travers lesquels les femmes peuvent obtenir un accès à la terre. Toutefois, un certain nombre de pays ont encore des dispositions dans leurs codes nationaux civil, de la famille et du travail, qui sont discriminatoires à l'égard des femmes, indépendamment des dispositions sur l'égalité,  inscrites dans la Constitution.

Dans certains pays africains, la Constitution interdit la discrimination entre les sexes, mais reconnaît des exceptions concernant les questions relatives au mariage, au divorce et à l'héritage pour lesquelles le droit coutumier est appliqué. Des contradictions existent aussi dans de nombreux pays asiatiques, en particulier ceux où la population est composée de différents groupes ethniques et religieux. Parmi les populations qui appliquent le droit personnel Hindou, par exemple, les filles mariées sans enfants mâles ne peuvent pas hériter.

En Amérique latine, des dispositions juridiques visant à reconnaître l'égalité des sexes concernant les droits fonciers ont été mises en place depuis plus de 30 ans. Pourtant, les traditions socioculturelles continuent à influencer la manière dont la loi est interprétée et appliquée. Dans de nombreux pays, les femmes ont éprouvé des difficultés à enregistrer des terres conjointement avec leur mari. Bien que la loi reconnaisse l'inscription conjointe, la langue de la législation, les procédures et parfois même le formulaire d'inscription (dans un cas, il manquait une ligne supplémentaire pour le deuxième propriétaire) ont souvent déterminé l'adjudication des terres à des hommes.

Améliorer de manière efficace la parité homme-femme
Les décideurs doivent faire face aux nombreux problèmes qui entravent l'égalité entre les sexes concernant les droits fonciers. La nouvelle base de donnée de la FAO sur le genre et le droit à la terre aide à mieux comprendre les enjeux sociaux, économiques, politiques et culturels de l'accès des femmes à la terre, afin de concevoir de meilleures politiques. Les considérations qui suivent semblent essentielles :

Inclusivité
L'accès des femmes à la terre peut être accru si la dimension genre est prise en considération dès les
premières étapes d'un programme de réforme. La participation d'un large éventail de parties prenantes peut assurer le niveau de soutien nécessaire. Sensibiliser les agents de l'administration foncière, informer le public et mobiliser les organisations de la société civile permet de faciliter le processus de réforme. Améliorer la production et la disponibilité de données ventilées par sexe est une étape importante à cet égard.

Complexité
Les droits fonciers sont régis par des dispositions et des lois imbriquées, et souvent contradictoires ou ambiguës.  Les décideurs doivent reconnaître que le pluralisme juridique crée des complications pour les réformes agraires et les administrations ainsi que des divergences entre les droits constitutionnel, législatif et coutumier. Afin de protéger les droits et d’améliorer l’accès des femmes à la terre, il est nécessaire de faire face à ces complexités.

Exhaustivité
Améliorer l'éducation des femmes, leurs connaissances des questions juridiques et faire entendre leurs voix peut contribuer à améliorer l'accès des femmes à la terre. Une autre stratégie consiste à accroître la représentation féminine dans les institutions d'administration des terres, comme les organismes d'enregistrement et de délivrance des titres ainsi que dans les conseils de village. Sensibiliser les tribunaux fonciers, les médias et les autorités gouvernementales décentralisées sur l'importance des droits des femmes à la terre, est tout aussi important. L'action positive peut être nécessaire pour neutraliser l'effet des normes et des pratiques sociales discriminatoires.

Garantir des résultats durables
Accroître l'accès des femmes à la terre peut être un outil important pour lutter contre la pauvreté et la faim. Toutefois, les mesures de soutien doivent veiller à ce que les femmes aient la capacité d'utiliser efficacement la terre. Les efforts visant à améliorer l'accès à d’autres ressources, tels qu’aux services financiers, technologiques et de vulgarisation ainsi qu’aux marchés sont donc des compléments importants de tout programme de réforme.

Il est nécessaire que des actions politiques soient mises en place rapidement, d'autant que les disparités entre les sexes concernant l'accès à la terre sont peu susceptibles de disparaître au sein des cadres juridiques, institutionnels, sociaux et culturels existants et des tendances économiques actuelles. En fait, la commercialisation de l'agriculture risque d’exclure davantage les femmes car elle renforce la concentration des structures agricoles, ce qui favorise généralement les hommes chefs de ménages  des  plus grandes exploitations agricoles.

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