Forum global sur la sécurité alimentaire et la nutrition (Forum FSN)

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1. Quelle gouvernance régionale effective et efficiente pour la Sécurité Alimentaire et la Nutrition en Afrique de l’Ouest?

Le plus gros problème de la gouvernance en Afrique réside dans l’arrimage des économies nationales au capitalisme.  Les politiques agricoles communautaire n’y a pas échappé. De manière générale, les projets agricoles qu’on essaie d’implanter dans nos pays africains, malgré leurs caractères pharaoniques échouent souvent parce qu’ils sont le reflet de greffes institutionnelles importées et n’ont aucun encrage communautaire. Ils sont détachés des réalités de nos terroirs. On assiste de plus en plus à des initiatives visant à saper les fondements de l’agriculture familiale que ceux qui ceux sont communément appelés les petits paysans, ont mis à construire sur des millénaires. Pourtant, contrairement à des idées faussement admises, il est notoirement établi que 70% de la nourriture que nous ingérons chaque jour proviennent du labeur de ces derniers sur seulement 25% des terres cultivables dans le monde. Que faut-il en déduire ?  Il faut juste faire observer que le secteur agricole dans le monde est soutenu par les petits paysans qui paradoxalement ne bénéficient d’aucune subvention de la part de leurs Etats respectifs. Les choix de politique agricole qui visent vaille que vaille à investir des sommes faramineuses dans l’agro-business ne sert en réalité que des intérêts mercantilistes égoïstes de quelques multinationales au détriment des populations.

La gouvernance régionale pour être effective et efficace doit se défaire de sa vision d’une agriculture occidentalisée résolument tournée vers la recherche effrénée du profit, à travers l’exportation des cultures rentières. 

Cela passe nécessairement par la redéfinition des priorités : pour atteindre « l’objectif de zéro faim dans l’espace communautaire », les politiques doivent être orientées vers l’appui et l’accompagnement les exploitations familiales agricoles et de l’agroécologie pour les raisons suivantes :

  • Ce sont ces secteurs étroitement liés qui pourvoient au besoin en nourriture des villes et des campagnes, réglant ainsi le problème de la disponibilité de la nourriture ;
  • Ces secteurs privilégient les marchés locaux et résorbent dans le même temps le problème de l’accessibilité de la nourriture ;
  • Ces secteurs qui ne sont pas fermés aux innovations, ont l’avantage de valoriser les savoirs paysans ;
  •  Ces secteurs sont plus aptes à faire face aux aléas climatiques et aux phytopathologies parce que reposant sur la diversité génétique ;
  • Ces secteurs participent au refroidissement de la planète parce qu’ils n’utilisent des énergies fossiles et privilégies les circuits courts pour le transport des aliments ;
  • Parce qu’ils ont un ancrage communautaire assez forts, ces secteurs sont durables.

Il est donc temps de tourner le dos à l’agriculture industrielle, productiviste et chimique dont certains pays continuent de payer très cash, ses effets : exodes ruraux massifs, pollution de l’environnement, perte de la diversité génétique, appauvrissement des paysans…

Il faut mettre un terme au politique de soutien à l’agriculture industrielle à multiples visages : Révolution Verte, AGRA, NASAN… qui entretiennent des contradictions internes très flagrantes. La NASAN par exemple prétend contribuer à la sécurité alimentaire et à la nutrition alors même qu’elle est essentiellement portée sur les cultures d’exportation.

Les révolutions vertes qui se caractérisent par l’usage excessif de produits chimiques, par l’usage non rationnel de l’eau et des semences dites améliorées visent à mettre sous coupe réglée les droits des agriculteurs africains, à travers la criminalisation des semences traditionnelles, l’incitation à l’accaparement des terres et la biopiraterie.

La politique agricole ne sera efficace et efficience si elle refuse d’apporter sa caution aux règles actuelles du commerce international qui recèlent de l’iniquité avec le dumping, les subventions aux paysans du Nord, les APE…

2. Quel rôle et quelle place pour les OSC/acteurs non étatiques (niveau de représentation et participation aux décisions) dans le dispositif institutionnel de mise en œuvre de l’ECOWAP et des politiques agricoles et de SAN en général tant au niveau national que régional?

De tout temps, la société civile a joué et continue de jouer un rôle résiduel dans la définition des politiques. On la confine jusque-là un rôle de contrepouvoir et non une véritable force de proposition. En effet, elle est appelée à agir en aval après le tracé des cadres politiques et règlementaires en matière agricole. Il est temps d’inverser les rôles car la société civile qui porte en elles les aspirations des communautés et des populations à la base doit désormais proposer ses solutions.

3. Quelle plateforme multi-acteurs et multi-secteurs pour faciliter le dialogue et les négociations sur les politiques, programmes et investissements, la redevabilité, etc. ?

La plupart du temps, la représentativité au sein des plates-formes est en défaveur de la société civile. Il faut créer le déséquilibre pour la société civile bénéficie d’une forte représentativité dans les négociations. Il faut surtout s’assurer de la qualité, des compétences et de la probité intellectuelle et morale  des personnes impliquées dans les différentes négociations.

 

>> English translation <<

 

1. What will be an effective and efficient regional governance for Food Security and Nutrition in West Africa?

The biggest problem for governance in Africa can be found in the binding of national economies to capitalism.  The agricultural policies of the community have not escaped it. In general terms, the agricultural projects that we try to set up in our African countries, despite their pharaonic character, often come to nothing because they are the reflection of imported institutional implants and do not have any community character.   They are detached from the realities of our land. We see more and more initiatives aimed at undermining the basis of our family farming system, which those commonly called small farmers have been developing for thousands of years. Therefore, contrary to wrongly accepted ideas, it is well known that 70% of the food that we take each day comes from the labor of these farmers, using only 25% of the world’s arable land. What do we have to conclude?  We have to make the observation that the world agricultural sector is supported by small farmers who paradoxically do not benefit from any subsidy by their respective States. The choice of an agricultural policy which aims, come what may, at the investment of gigantic sums in agro-business does not serve in reality anything other than the selfish mercantile interests of some multinationals to the detriment of the people.

To be effective and efficient, regional governance must discard its vision of westernized agriculture firmly directed towards the unrestrained pursuit of profit, through the export of cash crops.

This will require the redefinition of priorities: to achieve "the objective of Zero Hunger in the community space" the policies should be oriented towards the support and backing of family based agriculture and agro-ecology, for the following reasons:

  • It is these closely linked sectors that provide for the food needs of cities and villages, correcting in this way the problem of availability of food;
  • These sectors favor the local markets and at the same time reduce the problem of food accessibility;
  • These sectors which are not closed to innovations, have the advantage that they profit from the knowledge of farmers;
  • These sectors are more adept at facing  climatic hazards and plant diseases because they rely on genetic diversity;
  • These sectors contribute to the cooling of the they planet because they do not use fossil  fuels and prefer delivering their food products over short distances;
  • Because they have a strong community foundation, these sectors are sustainable.

 

It is therefore time to turn our back on industrial, highly intensive and chemical agriculture whose costly effects continue to be suffered by certain countries: massive rural exodus, environmental pollution, loss of genetic diversity, impoverishment of farmers...

It is necessary to put a stop to the policy of support for multi-faceted industrial agriculture: Green Revolution, AGRA [Alliance for a Green Revolution in Africa], NASAN [New Alliance for Food Security and Nutrition] ... which contain very obvious internal contradictions. NASAN, for example, pretends to contribute to food security and nutrition, while it is essentially concentrated on export crops.

The green revolutions which are characterized by the excessive use of chemicals, by the irrational use of water and supposedly improved seeds, aim at cutting away the rights of the African farmers, through the criminalization of traditional seeds, inciting monopolization of land and bio-piracy.

The agricultural policy will not be effective and efficient unless it refuses to give its endorsement to the present rules of international trade which harbors iniquity with dumping, subsidies to farmers in the North, the APE [European Producer Associations]...

2. What role and which place will have the non-state actors /civil society organizations (level or representation and participation in the decisions) in the institutional system of implementation of the ECOWAP and the agricultural policies and the NFS [National Food Security] in general both at national and regional level?

In all eras, civil society has played and continues to play a residual role in the definition of policies. It has been confined to a counter-balancing role and not as a real force for making proposals. In reality, it is obliged to act according to the lines established by the political and legislative organizations concerning agricultural affairs. It is time to reverse the roles because the civil society which represents the aspirations of communities and grassroots population must henceforth propose solutions for them.

3. Which multi-actors and multi-sector platform should be used to facilitate dialogue and negotiations on policies, programs and investments, accountability, etc.?

Most of the time, representation from within the platforms’ center is at a disadvantage of civil society. It is necessary to create disequilibrium in order for civil society to benefit from strong representation in the negotiations. It is important, above all, to ensure the quality, competences and the intellectual and moral integrity of those involved in the different negotiations.