DEUXIEME PARTIE
LE MALE

Chapitre 6:
La puberté

DEFINITION

La puberté chez le mâle est la période physiologique au cours de laquelle se met en place sa fonction sexuelle et apparaissent les premiers spermatozoïdes. La pleine capacité de reproduction est acquise par étapes, et les critères d'évaluation de la puberté chez le mâle varient selon les auteurs. La mesure de l'âge à la puberté peut ainsi se faire selon les critères suivants:

• Première saillie (LAFORTUNE et al., 1984)

• Apparition des premiers spermatozoïdes dans l'éjaculat (AMMAN, 1970)

• Premier éjaculat contenant 50 millions de spermatozoïdes dont 10 % de mobiles (WOLF et al., 1965)

• Quantité journalière de spermatozoïdes produits par gramme de testicule semblable à celle de l'adulte (PAREZ et THIBIER, 1983)

Ces différentes définitions traduisent en réalité la gradualité de la puberté. Si la première définition est la plus facile à observer sur le terrain, elle est aussi la moins précise, dans la mesure où elle n'évalue qu'un critère comportemental (caractère sexuel tertiaire), qui interfère avec la fonction ludique du saut chez le jeune.

Les autres définitions, pour être appliquées, nécessitent une récolte de sperme, et sont plus lourdes à mettre en oeuvre. En particulier, si l'on utilise un vagin artificiel, la phase d'apprentissage doit se terminer avant que ne s'établissent les processus spermatogénétiques comparables à ceux de l'adulte.

PLACE DE LA PUBERTE DANS LA VIE DE L'ANIMAL

Les difficultés à mettre en oeuvre une étude de la puberté du taurillon fait qu'il n'a été réalisé que peu d'observations sur ce sujet, chez les races trypanotolérantes.

Age et poids à la puberté

Les études de l'âge à la puberté, effectuées sur des taurillons Baoulé ont donné les résultats suivants (tableau 6.1.):

Tableau 6.1.- Puberté de taureaux trypanotolérants Baoulé au Burkina Faso.

a: Thiombano, 1987.
b: Chicoteau, 1989.

Ces deux études ont été réalisées sur une même station.

La puberté chez les taureaux Baoulé dans ces conditions est atteinte, selon les définitions, entre 15 à 19 mois, pour un poids de 120 à 180 Kg. CHICOTEAU et al. (1990), en considérant la dernière définition, trouvent un poids à la puberté équivalent à 61% du poids adulte.

S'il s'écoule de trois semaines à un mois entre la récolte du premier éjaculat et celle du premier éjaculat contenant des spermatozoïdes mobiles, on obtient ensuite au bout de quelques jours seulement les cinquante millions de spermatozoïdes dans l'éjaculat.

Caractéristiques à la puberté

Les caractéristiques relevées à la puberté (50 millions de spermatozoïdes et plus de 10% de mobiles) par les deux auteurs précédents sont rassemblées dans le tableau 6.2.

Les caractéristiques spermatiques atteintes à cette période sont encore médiocres (en particulier très faible motilité et pourcentage d'anomalies majeures important), et sont en particulier bien en-dessous des normes acceptables pour la dilution et la préparation de paillettes de semence congelée, et sans doute pour obtenir une fécondation.

THIOMBIANO (1989) note une corrélation positive entre le poids du taurillon autour de la puberté et les mensurations testiculaires. Parmi celles-ci, la circonférence scrotale est la plus fortement corrélée au poids vif (r = 0,47, p<0,01).

Tableau 6.2.: caractéristiques morphologiques, spermatiques et comportementales à la puberté chez le taurillon Baoulé.

FACTEURS INFLUENCANT LA PUBERTE

Influence de la vitesse de croissance

THIOMBIANO (1987) révèle dans son étude une absence de corrélation entre l'âge à la puberté et la vitesse de croissance (gain moyen quotidien). Il n'est pas trouvé non plus de corrélation entre l'âge et le poids à la puberté. Par contre, CHICOTEAU et al. (1990) trouvent une corrélation significative entre poids à la puberté et vitesse de croissance, mais pas de corrélation non plus entre âge et poids à la puberté.

CHICOTEAU (1989) observe une forte corrélation entre le poids à la puberté et al. vitesse de croissance la première année de vie de l'individu (r = 0,85). La croissance pendant les 6 premiers mois de la vie de l'individu semble être plus corrélée au poids à la puberté que celle des 6 mois suivants.

Influence de l'environnement

THIOMBIANO (1987) ne rapporte pas d'influence significative de la saison de naissance sur l'installation de la puberté, au contraire de ce qui a pu être trouvé pour d'autres races bovines en milieu tropical (LAFORTUNE et al., 1984).

Pourtant, si la corrélation entre croissance et poids à la puberté existe bien, comme l'ont montré CHICOTEAU et al. (1990), les facteurs environnementaux influant sur la croissance des animaux devraient avoir une influence sur le poids à la puberté.

AXES DE RECHERCHE

La lourdeur des protocoles d'étude de la puberté chez le mâle limite leur mise en pratique, en particulier sur de grands nombres. Il reste pourtant encore beaucoup de champs d'investigation dans ce domaine chez les races trypanotolérantes, dont les suivants:

• Etude de l'influence de la race

• Etude des variations morphologiques et histologiques des gonades autour de la puberté.

• Etude des variations endocriniennes

• Etude, sur de plus grands nombres, des facteurs pouvant interagir avec l'âge ou le poids à la puberté chez le mâle (comme cela a été signalé pour la femelle).

La définition de critères de jugement adaptés à ces races (comportement sexuel, morphologie testiculaire) permettrait entre autres de pouvoir établir une sélection sur la fertilité potentielle des candidats reproducteurs, comme cela est fait pour d'autres races (PAREZ et THIBIER, 1983).

BIBLIOGRAPHIE

AMMAN (R.P.): “Sperm production rates.”, In: “The testis”, Johnson, Gomes and Vandemark, New York, Academic press, 1970, Vol. 1: 433–472.

CHICOTEAU (P.): “Adaptation physiologique de la fonction sexuelle des bovins Baoulé au milieu tropical sud-soudanien.”, Thèse de doctorat es sciences, Université de Paris XII, 1989, 174 p.

CHICOTEAU (P.), THIOMBIANO (D.), BOLY (H.), CLOE (C.): “Contribution à l'étude de la puberté chez les bovins de race Baoulé.”, Rev. Elev. Méd. vét. Pays trop., 1990, 43 (4): 535–539.

LAFORTUNE (E.), GAUTHIER (D.), HOCHEREAU DE REVIERS (M.T.): “Influence de la saison de naissance sur l'établissement de la puberté du taureau créole.”, In: Reproduction des ruminants en zone tropicale, les colloques de l'INRA n^o20, Paris, INRA, 1984, p. 189–198.

PAREZ (M.), THIBIER (M.): “Contrôle de la fonction sexuelle chez le jeune taurillon.”, Elevage et Insémination, 1983, 197: 3–16.

THIOMBIANO (D.): “Contribution à l'étude de la puberté chez les bovins de race Baoulé.” Mémoire de fin d'études, Institut de Développement rural, Ouagadougou (Burkina Faso), 1989, 77 p.

WOLF (F.R.), ALMQUIST (J.O.), HALE (E.B.): “Prepubertal behavior and characteristics of beef bulls on high nutrient allowance.”, J. Anim. Sci., 1965, 24: 761–765.

Chapitre 7:
Caractéristiques comportementales et morphologiques

Comme chez la femelle, il est possible de décrire la fonction sexuelle du mâle en trois composantes: comportementale, morphologique et endocrinienne (THIBIER, 1977). Ces trois entités concourent à établir la production de sperme et les caractéristiques du sperme éjaculé. Les deux premières composantes sont envisagées dans ce chapitre.

LE COMPORTEMENT

La connaissance du comportement sexuel des taureaux permet de mettre en place des techniques raisonnées de la collecte du sperme. C'est de celles-ci dont il sera question ici, et non pas du comportement en liberté en monte naturelle.

Récolte au vagin artificiel

Une expérience au Nigeria a été menée conjointement sur des taureaux N'dama et Muturu, mis en présence d'un boute-en-train attaché (NWAKALOR et al., 1978). Celle-ci montre qu'il n'y a pas de différence fondamentale dans le déroulement des différentes phases préliminaires entre les races. La monte et l'éjaculation a lieu le plus souvent au cours des deuxième et troisième minutes. Les N'dama sont ceux qui montrent le plus d'agressivité, alors que les Muturu sont plus nerveux et craintifs.

La récolte par vagin artificiel semble parfois difficile à cause de l'agressivité des animaux ; leur mode d'élevage (et leur domestication) influe grandement sur la réussite de l'apprentissage. Ainsi, DJABAKOU et al. (1984) au Togo, ou MEYER et YESSO (1990) en Côte d'Ivoire, ne réussissent pas à récolter les taureaux au vagin artificiel. Ceux-ci étaient dans ces cas élevés en ranching, de manière extensive et en groupe.

Figure 7.1 - Acceptation du vagin artificiel au cours de la phase d'apprentissage au Burkina Faso (d'après CLOE et al., 1989).

CLOE et al. (1989) au Burkina Faso, avec des taureaux élevés individuellement en station, rapportent (pour 14 taureaux Baoulé) une réussite dans l'apprentissage des taureaux de 71% pour une durée moyenne d'apprentissage de 12,9 semaines (cf. figure 7.1.).

Des taureaux trypanotolérants issus de ranch ont toutefois pu aussi être récoltés au vagin artificiel en station (TAMBOURA, 1991, CLOE, communication personnelle).

En Gambie, SANYANG et al. (1992) notent une grande facilité pour récolter les taureaux adultes (4–5 ans) au vagin artificiel. Dans cette étude, les taureaux étaient élevés de manière traditionnelle (conduite aux pâturages la journée, mise au piquet individuellement tous les soirs.), favorisant des contacts étroits entre l'homme et l'animal. 9 des 16 taureaux utilisés sont récoltés dès leur première présentation; après 3 semaines, 13 des 16 taureaux acceptent la monte. Il est à noter qu'aucun des ces taureaux n'avait d'expérience de la monte naturelle.

Libido

La libido des taureaux est évaluée au cours de la récolte de sperme au vagin artificiel en mesurant le temps de première monte (TPM).

Tableau. 7.1 - Données de temps de première monte (TPM, mesuré en secondes) de taureaux trypanotolérants.

Les temps de première monte varient en moyenne de 30 secondes à près de trois minutes; tous ces temps sont accompagnés d'importants écarts-types, traduisant les grandes variations entre individus observées pour ce paramètre.

Facteurs de variation

Facteurs liés aux animaux

• variations dues à la race

On peut observer dans le tableau 7.1., que pour de mêmes conditions expérimentales (EZEKWE, 1988), les Muturu ont un temps de première monte légèrement plus long que celui des N'dama. Ceci est à rapporcher des résultats de NWAKALOR et al. (1978) qui rapportent que les Muturu ont un tempérament plus craintif que les N'dama. Il convient cependant de s'assurer que la domestication et l'apprentissage aient été effectués dans des conditions similaires.

• Variations individuelles

SANYANG et al. (1992), comme CHICOTEAU (1989) notent des variations significatives du temps de première monte selon les taureaux, la moyenne selon les individus variant de 12 à 87 secondes. Il existe cependant aussi de grandes variations pour chaque individu selon les semaines; ces variations ne semblent pas dues à des facteurs extérieurs puisque les mêmes auteurs ne trouvent pas de différences moyennes significatives selon les semaines.

facteurs environnementaux

COULIBALY (1988) rapporte une corrélation positive entre le temps de première monte et la température ambiante le jour de la récolte. Si l'hygrométrie ou l'insolation ne semblent pas avoir d'influence sur le temps de première monte, celui-ci est augmenté les jours de pluie.

Cependant, selon BIERSCHENKL (1984), en milieu naturel, l'activité sexuelle des taureaux N'dama ne semble pas être très affectée par les températures chaudes de la mi-journée. Le nombre de copulations avec une vache varie de 2 à 6 par jour, selon le nombre de vaches en chaleurs en même temps.

CARACTERISTIQUES MORPHOLOGIQUES TESTICULAIRES

Les données relatives aux dimensions testiculaires pour les différentes races sont rassemblées dans le tableau 7.2.

Il faut noter que les animaux étaient dans ces études préalablement sélectionnés cliniquement sur l'absence d'anomalies anatomiques (hypoplasie). Seule la dernière information concernant les Muturu (ORJI et al., 1984) semble difficilement concevable.

Ce tableau montre des variations selon les races. Il semble cependant que les données varient plus en fonction du poids des taureaux que de leur type génétique. CHICOTEAU (1989) note d'ailleurs une corrélation entre le poids de l'animal et les mensurations testiculaires. Par contre, il ne note pas de variation significative des mensurations selon les saisons.

Tableau 7.2 - Circonférence et longueur testiculaires de taureaux trypanotolérants.

GREENWOOD et al. (1989) ont effectué une étude sur 748 taureaux N'dama en Gambie, portant sur la circonférence scrotale et l'âge. Les deux facteurs sont corrélés (r=0,49), et une table de corrélation a été proposée (cf. tableau 7.3.)

Tableau 7.3. - Correspondance entre age et circonférence scrotale chez les taureaux N'dama en Gambie (GREENWOOD et al., 1989).

On remarque que comparativement aux résultats du tableau 7.2., les valeurs données ici sont relativement faibles. Les auteurs notent cependant que la circonférence scrotale selon l'âge est affectée d'un grand coefficient de variation.

AXES DE RECHERCHE

Il a été montré que le comportement sexuel des taureaux trypanotolérants est compatible avec la collecte de sperme au vagin artificiel. Les raisons de la grande variabilité individuelle de la libido mériteraient d'être mieux précisées (domestication préalable, expérience sexuelle antérieure,…).

Les relations entre les mensurations scrotales et le poids et l'âge des animaux devraient être aussi encore approfondies chez ces races. Il serait intéressant de tenter d'établir des formules de relations entre ces différents paramètres, comme cela a été établi pour d'autres races (GIBSON et al., 1985).

BIBLIOGRAPHIE

BIERSCHENKL (F.): “Research on the sexual behavior of the N'dama.”, Trypanotolerance and Animal Production, Avetonou (Togo), 1984, 3, 31–39

CHICOTEAU (P.): “Adaptation physiologique de la fonction sexuelle des bovins Baoulé au milieu tropical sud-soudanien.”, Thèse de doctorat es sciences, Université de Paris XII, 1989, 174 p.

CLOE (L.C.), CHICOTEAU (P.), COULIBALY (M.), BASSINGA (A.): “Caractéristiques spermatiques du taureau Baoulé (Bos taurus taurus) au Burkina Faso.”, Rev. Elev. Méd. vét. Pays trop., 1989, 42 (3): 457–462.

CLOE (L.C.), THIOMBIANO (D.), VERY (P.), CHICOTEAU (P.): “Influence d'une trypanosomose expérimentale sur la fonction sexuelle de taureaux Baoulé.”, In: “Deuxième atelier de travail sur la reproduction du bétail trypanotolérant en Afrique occidentale et centrale.”, Banjul (Gambie), Projet RAF/88/100, 1989

COULIBALY (M.): “recherche d'une base physiologique au saisonnement de la reproduction des Baoulé (Bos taurus)”; Mémoire de fin d'études, Institut du développement rural, Ouagadougou (Burkina-Faso), 1988, 79p.

DJABAKOU (K.), FIMMEN (H.O.), BOTTGER (M.): “Examination of bull semen at CREAT.”, Trypanotolerance and animal production, Avetonou (Togo), 1984, 3, 40–44.

EZEKWE (A.G.): “Ejaculate characteristics of two breeds of tropical bulls - N'dama and Muturu.”, Joint seminar on animal reproduction for african countries, Addis-Abeba, 1988.

GIBSON (T.A.), VOGT (D.W.), MASSEY (J.W.), ELLERSIECK (M.R.): “Scrotal circumference adjustment factors for age and weight differences in beef bulls.”, JAVMA, 1985, 186 (6): 580–582.

GREENWOOD (A.C.), MULLINEAUX (E.), BODDY (J.M.), ALLAWAY (E.C.), EHRLICH (P.C.): “Research project in The Gambia.”, Royal (Dick) School of veterinary studies, University of Edinburgh, 1989.

MEYER (C.), YESSO (P.): “Rapport annuel 1990.”, Bouaké (Côte d'Ivoire), Institut des Savanes, 11 p.

NWAKALOR (N.R.), ORJI (B.I.), IGBOELI (G.): “Sexual behaviour in N'dama, Muturu and Holstein Friesan bulls in a humid tropical environment.”, World Rev. Anim. Prod., 1979, 15: 35–40.

ORJI (B.I.), IGBOELI (G.), NWAKALOR (L.N.): “Semen characte-ristics of Muturu bulls - Bos brachyceros.” Theriogenology, 1984, 22 (2): 197–203.

PAREZ (M.), THIBIER (M.): “Contrôle de la fonction sexuelle chez le jeune taurillon.”, Elevage et Insémination, 1983, 197: 3–16.

SANYANG (F.B.), PRESICCE (G.A.): “Etude de la qualité du sperme, du taux des hormones de la reproduction et des dimensions testiculaires des taureaux N'dama.”, IN: “Rapport du Deuxième Atelier sur la Reproduction du Bétail Trypanotolérant en Afrique de l'ouest et centrale”, Banjul (Gambie), Projet RAF/88/100, 1989.

SANYANG (F.B.), SAUVEROCHE (B.), TOURAY (O.), CLIFFORD (D.): “Caractéristiques spermatiques de taureaux N'dama en Gambie.”, soumis pour publication.

TAMBOURA (H.): “Influence du climat tropical humide sur les paramètres du spermiogramme chez les races taurines en Côte d'Ivoire.” Mémoire pour le diplôme d'études appreofondies d'écologie tropicale, 1988–1989, 84 p.

THIBIER (M.): “La fonction sexuelle du jeune taurillon (Bos taurus).” Thèse de Doctorat ès Sciences, Paris, 1977, 100 p.

Chapitre 8:
Caractéristiques spermatiques et composante hormonale

ASPECT

La couleur de l'éjaculat peut varier de blanc clair à jaune brillant (EZEKWE, 1988a). L'aspect est généralement homogène et crémeux (DJABAKOU et al., 1984). Les éjaculats de qualité inférieure sont plus turbides et translucides; mais l'inverse n'est pas toujours vrai (SANYANG et al., 1992). Si certaines variations de couleur peuvent indiquer une altération de la qualité de l'éjaculat (présence de sang ou de pus), le jugement de la qualité du sperme sur l'aspect ne donne qu'une valeur indicative.

ANALYSE DU SPERMOGRAMME

Valeurs moyennes et dispersion

Le tableau 8.1. reprend les analyses des spermogrammes pouvant être considérés comme caractéristiques des races N'dama et Baoulé. Dans les deux cas, les animaux étaient entretenus de manière satisfaisante, en station depuis au moins un an, et toutes les données concernant les animaux et leur spermogramme étaient disponibles.

Tableau 8.1.: Spermogramme des races N'dama et Baoulé.

Le tableau 8.2., reprend de manière plus exhaustive les différents travaux publiés sur les spermogrammes de races trypanotolérantes (N'dama, Baoulé, Muturu), récoltés par vagin artificiel, ou par électroéjaculation.

Tableau 8.2.: Spermogrammes des races N'dama et Muturu.

Ces résultats peuvent s'analyser en fonction des normes communément admises pour l'évaluation de la qualité d'un éjaculat dans le cadre de son utilisation pour l'insémination artificielle. Ces normes sont (PAREZ et THIBIER, 1983):

• volume > 1 ml

• concentration supérieure à 0,5 × 10⁹ par ml

• motilité supérieure à 3

• Pourcentage de spermatozoïdes vivants > 70%

• Taux de spermatozoïdes sans anomalies majeures > 80%

Le tableau 8.1. montre que la moyenne des taureaux utilisés se situe dans ces normes. Par contre, dans le tableau 8.2., on remarque que pour les N'dama élevés au Nigeria et les Muturu, les éjaculats sont de qualité insuffisantes, en particulier au niveau de la concentration.

Des corrélations ont été trouvées entre les différents paramètres du spermogramme. Ainsi, on a noté des corrélations entre:

• Volume et Pourcentage de spermatozoïdes mobiles (CHICOTEAU, 1989)
• Motilité et pourcentage de spermatozoïdes mobiles (CLOE et al., 1989; COULIBALY, 1988)
• Motilité et anomalies (CLOE et al., 1989; IGBOELI et al., 1987)
• Motilité et concentration (CLOE et al., 1989; SANYANG et al., 1992)

Facteurs de variation

Mode de collecte

La récolte par électroéjaculation est connue pour donner des éjaculats de plus grand volume, mais de plus faible concentration (SALISBURY et VANDERMARK, 1961). On peut ainsi noter que, parmi les trois expériences concernant les Muturu (tableau 8.2.), provenant du même endroit, que la qualité du sperme récolté avec le vagin artificiel est supérieure à celle du sperme récolté par électroéjaculation. Ceci est particulièrement net en ce qui concerne la motilité des spermatozoïdes.

L'électroéjaculation ne devrait être réservée qu'à des cas très particuliers (pathologie, agressivité excessive, …) en raison de son interférence avec le bien-être des animaux, et que ce mode de collecte devrait être proscrit de toute expérimentation (THIBIER, communication personnelle).

En utilisant le vagin artificiel, des corrélations ont été trouvées entre le volume de l'éjaculat et le rang de collecte (CLOE et al., 1989).

Animaux

En dehors de tout processus pathologique, le poids a été corrélé au sein d'une même race avec le volume de l'éjaculat (CLOE et al., 1989), traduisant ainsi le développement isomorphique des glandes annexes.

Si l'âge des taureaux peut avoir une influence sur la qualité du sperme (SALISBURY et VANDERMARK, 1961), SANYANG et al. (1989) n'ont trouvé aucune différence significative entre les résultats obtenus à partir des taureaux de 5/6 ans et ceux à partir de taureaux de 2,5/3 ans.

D'une manière générale, il ressort du tableau 8.2. que les résultats les plus défavorables sont obtenus avec des animaux adultes de poids inférieur à ce que permettrait leur potentiel génétique (100 à 150 Kg pour les Muturu, 227 Kg pour les N'dama). Ces animaux sont donc soit trop jeunes, soit ont subi des restrictions alimentaires importantes, les deux hypothèses pouvant expliquer la faible concentration et le fort pourcentage d'anomalies rencontrés.

Hygrométrie:

Pour les taureaux Baoulé au Burkina Faso (COULIBALY, 1988), l'hygrométrie a été corrélée négativement avec le volume, la concentration, le pourcentage de spermatozoïdes vivants et la motilité. Une corrélation positive a aussi été trouvée entre l'hygrométrie et le taux d'anomalies mineures.

L'hygrométrie a aussi été trouvée être corrélée positivement avec le taux d'anomalies majeures et mineures (spécifiquement sur celles de la tête des spermatozoïdes) (CLOE et al., 1989)

Température:

Il a été noté une influence défavorable de la température maximale ambiante sur les anomalies majeures (de la pièce intermédiaire et surtout de la queue des spermatozoïdes) (CLOE et al., 1989, IGBOELI et al., 1987)

La température extérieure a aussi été corrélée positivement avec le pourcentage de spermatozoïdes vivants (COULIBALY, 1988), cette observation ayant été effectuée pendant la période la plus fraîche (température extérieure moyenne ne dépassant pas les 29°C).

Insolation, pluviométrie

Dans son étude, COULIBALY (1988) ne trouve pas de corrélation entre les paramètres du sperme et l'insolation ou la pluviométrie.

Saisons

CLOE et al. notent, chez des taureaux Baoulé au Burkina Faso supplémentés, que la qualité du sperme est plus faible pendant la saison chaude et humide.

IGBOELI et al. (1987) notent, au Nigeria chez des taureaux Muturu non supplémentés une meilleure qualité du sperme pendant la saison des pluies. Celle-ci est cependant dans la région, moins chaude que la saison sèche. Le sperme était cependant de mauvaise qualité tout au long de l'année (motilité inférieure à 40%, concentration inférieure à 0,5.10⁹/ml). Les variations de la qualité de sperme ont été attribuées à la variation de la qualité des pâturages et à une diminution de la température.

Ces deux résultats ne sont qu'apparemment contradictoires: dans la deuxième étude, les animaux ne recevaient aucune supplémentation, et la moyenne générale de leurs caractéristiques spermatiques reste très faible tout au long de l'année. Ces animaux souffraient sans doute en priorité de malnutrition, et l'effet saison est en fait principalement lié à un effet de l'alimentation. Alors que dans la première étude, les animaux étaient en box individuels et supplémentés tous les jours. L'effet climatique est alors directement en cause.

Il ressort de ces deux cas que:

• L'alimentation est un facteur plus limitant que les conditions climatiques, dans une situation non améliorée.

• Des récoltes en vue d'insémination artificielle doivent se faire sur des taureaux supplémentés, ou ayant au moins une alimentation équilibrée.

• Lorsque l'effet de l'alimentation est annulé, la meilleure qualité de semence est obtenue en saison sèche et fraîche; la qualité étant toutefois compatible avec la récolte de sperme (pour une utilisation ultérieure en insémination artificielle) tout au long de l'année.

PARAMETRES BIOCHIMIQUES

Electrolytes

Les caractéristiques biochimiques relevées dans le sperme de taureaux trypanotolérants sont les suivantes (tableau 8.3.):

Tableau 8.3. - Composition chimique (électrolytes) du sperme de taureaux trypanotolérants (en mg/100ml)

Les concentrations en sodium trouvées sont élevées par rapport à ce qui est rapporté pour d'autres races (SALISBURY et VANDEMARK, 1961) (260 à 320 mg/100ml contre 110 à 290 mg/100ml). Les taux, de calcium rapportés par IGBOELI et al (1987) et par ORJI et al. (1984) chez les Muturu sont en dessous de ce qui est rapporté pour d'autres races; néanmoins, ces résultats ne concordent pas avec ceux de EZEKWE et ORJI (1988) pour ces mêmes races.

La concentration du plasma séminal en potassium varie selon la race (EZEKWE et ORJI, 1988), et est plus importante chez le Muturu que chez le N'dama.

Fructose

ORJI et al. (1983) rapportent les résultats suivants concernant les taux de fructose dans le plasma séminal de taureaux N'dama, mesurés à différentes saisons:

Ces résultats montrent l'influence des saisons sur ce paramètre. Il semble que l'alimentation soit là aussi le facteur intervenant, soit directement, soit indirectement en diminuant par exemple la production de testostérone, à laquelle est liée la concentration de fructose dans le plasma séminal.

Chez les Muturu, les tentatives de dosage du fructose n'ont permis, à une exception près, que de le révéler à l'état de traces (IGBOELI et al., 1987; ORJI et al., 1984) dans le plasma séminal, ce qui laisse un doute sur la qualité des dosages.

Ces résultats ouvrent des perspectives de recherches intéressantes pour expliquer ces résultats. Le même type de dosage devrait être effectué sur des animaux de cette race en parfaite condition et supplémentés afin de déterminer si la déficience dans la production spermatique est d'origine génétique ou plus vraisemblablement due à l'état des animaux.

COMPOSANTE HORMONALE

La composante hormonale a été peu étudiée chez les taureaux de races trypanotolérantes.

BOLY et al. (1991) observent, sur deux taureaux Baoulé, pour une série de prélèvements toutes les 15 minutes de 7h à 15h, une concentration plasmatique moyenne de testostérone de 2,6 ng/ml et de LH de 3,14 ng/ml.

Des données concernant trois taureaux Baoulé ont été récoltées (CHICOTEAU, 1989); les niveaux moyens pour ces trois taureaux sont rapportées tableau 8.4.:

Tableau 8.4.- Concentrations plasmatiques moyennes sur l'année de LH et de testostérone chez trois taureaux Baoulé (CHICOTEAU, 1989).

Ces résultats sont à prendre comme une première observation.

Ils ont cependant permis de noter une association entre les épisodes de faible qualité spermiologiques et une absence de pulsatilité de testostérone, entraînant par annulation du “feed-back” négatif, une pulsatilité importante de la LH. (cf. fig. 8.1.)

Fig 8.1. - Profils de LH et de testostérone plasmatiques étudiés par prélèvements fréquents (15 minutes) lors de détérioration de la qualité du sperme (+: sperme de bonne qualité; -: sperme de mauvaise qualité) chez trois taureaux Baoulé. (d'après CHICOTEAU, 1989).

AXES DE RECHERCHE

La connaissance des paramètres des spermogrammes des taureaux trypanotolérants est maintenant bien avancée. Des taureaux bien entretenus peuvent être collectés tout au long de l'année pour l'insémination artificielle, mais la qualité optimale du sperme est obtenue en saison fraîche et sèche. Il serait intéressant d'étudier les éventuelles conséquences de ces variations de qualité du sperme lors de monte naturelle.

Les autres constituants du sperme et l'endocrinologie de la reproduction des taureaux trypanotolérants ont été l'objet de moins d'investigation. Les différents constituants organiques ou inorganiques, les variations saisonnières des concentrations hormonales, en relation avec les variations de la qualité du sperme ou de ses constituants, seraient par exemple des axes de recherche intéressants.

BIBLIOGRAPHIE

AMMAN (R.P.): “Sperm production rates.”, IN: GOMES (W.R.), VANDEMARK (N.L.): “The testis.”, 1970, Academic press, New York, p 433–472.

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