Global Forum on Food Security and Nutrition (FSN Forum)

Protection sociale pour renforcer la résilience des populations tributaires de la forêt

Les forêts constituent des écosystèmes naturels dont l’importance va grandissante, surtout avec de la prise de conscience planétaire des questions environnementales à partir Conférence des Nations Unies sur l’Environnement Humain tenue à Stockholm (Suède) en 1972. Cette prise de conscience a été renforcée à Rio de Janeiro (Brésil) en 1992 lors du Sommet de la Terre qui a consacré dans les discours politiques et scientifiques le concept de durabilité. Les forêts jouent pour l’humanité des fonctions de production (bois, produits forestiers non ligneux, plantes médicinales, ...), de protection (soutien aux relations trophiques, habitat des prédateurs naturels, épuration de l’air, . ..) et de régulation (pluie, purification des eaux, climat, photosynthèse, …). Elles servent aussi de laboratoire naturel pour les activités pédagogiques, de lieux de distraction et de tourisme. Les forêts sont aussi convoitées souvent dans les milieux où les terres se raréfient pour plusieurs raisons :

- L’accroissement de la population et la forte urbanisation qui imposent la recherche de plus d’espaces pour des habitations;

- La dégradation des terres agricoles qui poussent à l’installation progressive des cultures dans les forêts.

Pour tout cela, les forêts occupent une place de choix dans les questions de développement durable prônées depuis la Conférence de Rio citée ci-dessus. Du coup, la dégradation des forêts n’est pas seulement le fait des populations pauvres, mais aussi le fait des administrations locales qui n’hésitent à pas à étendre les lotissements dans les forêts ou à déblayer des espaces pour des infrastructures communautaires (terrains de sport, écoles, …). Il va sans dire que les forêts sont d’une importante utilité pour toutes les couches de la population et même pour les administrations. Seulement, les populations pauvres restent les plus dépendantes des forêts du fait qu’elles n’ont pas d’autres alternatives. De façon générale, lorsque l’homme a des difficultés de survie, il s’attaque aux ressources naturelles qui sont supposées n’être la propriété de personne. Etant des biens communs, les forêts sont soumises à la théorie de « la tragédie des biens communs » développée par Hardin (1968). Comme elles ne sont pas la propriété de quelqu’un, les populations qui en dépendent, les populations pauvres notamment, ont tendance à les surexploiter, conduisant ainsi à des problèmes écologiques graves.

Au regard de tout ce qui précède, on se demande si la question est de promouvoir une foresterie durable parmi les populations pauvres ? S’agit-il de renforcer les moyens d’existence des pauvres pour leur permettre de laisser la forêt se développer ?

La réponse est à notre avis non. Il s’agit plutôt de rechercher comment les populations peuvent se servir des forêts sans les dégrader. Il s’agit de déterminer comment sortir ces populations pauvres de la pauvreté, si possible même à partir des potentialités des forêts. Car, les nombreuses expériences faites à ce jour en termes de protection intégrale des forêts ont échoué. Même les forêts classées sont attaquées par les populations. C’est le cas des forêts classées de Kilir (Commune de Djougou, nord Bénin) et d’Abomey (Commune d’Abomey, centre Bénin). Celles-ci ont perdu des années 1950 à ce jour respectivement 75 % et 43 % de leurs superficies de départ. Il y en a même qui ont disparu complètement. D’une superficie de 200 ha au départ, la forêt communautaire Gbévozoun (Commune de Bonou, sud Bénin) ne couvre actuellement qu’une superficie d’environ 162 ha, avec environ 120 ha affectés aux activités agricoles et 42 ha représentant encore la véritable forêt boisée.

Il se dégage que pour sauvegarder les forêts, les mesures d’exploitation durable des forêts soient privilégiées. La solution ne serait pas de chercher des solutions ailleurs pour renforcer les populations afin de préserver les forêts. La protection intégrale n’a souvent pas de chance de réussir. Pourquoi ne pas délimiter à chaque fois des espaces périphériques où se pratiqueraient des modèles d’agriculture écologique, sans intrant chimique de synthèse, tels que l’agroforesterie ? Des mesures pourraient être prises pour que l’agroforesterie et l’agriculture de conservation s’appliquent à ces espaces. L’agroécologie doit être la règle autour des forêts. On pourrait aussi ajouter des activités écologiquement soutenables comme l’apiculture, l’écotourisme, l’aménagement d’espaces botaniques. Dans tous les cas, la solution idéale sera de chercher comment organiser ces populations et les faire vivre des forêts, mais sans les dégrader. Car, généralement, la pauvreté, et surtout la pauvreté chronique des populations, est le fait de dispositions structurelles macroéconomiques qui empêchent celles-ci de saisir des opportunités économiques. Elles subissent l’exclusion sociale due au système en place, au point des solutions de proximité et réalistes sont préférables.  

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Dr Emile N. HOUNGBO

Agroéconomiste & Spécialiste du Développement Durable

Université d’Agriculture de Kétou

05 BP 774 Cotonou (République du Bénin)

Tél. (229) 67763722

Email : [email protected]