Plateforme des Connaissances Pastorales

Aller de l’avant grâce à des partenariats multi-acteurs innovants

La collaboration mise en place dans le cadre du projet « Système de gestion de données piloté par les organisations pastorales »


22/04/2020 -

Les organisations pastorales ont tout le potentiel pour gérer des systèmes d'information complexes. Cela a des conséquences incroyables sur l'impact qu'elles peuvent avoir sur la prise de décision. En collectant et en gérant les données par elles-mêmes, elles peuvent contribuer à des politiques mieux ciblées et favorables aux pasteurs en tant que protagonistes majeurs, surmontant ainsi des décennies de politiques et de programmes biaisés qui ne répondent pas efficacement aux besoins des pasteurs.

Le projet « Systèmes de gestion de données piloté par les organisations pastorales » visait à renforcer les capacités des organisations pastorales en matière de collecte et d'analyse de données et de gestion de l'information. Financé par le Fonds international de développement agricole (FIDA), il a été mis en œuvre en Argentine, en Mongolie et au Tchad grâce à un partenariat étroit entre le Centre de connaissances pastorales (PKH) de la FAO, le Centre de coopération internationale pour la recherche agricole recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et trois organisations pastorales : Fundación Gran Chaco (Argentine), le Réseau Billital Maroobé (RBM, Afrique) et la Fédération nationale de groupes d'usagers des pâturages (National Federation of Pasture User Groups – NFPUG, Mongolie).

Le projet, mis en œuvre de 2017 à 2019, a réussi à renforcer les trois organisations pastorales, qui ont été sélectionnées en fonction de leurs compétences techniques préalables et de leur fiabilité, pour servir d'exemple pour une future mise à l'échelle. Ces organisations ont mené de manière autonome deux enquêtes successives auprès des communautés pastorales de leurs pays respectifs, réalisant des milliers d'entretiens avec les ménages. Ce faisant, en plus de montrer leur grand potentiel dans la gestion des données, les organisations ont contribué à révéler la contribution réelle du pastoralisme aux économies nationales : jusqu'à 27% du Produit Intérieur Brut au Tchad, jusqu'à 12% en Mongolie et jusqu'à 1,4% en Argentine.

L'un des aspects les plus innovants et les plus réussis du projet a été la pertinence de l'approche utilisée, grâce au partenariat composite. Cette approche était pertinente et innovante grâce, entre autres, à l'implication proactive des organisations pastorales – implication qui a permis d'acquérir des informations détaillées et nouvelles, généralement inaccessibles aux « outsiders ». Dès le début, la stratégie de collecte des données a été élaborée de manière collective, à partir des trois réunions de lancement qui se sont tenues à N’Djamena, Oulan-Bator et Buenos Aires. Possédant une connaissance approfondie et un vaste réseau dans le domaine, ces organisations ont contribué à développer des questionnaires et des outils bien adaptés et spécifiques au contexte, permettant ainsi de gagner la confiance des ménages et d'obtenir des informations qui sont généralement ignorées ou mal comprises par des enquêteurs « normaux ».

Tout au long du projet, des représentants des organisations pastorales étaient chargés de former leurs pairs, par des systèmes de renforcement des capacités adaptés. En Mongolie, la formation s'est déroulée selon une approche en cascade : le NFPUG a formé les chefs de région, qui à leur tour ont formé les chefs de province, qui ont formé les chefs de département, et ainsi de suite. Au Tchad, les points focaux RBM ont adopté une approche plus centralisée, formant personnellement tous les collecteurs de données à travers plusieurs sessions plénières. Fundación Gran Chaco en Argentine a suivi une approche mixte, formant à la fois des collecteurs de données et d'autres formateurs, selon les circonstances.

Une fois les enquêtes terminées, les trois organisations pastorales ont été impliquées dans la gestion des données, à travers des échanges quotidiens à distance avec le CIRAD et la FAO, pouvant ainsi apprécier l'énorme quantité de travail qu'elles avaient accompli. Ils ont assisté le CIRAD dans l'analyse des données, en vérifiant l'exactitude des informations, en remplissant les champs manquants et en détectant et corrigeant les données aberrantes. D’après leurs témoignages, cela a été un volet du projet très ardu mais gratifiant.

Ainsi, aujourd’hui, les trois organisations disposent d’un noyau de personnes formées à l'approche adoptée et bien connectées les unes aux autres. Cette équipe est composée d'environ 35 personnes en Mongolie, 14 au Tchad et 43 en Argentine. De plus, chaque équipe a un ou deux superviseurs, qui ont été directement et constamment impliqués tout au long du projet, et sont capables de mobiliser les mêmes réseaux dans le cadre d'autres activités.

De plus, les trois organisations ont intensifié leurs relations et leurs échanges d'informations avec des partenaires financiers et techniques, des autorités nationales (ministères de l'élevage et des statistiques), des instituts de recherche et de nombreux autres acteurs du terrain. Dans le cas de la Mongolie, une collaboration très étroite a été établie entre, d’une part, le NFPUG et, d’autre part, le Ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de l’industrie légère et l’Administration des affaires foncières, géodésie et cartographie, qui ont ces derniers  apporté leur soutien en menant des entretiens dans des zones du Pays non couvertes par le travail de la Fédération.

En Argentine, Fundación Gran Chaco a consacré plusieurs mois à une campagne de formation / sensibilisation dans les différentes régions, avec un représentant se déplaçant dans tout le pays, organisant des réunions d'information et formant les personnes intéressées à contribuer au projet. En effet, au début, la mise en œuvre du projet a été entravée par un manque de sensibilisation et de partenariat entre les différentes institutions travaillant sur le pastoralisme, puisqu’en Amérique Latine la notion de « pastoralisme » et la figure de « pasteur » ne sont pas encore ancrées, et les concepts de « paysan » ou « petit exploitant » dominent. Au-delà d’aider Fundación Gran Chaco à mieux comprendre la réalité du terrain, une telle campagne mobile a contribué à créer et / ou à renforcer un très large réseau d'organisations de base dont le travail est directement ou indirectement lié au pastoralisme. Tous ces acteurs ont permis d'obtenir des résultats remarquables dans un contexte difficile.

En ce qui concerne le Tchad, le projet a conduit à une dynamique / partenariat positif impliquant RBM, son antenne nationale (Confédération des Organisations professionnelles des Pasteurs et Acteurs de la Filière Bétail au Tchad, mieux connue sous l’acronyme COPAFIB) et les collecteurs de données. Avant cela, RBM (en tant qu'organisation régionale) avait une présence faible et très récente au Tchad, de sorte qu'il a été obligé d’investir beaucoup d'efforts dans le renforcement de la motivation et des compétences des acteurs de terrain. Plusieurs séances de formation ont été organisées et un soutien continu a été fourni, en personne et par téléphone. Ce partenariat a notamment conduit à créer un désir de revendication de reconnaissance et de droits parmi les représentants des éleveurs concernés. En effet, 10 d'entre eux ont été formés avec succès à la gestion des données et ont appris un métier complémentaire à leur parcours pastoral. Aujourd'hui, ils représentent désormais un « pont » entre leurs communautés, d'un côté, et les décideurs politiques et les organisations internationales, de l'autre.

Ayant acquis une conscience renouvelée, de nouvelles compétences techniques et des données primaires fiables, les organisations pastorales pourront désormais se connecter et dialoguer avec les décideurs, afin de mettre en avant des propositions de politiques appropriées en vue du développement durable du pastoralisme. L’une de ces propositions, par exemple, concernera la création d'un Observatoire du pastoralisme dans chaque région, permettant de suivre et d'évaluer l'état du pastoralisme (sous différents angles, par exemple le genre, la jeunesse, la sécurité alimentaire, les inégalités), ainsi que ses dynamiques et processus en cours. Pour être efficace, il est fondamental que ce processus implique le plus grand réseau de parties prenantes concernées : des réseaux régionaux comme PastorAmericas et Redes Chaco en Amérique latine, des partenaires nationaux comme les antennes-pays de RBM, ainsi que des acteurs gouvernementaux tels que les institutions de gouvernance locales ayant collaboré avec le NFPUG.

Grâce au projet « Systèmes de gestion de données piloté par les organisations pastorales », tous les participants ont tiré des enseignements importants. Le principal est que la mise en place d'un partenariat diversifié peut être difficile – car différents acteurs parlent différentes langues et suivent des modèles et des objectifs différents ; néanmoins, elle peut conduire à des solutions originales et découvertes pionnières, ouvrant ainsi la porte à des changements majeurs de mentalité.