Bee Life

Bonjour à tous,

Voici la contribution de Bee Life à la question 4. « Sachant que les maladies, les ravageurs, la perte d’habitat, la disparition des colonies et le changement climatique ont de plus en plus d’effets négatifs sur l’apiculture dans le monde entier, que pouvons-nous faire pour créer des conditions durables pour permettre la coexistence entre l’agriculture et l’apiculture et leur relation bénéfique mutuelle ? »

Tout d’abord, qui sommes-nous ? En deux mots, Bee Life est un regroupement d’associations apicoles à travers plusieurs pays d’Europe. Depuis plusieurs années, nous agissons auprès des institutions européennes pour offrir un environnement sain pour les abeilles domestiques et de manière générale pour tous les pollinisateurs.

Pour nous, l’agriculture et l’apiculture sont bien sûr indissociables puisque l’abeille mellifère dépend de l’environnement agricole pour se nourrir et se développer d’une part, et que d’autre part, avec l’ensemble des pollinisateurs, elle est à la base du service de pollinisation et ainsi de notre sécurité alimentaire. . Retrouver une synergie entre le secteur agricole et apicole est donc un défi majeur. Réussir un tel pari, va de pair avec la construction d’une agriculture favorable à la biodiversité répondant aussi à des questions sociales, de santé et économiques.

Le dossier PAC & Pollinisateurs que nous avons préparé en collaboration avec Slow Food, reprend les principes clés pour penser, construire et aboutir à une agriculture plus respectueuse des pollinisateurs. 

Pour Bee Life, les priorités sont les suivantes :

  1. Arrêter la mise sur le marché de pesticides toxiques pour les abeilles

Les pesticides, dont les plus toxiques pour les abeilles à l’heure actuelle – les néonicotinoïdes – causent de nombreux problèmes d’intoxication partout en Europe, aussi bien pour les abeilles domestiques que pour l’ensemble de la faune des milieux agricoles (oiseaux, vers de terre, crustacés terrestres,…). Une des priorités est d’arrêter la commercialisation de tels produits. D’autant plus qu’il a été démontré que l’usage des graines enrobées de néonicotinoïdes n’offre qu’un contrôle partiel des ravageurs, sans parler des ravageurs qui ont développé une résistance aux produits.

Malgré les nombreux avertissements, le processus d’évaluation et de gestion des risques des pesticides laisse, encore aujourd’hui, la place à l’autorisation de substances ayant un haut risque pour les abeilles. En juillet 2015, par exemple, une substance active toxique pour les abeilles, le SULFOXAFLOR, a été autorisée par les décideurs européens malgré les avis défavorables de l’Agence européenne de sécurité des aliments. Ces décisions sont catastrophiques pour la biodiversité.

Par ailleurs, des bases légales et scientifiques plus complètes sont aujourd’hui disponibles au niveau européen. Toutefois, elles ne sont toujours pas appliquées adéquatement. Il est aujourd’hui essentiel que les décideurs politiques les mettent en œuvre et les respectent.

  1. Réduire l’utilisation des pesticides

Au niveau européen, la directive 2009/128/CE pour l’utilisation durable des pesticides vise notamment à réduire l’utilisation de ces derniers. Des plans nationaux doivent ensuite être établis et appliqués.

Aujourd’hui, des mesures « basiques » comme la lecture appropriée de l’étiquette du produit phytosanitaire ou la non-application des produits pendant la floraison ne sont plus suffisantes. Il faut prévoir des changements plus profonds.

Un regard différent sur le territoire sera nécessaire pour réussir à associer les pollinisateurs aux agro-écosytèmes. De nombreuses mesures vont déjà dans ce sens, il s’agit des techniques de l’agriculture biologique, le bio-contrôle des ravageurs[i], des techniques agronomiques comme la rotation des cultures, l’agroforesterie[ii],[iii].  Un appui technique allant dans ce sens devra être développé pour aider les agriculteurs dans leurs démarches. De même, le monde scientifique devra travailler en étroite collaboration avec les agriculteurs afin que les connaissances des uns comme des autres soient valorisées et diffusées à grande échelle.

Ce changement est nécessaire non seulement pour la santé des pollinisateurs mais également pour la santé des agriculteurs, des habitants des espaces ruraux et des consommateurs. Trop nombreuses sont les études et les documentaires qui démontrent les effets toxiques des produits phytosanitaires sur notre santé partout dans le monde.

3) Promouvoir les partenariats agriculteurs et apiculteurs, en utilisant l’abeille comme ‘observateur’ du territoire et du paysage agricole

La présence d’abeilles (domestiques et sauvages) sur un territoire agricole est une assurance de qualité environnementale (eau, sol, air) etd’écosystèmes en équilibre[iv] . Or, ces dernières années les mortalités des colonies dépassent une moyenne de 30%[v] dans certains pays et atteignent les 80% à 90% dans certaines zones rurales. Un dixième des abeilles sauvages sont aussi en voie d’extinction en Europe. Si des données supplémentaires étaient disponibles au moins 50% seraient considérées comme menacées[vi]. Ces mortalités sont des indicateurs du déséquilibre des agroécosystèmes et des cycles naturels.

Comprendre et répondre aux besoins vitaux des abeilles (des ressources florales diversifiées disponibles en quantité qui fleurissent tout au long de l’année et un environnement avec une faible quantité de pesticides ou un faible degré d’exposition), c’est créer un espace agricole de grande qualité environnementale.

De réels partenariats pourraient être instaurés entre agriculteurs, apiculteurs et techniciens afin de construire ensemble des solutions à mettre en place, en tenant compte des besoins de chacun.

Sans « sacrifier » des cultures, il est possible de créer sur des exploitations agricoles des dizaines d’hectares de couverts végétaux d’intérêt mellifère, plusieurs kilomètres de haies et d’alignement agroforestier en promouvant ainsi des synergies pour l’exploitation : autonomie de la ferme (fertilité, énergie, fourrage), réduction des coûts énergétiques de production, amélioration des cycles de l’écosystème, réduction des pesticides, création d’un capital bois et biomasse[vii].

C’est ce type de vision globale des agroécosystèmes qu’il faut promouvoir sur le terrain et que les décideurs politiques et les acteurs du monde agricole (agriculteur, apiculteur, techniciens)devront s’efforcer de mettre en œuvre si nous souhaitons maintenir les abeilles sur nos terres agricoles.

 

[i] Manage insects on your farm : Guide to ecological strategies - http://www.sare.org/Learning-Center/Books/Manage-Insects-on-Your-Farm

[ii] Arbres, Territoire & Pollinisateurs : des paysages agroforestiers pour le maintien des insectes pollinisateurs Arbre & Paysage 32

http://www.arbre-et-paysage32.com/pdf/page08/livret_Arbres_pollinisateursV2.pdf

[iii] Agroforestery Note (2007) Pesticide considérations for native bees in agroforestry - USDA

http://plants.usda.gov/pollinators/Pesticide_Considerations_For_Native_Bees_In_Agroforestry.pdf

[iv] L’abeille, sentinelle de la santé et de l’environnement, indicateur des écosystèmes (2013) Nature et progrès Belgique, Rapport réalisé pour le Service public Santé publique, sécurité de la chaîne alimentaire et environnement.

[v] Epilobee, A pan-European epidemiological study on honeybee colony losses 2012-2014, (EURL)

http://ec.europa.eu/food/animals/live_animals/bees/docs/bee-report_2012_2014_en.pdf

[vii] Arbres, Territoire & Pollinisateurs : des paysages agroforestiers pour le maintien des insectes pollinisateurs – Arbre & Paysage 32

http://www.arbre-et-paysage32.com/pdf/page08/livret_Arbres_pollinisateursV2.pdf