Gestion Durable des Forêts (GDF) Boîte à outils

La foresterie participative

Ce module est destiné aux décideurs et aux aménagistes travaillant avec les communautés, les groupes d’utilisateurs des forêts, les petits propriétaires forestiers, et les autres acteurs intéressés par la foresterie participative. Le module met en évidence les questions clés à prendre en compte lors de l’introduction ou la mise en œuvre de la foresterie participative, et fournit des liens vers les outils et les cas pertinents.

Lorsque les conditions propices sont réunies, la plupart des populations vivant dans ou à proximité des forêts aspirent  à gérer ces forêts de façon durable. Cette section présente les principes clés et les conditions propices nécessaires à la mise en place d’une FP efficace. 

Droits fonciers et d’utilisation

Droits fonciers et d’utilisation

Les arbres prennent du temps à pousser et à atteindre un âge exploitable. De fortes mesures d’incitations sont donc nécessaires pour encourager les populations locales à assumer la protection et la gestion des forêts en plus de leur travail quotidien. D’autre part, si les forêts, que les populations locales gèrent, devaient être octroyées  arbitrairement à d’autres utilisateurs, ou si ces populations perdaient le droit d’utiliser de façon durable ces forêts, il est très probable qu’elles ne seraient pas prêtes à investir leur temps et les ressources importantes nécessaires à leur gestion. De ce fait, le manque de clarté quant aux droits fonciers peut entraîner la dégradation rapide des forêts.

Donc, pour que la FP soit durable, les communautés locales doivent détenir des droits fonciers solides et à long terme sur les forêts qu’elles gèrent.  Dans certains pays, les droits fonciers sont garantis par des dispositions constitutionnelles ou par un transfert de propriété.  L’approche relative aux dispositions sur la sécurité foncière doit être, entre autres, adaptée aux conditions locales et aux cadres juridiques nationaux.   

La propriété foncière joue un rôle très important quant à l’égalité des sexes et, au sein des questions foncières, ce sujet est incontournable. Bien que la situation varie d’une région à l’autre, les femmes sont généralement désavantagées et sont confrontées à des obstacles en ce qui concerne les droits fonciers et d’utilisation des terres. Il est donc essentiel que les décideurs et les politiques, au niveau national et local, associent les femmes de la communauté aux discussions sur les politiques ainsi qu’à leur élaboration.

Droits d’exclusion et capacités

Droits d’exclusion et capacités

Il peut être difficile d’empêcher les bûcherons et les chasseurs illégaux ainsi que d’autres intrus d’exploiter les forêts communautaires, surtout lorsque ces forêts sont facilement accessibles.  C’est pourquoi il est important que les communautés et les petits propriétaires détiennent des droits d’exclusion sur leurs forêts, et qu’ils aient les capacités et les pouvoirs pour appliquer ces droits avec le soutien de l’état.  

Le droit d’exclusion doit s’appliquer à l’état lui-même. Les efforts participatifs de protection et de gestion seraient inutiles si l’état pouvait délivrer des licences d’exploitation à des tiers sans le consentement de la communauté.

Même si le droit d’exclusion est important pour la foresterie durable, le risque existe que l’octroi de ce droit à une communauté ait pour effet de diminuer les droits d’utilisation des autres utilisateurs coutumiers (par ex. les éleveurs nomades). Par conséquent, et lorsque cela est approprié, les stratégies de FP doivent inclure des dispositions pour les populations qui ne vivent pas dans une zone de façon permanente mais qui pourraient être lésées.

Capacités locales des institutions

Capacités locales des institutions

Des institutions participatives locales qui soient démocratiques, transparentes et respectées par les membres de la communauté constituent la condition primordiale d’une bonne FP collaborative.  Les communautés sont hétérogènes: ainsi les intérêts des membres de la communauté et leurs prétentions à l’égard des ressources forestières peuvent être très différents selon la richesse, le pouvoir, le milieu, le sexe, et l’identité ethnique. Les représentants élus des institutions participatives doivent prendre au sérieux les préoccupations de tous les membres, et devraient toujours prendre les décisions dans l’intérêt de la communauté et de ses membres, obtenant ainsi leur confiance et leur engagement. Étant donné que les femmes et les hommes ne connaissent pas les mêmes difficultés et jouent des rôles différents dans leurs communautés et dans la gestion des forêts, il est indispensable de constituer une masse importante de représentantes féminines dans les conseils des forêts au niveau local, régional et national afin de défendre les points de vue des femmes. Cela permettra de comprendre les préoccupations des femmes et d’élaborer des politiques et des décisions attentives à l’équité hommes-femmes. Il faudra donc déployer des efforts équitables et, dans certains cas, réserver des quotas ou des postes pour les femmes afin d’harmoniser l’équité entre les sexes. Les rôles et les responsabilités des membres et des chefs de la communauté doivent être clairs pour tous, et les sanctions pour ceux qui enfreignent les règles ou ne respectent pas les accords passés doivent être appliquées tel que prévu.  Les communautés peuvent avoir besoin de développer des règlements ou des directives pour définir comment seront distribués les profits de leurs entreprises forestières et comment seront assurés les besoins en main d’œuvre et autres ressources.  Des règles claires et bien élaborées permettront d’éviter des conflits. 

Équité

Équité

Reposant sur le principe que tous les utilisateurs de la forêt et les groupes intéressés devraient participer aux activités de planification, de mise en œuvre et de surveillance, la FP est une excellente occasion pour les femmes et les autres groupes sociaux marginalisés de s’exprimer.  Dans de nombreux pays, en revanche, il faudra mettre en place des dispositifs institutionnels particuliers pour assurer la participation des femmes et d’autres groupes marginalisés, tels que l’accès explicite aux parts dans le capital des entreprises ou encore l’adhésion préférentielle aux comités exécutifs des groupes d’utilisateurs des forêts. Sans ces mesures proactives, les femmes et les autres groupes marginalisés se heurteront vraisemblablement à des obstacles entravant leur pleine participation aux processus décisionnels, les bénéfices seront peut-être inégalement répartis, et leurs préoccupations spécifiques (concernant les contraintes de temps ou la nécessité d’avoir accès à des arbres vivriers et fourragers en quantité suffisante) seront peut-être ignorées. Une approche soucieuse de l’égalité entre les sexes devrait être appliquée aux activités de sensibilisation, de planification et de mise en œuvre de la FP.

Dans les pays où les femmes sont traditionnellement exclues des entreprises forestières, l’organisation des femmes en associations peut constituer un moyen efficace d’améliorer leur accès aux marchés, à la formation et aux crédits, ainsi que leur pouvoir de négociation. 

Participation et communication

Participation et communication

Le processus de participation à la FP devrait habiliter les membres de la communauté et les petits propriétaires à délimiter leurs forêts; à évaluer la condition des forêts, des ressources et des possibilités de développement; à planifier et exécuter les activités de gestion; à démarrer des entreprises forestières; à partager les bénéfices; et à suivre et évaluer leurs réalisations. Il existe plusieurs moyens d’organiser la FP à l’échelle locale mais, en général, la forme collaborative de FP implique une adhésion à part entière et une structure décisionnelle démocratique (par ex. une assemblée générale de la communauté).

La participation ne signifie pas seulement que les membres doivent être présents aux réunions et qu’ils s’intéressent aux activités. Cela signifie aussi que les membres prennent part à des processus de dialogue, d’interaction, de réflexion et de questionnement critiques, qui, ensemble, facilitent la solution de problèmes et la prise de décisions.

Tel est tout particulièrement le cas en matière de participation des femmes: malgré leurs connaissances précieuses, les femmes sont souvent exclues des instances de haut-niveau et du dialogue politique. Cela mène à un gaspillage de compétences précieuses; c’est pourquoi il est recommandé d’assurer la participation équitable des hommes et des femmes dans la FP.

L’implication active de toutes les personnes qui ont des intérêts dans la FP est essentielle dans toutes les phases de la FP.  La non prise en compte des préoccupations d’un groupe donné parmi les parties prenantes, peut très rapidement aboutir à des conflits et, finalement, à l’échec de la FP.  Il est crucial de mettre au point une stratégie de communication efficace qui utilise les réseaux locaux de communication, appropriés et clairement définis, afin de faciliter l’échange d’informations et d’expériences entre les membres de la communauté, les petits propriétaires et d’autres parties prenantes, et d’encourager leur participation active.  Il faudra cependant veiller à ce que les informations soient pertinentes et communiquées dans des formes accessibles et facilement compréhensibles par tous les partenaires.

Pour plus d’information sur la participation, voir le module Approches et outils participatifs de la GDF.

Développement des capacités selon un processus facilité par étapes

Développement des capacités selon un processus facilité par étapes

Dans la FP collaborative, les membres de la communauté s’occupent des analyses, de la planification, de la gestion et des prises de décisions. Ils connaissent leurs forêts et leurs terres, ainsi que leurs besoins personnels et leurs capacités, et sont donc les mieux placés pour décider des modes de gestion. Néanmoins, le processus devra probablement recevoir un appui professionnel pour aider les communautés à s’organiser d’une manière démocratique et structurée, qui permette leur pleine participation à la prise de décision, ainsi que l’acquisition des compétences méthodologiques et techniques nécessaires pour gérer durablement les ressources forestières.    

Dans de nombreux cas, une démarche progressive sera la plus efficace. Un processus progressif contribue à établir la confiance, la confidence et un sentiment d’appropriation entre les parties prenantes, et permet aux administrateurs, aux exécuteurs, aux communautés et aux petits propriétaires d’acquérir les compétences dont ils ont besoin pour mener à bien leurs nouvelles tâches. 

À mesure que leurs rôles passent du maintien de l’ordre à la facilitation, les organismes forestiers publics devront développer de nouvelles capacités et équiper leurs effectifs des compétences et des connaissances nécessaires pour intéresser et appuyer les communautés et les petits exploitants; il en va de même pour les prestataires de services dans le secteur privé, la société civile, les universités et la recherche.   Parmi les compétences et les capacités nécessaires, citons la gestion des conflits, les techniques de participation, la planification opérationnelle, la facilitation de réunions, l’analyse et l’accès des marchés, l’évaluation et le suivi participatifs, ainsi que la gestion du temps. 

En planifiant les activités de renforcement des capacités, il faudrait prendre en compte les deux éléments importants suivants: premièrement, les femmes devraient avoir les mêmes droits et les mêmes possibilités que les hommes, et devraient donc disposer des compétences et expertises nécessaires sans rencontrer d’obstacles; deuxièmement, les programmes de renforcement des capacités doivent être sensibles à l’équité entre les sexes et accorder la même attention aux préoccupations des femmes et des hommes.

Méthodologie adaptée et simplifiée

Méthodologie adaptée et simplifiée

Les méthodologies et les technologies utilisées dans la FP devraient être simples, peu coûteuses, faciles à apprendre, adaptables aux besoins locaux, et disponibles. La méthodologie participative permet aux populations locales de produire pour leurs forêts et à un coût très faible, des plans de gestion intégrés qui reflètent leurs besoins, leurs ressources et leurs capacités. Les gouvernements devraient s’assurer que les plans de gestion forestière simples, élaborés de manière participative, soient acceptés et approuvés en tant que documents ayant valeur juridique dans le cadre des opérations de FP. 

 

 

Mesures d’incitation pour la FP

Mesures d’incitation pour la FP

Dans les cas où la terre est peu abondante ou bien lorsque la population est très pauvre, les simples droits d’exclusion seront peut-être insuffisants pour mettre en place une FP durable. Pour être rentable à long terme, la FP doit impérativement contribuer de manière significative aux moyens d’existence en générant des revenus et en apportant des avantages sociaux aux individus et aux communautés locales. Le revenu net tiré des entreprises forestières détenues par communautés locales doit être supérieur ou égal au revenu généré par les pratiques destructives existantes.   

Plusieurs conditions, énoncées plus bas, peuvent favoriser ou entraver la génération de revenus à travers la FP.

Les ressources naturelles

Les forêts gérées par des communautés ou des petits propriétaires peuvent grandement contribuer aux moyens d’existence et à la génération de revenus si elles produisent suffisamment de produits et de services (bois de feu, bois d’œuvre, PFNL, stockage du carbone) de façon durable.  Aussi, les ressources d’une forêt doivent être soigneusement évaluées au moment de déterminer les limites des forêts.  Les forêts dévastées par les incendies ou dégradées par l’exploitation non durable, ou bien qui manquent de ressources exploitables, ne génèreront probablement pas de rendements suffisants à court et moyen terme.    

Dans les cas où la FP est établie dans des aires protégées, des modes non-extractifs pouvant générer des bénéfices économiques, comme l’écotourisme et les paiements directs pour la conservation et le stockage du carbone, devraient être étudiés; ces solutions peuvent aussi être appliquées dans les forêts soumises à une exploitation durable.

Le stockage du carbone peut attirer des paiements financiers grâce aux mécanismes du REDD+. Il existe toutefois le risque de voir les élites tirer parti du REDD+ au détriment des populations pauvres tributaires des forêts et de leurs moyens d’existence – en exploitant, par exemple, les droits fonciers flous, les gains en valeur des terres causés par le REDD+, et les exigences de légalités qui favorisent les grandes sociétés forestières par rapport aux petites et moyennes entreprises.

Cadre réglementaire

Un cadre réglementaire comprend les dispositifs formels – comme les politiques, les lois, les décrets et les règlements pour appliquer ces lois, ainsi que les directives opérationnelles – qui définissent comment et à quelles fins les forêts sont utilisées, et qui a le mandat pour exécuter des fonctions particulières.  Dans plusieurs pays, certaines de ces composantes sont absentes des cadres réglementaires, comme par exemple une politique formelle, ou bien ces cadres reposent sur des décrets gouvernementaux qui ne disposent pas de règles et de règlements d’accompagnement pour définir comment appliquer les décrets.  En général, plus le cadre réglementaire est complet, moins il y aura de marge pour le pouvoir discrétionnaire d’une bureaucratie et plus les possibilités d’ouverture, de transparence et de fiabilité seront grandes.    

Entreprenariat et capacités humaines

Parmi les facteurs qui entravent le développement des entreprises forestières détenues par les communautés locales, nous trouvons: le manque d’accès aux marchés; le manque de compréhension dans les communautés quant au potentiel de génération de revenus des entreprises forestières et arboricoles; et la concurrence avec des intérêts économiques puissants.  Des interventions seront peut-être nécessaires pour sensibiliser la communauté à l’éventuelle valeur commerciale des produits et des services forestiers de même que pour renforcer les capacités financières et d’entreprise à travers la formation et l’accès aux services de vulgarisation.   Les communautés et les petits propriétaires devraient être habilités à concevoir et à développer leurs propres entreprises selon leurs besoins, leurs intérêts et leurs ressources afin qu’ils s’approprient pleinement le processus de création de l’entreprise et assurent sa durabilité.   

Parmi les conditions propices au développement d’entreprises fondées sur la FP, nous trouvons: les exonérations fiscales pendant la phase de démarrage; l’accès simplifié aux capitaux financiers ou aux programmes de financement de l’état; des procédures d’enregistrement simples; et l’accès aux infrastructures pour déplacer, entreposer et commercialiser les produits. 

Accès aux financements et aux marchés

La disponibilité de ressources financières est cruciale pour l’implication des communautés locales dans la gestion forestière, pour le renforcement des capacités, et pour l’établissement ou le fonctionnement des entreprises forestières. L’instauration de liens avec les sources de micro-financement, ou la création de groupes d’épargne et de crédit pour les micro-entreprises, peuvent être utiles lorsqu’il s’agit de couvrir les coûts de La FP a de plus grandes chances d’aboutir si les producteurs jouissent d’un accès privilégié à des marchés fiables et équitables pour leurs produits et services forestiers.  La transmission d’informations commerciales ponctuelles et précises peut aider les populations locales à créer des entreprises forestières capables de générer des bénéfices durables.  En outre, la transformation à valeur ajoutée augmente la qualité marchande et les rendements des produits, même sur les marchés éloignés.  Enfin,une base de données nationale sur les entreprises et les produits forestiers permettra sans doute d’appuyer le développement des entreprises forestières détenues par les communautés locales.