Burundi: de meilleurs moyens d’existence et une meilleure alimentation grâce à de simples séchoirs à poissons

Grâce à la circulation de l’air que permet le système,le temps de séchage est passé de trois jours à huit heures

Points clés

Des séchoirs surélevés en treillis métallique, recouverts de petits poissons gris argent séchant au soleil, s’étendent sur la rive burundaise du lac Tanganyika près du petit village de pêcheurs de Mvugo. Bien que de conception simple, ces séchoirs ont joué un rôle décisif dans l’amélioration de l’alimentation des populations locales et de l’économie de la région. Avant que ces séchoirs ne soient mis en place dans le cadre d’un projet de la FAO en 2004, les femmes faisaient sécher le poisson Stolothrissa tanganyikae, une variété de type sardine appelée ndagala dans la région, sur le sable. Cette méthode n’était non seulement pas hygiénique, mais elle entraînait par ailleurs de nombreuses pertes après capture du fait de la lenteur du séchage et de l’exposition à divers éléments contaminants sur le sol. Le projet à court terme s’est achevé en 2005, mais la communauté locale a continué d’exploiter ces nouvelles connaissances et a construit toujours plus de séchoirs surélevés, faisant passer la surface consacrée au séchage du poisson le long de la rive de un à cinq hectares. Le prix du poisson séché sur un séchoir atteignant plus du double de celui du poisson séché sur le sable, les revenus des producteurs ont beaucoup augmenté et de nouvelles possibilités d’emploi se sont créées. Par ailleurs, cette nouvelle technique de séchage a permis aux producteurs d’étendre leur marché et de vendre ce poisson nutritif à des consommateurs vivant dans des régions bien plus éloignées.

Ces dernières années, le commerce de poisson transformé depuis la rive orientale du lac Tanganyika, dans le sud du Burundi, a connu un fort développement, sans accroissement de la pression sur les ressources du lac. En fait, la quantité de poissons pêchés dans le lac est restée relativement stable. L’explication: les communautés locales de pêcheurs ont adopté une technique de transformation du poisson extrêmement efficace et peu onéreuse – des séchoirs placés à un mètre du sol – et il est donc inutile d’accroître l’effort de pêche pour compenser des pertes après capture.  

Grâce à la circulation de l’air, le temps de séchage est passé de trois jours à huit heures, ce qui permet aux producteurs de faire sécher plusieurs lots par jour en haute saison. Ce système présente comme autre avantage que le poisson n’est pas en contact avec les insectes, les animaux ou des matières contaminantes se trouvant sur le sol. Il permet par ailleurs aux sécheurs de couvrir le poisson pendant la saison humide et demande beaucoup moins de main-d’œuvre.

Cette technique de séchage améliorée a été mise en place en 2004 dans le cadre d’un projet mené par la FAO sur 18 mois, durant lequel un petit centre pilote a été construit près du village de pêcheurs de Mvugo. Dans ce centre, une formation sur les techniques de séchage a été donnée, les outils ont été présentés et des brochures expliquant comment construire les séchoirs ont été distribuées. Les habitants qui ont suivi la formation ont non seulement adopté les techniques avec enthousiasme, mais ils ont également continué à transmettre leur savoir après la fin du projet. En 2004, quelque 500 femmes, en moyenne, faisaient sécher le poisson sur le sable. Aujourd’hui, environ 2 000 personnes utilisent directement la technique de séchage améliorée au Burundi, soit une augmentation de 300 pour cent. Selon les estimations, plus de 12 000 personnes sont nourries grâce à cette création de revenus.  

Cette meilleure production a également accru les possibilités pour les négociants qui achètent le ndagala séché et le revendent ailleurs dans le pays. Par ailleurs, de petits secteurs ont fait leur apparition pour la fourniture des matériaux et la construction des séchoirs. Les petits locaux construits dans le cadre du projet servent aujourd’hui de centre pilote pour la formation et des services consultatifs; ils sont gérés de manière durable par une organisation locale créée par des pêcheurs. 

Alimentation au niveau national et sécurité sanitaire pour le consommateur
La possibilité d’exporter le poisson séché à l’intérieur du pays contribue aussi à l’alimentation et à la sûreté alimentaire au Burundi. Le séchage sur un séchoir est certainement plus hygiénique que le séchage sur le sable et donne un poisson au goût et à la texture bien plus agréables. Du point de vue de la sûreté alimentaire, le poisson séché sur un séchoir est traité plus rapidement et de façon plus complète que le poisson séché sur le sable, ce qui réduit les risques de contamination et d’autres types de dégradation.  

Mais les bienfaits nutritionnels que le poisson apporte aux populations burundaises sont tout aussi importants. Selon le plan national d’investissement agricole, la carence protéique s’élève à 60 pour cent au Burundi. Du fait du manque d’infrastructures, les consommateurs vivant dans les terres ont peu l’occasion de manger du poisson frais. Mais aujourd’hui, le ndagala, nutritif et riche en protéines, se conserve plus longtemps grâce à la technique de séchage améliorée, ce qui permet de le transporter et de le commercialiser dans les terres.

De nouveaux intervenants dans la transformation
Au lancement du projet, en 2004, presque tous les pêcheurs étaient des hommes qui vendaient leur poisson aux sécheurs, dont 80 pour cent étaient des femmes. Aujourd’hui, le séchage de poisson devenant une activité économique de plus en plus rentable, ces chiffres ont changé et les hommes investissent de plus en plus dans le secteur. On estime que les hommes, qui détiennent les plus grands séchoirs, assurent aujourd’hui 30 à 40 pour cent de l’activité.  

Bien que ces techniques améliorées aient beaucoup contribué à l’économie de la région sans accroître la pression sur les ressources halieutiques, les communautés de pêcheurs reconnaissent que des progrès restent à faire. Il faudrait ainsi, par exemple, créer une caisse mieux conçue pour le stockage des prises, et instaurer des systèmes de microcrédit pour permettre aux femmes de conserver leur position sur le marché du séchage dans ce contexte de concurrence grandissante.  

Comme en témoignent les nombreux séchoirs couvrant les rives du lac, un petit investissement en temps et en matériaux, dans le cadre d’un projet mené par la FAO pendant 18 mois, continue, neuf ans plus tard, de porter ses fruits pour ces villages de pêcheurs burundais.

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