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Chapitre 1. NATURE ET PORTÉE


Qu'est-ce que la planification de l'utilisation des terres?
Dans quelles circonstances une planification de l'utilisation des terres est-elle utile?
Comment utiliser au mieux des ressources limitées
Objectifs
Principaux aspects de la planification de l'utilisation des terres
La planification aux différents niveaux
Exemples de planification de l'utilisation des terres

Qu'est-ce que la planification de l'utilisation des terres?

Il est inévitable que l'utilisation des terres suscite des conflits. Il faudrait pour les cultures, les pâturages, la foresterie, la vie sauvage, le tourisme et l'urbanisation plus de terres que celles qui sont disponibles. Dans les pays en développement, les pressions qui s'exercent sur les terres ne cessent de s'aggraver d'année en année. Or, la population qui est tributaire de la terre pour se nourrir et se chauffer et pour son travail doublera au cours des 25 à 50 prochaines années. Même où la terre demeure abondante, nombreux sont ceux qui n'ont pas vraiment accès à la terre ou aux avantages que procurent ses utilisations. Dans cette situation de pénurie, la dégradation des terres agricoles, des forets ou des ressources hydrauliques peut être visible à l'oeil nu, mais, au niveau individuel, ceux qui utilisent la terre n'ont guère de raisons ou de moyens suffisants pour l'enrayer.

La planification de l'utilisation des terres consiste à faire une évaluation systématique du potentiel qu'offrent les terres et les eaux, des possibilités d'utilisation des terres et des conditions économiques et sociales afin de sélectionner et d'adopter les modes d'utilisation des terres les mieux appropriés. Son but est de sélectionner et de mettre en œuvre les utilisations des terres qui sont de nature à répondre au mieux aux besoins des populations tout en sauvegardant les ressources pour les générations futures. La raison d'être de la planification tient à la nécessité d'un changement, à la nécessité d'améliorer la gestion des terres ou, sous l'effet d'un changement de circonstances, de les utiliser de façon tout à fait différente.

La planification touche à tous les types d'utilisation des terres rurales: agriculture, pastoralisme, foresterie, conservation de la vie sauvage et tourisme.

La planification permet aussi de définir la marche à suivre en cas de conflit entre les utilisations rurales des terres et l'expansion urbaine ou industrielle en indiquant quels sont les secteurs dans lesquels les utilisations rurales des terres ont le plus de valeur.

Dans quelles circonstances une planification de l'utilisation des terres est-elle utile?

Deux conditions doivent être remplies si l'on veut que la planification soit utile:

· les populations intéressées doivent être conscientes de la nécessité d'adapter ou de modifier les types d'utilisation des terres;

· il faut qu'il existe une volonté politique et des moyens suffisants pour mettre le plan en œuvre.

Lorsque ces conditions ne sont pas réunies et que les problèmes sont urgents, il pourra y avoir lieu d'organiser une campagne de sensibilisation ou d'aménager des zones de démonstration afin de créer les conditions nécessaires à une planification efficace.

Comment utiliser au mieux des ressources limitées

C'est la terre qui doit satisfaire tous nos besoins essentiels, qu'il s'agisse d'alimentation, d'eau, de combustible, de vêtement ou de logement. Or, cette ressource, qui n'existe qu'en quantité limitée, se raréfie de plus en plus à mesure que la population s'accroît et que les aspirations augmentent.

Les utilisations des terres doivent changer pour s'adapter aux exigences nouvelles. Le changement suscite de nouveaux conflits entre les utilisations concurrentes des terres ainsi qu'entre les intérêts des usagers individuels et le bien commun. Les terres absorbées par les villes et l'industrie ne sont plus disponibles pour l'agriculture, tandis que la mise en culture de terres nouvelles se fait aux dépens des forêts, de l'approvisionnement en eau et de la vie sauvage.

Planifier de façon à utiliser les terres au mieux n'est pas une idée nouvelle. Les agriculteurs font depuis toujours des plans, saison après saison, pour décider quoi planter et où. Leurs décisions sont prises en fonction de leurs propres besoins, de la connaissance qu'ils ont de la terre et de la technologie, de la main-d'œuvre et du capital disponibles. A mesure que la superficie de la région, les effectifs de la population concernée et la complexité des problèmes augmentent, l'information et des méthodes rigoureuses d'analyse et de planification deviennent plus nécessaires. Mais la planification de l'utilisation des terres n'est pas simplement une planification de l'agriculture à une échelle différente: elle a une autre dimension, qui est l'intérêt de la communauté tout entière.

Planifier consiste à anticiper le changement nécessaire ainsi qu'à s'y adapter. Ses objectifs sont fonction d'impératifs sociaux ou politiques, et les plans d'utilisation des terres doivent cadrer avec la situation existante. Bien souvent, celle-ci ne peut pas continuer parce que la terre elle-même est dégradée (illustration 2). Entre autres exemples d'utilisation peu judicieuse des terres, il convient de citer l'abattage de forêts sur des versants escarpés ou sur des terres de piètre qualité pour lesquelles il n'a pas été trouvé de systèmes de culture durables, le surpacage et la pollution par les déchets industriels, agricoles et urbains. La dégradation des terres peut être imputée à la cupidité, à l'ignorance, à l'incertitude ou à l'absence d'autres solutions, mais elle résulte essentiellement d'une attitude qui consiste à utiliser la terre aujourd'hui sans investir pour demain.

ILLUSTRATION 2 Un problème d'utilisation des terres: abattage illégal des forêts à Sri Lanka

La planification de l'utilisation des terres a pour but d'utiliser au mieux des ressources limitées en:

· évaluant les besoins actuels et futurs ainsi que l'aptitude de la terre à les satisfaire;

· identifiant et résolvant les conflits entre utilisations concurrentes, entre les besoins des individus et de la communauté et entre les besoins de la génération actuelle et des générations futures;

· recherchant des options durables et en choisissant celles qui correspondent le mieux aux besoins;

· planifiant pour promouvoir les changements souhaités;

· tirant des enseignements de l'expérience acquise.

Il n'existe pas de recette prédéterminée du changement. L'ensemble du processus de planification est itératif et continu. A toutes ses étapes, à mesure que des informations de meilleure qualité sont rassemblées, il se peut que celles-ci amènent à modifier un plan.

Objectifs

Les objectifs définissent ce que l'on entend par utiliser la terre «au mieux». Quel que soit le projet de planification envisagé, les objectifs doivent être spécifiés d'emblée. Ils peuvent être regroupés sous trois rubriques: efficacité, acceptabilité et équité, et durabilité.

Efficacité. L'utilisation des terres doit être économiquement viable, si bien que l'un des objectifs de la planification du développement est de faire en sorte que la terre soit utilisée de façon efficace et productive. Or, certaines régions se prêtent mieux que d'autres à telle ou telle utilisation des terres. Il y a efficacité lorsque l'on réussit à faire cadrer les différentes utilisations des terres et les régions qui permettront d'aboutir aux meilleurs résultats aux moindres coûts.

Cependant, l'efficacité ne signifie pas la même chose pour tout le monde. Pour l'usager individuel de la terre, elle signifie un rendement aussi grand que possible du capital et du travail investis, ou bien l'obtention des plus grands avantages possible de la superficie disponible. Les objectifs des gouvernements sont plus complexes. Ils peuvent comprendre, par exemple, l'amélioration de la situation des changes au moyen d'une politique de promotion des exportations ou de remplacement des importations.

Acceptabilité et équité. En outre, les utilisations des terres doivent être socialement acceptables. Les objectifs recherchés sont notamment la sécurité alimentaire, l'emploi et la sécurité des revenus dans les régions rurales. L'on peut entreprendre d'améliorer ou de redistribuer les terres pour réduire l'inégalité ou pour s'attaquer à la pauvreté absolue. Un moyen d'y parvenir consiste à définir un seuil minimum de niveau de vie à atteindre par des groupes cibles. Les normes fixées pourront porter sur les niveaux de revenu, la nutrition, la sécurité alimentaire et le logement. La planification qui tend à atteindre ces normes fait par conséquent intervenir une allocation des terres à des utilisations spécifiques accompagnée de ressources financières et autres.

Encadré 1
Le processus de planification

Le processus de planification peut être exprimé par les questions suivantes:

· Quelle est la situation actuelle?

· Un changement est-il souhaitable? Dans l'affirmative:

- Que faut-il changer?
Les problèmes qui se posent et les possibilités qui existent en matière d'utilisation des terres sont identifiés au moyen de discussions avec les populations intéressées ainsi que d'une étude de leurs besoins et des ressources de la région.

- Comment les changements peuvent-ils être introduits?
Les planificateurs étudient toute une série de moyens de saisir les occasions qui se présentent et de résoudre les problèmes qui se posent.

- Quelle est la meilleure option?
Les décideurs sélectionnent la meilleure de toutes les options identifiées sur la base d'une évaluation des résultats escomptés de chacune d'elles.

- Comment le plan progresse-t-il?
Une fois qu'un plan d'utilisation des terres a été mis en œuvre, les planificateurs suivent les progrès accomplis sur la voie des objectifs fixés et modifient le plan si besoin est.


Durabilité. Une utilisation des terres est durable lorsqu'elle satisfait les besoins de la génération actuelle tout en conservant les ressources dans l'intérêt des générations futures. Il faut pour cela combiner production et conservation: produire ce dont les populations ont besoin aujourd'hui, et simultanément conserver les ressources naturelles dont dépend la production de manière à garantir que la production pourra se poursuivre à l'avenir. Une communauté qui détruit ses terres hypothèque son avenir. L'utilisation des terres doit être planifiée pour la communauté dans son ensemble, car la conservation des sols, des eaux et des autres ressources de la terre est souvent une entreprise hors de portée pour les utilisateurs individuels.

Les arbitrages à opérer entre objectifs concurrents

II est clair que ces objectifs sont parfois contradictoires. Une équité accrue peut se traduire par une efficacité moindre. A court terme, il peut ne pas être possible de satisfaire les besoins actuels sans consommer des ressources, par exemple brûler des hydrocarbures ou défricher des forêts naturelles. Les décideurs doivent examiner les arbitrages à opérer entre les différents objectifs, mais, si l'on veut que le système dans son ensemble survive, l'utilisation du capital naturel doit être compensée par le développement d'un capital humain ou matériel de valeur au moins égale.

Encadré 2
Un exemple d'acceptabilité

Après la sécheresse de 1973/74 et la famine qu'elle a entraînée, le Gouvernement éthiopien a pris davantage conscience de la destruction des sols dans les hautes terres.

Un ambitieux programme de conservation des sols a été mis en œuvre pour protéger les pentes escarpées au moyen de cultures en terrasses et d'activités de reboisement. Cela a considérablement ralenti l'érosion des sols mais n'a guère contribué à accroître la production agricole. En outre, les activités de reboisement à grande échelle sont mal accueillies par les populations locales, car elles réduisent les terres disponibles pour le pacage et, dès lors que les forêts sont protégées, les populations ne peuvent plus aller y chercher du bois de feu. Il faut manifestement mettre en balance les exigences concurrentes de la conservation et de la production si l'on veut que les populations continuent d'appuyer les efforts de conservation des sols sans qu'il faille les encourager au moyen de programmes du genre Vivres contre travail.

Un plan d'utilisation des terres tendant à conserver les pentes escarpées en rétablissant un couvert végétal satisfaisant, grâce à une mise en défens suivie d'un pacage limité, a été, a-t-on constaté, plus acceptable pour les populations locales qu'un programme de reboisement à grande échelle mis en oeuvre de façon isolée.


Des informations de qualité sont essentielles: informations sur les besoins de la population, sur les ressources en terre et sur les conséquences économiques, sociales et environnementales de différentes décisions. Le travail du planificateur de l'utilisation des terres consiste à veiller à ce que les décisions soient prises sur la base d'un consensus ou, à défaut, d'un désaccord informé.

Bien souvent, la planification peut réduire le coût des arbitrages à opérer, par exemple en introduisant de nouvelles technologies appropriées. Elle peut aussi contribuer à résoudre les conflits en faisant participer la communauté au processus de planification et en faisant comprendre sur la base de quelle logique et de quelles informations les décisions sont prises.

Principaux aspects de la planification de l'utilisation des terres

Planifier pour l'homme

La satisfaction des besoins de l'homme conditionne le processus de planification. Les agriculteurs locaux, les autres utilisateurs de la terre et, d'une façon générale, la communauté qui dépend de la terre doivent admettre la nécessité de modifier l'utilisation faite de la terre et devront s'accommoder des résultats des décisions prises.

La planification de l'utilisation des terres doit être positive. L'équipe de planification doit s'enquérir des besoins de la population ainsi que des connaissances localisées, des compétences, du travail et du capital dont elle peut faire l'apport. Elle doit étudier les problèmes que posent les pratiques actuelles d'utilisation des terres et rechercher d'autres solutions. Elle doit appeler l'attention du public sur les dangers que comporte la poursuite des pratiques actuelles et sur les possibilités de changement.

Vouloir réglementer pour empêcher les gens de faire ce qu'ils font actuellement pour des raisons impérieuses est courir à l'échec. Le meilleur moyen de faire accepter les activités prévues par les populations locales consiste à les faire participer à la planification. Le soutien des dirigeants locaux est essentiel aussi, de même que la participation des organismes qui disposent des ressources nécessaires à la mise en œuvre du plan.

Les terres ne sont pas les mêmes partout

La terre est, cela va de soi, l'autre aspect principal de la planification de l'utilisation des terres. Le capital, la main-d'œuvre, les compétences de gestion et la technologie peuvent être dirigés là où ils sont nécessaires. La terre, en revanche, reste là où elle se trouve et les différentes régions offrent des possibilités différentes et posent des problèmes de gestion différents. Les ressources liées à la terre ne sont pas immuables non plus. Cela est évident dans le cas du climat et de la végétation, mais des phénomènes comme l'épuisement des ressources hydrauliques ou la perte de sol à la suite de l'érosion ou de la salinité rappellent que les ressources peuvent se dégrader, parfois de façon irréversible. Aussi est-il essentiel, pour planifier l'utilisation des terres, de disposer d'informations solides sur les ressources enterre.

Technologie

Un troisième élément de la planification est la connaissance des technologies liées à l'utilisation des terres: agronomie, sylviculture, techniques d'élevage et autres moyens d'exploitation de la terre. Les technologies recommandées doivent s'adresser aux utilisateurs qui disposent des capitaux, des compétences et des autres ressources nécessaires, autrement dit il doit s'agir de technologies appropriées. Les technologies nouvelles peuvent avoir des incidences sociales et environnementales que le planificateur doit prendre en compte.

Intégration

Lors des premières tentatives de planification d'utilisation des terres, on a commis l'erreur de mettre l'accent trop étroitement sur les ressources en terre sans réfléchir suffisamment à la façon dont elles pourraient être utilisées. Les bonnes terres agricoles se prêtent habituellement aussi à d'autres utilisations concurrentes. Les décisions prises à cet égard ne le sont pas seulement sur la base des aptitudes de la terre, mais aussi en fonction de la demande d'extrants dans la mesure où une région donnée revêt une importance critique au regard de tel ou tel objectif spécifique. Il faut intégrer à la planification de l'utilisation des terres toutes les informations disponibles sur les aptitudes de la terre, la demande d'utilisations ou d'extrants concurrents et la possibilité de satisfaire cette demande grâce à la terre disponible, aujourd'hui et à l'avenir.

La planification de l'utilisation des terres n'est donc pas une opération sectorielle. Même lorsqu'un plan spécifique porte sur un secteur déterminé, par exemple le développement de la production de thé à petite échelle ou l'irrigation, une approche intégrée doit être appliquée à toutes les étapes, de la planification stratégique au niveau national jusqu'à l'exécution détaillée des projets et des programmes au niveau des districts et au niveau local.

La planification aux différents niveaux

Essentiellement, la planification de l'utilisation des terres peut être effectuée à trois niveaux: niveau national, niveau des districts et niveau local. Une telle planification n'est pas nécessairement séquentielle mais correspond aux niveaux de l'administration auxquels les décisions touchant l'utilisation des terres sont prises. Différents types de décisions sont prises à chaque niveau, et les méthodes de planification et les types de plan établis sont différents. A chaque niveau, cependant, il importe de mettre au point une stratégie d'utilisation des terres, des politiques établissant un ordre de priorité, des projets correspondant à ces priorités et une planification opérationnelle pour mener à bien la tâche à accomplir.

Plus l'interaction est étroite entre les trois niveaux de planification, et mieux cela vaut. Les courants d'information doivent être à double sens (figure 1). A chaque niveau successif de planification, le degré de détail nécessaire s'accroît, et la participation directe des populations locales doit s'accroître également.

Encadré 3
Les réglementations touchant l'utilisation des terres - un commentaire

Ces commentaires d'un fonctionnaire de la FAO sur le terrain pourraient s'appliquer à presque n'importe quel pays en développement:

· «II y a ici beaucoup de réglementations - en ce qui concerne par exemple la conservation des forêts ou des pêcheries - qui sont violées avec la complicité des autorités censées les appliquer. Les réglementations doivent être publiquement acceptées si on veut qu'elles donnent des résultats. Il n'y a pas assez d'agents de police pour imposer des réglementations dont on ne veut pas dans les régions rurales.»

· «La planification de l'utilisation des terres est tout autant affaire d'éducation du public que de réglementations concernant l'aménagement du territoire et de règlements d'urbanisme.»


FIGURE 1 Rapports à double sens entre les différents niveaux de planification

Niveau national

Au niveau national, la planification porte sur la détermination des objectifs nationaux et l'allocation des ressources. Dans bien des cas, la planification nationale de l'utilisation des terres ne porte pas sur la façon dont les terres seront effectivement allouées à différentes utilisations, mais plutôt sur la fixation des priorités auxquelles devront répondre les projets exécutés au niveau des districts. Un plan national d'utilisation des terres peut porter sur des éléments comme:

· la politique d'utilisation des terres, c'est-à-dire l'établissement d'un équilibre entre les utilisations concurrentes de la terre par les différents secteurs de l'économie - production vivrière, cultures d'exportation, tourisme, conservation de la vie sauvage, logement et aménagement collectif, routes, industries;

· l'établissement de plans de développement nationaux et d'un budget: identification des projets et allocation des ressources disponibles aux fins du développement;

· la coordination des activités des organismes sectoriels qui s'occupent des utilisations des terres;

· la formulation de lois sur des questions comme le régime foncier, le défrichement des forêts et les droits d'eau.

Les objectifs nationaux sont complexes. Les décisions de politique générale, les lois et les mesures budgétaires peuvent affecter des populations très nombreuses et des régions vastes. Il est absolument impossible pour les décideurs d'être parfaitement familiarisés avec tous les aspects de l'utilisation des terres, de sorte que les planificateurs doivent présenter les informations pertinentes sous une forme telle qu'elles soient compréhensibles pour les décideurs et puissent servir de base de décision.

Niveau des districts

En l'occurrence, il ne s'agit pas nécessairement des districts au sens administratif mais plutôt des régions intermédiaires entre le niveau national et le niveau local. C'est souvent à ce niveau que s'intègre le projet de développement. C'est à cette échelle que la planification commence à tenir compte de la diversité des terres et de leurs aptitudes à favoriser la réalisation des objectifs fixés. Lorsque la planification commence au niveau national, les priorités arrêtées à ce niveau doivent être traduites en plans locaux. A ce stade du processus de planification, il faudra aussi résoudre les conflits entre intérêts nationaux et locaux sur des questions comme:

· l'emplacement des activités comme nouveaux peuplements, plantation de forêts et plans d'irrigation;

· les améliorations à apporter à l'infrastructure dans des domaines comme l'approvisionnement en eau, les routes et les circuits de commercialisation;

· l'élaboration de directives de gestion afin d'améliorer les utilisations qui sont faites de chaque type de terre.

Niveau local

Encadré 4
La planification conçue au niveau local («à partir de la base»)

Par planification «à partir de la base», l'on entend une planification qui trouve son origine au niveau local et à laquelle participe activement la communauté locale. L'expérience et les connaissances localisées acquises par les utilisateurs des terres et les techniciens locaux sont mobilisées pour identifier les priorités de développement, élaborer des plans et les appliquer.

Les avantages sont les suivants:

· objectifs locaux, gestion locale et avantages locaux. Les populations manifesteront un plus grand enthousiasme pour un plan qu'elles considèrent comme le leur, et seront plus disposées à participer à son exécution et à son suivi;

· plus grande conscience populaire des problèmes et des possibilités en matière d'utilisation des terres;

· les plans peuvent être étroitement adaptés aux contraintes locales, qu'il s'agisse des ressources naturelles ou de problèmes socio-économiques;

· des informations de meilleure qualité remontent vers les niveaux de planification plus élevés.

Ses inconvénients sont les suivants:

· les intérêts locaux ne sont pas toujours les mêmes que les intérêts régionaux ou nationaux;

· il peut être difficile d'intégrer les plans locaux à un cadre plus large;

· les connaissances techniques étant limitées au niveau local, les organismes techniques doivent investir beaucoup de temps et de ressources en personnel dans des localités extrêmement dispersées;

· les efforts locaux peuvent être frustrés par le manque de soutien, voire une obstruction, aux échelons plus élevés.


Au niveau local, l'unité de planification peut être le village, un groupe de villages ou un petit bassin versant. A ce niveau, il est plus facile d'adapter le plan aux populations et de faire appel aux connaissances et à la contribution des populations locales. Lorsque la planification commence au niveau du district, le programme de travail visant à introduire des modifications dans les utilisations ou la gestion des terres doit être exécuté localement. Il se peut aussi que ce soit à ce niveau que la planification commence, les priorités étant déterminées par les populations locales. La planification, au niveau local, porte sur ce qui doit être fait dans tel ou tel secteur des terres, ainsi que sur la question de savoir quand les activités devront être entreprises et qui en sera responsable. On peut donner quelques exemples:

· aménagement des travaux de drainage, d'irrigation et de conservation des sols;

· conception de l'infrastructure: tracé des routes, localisation des points de vente des récoltes, de distribution des engrais ou de collecte du lait ou des services vétérinaires;

· localisation de cultures spécifiques sur des terres appropriées.

Les demandes formulées au niveau local, par exemple s'agissant d'introduire la culture du tabac ou du café, doivent susciter des recommandations fermes comme: «Cette terre est apte à cette culture, mais pas celle-ci; les pratiques de gestion à appliquer sont les suivantes; cela coûtera tant et le rapport probable sera de tant».

Encadré 5
Les plans d'utilisation des terres, les plans sectoriels et les plans intégrés de développement rural

Les plans d'utilisation des terres

· allouent les terres à différents types d'utilisation;
· spécifient les normes de gestion et les intrants;
· coordonnent les activités des organismes sectoriels en matière d'utilisation des terres.

Les plans sectoriels

· englobent les projets et les programmes des organismes sectoriels, par exemple le service des eaux et forêts ou le service de l'irrigation.

Les plans intégrés de développement rural

· coordonnent tous les aspects du développement rural, y compris dans des domaines comme la santé, l'éducation, les transports et l'utilisation des terres.


La planification à ces différents niveaux exige des informations relatives à des échelles et des degrés de généralisation différents. Une bonne part de ces informations se présentera sous forme de cartes. Au niveau de la planification nationale, l'échelle la mieux appropriée est celle à laquelle l'ensemble du territoire peut être représenté sur une seule carte, c'est-à-dire une échelle de 1/5000000 à 1/1000000, voire plus. Au niveau des districts, il faut des cartes détaillées à l'échelle d'environ 1/50 000, bien que certaines informations puissent être résumées à plus petite échelle, jusqu'à 1/250000. Pour la planification locale, le mieux est d'avoir des cartes à une échelle comprise entre 1/20000 et 1/5000. Des reproductions de photographies aériennes peuvent être utilisées comme cartes de base au ni veau local étant donné que les agents locaux et, l'expérience l'a montré, les habitants locaux savent comment reconnaître où ils se trouvent sur les photographies.

L'utilisation des terres dans le contexte de la planification sectorielle et de la planification du développement

La planification de l'utilisation des terres est, par définition, non sectorielle mais, s'il n'existe pas d'organe spécial de planification, le plan d'utilisation des terres devra être exécuté par les organismes sectoriels responsables de l'agriculture, de la foresterie, de l'irrigation, etc., et sa mise en œuvre devra être appuyée par leurs différents services de vulgarisation et d'encadrement.

L'on ne peut pas tracer de ligne de démarcation claire entre la planification de l'utilisation des terres et les autres aspects du développement rural. Par exemple, il pourra être souhaitable d'affecter les terres à une utilisation nouvelle comme la culture d'une récolte commerciale. Une bonne gestion peut exiger l'utilisation d'engrais. Or, cela est impossible s'il n'existe pas de centres locaux de distribution d'engrais, de services de diffusion d'informations sur la façon de les utiliser et de systèmes de crédit pour les acheter. Les services locaux ne seront d'aucune utilité s'il n'existe pas de système national de distribution adéquat et s'il n'est pas produit d'engrais en quantité suffisante ou si des devises ne sont pas disponibles pour pouvoir en importer. La construction d'une usine d'engrais et l'organisation d'un réseau national de distribution ne relèvent certainement pas de la planification de l'utilisation des terres, mais peuvent être essentielles au succès de l'utilisation envisagée. Par contre, la localisation des centres de distribution en fonction de la population et des terres aptes à la culture envisagée peut fort bien relever des responsabilités du planificateur de l'utilisation des terres.

Il faut donc prévoir toute une gamme d'activités, allant de celles qui portent sur l'interprétation des qualités physiques de la terre, et dont le planificateur de l'utilisation des terres sera essentiellement responsable, à celles qui font appel à la contribution de techniciens spécialisés dans d'autres disciplines. Et lorsque des questions relevant de la politique nationale, par exemple la fixation de prix adéquats pour les récoltes, influent directement sur le succès de telle ou telle utilisation des terres, il incombe au planificateur de l'utilisation des terres de le dire clairement.

FIGURE 2 La planification: participants et intéressés

La planification: participants et intéressés

La planification de l'utilisation des terres doit amener un grand nombre de personnes différentes à travailler ensemble à la réalisation d'objectifs communs. Trois groupes de personnes sont directement intéressés (figure 2) :

Les utilisateurs de la terre. Il s'agit des personnes qui vivent dans la zone visée par le plan et qui tirent des revenus, en tout ou en partie, de la terre. Ce groupe comprend non seulement les agriculteurs, éleveurs, forestiers et tous ceux qui utilisent la terre directement, mais aussi les personnes qui dépendent de leur production, par exemple pour le traitement des récoltes ou de la viande, les scieries ou les fabriques de meubles. Il est essentiel que tous les utilisateurs de la terre participent à la planification. En définitive, ce sont eux qui devront mettre le plan à exécution, et ils doivent être convaincus que le plan pourra leur apporter des avantages et que le processus de planification est équitable.

L'expérience acquise et la volonté manifestée par les populations locales dans leurs rapports avec l'environnement constituent souvent la ressource la plus négligée, mais aussi la plus importante. Les populations saisiront des possibilités de développement qu'elles ont elles-mêmes aidé à planifier plus facilement qu'une solution qui leur serait imposée. Sans l'appui des dirigeants locaux, un plan n'a guère de chances de succès.

Il est difficile de faire en sorte que le public participe efficacement à la planification: les planificateurs doivent investir le temps et les ressources nécessaires pour garantir une telle participation, que ce soit au moyen de discussions locales, de campagnes à la radio ou d'articles de journaux, de réunions techniques et de campagnes de vulgarisation. Pour réussir, il faut faire preuve d'imagination, s'intéresser sincèrement à l'homme et à la terre et être disposé à expérimenter.

Les décideurs. Les décideurs sont ceux qui sont responsables de l'exécution des plans. Au niveau national et au niveau des districts, cette responsabilité incombe actuellement aux ministres et, au niveau local, au conseil municipal ou à d'autres autorités locales. L'équipe de planification fournit des informations et des avis d'experts. Les décideurs indiquent à l'équipe de planification quels sont les principaux problèmes et objectifs, et ils déterminent si les plans établis doivent être exécutés et, dans l'affirmative, quelles sont les options présentées qu'il convient de retenir. Si les activités de planification au jour le jour incombent au chef de l'équipe de planification, le décideur doit y participer aussi à intervalles réguliers.

Les décideurs ont également un rôle clef à jouer en encourageant la participation du public en permettant à ce dernier de discuter leurs décisions et la façon dont elles sont prises.

L'équipe de planification. Un aspect essentiel de la planification de l'utilisation des terres est que la terre et son utilisation sont considérées comme un tout. Il faut par conséquent transcender les frontières entre disciplines (ressources naturelles, ingénierie, agronomie et sciences sociales), de sorte qu'un travail d'équipe est indispensable. Idéalement, l'équipe doit disposer d'une large gamme de compétences spécialisées et pouvoir, par exemple, faire appel à un prospecteur des sols, un spécialiste de l'évaluation des terres, un agronome, un forestier, un spécialiste des parcours et de l'élevage, un ingénieur, un économiste et un sociologue.

Il se peut qu'une telle gamme de compétences ne puissent être réunies qu'au niveau national. Au niveau local, l'équipe de planification se compose plus souvent d'un planificateur de l'utilisation des terres et d'un ou deux assistants, dont chacun doit mener à bien les tâches extrêmement diverses et aura besoin de conseils spécialisés. Le personnel des organismes gouvernementaux et les universités pourront être d'utiles sources d'assistance à cet égard.

Exemples de planification de l'utilisation des terres

Les présentes directives sont rédigées en termes généraux et sont applicables à n'importe quel environnement ou région. Nombre des problèmes que pose l'utilisation des terres sont propres à des régions spécifiques, non seulement en raison des différences qui caractérisent leur environnement physique, mais aussi des conditions sociales locales, par exemple en ce qui concerne le régime foncier.

Pour se familiariser avec la planification de l'utilisation des terres, il sera bon de conjuguer la lecture des présentes directives à des exemples pratiques de planification. Treize de ces exemples sont rassemblés dans le rapport intitulé Land use planing applications (Applications de la planification de l'utilisation des terres) (FAO, 1991b). On trouvera au chapitre 4 un exposé d'autres applications de la planification de l'utilisation des terres ainsi qu'une liste de manuels nationaux et de sources d'exemples.


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