Axe Développement économique et social

Synthèses

 
février 2011
La crise des prix du riz de 2007/08
Comment les politiques ont fait grimper les prix... et comment elles peuvent participer à la stabilisation du marché

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Après avoir augmenté lentement mais régulièrement à partir de niveaux historiquement bas, les cours mondiaux du riz ont triplé en seulement six mois en 2007/08. La flambée des prix a suscité de nombreuses inquiétudes car le riz est l’aliment de base pour beaucoup de populations pauvres dans le monde. De nombreuses personnes ont été prises de court car les fondamentaux du marché étaient sains. En effet, la flambée a été entraînée par les politiques gouvernementales plus que par des changements au niveau de la production et de la consommation de riz. Ceci indique que de meilleures politiques gouvernementales pourraient permettre d’éviter de telles crises à l'avenir.

La crise du riz a nui aux pauvres
L'attention des médias s’est concentrée sur les événements sur les marchés internationaux, car c'est là que les plus importantes fluctuations de prix ont eu lieu. Les effets de la crise, cependant, se sont surtout fait sentir dans les ménages pauvres dans les pays en développement, où le riz fournit plus d'un quart de toutes les calories, soit beaucoup plus que n'importe quel autre aliment.

Les prix nationaux dans les pays en développement ont augmenté jusqu'à 90 pour cent entre le troisième trimestre 2007 et le même trimestre de 2008, tandis que la variation annuelle était en moyenne de l’ordre de 30 pour cent. Cette augmentation soudaine est particulièrement préjudiciable pour les pauvres, qui consomment généralement plus de riz qu'ils n'en produisent, en particulier dans les pays où le riz est la nourriture de base. Alors que certains agriculteurs ont tiré profit de la hausse des prix (surtout ceux qui possèdent de grandes propriétés foncières), l'imprévisibilité des variations de prix a rendu les décisions d'investissement risquées. En effet, certains agriculteurs ont planté lorsque les prix étaient élevés, mais ont récolté lorsque les prix étaient bas. Au total, on peut donc se demander si les producteurs de riz ont réellement profité de la hausse des prix.

Les fondamentaux du marché étaient sains
La plupart des observateurs du marché n'avaient pas prévu la crise. La production de riz a suivi l'augmentation de la demande, et a en effet atteint de nouveaux sommets, tandis que les stocks sont restés à peu près constants au cours des trois années précédant la crise. De même, la situation sur les marchés internationaux du riz n’a pas donné de motifs de préoccupation. Durant la crise de la flambée des prix des denrées alimentaires, les exportations de riz ont même augmenté dans les premiers mois de 2008.

Compte tenu de la situation favorable de la production, des stocks et des échanges, les disponibilités sur les marchés mondiaux étaient donc amplement suffisantes pour satisfaire la demande des pays, y compris de ceux confrontés au défi de la sécurité alimentaire. Même les transactions spéculatives sur les marchés à terme, qui pourraient avoir influencé à la hausse des prix d'autres produits, ne sont pas significatives dans le cas du riz pour expliquer la crise (les volumes d'échanges sont nettement inférieurs à ceux que l’on trouve sur d’autres marchés à terme de céréales).

Alors que les fondamentaux du marché du riz étaient sains, ceux d'autres denrées alimentaires annonçaient des prix plus élevés (par exemple le blé, le maïs, le soja). Etant donné que les agriculteurs et les consommateurs ont la possibilité de remplacer certains aliments par d’autres, des retombées sur le marché du riz étaient à prévoir. Toutefois, le volume de l'augmentation du prix du riz est allé bien au-delà de ce qui pourrait être expliqué sur la base d'une telle substitution – ce sont en fin de compte les politiques gouvernementales qui ont conduit à la crise. En effet, la hausse des prix a été plus rapide et plus forte pour le riz que pour d’autres céréales qui étaient confrontées à un resserrement plus important de l'offre et de la demande mondiales.

Des politiques qui suscitent des incertitudes
Les évènements sur les marchés internationaux des produits alimentaires ont créé un climat d'inquiétude dans de nombreux pays. En réponse, les gouvernements ont tenté de protéger leurs populations contre les conséquences de la crise des prix alimentaires. Les grands producteurs de riz ont limité les disponibilités sur le marché mondial afin d'éviter des pénuries pour leurs propres consommateurs, soit par l'interdiction complète des exportations soit en annonçant des prix minimaux à l'exportation de plus en plus élevés. De nombreux pays importateurs de riz, d'autre part, ont levé les droits d’entrée et ont renoncé à d’autres taxes sur les importations de riz pour tenter de s’approprier des denrées afin de stabiliser leurs propres marchés. D'autres ont annoncé des plans pour constituer des stocks au cours de la crise, augmentant ainsi la demande.

De nombreuses mesures politiques ont été prises brusquement et sans consultation préalable avec les partenaires commerciaux, augmentant d’autant plus l'incertitude. Des changements fréquents dans l'annonce et la mise en œuvre des politiques, ainsi que les proclamations hâtives de représentants des gouvernements, ont en outre déstabilisé les marchés et intensifié la constitution de réserves par les agriculteurs, les commerçants et les consommateurs.

La réponse de nombreux gouvernements a eu un autre effet : elle a évincé le secteur privé. Dans certains cas, les achats publics ont été effectués à des prix bien au-dessus du niveau du marché, en utilisant de grands appels d'offres qui limitaient la participation des petits commerçants. Ces interventions sur les marchés ont davantage encore suscité l’anxiété des producteurs et des consommateurs.

Enseignements pour l’avenir
Bien que les restrictions commerciales aient permis à certains pays de prévenir la transmission de la crise à leur population, la stabilité intérieure a été réalisée au prix de la déstabilisation du marché mondial. Il est fort probable que la crise du riz ne se serait pas produite si ces mesures n'avaient pas été prises. Ainsi, une des leçons à tirer de la crise des prix du riz est qu’il est nécessaire de renforcer les disciplines de l'Organisation mondiale du commerce afin de limiter l’utilisation des restrictions à l'exportation.

De plus, des restrictions commerciales moins préjudiciables offrent une approche complémentaire à la stabilisation du marché mondial du riz. Une étape importante dans cette voie serait de rendre les politiques gouvernementales plus prévisibles. Bien qu’il soit compréhensible que de nombreux gouvernements souhaitent conserver une certaine souplesse pour faire face à un des évènements imprévus, certains changements de politique pourraient être évités. D’autres encore pourraient être mis en œuvre selon un calendrier ou des critères préétablis selon lesquels les changements sont introduits automatiquement en réponse à des événements extérieurs.

La crise des prix du riz démontre également la nécessité de renforcer le rôle du secteur privé dans la réalisation des échanges commerciaux, même si les gouvernements déterminent quand ces échanges ont lieu. Il est peu probable que les négociants du secteur privé acceptent de payer des prix trop élevés, et leurs volumes d'échanges plus petits sont moins susceptibles de provoquer un mouvement du marché. L'élargissement du rôle du secteur privé est particulièrement important pour le marché mondial du riz, qui est plus petit que les autres marchés mondiaux des céréales et peut donc être influencé plus facilement par des opérations importantes initiées par les gouvernements.

Les évènements survenus lors de la crise du prix du riz de 2007/08 sont particulièrement importants car le riz est un aliment de base pour les populations les plus pauvres, et ce, dans le monde entier. Cependant, les leçons à tirer de cette crise provoquée par l'homme s'appliquent aux marchés des denrées alimentaires en général. Les pays doivent se rendre compte qu'un marché mondial stable servira au bout du compte les intérêts nationaux, notamment la protection des consommateurs et des agriculteurs pauvres qui dépendent des produits de base comme le riz pour leur subsistance. La collaboration et la transparence peuvent accroître la stabilité des prix sur les marchés nationaux et internationaux, et devrait être la pierre angulaire des efforts visant à prévenir les crises futures.

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