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7. LA POLLUTION DES EAUX AU CAMEROUN

Le territoire du Cameroun se divise en cinq bassins hydrographiques: Tchad, Niger, Congo, Sanaga et côte Atlantique. La rivière Sanaga, qui s'écoule du centre vers l'océan, constitue l'axe hydrographique du pays. Plusieurs rivières plus courtes se déversent directement dans l'océan: Nyong, Wouri, Mungo et Ntem. Dans le nord du pays, les rivières ont un débit extrêmement variable, mais généralement faible; les plus importantes sont la Bénoué et le Logone.

7.1 Charges théoriques en polluants

7.1.1 Eaux résiduaires

Le Cameroun compte 9,2 millions d'habitats, d'après une estimation de 1983, qui ont tendance à se rassembler dans les villes. A l'heure actuelle, il n'existe pratiquement pas de réseaux de tout-à-l'égout, sauf de rares exceptions dans les zones nouvellement construites de Yaoundé et de Douala. Ces deux villes, qui comptent environ 0,5 et 0,6 million d'habitants, produisent des eaux résiduaires dont la charge en DBO est de 11 700 et 14 000 tonnes par an respectivement. A Douala, l'estuaire de la Wouri est considéré comme une zone polluée, mais on ne dispose pas des données quantitatives à ce sujet.

A Yaoundé on a commencé une étude de la rivière Mfundi, de ses affluents (Abiergué et Ekozoa) et du lac artificiel qui se trouve au centre de la ville. On dispose des premiers résultats de surveillance biologique et d'un certain nombre d'analyses physico-chimiques de base. Le problème de la pollution est à l'étude et des projets d'assainissement ont été lancés par le Ministère des mines et de l'énergie (Cameroun, 1980). A Yaoundé, quelques stations d'épuration sont déjà en service (par exemple, Palais des Congrès). Des projets de tout-à-l'égout ont également été entrepris pour Limbé et Garoua. Cependant, malgré les conditions d'hygiène primitives, les analyses bactériologiques conduites par le Service de l'Hygiène et de l'assainissement du Ministère de la santé publique ont démontré que les cas de contamination des eaux potables par E. coli étaient très rares.

7.1.2 Effluents industriels

Au Cameroun comme dans la plupart des pays africains, il existe un certain nombre d'industries, telles que brasseries, sucreries, usines de transformation et de traitement des produits alimentaires, tanneries, qui évacuent de grandes quantités de déchets organiques. A Mbandjok et Nkoteng, des sucreries évacuent leurs déchets directement dans la Sanaga, sans traitement aucun. La tannerie de Ngaounderé et les brasseries de Bafussam, de Yaoundé et de Douala déversent également leurs déchets directement dans les rivières. Par contre, exemple concret d'une prise de conscience de la nécessité de lutter contre la pollution, la manufacture des tabacs et cigarettes de Yaoundé possède de bonnes installations d'épuration, tant pour l'air que pour les eaux résiduaires. Une autre exemple est celui de la grande usine de pâte à papier d'Edéa qui a une DBO théorique de 25 000 tonnes par jour et qui applique un traitement secondaire (biologique). Il est prévu de construire sur la Sanaga un barrage qui assurera une dilution suffisante des émissions de résidus pendant la saison sèche. D'autre part, une enquête sera conduite, en coopération avec les services chargés du contrôle de la pollution des eaux, dans le but d'optimiser les traitements d'épuration et de vérifier qu'il n'existe pas d'effets indésirables.

A Edéa, la seconde industrie par ordre d'importance en ce qui concerne la charge théorique en polluants, est une fonderie d'aluminium qui évacue 500 tonnes par an de solides en suspension et 333 tonnes par an de fluorure, dans l'air essentiellement. A Douala, la DBO théorique des industries n'est pas élevée comparée à la charge urbaine (2 000 tonnes/an et 14 000 tonnes/an respectivement). Toutefois, dans la plupart des cas, les industries évacuent leurs effluents sans traitement aucun (brasseries, industries chimiques, abattoirs, usines de blanchiment et d'impression des étoffes, usines de peintures et vernis, etc.).

A Limbé, une papeterie et une usine d'huile de palme évacuent leurs effluents directement dans la mer; une grande raffinerie va bientôt entrer en service et déversera ses effluents directement dans les eaux côtières.

Dans la plupart des cas, les charges théoriques émises par des industries ont été calculées et sont mentionnées dans un document de l'ONUDI/PNUE (1982); sinon, elles ont été calculées d'après le nombre de personnes employées et le type de production. A l'heure actuelle, il n'existe pas de résultats d'analyses concernant les rivières ou estuaires de l'ensemble du Cameroun. Il faut dire toutefois que le Ministère des mines et de l'énergie a lancé un projet en vue d'évaluer les déversements réels; ce projet a été entrepris au titre de la loi 76/372 qui réglemente les industries dont les activités peuvent être dangereuses, poser des problèmes sanitaires ou entraîner d'autres nuisances.

Un catalogue détailé de toutes les activités, classées en fonction de leur danger potentiel, a déjà été publié pour le département du Wouri, où se trouve la ville de Douala, et le département de la Sanaga maritime, où est située Edéa.

7.1.3 Pesticides

Les cultures pour lesquelles les pesticides sont abondamment utilisés sont le cacao et le café. On emploie encore le lindane sur les cultures de cacaoyers (2 litres/hectare) mais ce produit est de plus en plus souvent remplacé par des dérivés organo-phosphatés hétérocycliques comme le diazinon (0,5 litre/hectare).

Sur le caféier, on utilisait autrefois l'endosulfan, maintenant remplacé par le fénitrothion. Les plantations, qui produisent du cacao et du café de grande qualité, occupent 300 000 et 100 000 hectares respectivement et la quantité totale de pesticides employée est approximativement de 100 000 litres de diazinon, 145 000 litre de fénitrothion et 186 000 litres de chlorpyrifos, en formules commerciales. Toutefois, les pesticides sont employés dans le cadre de la lutte intégrée contre les ravageurs. Des essais sont faits avant traitement pour établir le degré d'infestation, vérifier les espèces en présence et leurs pourcentages; on tient compte également des insectes utiles.

Dans le nord du pays, quelques campagnes anti-aviaires ont eu lieu (Quelea quelea).

Le Conseil phytosanitaire interafricain de l'OUA a constitué un comité scientifique africain des pesticides chargé d'établir des directives sur la base desquelles des réglementations communes pourront être établies pour tous les pays africains. A titre de mesure préparatoire, ce Comité est en train d'établir un inventaire des parasites existants, des cultures et méthodes de traitement. Des recommandations seront formulées concernant les pesticides à homologuer.

7.2 Pêches

Les pêches d'eau douce sont importantes au Cameroun et leurs captures ont été estimées en 1983 à 40 000 tonnes contre 44 000 tonnes pour les captures maritimes (FAO, 1984). Il est donc important de protéger les ressources halieutiques continentales contre la pollution. Malheureusement, plusieurs mortalités massives ont été enregistrées dans des cours d'eau partiellement aménagés, près de Bafussam. Ces incidents étaient imputables à la raréfaction de l'oxygène par la forte charge organique, et le poisson a succombé par anoxie. Dans la zone industrielle de Ngaounderé, le poisson a, en divers endroits, disparu des eaux locales. Enfin, l'emploi abusif des pesticides pour la pêche est assez répandu et le Service des pêches et parfaitement au courant de cette pratique, mais les renseignements concernant les genres de pesticides utilisés n'étaient pas disponibles.

7.3 Recherche

Dans le cadre de l'application de la loi 76/372, il est prévu d'installer un laboratoire d'analyse pour le contrôle de la pollution des eaux. Cette initiative permettra de quantifier les nombreuses informations qualitatives déjà disponibles.

Un groupe multidisciplinaire a commencé à travailler à l'Université de Yaoundé, même si l'on pense que, au Cameroun, les problèmes de pollution ne sont pas encore critiques. Il existe un mémoire (Bopelet, 1983) qui recense toutes les activités en cours et décrit les travaux envisagés pour plus tard. L'objectif général est de rassembler suffisamment d'informations sur les conditions ‘degré zéro’ dans tout le pays. Dans le même ordre d'idée, la station halieutique de Limbé, qui pour le moment ne travaille que sur les problèmes des pêches, a été invitée à entreprendre des études sur la pollution des eaux côtières.

7.4 Législation

Le Cameroun ne possède pas de législation portant spécifiquement sur la protection de l'environnement mais, dans différents secteurs, un certain nombre de textes et de réglementations traitent de questions d'environnement. Le Comité MAB local a procedé à un examen sérieux du cadre juridique existant (Cameroun, 1983). Il convient de mentionner la loi 76/372 de juillet 1976 qui donne au Ministère des mines et de l'énergie la possibilité d'intervenir contre la pollution des eaux. Comme nous l'avons dit plus haut, on est en train d'établir une classification de toutes les activités considérées comme dangereuses ou qui pourraient avoir divers types d'effets délétères et qui seront, en conséquence, soumises à des réglementations particuliéres.

7.5 Conclusions

Il existe au Cameroun plusieurs sources ponctuelles de pollution industrielle mais, si l'on considère le pays dans son ensemble, les principaux problèmes de pollution des eaux semblent surtout dus à l'absence de réseaux de tout-à-l'égout, dont la construction est cependant prévue dans la plupart des grandes villes.

Il existe des données qualitatives sur la base desquelles on pourrait intervenir pour contrôler la pollution. Ces mesures pourront certainement être améliorées quand le laboratoire prévu ou les universités fourniront des données quantitatives. Come pour beaucoup d'autres pays africains, le sort des pesticides dans l'environnement, leurs effets secondaires indésirables et la présence éventuelle de résidus dans les légumes ou les animaux, y compris le poisson, continuent de poser un grand point d'interrogation. Il est clair qu'il faut rassembler des données dans ce domaine.


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