Jean Francois Bélières

CIRAD - UMR ART
France

Félicitations à l’équipe HLPE pour la production de cet excellent rapport. Je partage les analyses présentées et j’espère que ce rapport alimentera les débats sur le développement agricole et rural. Quelques commentaires cependant.

La définition donnée des smallholders met bien en évidence le peu de pertinence de cette notion de « small » et de « holder » pour discuter des options de politiques agricoles et d’investissement agricoles au niveau global. La définition se rabat sur celle de l’agriculture familiale, des exploitations agricoles qui appartiennent à la sphère des ménages par opposition à celles qui appartiennent à la sphère des entreprises. Il me semble que cela fait avancer le débat. Et pourquoi ne pas changer le titre du rapport ?

Il est clairement mis en évidence l’importance des investissements réalisés à partir du travail familial. Parmi ces investissements, en relation avec la productivité, il faudrait un peu plus insister sur l’aménagement foncier, qui va bien au-delà de l’aménagement pour l’irrigation. Dans les zones sèches ou de savanes d’Afrique, les aménagements fonciers pour les cultures pluviales avec les techniques de conservation des eaux et du sol devraient faire l’objet de vastes programmes avec des financements pour les exploitations agricoles. Il en est de même pour l’aménagement en utilisant les plantations (agro-foresterie, haies vives, parc, champs de case). Ainsi, en plus des aménagements pour l’irrigation (périmètres irrigués, aménagements de bas fonds), ce sont ces types d’aménagement (à réaliser en grande partie à partir de travail) qui peuvent amener des améliorations durables de la productivité agricole. Pour mener ces programmes, il existe de nombreuses contraintes qu’il faut lever, et parmi elles figurent souvent des règles traditionnelles de gestion  des ressources naturelles  (droit foncier, droit sur l’eau, droit sur les arbres, droit de pacage, etc.), ces programmes doivent donc intégrer des actions d’accompagnement pour faire évoluer ces règles sur la base de négociations entre les acteurs impliqués (communautés, chefferies traditionnelles, collectivités loclaes, etc.).

Le soutien à l’investissement direct par les smallholders (les exploitations agricoles familiales)  a été le parent pauvre des programmes de développement en Afrique de l’Ouest au cours des deux dernières décennies. Dans certains pays (Mali, Sénégal, etc.) les bailleurs de fonds ont « monté » et financé de grands programmes de renforcement des capacités. Les organisations paysannes pouvaient avoir accès à ces financements pour des formations et/ou l’élaboration d’un « business plan » pour mener une activité productive. Mais il n’y avait pas de système de financement où ces organisations pouvaient emprunter sur moyen ou long terme à des taux corrects pour réaliser les investissements nécessaires pour mener les activités. Les bailleurs de fonds s’opposent à la bonification des taux d’intérêt et en final les taux d’intérêt pratiqués par les banques ou les organisations de micro finance sont prohibitifs. Et je n’évoque pas ici les problèmes de garanties qui en final limitent l’accès au crédit à quelques grandes exploitations et aux producteurs agricoles qui disposent de revenus conséquents hors de l’agriculture. Rien pour le financement à moyen et long terme de l’agriculture que cela soit pour les exploitations ou pour les organisations paysannes. En conclusion il faudrait développer les points 5.2.2.2 Increasing access to investments and capacity to invest 5.2.4 Reducing economic risks and improving the investment environment  et être plus innovant et provocateur, notamment en étant très clair sur la nécessité de mettre des financements pour le long et moyen terme à taux très bas.

Enfin, le document n’insiste pas assez sur la nécessité d’organisation des « petits producteurs » ces derniers doivent se regrouper pour s’approvisionner et/ou commercialiser, récupérer de la valeur ajouter, réduire ou partager les risques, etc.. L’action collective doit occuper une place plus importante dans les recommandations. « Petits » les producteurs ne peuvent pas peser sur le marché et les « signaux » du marché ne leur arrivent pas. L’appui aux investissements des smallholder passent aussi par le financement des coopératives ou autres formes d’organisation. Sans oublier les autres acteurs des filières qui ont tous leur rôle à jouer aux différents maillons et qui doivent eux aussi avoir accès à des financements pour investir sur le long terme, y compris pour que s’installe une saine concurrence entre coopératives et privés

Enfin, on peut regretter qu’il n’y ait pas une version V0 en français et/ou espagnol, ce qui faciliterait la participation aux discussions des représentants des « smallholders » de par le monde (responsables des organisations paysannes) tout en sachant que c’est insuffisant pour une véritable participation/contribution des principaux intéressés.

Jean-François Bélières le 30/01/2013