Maroc

Deux (2) femmes. Deux (2) parcours exceptionnels

25/03/2021

Non, elles ne patienteront pas 3 millions d’années.

Non, nous n’attendrons pas la disparition du chromosome Y pour faire régner l’égalité sur cette planète.

Non, les femmes ne méritent pas qu’on leur offre que des fleurs ou des bonbons le 08 mars.

Car le 8 mars, une bonne fois pour toutes, n’est pas la Journée de la Femme, casée entre celle de la vie sauvage et celle du bonheur.

Le 8 mars est la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes.

Cette journée, c’est l’histoire de femmes qui ont fait l’histoire. Cette journée puise ses racines dans la lutte menée par les femmes depuis des siècles pour participer à la société sur un pied d’égalité avec les hommes.

Nous pensons parfois avec raison que les femmes n’ont pas toujours droit au chapitre que ce soit en agriculture ou dans le domaine de recherche.

A ce titre, elles représentent près de 50 % des emplois dans l’agriculture des pays à faible revenu et moins de 15 % du total des propriétaires fonciers.

Les agricultrices gèrent généralement des parcelles de terre plus petites que les hommes et ont un accès plus limité aux informations agricoles, aux services financiers et à d’autres ressources essentielles.

Mais, de nos jours, nous découvrons certaines femmes au parcours exceptionnel qui font la différence, qui inspirent et qui méritent d’être mises en avant.

Dans le cadre de la journée internationale des droits des femmes et sous le leadership de l’ONU Femmes, le bureau de la FAO au Maroc, rend un hommage à la femme dans le secteur agricole, à ses différents apports et à sa contribution au développement en dévoilant le parcours de deux femmes.

Leurs parcours professionnels révèlent des réussites anonymes, des sagas pudiques humblement narrées par leurs héroïnes.

Ces parcours sont celles de Mme Hasnae Harraki qui occupe le poste de Directrice de Recherche à l’INRA de Marrakech ou encore Mme Fatima Guellaoui, qui occupe le poste de Directrice provinciale de l’Agriculture.

De belles histoires qui inspirent le respect.

Nous vous laissons découvrir leur parcours.

 

Dr Hasnaâ Harrak – Directrice de Recherche – INRA Marrakech

Responsable du Laboratoire de Technologie Agro-alimentaire et Qualité (Section : Fruits)

Chargée de l’axe de recherche : « Valorisation technologique et agro-industrie des dattes » du mégaprojet « Palmier dattier » de l’INRA

Chargée de l’axe de recherche : « Valorisation technologique du cactus et ses sous-produits pour usage humain » du mégaprojet « Cactus » de l’INRA

---------------------------------------------------------------

« Pour moi tous les jours devraient être des 8 mars.

Si je suis arrivée où je suis aujourd’hui c’est grâce à des modèles, femmes et hommes, qui ont jalonné ma vie professionnelle comme ma vie personnelle et qui m’ont appris à m’acquitter de mes obligations, de façon minutieuse et engagée.

Cela a commencé au travers de mes études d’ingénierie à l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II à Rabat-Maroc et mes études doctorales au niveau du même Institut en cotutelle avec le centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD) à Montpellier-France où j’ai eu la chance de tomber sur des mentors qui ne cessaient de me dire que les obstacles, j’en rencontrerai forcément dans ma vie, surtout dans le domaine de la recherche où l’environnement professionnel demeure largement patriarcal. L’essentiel c’est d’avoir un esprit ouvert, pour accepter les difficultés comme autant d’occasions de croissance personnelle et professionnelle. Ces mêmes personnes m’ont encouragé à suivre ma vocation qui était de comprendre les problèmes et trouver des solutions.

Prenant conscience des défis majeurs auxquels notre agriculture est confrontée, j’ai très vite compris que mes intérêts futurs se concentreront sur la manière de développer des recherches et des innovations agricoles performantes pour mon pays.

Ma vie professionnelle commence alors dans les années 90, en tant que jeune chercheur au Centre Régional de la Recherche Agronomique de Marrakech affilié à l'Institut National de la Recherche Agronomique (INRA-Maroc), où je suis toujours.

Depuis Janvier 2015, j’étais promue au cadre de Directrice de Recherche. La bienheureuse coïncidence dans l’histoire et c’est que j’achève aujourd’hui, journée de la femme, mes 26 ans au service de la recherche agronomique pour mon pays.

J’ai, après toutes ces années de vie professionnelle, un sentiment de fierté de me voir jouer un rôle dans la société à travers ma contribution à la valorisation post-récolte des produits de terroir marocains. Et c’est ce dont je suis le plus fière.

Mes acquis de recherche sont nombreux et diversifiés. Je citerai la réalisation des études de détermination de la typicité et des qualités nutritionnelle, sensorielle, commerciale et technologique des fruits comme la datte, la figue de Barbarie, la grenade, l’abricot et la noix, la contribution à l’archivage du savoir-faire traditionnel de transformation des dattes détenu par les femmes oasiennes et la valorisation des procédés locaux de production comme ceux de la pâte et du jus traditionnels à base de dattes. J’ai contribué aussi au développement et à la reconnaissance de sept signes distinctifs d’origine et de qualité à travers notamment un label agricole et des indications géographiques des dattes et de la noix.

J’ai vu grandir devant moi plus d’une vingtaine d’organisations professionnelles à majorité féminine dont certaines ont obtenu la reconnaissance de leurs produits de terroir et d’autres ont été primées dans des manifestations nationales et internationales.

Tout récemment, et en reconnaissance à mes réalisations scientifiques, techniques et de développement durant toute ma carrière en matière de la valorisation des dattes, j’ai été distinguée en 2020 par le prestigieux prix « Prix International Khalifa du Palmier dattier et de l’Innovation agricole » dans la catégorie « Personnalité influente dans le domaine du palmier dattier, des dattes et de l’innovation agricole », prix établi par Son Altesse Sheikh Khalifa Bin Zayed Al Nahyan, Président des Emirats Arabes Unis.

Aux femmes qui souhaiteraient s’inspirer de mon parcours professionnel dans la recherche agronomique, qui fort heureusement leur effectif est en croissance, je leur recommanderai :

-        D’aimer ce qu’elles font ou ce qu’elles feront. La recherche est un domaine passionnant qu’on doit aimer pour obtenir de bons résultats sur les plans quantitatifs et qualitatifs.

-        De mener des travaux de recherche innovateurs à impact socio-économique et environnemental pour un développement durable.

-        De valoriser leurs acquis de recherche au profit des communautés scientifique et technique, des organisations professionnelles féminines et des agriculteurs et de l’industrie agro-alimentaire marocaine. »

 

Mme Fatima Guellaoui – Directrice Provinciale de l’Agriculture de Tanger

« Ingénieur Agronome de formation, les différents cours que j’ai suivis durant mon cursus m’ont permis d’affiner très tôt mon choix de métier. C’était tellement passionnant que je me suis rendue compte que je ne voulais pas travailler dans un labo. J’ai toujours voulu être proche de l’humain, par amour des autres et j’ai toujours rêvé de croiser mon métier avec mes valeurs de respect de l’environnement.

Très jeune, j’ai intégré le département de l’agriculture marocain où j’ai occupé plusieurs fonctions commençant par la Direction Provinciale de l’Agriculture de Safi, passant par les services centraux du Ministère durant une dizaine d’années pour revenir aux services extérieurs du Département par ma nomination au poste de Directrice Provinciale de l’Agriculture de Tanger.

Atteindre ce poste en 2015 après 15 ans de carrière, est un bel accomplissement dont je suis très fière. Cette nouvelle étape dans ma vie professionnelle m’a permis de transformer mes objectifs en des projets de développement agricole qui ont vu le jour et d’autres qui sont en cours de mise en place.

Le premier défi auquel j’ai été confronté était de constater la faiblesse ou l’absence du tissu d’acteurs féminins au niveau de la région que je représentais. Mon rôle, avec le concours des confrères, était de reconnaître les agriculteurs (trices) comme de véritables acteurs du développement socio-économique, de les soutenir, de les mobiliser et de les responsabiliser autour d'un projet agricole.

L'enjeu était de taille mais renverser la tendance n’était pas une mince affaire ! Ce travail nécessite le déploiement d'une approche participative et l’instauration d’une gestion axée sur les résultats et la réalisation d’objectifs tracés, mais mes confrères et moi y sommes arrivés.

Et Aujourd’hui, nous continuons à récolter le fruit de nos efforts.

Je suis fière d’avoir contribué à l’appui de la première coopérative féminine au niveau de l’axe Tanger Asilah à travers la construction et l’équipement d’une unité de valorisation du couscous ;

Une autre belle expérience était de créer la première union de coopératives féminines au niveau de Larache à travers la construction et l’équipement d’une unité de valorisation de Plantes Aromatiques et Médicinales.

Fière également d’avoir mis en place les premières unités de valorisation des produits agricoles au niveau de la zone d’action de la Direction ; créé et appuyé plusieursorganisations professionnelles agricoles (OPA) ; et mis en place les 1er projets de développement agricole au niveau de Tanger Assilah ; participé à la mise en place d’une Maison de Terroir qui verra le jour prochainement et qui servira de plateforme commerciale des produits de Terroir et des produits biologiques de la province de Tanger-Asilah.

Ceci avec des retombées importantes en termes de création de l’emploi direct et indirect, de création d’organisations professionnelles agricoles autonomes, d’amélioration des techniques de gestion et de commercialisation et de lutte contre la pauvreté.

Tout ce travail me permet aujourd’hui d’avoir une vision très claire de mes forces, de savoir les exprimer et les mettre en avant, et me permet aussi de connaître les points de vigilance à considérer.

Tout ça pour dire que les femmes sont autant capables que les hommes. Généralement une femme pourrait hésiter à entreprendre, réaliser un rêve d’enfant, faire tout simplement ce dont elle a toujours envie de faire, si elle ne pense pas avoir toutes les chances de son côté. Ce que je peux dire à ces femmes, c’est de tenter. Quand vous tomberez, relevez-vous, enlevez la poussière, puis refaites la même chose. Vous seriez étonnées du résultat quand la gratitude, l’engagement et la rigueur sont là ! »