Ce que représente l’eau pour un agriculteur, ancien migrant de retour au Kenya.


Les technologies d’irrigation encouragent les jeunes ruraux à voir l’agriculture d’un œil neuf et à envisager une carrière dans le secteur.

Grâce à l’accès aux technologies agricoles telles que les systèmes d’irrigation au goutte-à-goutte, Paul a pu lancer une entreprise agricole plutôt que de partir pour l’étranger ou de s’installer dans la capitale. Cela pourrait-il également changer la donne pour d’autres jeunes ruraux? ©FAO/Luis Tato

22/03/2021

L’eau est synonyme pour tous de santé, d’hygiène et d’hydratation. Sur le plan spirituel, elle peut représenter une connexion avec la création, avec la communauté ou avec soi-même. Pour les agriculteurs, elle constitue une source d’aliments et de revenus. Pour Paul, 33 ans, originaire de la région de Kiambu au Kenya, l’eau a représenté une nouvelle raison de rester au pays.

Paul n’avait jamais envisagé une carrière dans l’agriculture. Au cours de son enfance passée en milieu rural, il a vu ses parents travailler à la ferme pendant de longues années sans obtenir grand-chose en retour de leurs efforts. «C’était comme une punition», raconte-t-il. C’est également ce que pensent la plupart des jeunes au Kenya. L’agriculture est une solution envisagée en dernier recours car il faut travailler pendant de longues heures pour des revenus faibles. Paul rêvait de s’installer en ville et de lancer sa propre entreprise.

Après avoir obtenu son diplôme en technologies de l’information, Paul a décidé d’ouvrir une nouvelle entreprise dans ce secteur dans la capitale, Nairobi. Mais il n’a pas été facile pour lui de lancer son entreprise en raison de la forte concurrence qui existe dans ce secteur et du manque de financements. Il s’est finalement avoué vaincu et est rentré chez lui.

Cependant, Paul a continué à penser qu’il fallait émigrer pour réussir. Il était persuadé qu’un avenir meilleur n’était possible que dans les grandes villes ou dans d’autres pays. Il a commencé à envisager la possibilité de partir au Canada.

«Je voulais m’envoler loin d’ici. Nous pensons que d’autres pays sont meilleurs que le nôtre et que si nous partons dans ces pays, nous pourrons connaître le succès», explique Paul, faisant écho aux pensées de nombreux jeunes ruraux.

Mais il a changé d’avis en découvrant une nouvelle manière d’utiliser l’eau et a regardé l’agriculture avec un œil neuf et envisagé une carrière dans le secteur.

Paul a été initié aux systèmes d’irrigation au goutte-à-goutte et à d’autres pratiques agricoles dans le cadre d’un projet de la FAO mené au sein de sa région dont le but était de renforcer les capacités des jeunes ruraux à créer des entreprises agricoles plutôt que d’utiliser l’agriculture uniquement comme moyen de subsistance.

Paul a appris la manière d’utiliser les engrais appropriés, les méthodes naturelles de lutte contre les organismes nuisibles, les techniques de récupération de l’eau et certaines compétences commerciales essentielles, notamment l’analyse de la chaîne de valeur et la recherche de marchés. Plus important encore, il a appris à utiliser de manière efficace cette ressource précieuse qu’est l’eau.

Paul a recours à des techniques agricoles novatrices et forme d’autres jeunes à l’utilisation de ces techniques. Il est à présent un agriculteur respecté au sein de la région. ©FAO/Luis Tato

Le pouvoir de la technologie

Après avoir suivi une année de formation et effectué des visites sur le terrain, financées par la FAO, Paul a franchi le pas et a lancé sa propre entreprise agricole sur un lopin de terre d’une superficie d’une acre que lui avait donné son père. La FAO lui a fourni des intrants et des biens de production agricoles pour lui permettre de démarrer son entreprise, notamment un système d’irrigation révolutionnaire au goutte-à-goutte.

L’irrigation au goutte-à-goutte est une technique d’irrigation contrôlée qui permet d’apporter de l’eau directement aux racines des plantes sous forme de gouttes libérées de manière lente et régulière. Grâce à ce système, il a pu produire des légumes indigènes comme le chou africain, la corète potagère, la morelle noire et l’amaranthe, même en saison sèche, et ainsi les vendre à des prix plus élevés à des voisins ou sur les marchés locaux.

Selon Paul, ce sont des technologies de ce type qui peuvent encourager la jeunesse rurale à rester et à moderniser le secteur agricole au lieu d’émigrer. Les jeunes kenyans sont dotés de compétences techniques. L’accès aux technologies modernes, telles que le système d’irrigation qu’utilise Paul, leur prouve que l’agriculture peut représenter un commerce viable et profitable.

«Si l’agriculture n’attire pas les jeunes, c’est parce qu’elle intègre peu de technologies. Celles-ci pourraient permettre d’augmenter les rendements et les revenus», affirme Paul. «L’agriculture pluviale est en effet plus simple mais la plupart des produits sont gaspillés au cours de la haute saison. Avec une technologie telle que l’irrigation au goutte-à-goutte, je peux produire pendant la saison sèche lorsque les prix sont élevés.»

Aujourd’hui agriculteur respecté au sein de sa région, Paul forme même d’autres jeunes intéressés à apprendre ces pratiques. Il a engagé un jeune pour l’aider à mieux répondre à la demande croissante en produits frais. Il projette à présent d’augmenter la valeur de ses produits en les faisant sécher et en les conditionnant afin de réduire les pertes et de prolonger la durée de conservation.

Selon Paul, c’est la technologie qui permettra d’encourager les jeunes à rester et à moderniser le secteur agricole au lieu d’émigrer. ©FAO/Luis Tato

Paul est l’un des quelque mille jeunes qui participent au projet visant à agir sur les facteurs négatifs qui suscitent des flux migratoires, par le développement de filières locales. Le projet a pour objectif de remédier aux causes profondes de la migration des jeunes ruraux en générant des opportunités d’emploi et de création d’entreprises dans le secteur agricole. Dans le cadre d’une collaboration étroite avec les collectivités locales, la FAO a mobilisé les jeunes de la région et a contribué au renforcement des capacités permettant d’améliorer la production agricole.

L’eau est indispensable à l’agriculture et joue un rôle important dans la sécurité alimentaire et nutritionnelle. À l’occasion de la Journée mondiale de l’eau 2021, nous voulons parler de la valeur véritable de l’eau, qui va bien au-delà de son prix. L’eau joue un rôle considérable et complexe dans nos vies quotidiennes, notre alimentation, notre culture, notre santé, notre éducation, notre économie et l’intégrité de notre environnement naturel. Maintenant que vous savez ce que représente l’eau pour Paul, nous vous demandons de réfléchir à ce que signifie l’eau pour vous.


Pour en savoir plus

6. Clean water and sanitation, 8. Decent work and economic growth, 9. Industry innovation and infrastructure, 10. Reduced inequalities