Le projet «Légumineuses & Légumineuses: les agriculteurs gardiens rencontrent les jeunes», réunir des agriculteurs expérimentés et des apprentis agriculteurs

Niché dans la région montagneuse des Abruzzes en Italie, le Parc national du Gran Sasso et Monti della Laga est l’une des zones protégées les plus étendues d’Europe. Avec plus de deux mille espèces de plantes, le parc est également l'une des zones d’Europe abritant le plus de diversité biologique. La variété des paysages crée un environnement climatique-végétal unique, qui offre une remarquable diversité de paysages agricoles qui sont cultivés par les habitants de la région depuis des milliers d'années. Pendant plusieurs décennies, les autorités du parc ont supervisé la production agricole sur les terres, assurant ainsi la protection de la biodiversité agricole tout en produisant une large gamme de produits – notamment des légumineuses comme des lentilles et des haricots.

Les autorités du parc ont récemment lancé un nouveau programme visant à encourager la production de légumineuses en s’appuyant sur les variétés et les savoirs traditionnels des anciennes générations d'agriculteurs. Le programme, «Légumineuses & Légumineuses : les agriculteurs gardiens rencontrent les jeunes» utilisera le réseau du parc en vue d’enseigner aux jeunes apprentis agriculteurs comment cultiver des légumineuses sur les terres protégées. Cet échange de connaissances permettra non seulement aux jeunes agriculteurs de rechercher de nouvelles opportunités d'emploi rural, mais permettra également d'assurer l'avenir de la productivité durable des terres. Nous avons discuté avec Mme Silvia de Paulis, responsable du service agro-sylvo-pastoral du parc, afin d'en apprendre davantage sur le programme et de comprendre comment celui-ci contribuera à la promotion de la biodiversité tout en soutenant l'économie rurale.

1. Quels sont les objectifs généraux du projet?

Protéger la biodiversité agricole est une nécessité pour notre parc, mais cela permet également de relancer l'économie rurale. La biodiversité agricole a permis pendant des générations d'assurer la survie de populations vivant dans des zones marginales et rurales. Malheureusement, ces dernières années, nous avons assisté à une migration progressive des jeunes vers les zones urbaines.

Le projet «Légumineuses & Légumineuses : les agriculteurs gardiens rencontrent les jeunes», vise à renverser cette tendance en favorisant les échanges et la transition entre ceux qui détiennent les connaissances et les compétences agricoles («agriculteurs gardiens») et les jeunes qui veulent apprendre et mettre en pratique leurs nouvelles connaissances.

Fidèles au slogan de l'Année internationale des légumineuses «des graines pour nourrir l’avenir», les autorités du parc veulent mettre l’accent sur ces cultures importantes et précieuses.

Ce projet permet aux agriculteurs âgés, qui ont conservé un grand nombre de différentes variétés de semences, de communiquer leur passion et leur clairvoyance. Il constitue également une alternative pour les jeunes qui se lancent dans le monde de la production agricole de qualité où les débouchés professionnels sont rares.

Les autorités du parc souhaitent donc instaurer des conditions favorables visant à accroître la culture des légumineuses en impliquant des jeunes. Ces nouveaux agriculteurs seront pris en charge par les agriculteurs appartenant au réseau des agriculteurs gardiens du parc, en vue d’amorcer un cercle vertueux d’expansion agricole et culturelle, qui devrait avoir des répercussions positives en termes de protection de l'environnement et de préservation de l'économie locale.

Dans le projet «Légumineuses & Légumineuses» il ne s’agit pas seulement de semer des légumineuses, mais aussi des compétences, des traditions et de la confiance, avec l'espoir de rassembler les connaissances de nos prédécesseurs et de les transmettre aux générations futures.

2. Pourquoi avez-vous élaboré le modèle de mentorat? Quels sont les avantages d’associer des jeunes à des agriculteurs plus âgés?

Le principal objectif est sans aucun doute d'impliquer autant de jeunes et de nouveaux agriculteurs que possible dans le processus d'atténuation lié aux contraintes imposées par la conservation des aires protégées. Nous voulons en même temps remédier au problème du chômage des jeunes en leur donnant un point de départ, l'occasion d'acquérir de l'expérience et d’apprendre sur le terrain. Il est important de mettre en place un véritable réseau d'échange de connaissances, de relations et d’opportunités entre les différentes générations, tout en établissant un réseau plus vaste d'agriculteurs qui deviendront des intendants de la terre pouvant tous contribuer à la gestion du territoire protégé.

Depuis plusieurs années, les autorités du parc ont lancé des processus vertueux visant à identifier et sauvegarder les ressources génétiques autochtones protégées, qui étaient cultivées par les civilisations anciennes. Un outil opérationnel a été identifié par le réseau des agriculteurs gardiens pour les variétés menacées d'extinction. Les anciens cultivars sont le résultat de la sélection faite à la fois par l'homme et par la nature au fil du temps. Ils ont évolué dans des formes différentes et avec des caractéristiques génétiques qui permettent aux plantes de résister et de s'adapter au changement climatique.

Dans un monde où le climat change rapidement, il est facile de comprendre pourquoi ces cultivars constituent un atout précieux pour protéger l'avenir de l'humanité.

Bien souvent, nous revenons au concept du retour des jeunes vers l’agriculture, d'autant plus que nous assistons à une augmentation du nombre de personnes travaillant dans l’agriculture, et en particulier des personnes de moins de 35 ans. Cette tendance, du moins en partie, est due au fait qu’en temps de crise, traditionnellement, l'agriculture absorbe la main-d'œuvre provenant des autres secteurs. Mais il est également vrai que de plus en plus de jeunes gens reviennent à l'agriculture parce qu’ils souhaitent un mode de vie simple, et que c’est une bonne façon pour eux de progresser sur le plan professionnel.

3. Pourquoi ou comment les connaissances relatives à la culture des légumineuses ont-elles été perdues?

Le manque de connaissances sur la culture des légumineuses comporte des risques. Par exemple, de nombreuses variétés de légumes secs, en particulier les haricots, sont des variétés grimpantes qui ont besoin d’un support. Ces supports sont traditionnellement préparés bien à l'avance, à l'aide de roseaux ou de piquets en bois obtenus grâce à l'élagage des rangées d'arbres qui séparent les champs, selon la région. La culture des légumineuses est également essentielle d’un point de vue agronomique, puisque ces cultures relèvent de la rotation des cultures tous les quatre ou cinq ans avec des céréales et des pommes de terre, ce qui est typique de cette région. En effet, leur système radiculaire est en mesure de régénérer et de rétablir la teneur en azote dans le sol. Ces connaissances, aujourd’hui scientifiquement prouvées, étaient auparavant le simple résultat de l'observation empirique de la nature par les agriculteurs. Ces connaissances non écrites doivent être transmises oralement entre agriculteurs au fil des générations.

4. Quelles variétés de légumineuses cultiverez-vous?

Il y a eu de nombreuses initiatives (visant à recenser, retrouver et préserver les variétés locales) auxquelles des agriculteurs ont participé, des agriculteurs qui sont devenus par la suite les gardiens de ces variétés. Parmi les légumineuses provenant du réseau des agriculteurs gardiens, celles qui seront prises en compte dans le projet «Légumineuses & Légumineuses» sont: 

  • Pois chiche (Cicer arietinum L.). Écotypes locaux: cece (pois chiche) tondino, cece principe, cece rosso, cece pizzuto.
  • Gesse commune (Lathyrus sativus L.), gesse liche (Lathyrus cicera L.).
  • Haricots (Phaseolus vulgaris L.). Écotypes locaux: fagiolo (haricot) ciavattone, fagiolo gialletto, fagiolo nero, fagiolo a olio, fagiolo a pisello, fagiolo tondino, fagiolina, fagiolo cannellino, fagiolo bianco e rosso, fagiolo faccette nere, fagiolo della regina, fagiolo mughetto, fagiolo a uovo di quaglia, fagiolo quarantana, fagiolo settembrino.
  • Fèves (Vicia faba L.). Écotype local: Fava (fève) cottara appelée aussi Mezza fava.
  • Lentilles (Lens Culinaris Medicus). Écotypes locaux: lenticchie (lentilles) Santo Stefano di Sessanio, lenticchie nere.
  • Pois Robiglio (Pisum sativum L. arvense (L.) (Gams.). 

5. Comment les légumineuses récoltées seront-elles utilisées? (Consommées par les agriculteurs? Vendues sur le marché?)

La récolte sera utilisée pour la consommation locale ou destinée à la vente directe sur les marchés locaux. Certaines des graines récoltées seront stockées pour la prochaine période des semis. Le projet exige qu'une partie des semences reçues soit «rendues» par les agriculteurs gardiens, comme cela est dicté par les pratiques agricoles traditionnelles, lors de l’événement «SeminLibertà», un échange de semences annuel promu par les autorités du parc. Ce libre échange de semences est essentiel et stratégique, étant donné que «la biodiversité agricole est utilisée ou perdue.»

6. Pourquoi est-il important pour le parc de protéger la biodiversité et comment ce projet peut-il y contribuer?

La protection et le préservation de la biodiversité agricole et des animaux d’élevage dans une zone protégée densément peuplée est un devoir et une nécessité, mais aussi l’occasion de relancer l'économie rurale qui pendant des générations a assuré la survie des populations vivant dans des zones marginalisées et rurales. Voilà pourquoi depuis des années, les autorités du parc ont mené des initiatives et des projets visant à favoriser, à améliorer et à revitaliser le secteur agricole et de l'élevage. Nous nous concentrons sur les techniques et les méthodes respectueuses de l'environnement, de l'appel et des rythmes de la nature, tout en générant de nouvelles opportunités économiques et des emplois. 

L'abandon progressif des terres dans les régions montagneuses a non seulement provoqué une perte des variétés locales, mais également et surtout une perte des savoirs et des compétences. Par conséquent, préserver cette biodiversité signifie non seulement préserver ces cultures, mais également renforcer les connaissances acquises en matière de gestion durable des terres et des paysages.

7. Qui peut déposer une demande de participation au programme?

Le programme «Légumineuses & Légumineuses» est ouvert aux résidents des municipalités du parc (des Abruzzes, du Latium et des Marches) âgés de 18 à 44 ans, qui ne sont pas déjà inscrits dans le registre des entreprises dans la section des agriculteurs. Ils ne doivent avoir aucune relation conjugale ou lien de parenté avec l'un des agriculteurs gardiens.

Pour ce qui est de la sélection des jeunes, les autorités du parc donneront la priorité aux personnes jeunes disposant des terres nécessaires pour la culture (propriété, location et prêt).

Pour les postes disponibles en 2016, nous sélectionnerons au maximum 27 jeunes qui travailleront d’arrache pied pour cultiver des légumineuses sur au moins une «coppa» (unité de mesure locale, qui équivaut à environ 622 mètres carrés) de terre ainsi que plusieurs agriculteurs qui joueront le rôle de formateur. Ces derniers seront issus du réseau des agriculteurs gardiens du parc. Ces agriculteurs sont déjà dotés d’une expérience pertinente en matière de culture de légumineuses qu’ils peuvent par conséquent communiquer et transmettre aux jeunes agriculteurs.

26/04/2016