Forum global sur la sécurité alimentaire et la nutrition (Forum FSN)

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La sécurité alimentaire et nutritionnelle est devenue une épine dans les orteils du développement dans le monde en général et en particulier en Afrique et en Asie. Tout porte à croire que les diverses initiatives qui se prennent depuis des décennies ne marchent pas à la vitesse qu’il faut. D’après FAO et al. (2014), on continue de progresser dans la lutte contre la faim dans le monde: on estime qu’environ 805 millions de personnes étaient en situation de sous-alimentation chronique en 2012-2014, soit une diminution de plus de 100 millions de personnes sur la dernière décennie, et 209 millions de personnes de moins qu’en 1990-1992. Sur la même période, la prévalence de la sous-alimentation est passée de 18,7 à 11,3 % dans le monde et de 23,4 à 13,5 % dans les pays en développement. L’Afrique subsaharienne est la région où la prévalence de la sous-alimentation est la plus élevée, et les progrès accomplis ces dernières années y ont été modestes. Dans cette région, environ une personne sur quatre reste sous-alimentée. L’Asie, la région la plus peuplée du monde, compte toujours le plus grand nombre de personnes sous-alimentées. Les auteurs parviennent à la conclusion qu’il faut créer un environnement plus propice à la sécurité alimentaire et à la nutrition.

A notre avis, la vraie cause de la persistance de la sous-alimentation et de la malnutrition en Afrique se trouve dans les mauvais choix stratégiques des pays. Dans beaucoup de pays africains, les choix stratégiques de la production agricole sont orientés sur des spéculations d’exportation, au détriment des productions vivrières. L’Afrique s’engage dans des spéculations qui ne lui procurent pas d’avantage comparatif ; des spéculations faiblement consommées par le marché intérieur (donc par les populations) et qui, par surcroît, rendent l’Afrique fortement dépendante de l’extérieur, alors même qu’elle est désavantagée par la faible productivité et la faible part de marché qu’elle peut conquérir. Par exemple, l’Afrique s’illustre dans la production cotonnière alors qu’elle consomme seulement 1 % de la production mondiale de coton et le rendement y est le plus bas dans le monde (Houngbo, 2014).  Les innovations agricoles qui amélioreront la situation nutritionnelle en Afrique sont celles qui mettront en avant le développement de la production de spéculations vivrières d’intérêt socio-nutritionnel pour l’Afrique et pour lesquelles celle-ci peut aisément se comparer aux autres continents tant du point de vue de la productivité. La compétitivité de l’Afrique serait évidente dans ce cas. Un accent particulier doit donc être mis sur la promotion des filières suivantes : riz, datte, manioc, igname, tomate, mangue, orange, pomme de terre et oignon. Il s’agit là de spéculations bien adaptées aux conditions agroécologiques et aux besoins alimentaires majeurs de l’Afrique.

Mais, comment cela pourrait-il se faire ?

Il faudra considérer deux axes d’innovation : l’axe relatif à la définition des politiques agricoles et l’axe relatif à la production agricole communautaire.

Concernant les politiques agricoles en Afrique, il importe de veiller à la mise en place de lois d’orientation agricole dans tous les pays africains. Mieux que les plans stratégiques de promotion agricole en vogue et qui n’ont pas pouvoir de s’imposer à tous les gouvernants, ces lois d’orientation agricole sont susceptibles de s’imposer à tous les gouvernements, d’obéir rigoureusement à la volonté du peuple et de réaliser à terme son rêve. C’est l’absence de ces lois qui justifient le trop engouement pour les cultures d’exportation désavantageuses pour la plupart des pays africains. Car, c’est certain que ces lois d’orientation ne pourront pas négliger la production vivrière qui reste le principal souci des peuples africains. Des pays comme le Mali, le Sénégal et le Cameroun sont déjà dans cette dynamique. Mais, il faut bien que cela se généralise.     

La production agricole communautaire dont il est question est de porter une attention particulière aux productions agricoles de groupe : agriculture coopérative, agriculture villageoise, agriculture scolaire. La promotion de ces formes d’agriculture ne peut non plus occulter le volet nutritionnel qui reste la première préoccupation. De plus, les expériences accumulées à travers le temps dans les communautés seront valorisées. Toutes les communautés ont des expériences sur les spéculations viables, adaptées aux conditions agroécologiques et à valeur nutritionnelle majeure. Dans cette logique, l’ONG GRAAP du Bénin entreprend depuis novembre 2011 un projet communautaire d’adaptation aux changements climatiques. L’initiative est fondée sur l’agroécologie comme modèle de production agricole, une approche agricole conciliant l’agriculture avec les exigences écologiques pour entre autres maintenir et valoriser la biodiversité. L’initiative mise spécialement sur les spéculations traditionnelles qui ont un pouvoir élevé d’adaptation aux variabilités climatiques. Elle privilégie aussi la diversification des cultures qui améliore la résilience des systèmes de production qu’elle engendre. C’est ainsi que dans les exploitations du projet les variétés traditionnelles de manioc, de maïs, de gombo, de voandzou, de soja, de niébé, de papayer, etc.… sont préférées aux variétés exotiques. Les bénéficiaires sont principalement les petits producteurs agricoles qui sont reconnus comme les plus vulnérables. Il est renforcé au niveau de ceux-ci la capacité de valoriser de façon optimale les petits espaces. Les jardins, de 0,5 à 1 ha ou moins, ont porté une diversité de cultures qui ont rehaussé les productions des producteurs. L’évaluation effectuée en août 2014 a révélé que la sécurité alimentaire, nutritionnelle et même financière des ménages impliqués a été améliorée. Car, les productions agricoles sont d’abord de grand intérêt nutritionnel pour les producteurs, puis rencontre une forte demande locale, créant un marché local important.

Food security and nutrition has become a thorny issue for development in the world in general and in particular in Africa and Asia. There is every reason to believe that the different initiatives taken over decades are not working at the speed they should. According to FAO et al. (2014), we continue to progress in the fight against world hunger: it is estimated that around 805 million people were in a situation of chronic underfeeding  between 2012-2014, that is a decrease of more than 100 million people in the last decade, and 209 million people less than between 1990-1992. In the same period, the prevalence of underfeeding has passed from 18.7 to 11.3% in the world and from 23.4 to 13.5% in the developing countries. Sub-Saharian Africa is the region where the prevalence of underfeeding is the highest, and the progress achieved in recent years has been modest. In this region, around one person in four remains underfed. Asia, the most populated region, still has the greatest number of people underfed. The authors reach the conclusion that it is necessary to create an environment more favorable to food security and nutrition.

In our view, the true cause of the persistance of underfeeding and malnutrition in Africa is the countries' poor strategic choices.  In many African countries, the strategic choices for agricultural production are oriented towards speculative exports at the expense of food production. Africa is involved in speculations which do not procure a comparative advantage; speculative products for which there is weak internal market  consumption (therefore by the population) and which by extension, leave Africa very dependent on foreign markets, while at the same time  at a  disadvantage  due to low productivity and the small share of the market that it can win. For example, Africa is renowned for cotton production even though it consumes only 1% of world production  of cotton and has the lowest productivity in the world. (Houngbo, 2014).  The agricultural innovations which improve the nutritional situation in Africa are those which promote the development of enterprise in food products of socio-nutritional interest for Africa and for which Africa can comfortably becompared with other continents, from the productivity point of view. The competitiveness of Africa would be evident in that case. A particular accent should be put on the promotion of the following sectors: rice, dates, cassava, yam, tomatoes, mangoes, oranges, potatoes and onions. In these cases it is about ventures well adapted to the agro-ecological conditions and to the main food needs in Africa.

But, how can that be done?

Two innovative approaches should be considered: the approach related to the definition of agricultural policies and the approach related to community agricultural production.

Concerning agricultural policies in Africa, it is important to work towards the implementation of laws governing the orientation of agriculture in all African countries. Better than the currently favored strategic plans for agricultural promotion which cannotbe imposed on all governments, these agricultural guidance laws could oblige all governments to rigorouslyobey the people´s wishes and to ultimately achieve their dream. It is the absence of these laws which justifies the excessive passion for exportcrops which are disadvantageousfor the majority of African countries. Because, it is beyond doubt that these guidance laws could not neglect food production, still the main concern of African peoples. Countries like Mali, Senegal and Cameroon are already part of this movement. But it really needs to be generalized.

Community agricultural production has the purpose of paying particular attention to group agricultural production: cooperative agriculture, village agriculture and school agriculture.  The promotion of these forms of agriculture can also not conceal the nutritional component which is the main concern. Moreover, the accumulated experiences of the communities in time will prove their worth. All the communities have experience of viable business ventures, adapted to the agro-ecological conditions and to greater nutritional value. On these lines, in Benin the NGO GRAAP [Groupe de Recherche et d'Action pour l'Auto-Promotion rurale, Research and Action group for rural promotion], since november 2011 has undertaken a community project on adaptation to climate change. The initiative has been based on agroecology as a model for agricultural production, an agricultural approach reconciling agriculture with the ecological demands for,among other things, maintaining and valuing biodiversity.  The initiative concentrated especially on traditional ventures with a high capacity for adaptation to climatic changes. It favours also the diversification of crops which improve the resilience of the production systems which it brings about. It is thus that in the project ´s implementation the traditional typesof cassava, maize, okra, Bambara,groundnut, soja, blackeye bean, papaya, etc.are preferred to exotic varieties. The beneficieries are mainly the small farmers who are recognized as being the most vulnerable. It is at their level that the abilityto make full use of small areas is reinforced .The plots, of 0.5 to 1 ha or less, havesupported a variety of crops which have raised farmers´ production. The assessment carried out in August 2014 has shown that the security of food,nutrition and even finance in the households involved has been improved. Therefore, agricultural products are firstly of great nutritional interest for producers, and also find strong local demand, creating an important local market.