Peste bovine éradiquée, mais pas «affaire classée»

En Éthiopie, le revenu des ménages a grimpé de 38,1 millions d’EUR grâce à la lutte contre la peste bovine et à son éradication.

Points clés

Le virus de la peste bovine a sans doute été la première arme utilisée aux fins de ce qu’on appelle aujourd’hui le «bioterrorisme». La légende raconte que Genghis Khan aurait envoyé du bétail atteint de la maladie dans les troupeaux de ses ennemis pour les priver de leur source de nourriture, facilitant ainsi leur conquête. Plus proche de nous, dans les années 1980, une épidémie a tué des millions de bovins et de ruminants sauvages en Afrique et a anéanti des agriculteurs et des pasteurs dans certaines des régions les plus pauvres de la planète. Aujourd’hui, grâce aux efforts conjugués de la FAO et d’une multitude d’autres organisations internationales et de services vétérinaires nationaux, la peste bovine a disparu de la surface de la terre; elle été officiellement déclarée éradiquée en 2011. L’effort concerté de la communauté internationale pour venir à bout de la peste bovine remonte à plusieurs décennies, et a connu un dénouement fructueux grâce au Programme mondial d’éradication de la peste bovine dirigé par la FAO en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient. Loin de considérer l’éradication de cette maladie comme la conclusion de l’histoire, la FAO y voit au contraire de nouvelles possibilités de lutter contre d’autres maladies animales dévastatrices, grâce aux enseignements tirés de la peste bovine.

Sur le plan épidémiologique, notre planète se trouve dans une ère «post-peste bovine», la maladie ayant été éradiquée. Mais dans une perspective plus large, les institutions qui ont participé à la campagne d’éradication peuvent encore apporter leur contribution à la recherche vétérinaire et à l’amélioration de la gestion des maladies animales.

Les retombées socioéconomiques de l’éradication de la peste bovine ne se font pleinement sentir qu’aujourd’hui. La disparition de la maladie a évité de lourdes pertes à des millions d’éleveurs et a protégé les populations de la faune sauvage de tous les continents, lesquelles, à leur tour, ont contribué à sauvegarder la biodiversité et la résilience des écosystèmes. Le Tchad estime que la disparition de la maladie lui a permis d’augmenter son PIB de trois pour cent. En Éthiopie, le revenu des ménages a grimpé de 38,1 millions d’EUR grâce à la lutte contre la peste bovine et à son éradication. Les pays ont été en mesure d’évaluer leur taux interne de rentabilité, exprimé par un rapport avantages-coûts, qui va de 11 pour cent en Côte d’Ivoire à 118 pour cent au Burkina Faso.

Au total, la FAO estime que rien qu’en Afrique, l’éradication de la peste bovine s’est traduite par des avantages économiques de l’ordre de 920 millions d’USD. Tout ceci montre à quel point il est important de soutenir les programmes qui visent à empêcher le retour de l’agent pathogène de la peste bovine ainsi que ceux qui ont pour objectif une meilleure gestion des maladies et la prévention d’autres pathologies qui nuisent aux animaux d’élevage, à la biodiversité et à la sécurité alimentaire et nutritionnelle partout dans le monde.

La recherche sur la peste bovine peut se poursuivre dans des laboratoires biologiquement sûrs
Bien que la peste bovine ait disparu des champs et des pâturages, des échantillons du virus sont toujours bien en vie dans les dizaines de laboratoires qui ont participé à la campagne de lutte. Les congélateurs de ces laboratoires contiennent encore des échantillons qui ont été utilisés pour diagnostiquer ou étudier la maladie, ou encore pour fabriquer des vaccins.

La FAO travaille aujourd’hui avec ses partenaires afin de déterminer quelle est la meilleure manière de détruire les souches restantes, tout en gardant certaines (qui seraient conservées dans des laboratoires répondant aux normes de biosécurité les plus strictes) pour de nouvelles recherches ou l’élaboration éventuelle de vaccins, le cas échéant.

Ceci exige de travailler en collaboration avec les ministères et les laboratoires dans lesquels des souches sont conservées afin de déterminer si des recherches devraient encore être menées et, si oui, lesquelles. La variole, par exemple, a été éradiquée en 1978, mais les laboratoires ont continué à étudier les souches provenant de différentes régions du monde. Les recherches effectuées pendant l’ère «post-variole» ont permis de mieux comprendre d’autres virus de la même famille. En fait, les résultats des recherches actuelles sur la variole ovine et la variole caprine, qui touchent les moutons, les chèvres et les animaux sauvages, sont comparés à ceux des recherches effectuées sur la variole. Elles pourraient se révéler utiles si des maladies semblables devaient apparaître dans l’avenir.

Parce que la peste bovine ne constitue plus une menace sur le terrain, les jeunes vétérinaires et les agents de santé vétérinaire dans les collectivités, tout comme les agriculteurs et les éleveurs, n’ont jamais vu de véritable cas, et ne sont dès lors pas du tout préparés à une nouvelle épidémie, si celle-ci devait se produire. C’est la raison pour laquelle les vétérinaires ont besoin d’une formation continue pour apprendre à reconnaître les signes de la peste bovine et à lutter contre la maladie; les vaccins et les matériels de diagnostic doivent également être tenus à jour.

Les échantillons de sang contiennent Un trésor d’informations
De nombreux laboratoires dans le monde conservent également des échantillons de sérum sanguin prélevés sur des animaux au cours des opérations de surveillance et de lutte contre la maladie. En raison de l’ampleur de la campagne, ces échantillons ont été recueillis dans des zones extrêmement reculées, auxquelles les chercheurs n’avaient jamais pu accéder auparavant et n’accèderont probablement plus jamais. D’emblée, la FAO a compris que ces échantillons pourraient fournir de précieuses informations lors de futures recherches, et a demandé aux laboratoires de les conserver soigneusement. Ainsi, les laboratoires possèdent aujourd’hui des milliers et des milliers de fioles remplies d’indices qui peuvent être utilisés pour déceler d’autres maladies, comme la fièvre aphteuse ou la fièvre de la Vallée du Rift. Sortir ces fioles des congélateurs et les étudier pourrait constituer la première étape d’une chasse au trésor qui permettrait améliorer les connaissances vétérinaires sur la prévalence des maladies et leur répartition géographique.

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