Al Hassan Cissé

Oxfam
Senegal

>> ENGLISH VERSION BELOW <<

Chers collègues,

Cette discussion sur la contribution de la protection sociale à la sécurité alimentaire et la nutrition en Afrique de l’Ouest a été riche en enseignements. Nous avons enregistré de significatives contributions de personnes avec de riches expériences. Tous les participants pensent que la protection sociale peut largement contribuer à la sécurité alimentaire et à la nutrition en Afrique de l’Ouest. Effet, le niveau élevé de vulnérabilité à l’insécurité alimentaire, particulièrement chez les femmes et les enfants nécessite de disposer, selon les participants, de politiques et de programmes de protection sociale pour la sécurité alimentaire susceptibles de renforcer la sécurité alimentaire. Les participants ont également souligné la nécessité de relever les défis liés au développement de la protection sociale et qui sont entre autres le financement, le ciblage, la coordination et la participation de la société civile.

Les enjeux de la protection sociale ont été largement abordés dans cette discussion.  Dans ce sens c’est le financement qui a été le plus discuté. Il ressort ainsi des contributions qu’il incombe à l’Etat la responsabilité d’assurer la protection sociale mais l’on constate que son financement reste encore largement dépendant des bailleurs de fonds. Alors qu’il faut un financement assuré et durable pour assurer une contribution efficace de la protection à la sécurité alimentaire et à la nutrition. Il est particulièrement évoqué dans les contributions les contraintes du financement de la protection sociale en Afrique de l’Ouest. Pourtant l’inaction est beaucoup plus coûteux car la protection sociale peut contribuer à construire la résilience et à réduire les effets des crises alimentaires quand elles surviennent (ref: rapport DFID The Economics of Early Response and Disaster Resilience).

Les participants reconnaissent de manière consensuelle la capacité et le potentiel de la protection sociale à renforcer l’agriculture et la sécurité alimentaire. En effet, d’après les différentes expériences et analyses des participants, la protection sociale qui est un droit PEUT jouer un rôle important dans la sécurité alimentaire et la nutrition en Afrique si elle est efficacement mise en œuvre. J’ai eu à conduire en 2011 un projet de filets sociaux avec Oxfam au Mali et les suivis et évaluations effectués sur le terrain ont montré le potentiel des filets sociaux à lutter contre la vulnérabilité des populations et particulièrement celle des femmes. Je me rappelle de cette femme de 56 ans du nord du Mali qui avait à sa charge 6 enfants. Avec l’argent reçu des transferts monétaires, elle a pu acheter du mil et du riz tout en investissant. Avec le premier transfert, elle a pu cultiver du riz et récolter 2 sacs contrairement aux années précédentes où elle ne pouvait rien faire faute de moyens de production. Avec la récolte et les achats de vivres, elle pouvait assurer la sécurité alimentaire de son ménage et réduire grandement la période de soudure.

Pour une contribution efficace de la protection sociale pour la sécurité alimentaire, le choix d’instruments appropriés est déterminant. Divers instruments sont considérés par les participants à cette discussion comme importants à intégrer dans les politiques et programmes de protection sociale. On peut citer les transferts monétaires, les subventions agricoles, l’alimentation scolaire entre autres qui doivent être utilisés en fonction du contexte et des cibles. Dans le projet que je conduisais au Mali les transferts monétaires et les formations étaient destinées aux très pauvres alors que le travail contre argent et les subventions des intrants agricoles étaient pour les pauvres. En effet selon l’analyse du contexte, les transferts monétaires sont plus appropriés pour les ménages très pauvres qui assurent leur sécurité alimentaire en achetant leur alimentation sur le marché. L’on constatait que l’essentiel de l’argent reçu était destiné à la consommation alimentaire. Dans ce projet, les transferts monétaires étaient effectués en début de saison des pluies, en période de soudure et à la récolte. Ce qui a permis aux bénéficiaires d’investir, d’acheter la consommation alimentaire sans s’endetter et de protéger leurs récoltes.

De cette discussion je tire plus particulièrement les conclusions suivantes :

À travers la contribution de Peter Stele, on peut ainsi retenir l’idée de trouver dans les ressources générées par le secteur pétrolier une source de financement de l’agriculture et je dirais de la protection sociale. Il donne l’exemple du Nigéria dont le PIB tiré par le secteur pétrolier a augmenté alors que l’agriculture qui est d’une importance capitale dans ce pays est faiblement financée. D’où la nécessité d’une plus grande considération pour l’agriculture à travers plus d’investissement et de protection sociale pour les plus pauvres. Et pour le faire, il faut des mécanismes innovants de financement. Ne faudrait-il donc pas réfléchir sur un mécanisme de financement de la protection sociale par les secteurs miniers et pétroliers ? Au-delà du financement, le ciblage des bénéficiaires, la coordination de la protection sociale et la participation des OSC ont été largement soulignés par les participants comme des challenges importants dans la mise en œuvre de la protection sociale. Et l’accent est particulièrement mis sur le ciblage qui pose parallèlement la question de la transparence et de la gouvernance.

Ces contributions sur les enjeux recoupent les conclusions d’un atelier que Oxfam a organisé en mars 2013 sur la protection sociale pour la sécurité alimentaire et qui a regroupé des ONG, des organisations paysannes régionales, les représentants des gouvernements du Burkina Faso, du Ghana et du Mali, des parlementaires de la CEDEAO, la FAO, le PAM, la Banque Mondiale, l’UE et IFPRI. Les participants de cette rencontre ont identifié les challenges suivants comme les plus importants pour promouvoir la protection sociale pour la sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest :

Le ciblage des bénéficiaires en adoptant des méthodologies susceptibles de limiter les taux d’inclusion et d’exclusion;

La compréhension de la protection sociale par les OSC pour leur permettre de participer aux dialogues, influencer les décisions  et participer à la assurer une bonne gouvernance;

Le financement de la protection sociale qui pose la question de l’arbitrage des dépenses publiques et du choix des priorités;

La gouvernance mesurée sous l’angle de la cohérence avec les politiques de développement agricoles, de la coordination et de la participation des OSC.

En conclusions ces différentes sont forts utiles et contribuent à alimenter les débats sur la protection sociale en Afrique de l’Ouest.

Merci beaucoup à tous.

Al Hassan Cissé

Dear colleagues,

This discussion on the contribution of social protection to food security and nutrition in West Africa was very informative. We had significant contributions of people from different field of expertise and with broad experience. All participants occurred that social protection can contribute significantly to food security and nutrition in West Africa. Indeed, according to participants, the high level of vulnerability to food insecurity, especially among women and children, requires policy and social protection programmes able to strengthen food security. Participants also highlighted the need to address the challenges related to the development of social protection, such as financing, targeting and coordination and participation of civil society.

From this discussion, I draw the following conclusions:

Participants reached a consensus recognizing the capacity and potential of social protection to strengthen agriculture and food security. Indeed, according to the different experiences and analyzes of participants, social protection as a right CAN play an important role in food security and nutrition in Africa if it is effectively implemented. In 2011, I was in charge of a safety net project with Oxfam in Mali. The monitoring and evaluations activities performed on the field have shown a high potential for social safety nets to fight against people’s vulnerability, and especially women. I remember this 56 year old woman from northern Mali, who had to bear six children. With the money she received through cash transfers from social protection, she managed to buy millet and rice and also invest. With the first transfer, she grew rice and harvest two bags of them. The year before she could not do anything because she had no production means. With harvest and food purchases, she could ensure her household’s food security and greatly reduce the lean period.

In order for social protection to contribute effectively to food security, the choice of appropriate instruments is crucial. The participants in this discussion identify various instruments that are important to include in policies and social protection programmes. These include: cash transfers, agricultural subsidies, school feeding, among others. These tools can be used depending on the context and targets. In the Oxfam project in Mali, cash transfers and training were for the poorest, while working for cash and subsidies of agricultural inputs were for the poor. Indeed, according to the context analysis, cash transfers are more appropriate for very poor households to ensure their food security. Most of the money was actually used for food consumption. In this project, the cash transfers were made at the beginning of the rainy season, during the lean season and at the harvest. This allowed beneficiaries to invest, to buy food consumption without going into debt and protect their crops.

Challenges have been widely discussed. The funding was highlighted as one of the main issue. It is established that it is the state’s responsibility to provide social protection, but it has been highlighted that funding is still largely dependent on donors. However, a secured and sustainable funding is needed to contribute effectively to food security and nutrition. The contributions regularly mentioned funding constraints in the provision of social protection in West Africa. It is worth noting that inaction is much more expensive than social protection. Indeed, social protection can help build resilience and reduce the effects of food crises when they occur (ref ; rapport DFID The Economics of Early Response and Disaster Resilience).

Peter’s contribution highlights the possibility to use resources generated by the oil sector to fund agriculture and, I would say, also social protection. He gives the example of Nigeria whose GDP from the oil sector raises while agriculture, of paramount importance in the country, is poorly funded. There is a need to give greater consideration to agriculture through more investment, and social protection for the poorest. To do so, we need innovative financing mechanisms. Couldn’t we think of a financing mechanism for social protection funded by the mining and oil sectors? Beyond funding, targeting beneficiaries, coordination, and participation of CSOs have been widely identified by participants as important challenges in the implementation of social protection. Targeting has been especially emphasized as it raises the issue of transparency and governance.

These contributions dealing with challenges are consistent with the findings of a workshop on social protection for food security organized by Oxfam in March 2013.  The event brought together NGOs, regional farmers' organizations, government representatives of Burkina Faso , Ghana and Mali, ECOWAS parliamentarians, FAO , WFP, World Bank, EU and IFPRI . The participants of the meeting identified the following points as the most important challenges in promoting social protection for food security in West Africa :

Targeting of beneficiaries by adopting methodologies that limit the inclusion and exclusion rates;

Understanding of social protection by CSOs to enable them to participate in dialogue, influence decisions and participate in good governance ;

The funding of social protection which raises the question of public expenditures’ priorities ;

Governance: consistency agricultural development policies, coordination and participation of CSOs.

As a conclusion, I would like to say that this discussion has been really instructive and will be useful to contribute to the debate on social protection in West Africa.

Thank you very much.

Al Hassan Cisse