Fourrage hydroponique: une solution innovante en période de sécheresse


Les agriculteurs namibiens sauvent leur bétail et protègent leurs moyens de subsistance en repensant la production de fourrage.

La Namibie a beaucoup souffert de la sécheresse ces dernières années, mais la culture hydroponique peut permettre aux agriculteurs d’être moins dépendants de l’eau et de continuer de nourrir leur bétail. © FAO/Phillipus Tobias

16/02/2021

«Nos bêtes n’avaient plus que la peau sur les os, mais aujourd’hui elles sont grasses et en bonne santé», se réjouit Agnes Tengovandu-Tjindo, 36 ans, qui vit à Otjozondjou, un petit village de l’ouest de la Namibie. La sécheresse a été terrible dans la région d’Agnes, à tel point qu’elle a cru qu’aucun de ses animaux n’y survivrait.

«J’ai perdu beaucoup d’animaux et il ne m’est resté que quelques vaches et quelques chèvres que j’avais également du mal à garder en vie», explique-t-elle en montrant du doigt quelques-unes de ses vaches en train de se reposer sous un acacia, non loin de son exploitation.

Ces dernières années, la Namibie a vécu l’une des pires sécheresses de notre époque. Les agriculteurs ne pouvaient plus cultiver pour s’alimenter et nourrir leur précieux bétail, et il était trop coûteux d’acheter du fourrage. Il leur fallait donc trouver une autre solution.

C’est alors que la communauté d’Agnes a découvert la culture hydroponique, une méthode d’agriculture innovante hors sol et nécessitant peu d’eau, dans le cadre d’un projet soutenu par la FAO. Il s’agit d’un procédé simple qui consiste à tremper des semences d’orge dans de l’eau jusqu’à ce qu’elles germent avant de les placer dans une serre, où l’on continue de leur fournir des nutriments et de l’eau pour les faire pousser. L’orge est arrosée pendant sept jours; les pousses vertes et le tapis de racines sont ensuite récoltés et utilisés pour nourrir le bétail. Cette méthode hydroponique a de nombreux avantages: il suffit de sept jours pour produire du fourrage, au lieu de plusieurs semaines avec les méthodes habituelles. Elle ne demande pas de combustible et nécessite peu d’eau, ce qui en fait une méthode idéale en période de sécheresse.

Lorsqu’Agnes a entendu parler du projet pour la première fois, elle s’est immédiatement rendu compte de ce qu’il pouvait apporter à sa communauté et a tout de suite voulu y participer. L’association d’agriculteurs locale d’Agnes l’a recommandée pour le projet et elle fait désormais partie des quelque 3 000 agriculteurs formés à la production hydroponique de fourrage.

Les chèvres d’Agnes, aujourd’hui bien nourries et en bonne santé, aiment brouter le fourrage produit avec des techniques hydroponiques. À gauche/en haut: © FAO/Phillipus Tobias À droite/en bas: © FAO/Phillipus Tobias

Préserver les moyens de subsistance en innovant

Financé par le Fonds central pour les interventions d’urgence des Nations Unies, le projet mis en œuvre par la FAO et plusieurs organisations namibiennes a permis de créer 79 systèmes de production hydroponique de fourrage sous serre dans sept régions du pays.

Des spécialistes de la FAO et un expert en culture hydroponique de l’Union nationale des agriculteurs namibiens ont formé le personnel du Ministère de l’agriculture de Namibie. Ceux-ci ont à leur tour transmis leurs connaissances aux agriculteurs participant au projet, qui les ont eux-mêmes transmises à leur communauté.

Agnes est désormais à la tête du projet de serres de sa zone. Elle est responsable de sa productivité et de la formation des membres de la communauté, en particulier des femmes.

Selon Agnes, lorsqu’elle est mise en œuvre efficacement, la méthode hydroponique est relativement simple à appliquer. «Le fourrage pousse au bout d’environ six ou sept jours, et il faut trois à quatre litres d’eau par kilogramme de fourrage», explique-t-elle.

Environ 50 agriculteurs vivant près de chaque serre travaillent ensemble dans le cadre du projet, sous la direction d’Agnes. Tous participent à la production de fourrage, de la préparation des graines d’orge à l’arrosage et à la récolte des plantes, et ils conviennent entre eux de la façon de partager les produits. De cette manière, tous les agriculteurs comprennent le fonctionnement de cette technique et acquièrent les connaissances et l’expérience nécessaires pour continuer de l’utiliser à l’avenir. Agnes annonce avec fierté que sa communauté s’est entièrement approprié la serre, qui est devenue essentielle à sa survie.

«Nous avons créé un système qui nous permet non seulement de veiller à ce que chaque ménage reçoive du fourrage de la serre, mais permet également à chaque agriculteur de participer à la production», se félicite Agnes. «Même si la pluie revient, nous continuerons d’utiliser cette méthode et de la préserver, car le changement climatique est une réalité indéniable et une sécheresse peut survenir à tout moment.»

La méthode hydroponique permet à Agnes (en photo ci-dessus) et à sa communauté de cultiver du fourrage avec moins d’eau, ce qui rend la production plus résiliente face à la sécheresse et au changement climatique. © Agnes Tengovandu-Tjindo

Les femmes aux commandes

Les serres hydroponiques ont aidé non seulement Agnes et sa communauté, mais aussi beaucoup d’autres communautés dans le pays. Anna Isaacks est une retraitée d’Amalia, un petit village agricole du sud de la Namibie particulièrement exposé à la sécheresse. Elle est elle aussi à la tête de la serre locale, qui a été construite sur son exploitation pour tirer parti du trou de forage qui se trouve sur sa propriété et permet d’avoir accès à de l’eau fraîche.

Pour Anna et les autres agriculteurs locaux, la construction de la serre a marqué un réel tournant. Comme le dit Anna elle-même: «Nous n’avions plus d’espoir, mais nous l’avons aujourd’hui retrouvé.»

«Nous sommes désormais en mesure de nourrir notre bétail et de le garder en vie», déclare-t-elle.

Le projet, qui a commencé en 2020, a jusqu’à présent aidé environ 3 350 ménages, dont 40 pour cent sont dirigés par des femmes. Cela a eu des effets considérables pour le pays, où l’agriculture est dominée par les hommes.

Renforcer la résilience

En plus d’avoir permis la mise en place de systèmes de production hydroponique de fourrage et la formation à cette méthode, le projet a aussi permis la vaccination du bétail contre diverses maladies et le traitement de celui-ci contre les parasites internes et externes. Un cocktail de vitamines a également été administré aux animaux pour améliorer leur système immunitaire et leur état de santé général, ce qui a permis de renforcer leur résilience en vue de la prochaine pénurie de pâturage.

Il est essentiel de créer un secteur agricole résilient pour les communautés rurales si nous voulons éliminer la faim et la pauvreté d’ici 2030, et les solutions innovantes en sont la clé. Les techniques telles que la culture hydroponique sont des méthodes simples qui peuvent faire une réelle différence en améliorant la résilience des populations et en luttant contre les conséquences du changement climatique.


Pour en savoir plus:

1. No poverty, 8. Decent work and economic growth, 9. Industry innovation and infrastructure, 15. Life on land