Foro Global sobre Seguridad Alimentaria y Nutrición (Foro FSN)

Gaoussou Gueye

Confédération africaine des Organisations professionnelles de pêche artisanale

Mise en œuvre des lignes directrices de la FAO pour une pêche artisanale durable

[translation in English attached, Ed.]

Point de vue de Gaoussou Gueye, Secrétaire général de la Confédération africaine des Organisations professionnelles de pêche artisanale – CAOPA

Du point de vue des organisations professionnelles de pêche artisanale représentées par la CAOPA, la mise en œuvre des lignes directrices doit se faire en concertation avec les acteurs de la pêche artisanale, et de façon cohérente tant au niveau de la future stratégie de l’Union africaine pour la pêche et l’aquaculture (qui sera présentée en février prochain lors de la deuxième Conférence des Ministres africains de la Pêche), qu’au niveau des politique nationales et régionales menées par nos états.

Nous pensons qu’il y a une opportunité à saisir aujourd’hui pour l’Union africaine et les pays d’Afrique afin de, à travers la mise en oeuvre des lignes directrices, renforcer l’application du code de conduite de la FAO pour une pêche responsable.

De notre point de vue, les enjeux suivants sont les principaux éléments qui devront être pris en compte dans la mise en œuvre des lignes directrices dans les politiques panafricaines, régionales et nationales:

  1. Le maintien des communautés côtières, la sécurité alimentaire des populations et la contribution que peut y apporter la pêche artisanale, en particulier les femmes actives dans le secteur, est un enjeu stratégique pour l’Afrique.

Il y a deux aspects importants à examiner dans ce contexte:

Le premier est la question de l’accès aux ressources qui sont à la base de la sécurité alimentaire (comme les petits pélagiques), les interactions/conflits entre les différentes flottes (artisanales et industrielles, locales et érangères) et le développement de politiques d’allocation de l’accès qui protègent et garantissent des droits d’accès de la pêche artisanale aux ressources, en particulier contre le processus d’accaparement des ressources marines par la privatisation des droits d’accès.

Le deuxième aspect à considérer concerne les enjeux de la contribution de la pêche à la sécurité alimentaire, avec des réformes nécessaires au niveau des politiques commerciales (obstacles tarifaires et non tarifaires au commerce régional des produits de la pêche artisanale); pour une reconnaissance du rôle des femmes de la pêche artisanale pour l’approvisionnement des différents marchés. L’objectif de ces politiques doit être la complémentarité entre commerce local/régional et commerce international. Il faut aussi promouvoir utilisation d’(éco) labels pour promouvoir les produits de la pêche artisanale.

 

2.  L’aménagement concerté de la zone côtière et la co-gestion des pêcheries

Même s’il y a de nombreuses déclarations de nos états pour mettre en place une pêche durable, nos états n’ont souvent pas développé de plans de gestion concrets pour nos ressources, élaborés et mis en place de façon participative (co-gestion), qui puissent permettre de pérenniser une activité de pêche artisanale durable et des moyens de vie pour nos communautés. Le rôle des Aires Marines Protégées est à examiner dans ce cadre.

Il faut aussi développer une stratégie et des politiques pour que la pêche artisanale, qui actuellement cible surtout les ressources côtières, souvent surexploitées, puisse à terme développer ses activités plus loin des côtes. Cela signifie par exemple revoir la législation pour augmenter la taille de la zone réservée à la pêche artisanale et mieux la protéger contre, par exemple, les incursions des chalutiers. D’autre part, la zone côtière de nos pays est de plus en plus occupée par d’autres activités que la pêche (tourisme, développements industriels, exploitation pétrolière et gazière, etc), qui poussent hors des plages pêcheurs et femmes transformatrices.

Il faut que la protection de la zone réservée à la pêche artisanale intègre ces aspects, et qu’une gestion de la zone côtière concertée se mette en place, où la pêche artisanale joue un rôle central.

Il faut aussi prévoir qu’à terme, la pêche artisanale puisse se développer sur des pêcheries plus au large, pour les thonidés par exemple, afin que nos pays et nos communautés puissent en retirer plus de bénéfices.

 

3. La transparence dans les politiques d’accès aux ressources et les programmes d’aide au développement

Le manque de transparence dans les politiques de pêche africaine, notamment dans l’allocation des licences et autorisations de pêche, entraîne la surexploitation des ressources, préjudiciable aux communautés côtières. La transparence à cet égard doit devenir la règle, et doit favoriser une participation informée des acteurs, en particulier des communautés de pêche artisanale. Une plus grande transparence est également un outil important de lutte contre la pêche INN, qui est florissante lorsque l’opacité et la corruption sont la règle.

D’autre part, il y a de nombreux projets d’appui au secteur, y compris de la pêche artisanale (ONG, Banque mondiale, UE, etc). Jusqu’à présent, il n’y a pas beaucoup de résultats tangibles pour nos communautés. La transparence là aussi doit être améliorée dans les futures politiques, comme base de la participation des bénéficiaires de ces projets, les communautés côtières, à la définition, la mise en oeuvre et l’évaluation de ces projets.

 

4. L’aquaculture

Des politiques doivent être mises en place pour développer une aquaculture à petite échelle, basée sur la culture d’espèces non carnivores (c’est-à-dire qui ne dépendent pas des stocks de poissons sauvages pour la farine de poisson), et avec l’objectif principal de renforcer la sécurité alimentaire des populations africaines.

 

Obstacles à la mise en œuvre des lignes directrices

Un gros problème est le manque de capacités au niveau des états, qui est du en partie au manque de synergie entre les différentes institutions, qui souvent, font leur travail dans leur coin, répétant ce que d’autres font. Il faut une meilleure coordination entre ces institutions, ce qui devrait améliorer les capacités.

Il y a aussi parfois des problèmes dans le mandat donné aux institutions.

Pour la gestion des stocks partagés, comme les sardinelles en Afrique de l’Ouest, aucune institution régionale n’a aujourd’hui de mandat pour avoir les compétences de gestion régionale de ces stocks, alors que c’est une priorité. Ce serait aussi important de réfléchir à partir des grands écosystèmes de l’Afrique de l’Ouest, car la gestion régionale devrait se faire à partir de ces écosystèmes.

Beaucoup de pêcheries artisanales sont transfrontalières, et parfois, cela provoque des conflits. Des outils sont à mettre en place pour mieux gérer ces pêcheries transfrontalières et prévenir/gérer les conflits. La CAOPA propose par exemple la mise en place de commissions mixtes de professionnels artisans des pays considérés, sur l’exemple de la commission mixte des professionnels artisans de Mauritanie et du Sénégal

Il y a un manque réel de capacité au niveau de la recherche (manque de personnel, statut peu valorisé, mais aussi pas de collaboration pêcheurs/chercheurs). Une recherche participative pourrait améliorer la qualité des données et des avis scientifiques. De la même manière, une surveillance participative est à encourager, pour permettre de mieux lutter contre la pêche INN (incursion de chalutiers notamment) dans la zone côtière.

 

4. Quel rôle peut jouer la pêche artisanale africaine dans la mise en œuvre des lignes directrices

Actuellement, dans la plupart des pays africains, la pêche artisanale reste un secteur marginalisé dans la prise de décision, du au manque de reconnaissance de son potentiel comme moteur de développement durable.

La CAOPA, qui est constituée uniquement d’organisations professionnelles de la pêche artisanale, veut donner une réponse à cet enjeu, en faisant entendre la voix des professionnels, hommes et femmes de la pêche artisanale, pour une meilleure prise en compte de la pêche artisanale au niveau des politiques de nos états. L’existence même des lignes directrices peut nous aider à le faire.

Mais pour nous permettre de jouer ce rôle, les professionnels de la pêche artisanale, hommes et femmes, doivent être reconnus comme interlocuteurs directs des décideurs.

Des mécanismes doivent être mis en place pour qu’il y ait une réelle participation de tous et toutes les professionnels.

La société civile est aussi un interlocuteur essentiel pour la gestion des pêches. Mais il faut toujours bien prendre en compte qu’il y a une différence entre ceux qui vivent de la pêche (les pêcheurs, les femmes transformatrices, etc) et ceux qui n’en vivent pas (ONG, etc). A ce point de vue, il faudrait donner une attention plus grande aux consommateurs de poisson dans nos pays, car eux aussi, ont besoin du poisson pour vivre.

Les médias, comme le REJOPRAO (Réseau des Journalistes pour une Pêche responsable en Afrique de l’Ouest), ont également un rôle important à jouer pour permettre qu’il y ait un vrai débat public sur la mise en œuvre des lignes directrices, sur les choix de modèles de développement de nos pêcheries, et sur la place à donner à la pêche artisanale durable.