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Quelle politique d’investissement pour la transition agricole de l’Afrique de l’Ouest ?

Contexte

L’importance de l’agriculture pour le développement de l’Afrique en général et de l’Afrique de l’Ouest en particulier, est reconnue depuis des décennies. En témoignent les documents de politique continentale et régionale qui ont toujours souligné cette importance cardinale du secteur agricole pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle, l’emploi, la réduction de la pauvreté et le développement de l’Afrique. Ainsi, le Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA) a été initié dans le cadre du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) et adopté à Maputo (au Mozambique) en 2003. Par dérivation du PDDAA, la Politique agricole régionale de l’Afrique de l’Ouest (ECOWAP) a été élaboré en 2005, avec pour objectif de « … contribuer de manière durable à la satisfaction des besoins alimentaires de la population, au développement économique et social et à la réduction de la pauvreté dans les États membres, ainsi que des inégalités entre les territoires, zones et pays ». Le PDDAA a fixé pour objectifs aux Etats africains de relever la productivité agricole de 6 % par an et de porter les efforts budgétaires consacrés par ces Etats à l’agriculture à au moins 10 % de leur budget.

Malheureusement, les fruits ne tiennent pas encore la promesse des fleurs. La preuve est que près de 33 pour cent de la population d’Afrique subsaharienne, soit environ 200 millions de personnes, sont sous-alimentées, dont 60 pour cent dans des pays en conflit (Kidane et al., 2006). La région reste, dans l’ensemble, fréquemment exposée à la famine et aux crises alimentaires, facilement déclenchées par la moindre sécheresse, inondation, invasion de ravageurs, récession économique ou situations de conflit. L’Afrique subsaharienne est la seule région du monde où l’on prévoit une aggravation du problème de la faim au cours des vingt prochaines années si des mesures radicales ne sont pas prises pour instaurer la paix, améliorer la gouvernance et parvenir au développement économique nécessaire pour inverser la tendance actuelle. Dans le même temps, à ce jour, on peut dire globalement que les gouvernements africains n’ont pas encore réussi à satisfaire les exigences du PDDAA, même si les pays comme le Niger, le Mali, le Sénégal, le Malawi, l’Ethiopie et le Burkina Faso ont pu franchir le seuil de 10 %. Les pays africains ont augmenté en moyenne leurs dépenses d’un taux moyen de 8,5 % par an sur la période 2003-2010, soit de 10,1 milliards de dollars par pays en 2003 à 16,9 milliards en moyenne en 2010. Sur cette période, la part consacrée aux dépenses publiques agricoles pour toute l’Afrique a augmenté de près de 0,39 milliard de dollars en moyenne par pays en 2003 à 0,66 milliard de dollars en 2010 (Benin & Yu, 2013).

Cet état des lieux inspire trois actions principales.

1- Amélioration de la gouvernance régionale pour la Sécurité Alimentaire et la Nutrition en Afrique de l’Ouest

A ce sujet, j’avais publié en 2014 un article sur le blog de la Fondation pour l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde (FARM) ; article accessible en ligne:

http://www.fondation-farm.org/zoe.php?s=blogfarm&w=wt&idt=1851

2- Renforcement des investissements dans l’agriculture, avec une bonne implication des ANE à travers une plateforme opérationnelle

Les défaillances connues dans le respect des engagements et la mise en œuvre des programmes de développement agricoles appellent la nécessité de changer la manière d’agir. A cet effet, il semble plus opportun que les Etats ouest africains prennent désormais des engagements plus sérieux, notamment à travers l’élaboration et le vote de Lois d’orientation agricole (LOA). Celles-ci auront plus de pouvoir de coercition et pour s’imposer aux gouvernants que les simples déclarations et engagements pris à ce jour. Certains pays disposent déjà d’une Loi d’orientation agricole. C’est le cas du Sénégal et du Mali. L’espoir de développement est plus permis dans ces pays. Dans la dynamique de mise en place des LOA, les Organisations de la société civile (OSC) auront un rôle primordial ; celui de plaidoyer et de lobbying pour la mise en route et l’achèvement du processus de mise place des LOA et celui de veille citoyenne pour leur mise en œuvre. Cette veille citoyenne pourrait être appuyée par une plateforme multi-acteurs formelle aux fins d’une bonne coordination des actions et d’une approche holistique de résolution des problèmes qui se posent au secteur agricole ouest africain. Cette plateforme pourrait réunir notamment, les producteurs agricoles, les transformateurs de produits agricoles, les acteurs de la commercialisation des produits agricoles et agroalimentaires, les Partenaires techniques et financiers (PTF) intéressés aux questions agricoles en Afrique de l’Ouest. Cette plateforme pourra entre autres traiter des questions des institutions de financement agricole en Afrique de l’Ouest et de l’accessibilité du Nigeria et du Ghana pour l’intensification du commerce intra-régional en Afrique de l’Ouest.

3- Affectation judicieuse des investissements pour induire et accélérer la transition agricole en Afrique de l’Ouest 

Ce serait une erreur aujourd’hui d’orienter prioritairement les ressources nécessaires au relèvement de la part des dépenses publiques dans l’agriculture vers les tâches administratives du secteur agricole. La priorité doit être que des investissements conséquents soient déployés pour l’aménagement foncier, la construction de pistes de desserte rurale, la recherche agricole et surtout la sécurité sociale des producteurs (assurance récolte, assurance aléas climatiques, assurance santé).

Références bibliographiques

Benin, S. & Yu, B. (2013): Complying the Maputo Declaration Target: Trends in public agricultural expenditures and implications for pursuit of optimal allocation of public agricultural spending. ReSAKSS Annual Trends and Outlook Report 2012. Washington: International Food Policy Research Institute (IFPRI), 96 p.

Kidane, W., Maetz, M. & Dardel, P. (2006) : Sécurité alimentaire et développement agricole en Afrique subsaharienne, Dossier pour l’accroissement des soutiens publics, Rapport principal, Rome : FAO, 127 p.

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What policy of investment for the agricultural transition in West Africa?

Context

The importance of agriculture for the development of Africa in general and for West Africa in particular, has been recognized for decades. Continental and regional policy documents bear witness, which have always emphasized the primary importance of the agricultural sector for food security and nutrition, employment, reduction of poverty and the development of Africa. Thus, the Comprehensive African Agriculture Development Programme (CAADP) was started in the framework of the New Partnership Programme for Africa's Development (NEPAD) and was adopted in Maputo (Mozambique) in 2003. By derivation from CAADP, the Regional Agricultural Policy for West Africa was drawn up in 2005, with the objective: to “contribute in  a sustainable way to meeting the food needs of  the population, to economic and social development, to the reduction of poverty in the Member  States, and thus to reduce existing inequalities  among territories, zones and nations.”  The CAADP has set as objectives for the African States to increase agricultural productivity by 6% per year and to raise the budgetary contribution dedicated by these States to agriculture to at least 10% of their budget. 

Unfortunately, the fruits have not yet borne out the promise of the blossoms. The proof is that nearly 33 percent of the Sub-Saharan African population, that is around 200 million people, are under-fed, of which 60 percent are from countries in conflict  (Kidane et al., 2006). The region remains, as a whole, frequently exposed to famine and other food crises, easily triggered by the least drought, flooding, pest invasion, economic recession or conflict situations. Sub-Saharan Africa is the only region in the world where one anticipates a worsening of the hunger problem in the next twenty years if radical measures are not taken to establish peace, improve governance and achieve the economic development necessary to reverse the present tendency. At the same time, these days, one could say that in general African governments have not yet succeed in satisfying the demands of CAADP, even if countries like Niger, Mali, Senegal, Malawi, Ethiopia and Burkina Faso have managed to cross the 10% threshold. The countries of Africa have increased on average their expenditure at an average rate of 8.5% per year in the 2003-2010 period, that is from10.1 billions of dollars per country in 2003 to 16.9 billion on average in 2010. During this period, the part dedicated to agricultural public expenses for the whole of Africa has increased from nearly 0.39 billion dollars on average per country in 2003 to 0.66 billion dollars in 2010 (Benin & Yu, 2013).

This state of affairs calls for three main actions.

1- Improvement of regional governance for food security and nutrition in West Africa 

On this subject, I have published in 2014 an article on the Foundation for World Agriculture and Rural Life (FARM), blog; the article is accessible on line:

http://www.fondation-farm.org/zoe.php?s=blogfarm&w=wt&idt=1851

2- Reinforcement of investments in agriculture, with a good implication of ANE through an operational platform

The known failures related to engagements and implementation of agricultural development programs calls for a change in the way of operating. To this effect, it seems more opportune that the West African States commit henceforth to more serious engagements, in particular through the drawing up and voting of the Laws for agricultural orientation (LOA). These will have more power of coercion and obligation on governments than the simple declarations and engagements taken up to now. Some countries already have a law for agricultural orientation. This is the case of Senegal and Mali. The hope of development is more nurtured in these countries. In the dynamic of the implementation of the law of agricultural orientation, the civil society organizations will have a primary role; that of pleading and lobbying for the startup and achievement of the process of setting up the law of agricultural orientation and that of citizen watch over its implementation. This citizen-watch could be supported by a formal multi-actor platform with the objective of good co-ordination of actions and a holistic approach to resolving the problems which the West African agricultural sector poses. This platform could bring together in particular, the agricultural producer, the transformers, the traders of agricultural and agro-food products, the technical and financial parteners interested in the agricultural questions of West Africa. This platform could among others, deal with the questions of agricultural finance institutions in West Africa and the accessibility of Nigeria and Ghana for the reinforcement of intra-regional commerce in West Africa.

3- Effective allocation of investments to induce and accelarate agricultural transition in West Africa 

It would be an error today to give priority to the redirection of the resources needed to relieve the contribution of public expenditure in agriculture towards the administrative tasks of the agricultural sector. The priority should be for relevant investments to be deployed for land management, the construction of rural service roads, agricultural research and particularly the social security of producers (harvest insurance, weather hazards insurance and health insurance).

Bibliographic references

Benin, S. & Yu, B. (2013): Complying the Maputo Declaration Target: Trends in public agricultural expenditures and implications for pursuit of optimal allocation of public agricultural spending. ReSAKSS Annual Trends and Outlook Report 2012. Washington: International Food Policy Research Institute (IFPRI), 96 p.

Kidane, W., Maetz, M. & Dardel, P. (2006) : Sécurité alimentaire et développement agricole en Afrique subsaharienne, Dossier pour l’accroissement des soutiens publics, Rapport principal, Rome : FAO, 127 p.