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Des techniques traditionnelles efficaces

La mise en valeur des terres en pays Bamiléké est caractérisée par l'association et/ou la juxtaposition de l'agriculture et de l'élevage. Les systèmes agraires sont relativement complexes et les aménagements qui les accompagnent varient suivant la prépondérance de l'agriculture sur l'élevage (ou vice-versa) et la permanence des établissements humains. On y distingue d'une part les systèmes intensifs, et d'autre part les systèmes extensifs.

LES SYSTEMES INTENSIFS TRADITIONNELS (figure 67)

Ils sont pratiqués sur les zones habitées du plateau où les exploitations familiales disposent des trois terroirs indispensables à l'autonomie de chaque famille (bas-fond, versant et sommet de colline). On y pratique une polyculture intensive associée au petit élevage (moutons, chèvres, porcs, volailles) dans un paysage de bocage. Les exploitations familiales (généralement inférieures à 3 ha), s'allongent sur les versants et associent une gamme variée de plantes, depuis le sommet jusqu'à la vallée.

Les parties supérieures des versants portent soit des pâturages pour les moutons et chèvres (Pennisetum purpureum, Panicum maximum) soit des champs vivriers (temporaires ou permanents) où l'arachide est associée au maïs, à la patate douce, aux haricots, aux ignames, aux pois de terre. Là où les densités sont peu élevées, l'usage du feu pour les défrichements et pour le renouvellement du fourrage est pratiqué.

Les parties intermédiaires sont le domaine de l'habitat et des jardins multi-étagés aux associations culturales complexes. Dans les caféières ombragées, maïs, arachides, macabos, maniocs, taros, ignames, légumes, condiments divers, bananiers... en proportions variables, prospèrent à proximité des caféiers et des arbres fruitiers ou forestiers autour des habitations et de l'enclos à porc. Sur les parcelles exclusivement réservées aux cultures vivrières, une deuxième campagne de cultures (haricot, patate douce, pomme de terre) succède à la récolte du maïs. L'omniprésence des arbres donne au paysage un aspect touffu. On y dénombre entre 120 et 130 arbres à l'hectare.

Les bas fonds sont réservés aux palmiers raphias, Raphia farinifera, à la lisière desquels s'étendent de petits champs de tubercules (macabo, taro, ignames, manioc...), associées à quelques bananiers et légumes divers.

Les techniques de maintien de la fertilité des sols sont multiples:

- le recours à la jachère permet la reconstitution naturelle des éléments nutritifs du sol. Sur les champs vivriers intensifs, c'est une courte jachère d'inter-saison culturale, alors que sur les champs d'arachide des sommets de collines, la jachère est annuelle ou pluriannuelle.

- l'intégration de l'élevage à la culture: les parcelles laissées en jachère, sont pâturées par les moutons et chèvres qui exploitent les résidus des récoltes et déposent leur fumier. L'enclos à porc est régulièrement déplacé tout autour des habitations et l'emplacement libéré mis en culture. Le fumier ramassé sur les lieux de séjour fréquent du bétail (porcherie, aires de stationnement des poules et des chèvres et petits enclos à volaille de début des semailles), est disposé dans les sillons.

- l'enfouissement des matières organiques sous les billons: les résidus de récoltes, le fumier du bétail, les déchets et cendres domestiques et toute matière organique pouvant enrichir le sol sont entreposés dans les sillons et recouverts de terre lors de la préparation des champs. Cependant, toute la fumure organique n'étant pas transformée pendant la saison culturale, les labours réexposent en surface les déchets non humifiés qui protègent partiellement les sols.

- le recyclage de la biomasse: il est particulièrement efficace au regard de l'alternance régulière entre billons et sillons. Pendant que les premiers portent les cultures, les seconds reçoivent les déchets domestiques et de sarclage qui vont fertiliser le futur billon. Ainsi, à chaque saison culturale, une partie du sol est moins sollicitée que l'autre et se reconstitue pour accueillir les cultures à la saison suivante.

- la pratique de l'écobuage: elle consiste à entasser les herbes arrachées sur les parcelles, les recouvrir de terre puis, à partir d'un trou aménagé sur le côté, on y met le feu. La combustion lente conserve toutes les cendres issues de l'incinération, les protège des eaux de pluies et facilite la fertilisation des sols.

FIGURE 67

: Organisation traditionnelle de l'espace (fragment agrandi d'un quartier du plateau granitique)

Les méthodes de lutte antiérosive sont variées:

- l'association de plusieurs cultures sur le même billon: elle assure la stabilité du billon, une bonne couverture du sol et réduit l'érosion. On comprend dès lors, pourquoi les gros billons disposés dans le sens de la pente résistent efficacement au ruissellement.

- la pratique de deux campagnes culturales: limitée aux parcelles vivrières, elle assure une couverture permanente du sol surtout lorsque les cultures de la première campagne sont en partie présentes sur les champs.

- l'association des arbres aux cultures: ces arbres fruitiers ou forestiers fournissent l'ombrage nécessaire à certaines cultures, freinent la vitesse des vents, préservent l'humidité du sol. Leur litière protège le sol du choc des gouttes de pluies et freine l'érosion.

- le maintien des résidus de récoltes sur les champs: il s'agit des tiges de maïs laissées sur pieds, des fanes d'arachides abandonnées dans les sillons...qui assurent un paillage du sol et le protègent de la forte insolation de saison sèche et des effets néfastes du ruissellement. Certaines tiges servent de tuteur aux ignames plantées plus tard.

- le quadrillage de l'espace cultivé par des haies vives: il s'agit des "haies-juridiques" et des "haies-enclos" dont l'agencement délimite des chemins de circulation du bétail des abords des cases aux pâturages communs des sommets. Elles freinent efficacement la course des eaux et piégent les transports solides lorsqu'elles sont horizontalement renforcées de nervures de raphias. Par ailleurs, ces haies vives forestières brisent la vitesse des vents. Constituées d'essences à croissance rapide et reproductibles par bouturage (Ficus spp, Markhamia lutea, Polyscias fulva, Harungana madagascarensis, Podocarpus milanjianus, Dracaena arborea, Hymenodycton floribundum, Datura stramonium., Vernonia sp..), elles représentent une source importante de bois de chauffe, fournissent des tuteurs pour les cultures grimpantes et secondairement du fourrage pour le petit bétail.

- la taille et la disposition des billons sur les parcelles cultivées (figure 68): elles varient suivant la position topographique, les types de cultures et l'épaisseur des sols (seule la longueur du billon est quelquefois imposée par la taille de la parcelle cultivée):

• sur les pentes fortes aux sols peu épais, les billons de petite taille (50 à 70 cm d'embase et 20 à 30 cm de haut), sont orientés dans le sens de la plus grande pente, et disposés en quinconce du haut vers le bas du versant. Cette disposition - très efficace contre le ruissellement du fait de la couverture totale du billon par les cultures - canalise la circulation des eaux de pluies, et réduit leur vitesse et l'érosion.

• sur les pentes faibles et moyennes, les gros billons (E=70 à 90 cm, H=30 à 40 cm), sont disposés en damier, avec toutefois une légère préférence aux billons paralèlles aux courbes de niveau. Il est alors fréquent de rencontrer sur la même parcelle des billons dans le sens de la pente et des billons perpendiculaires à celle-ci.

FIGURE 68

: Orientation et disposition des billons sur une parcelle

En somme, la disposition des billons dans le sens de la pente est bien adaptée aux régions centrales où la faible longueur des versants, la capacité d'infiltration élevée des sols et la culture continue ne permettent ni une concentration des eaux de pluie en surface, ni une grande vitesse d'écoulement superficiel. En revanche, elle ne convient pas aux régions montagneuses et granitiques où l'infiltration est plus faible et la déclivité plus accentuée.

EXPLOITATION DES RESERVES ET DES TERRES MARGINALES

Les fortes pentes, les plaines marécageuses ou hydromorphes et les massifs montagneux sont longtemps restés en marge des aménagements traditionnels. Ces réserves foncières sont cependant exploitées à titre précaire par des pasteurs Mbororos et des cultivateurs autochtones.

- Sur les pâturages des massifs montagneux, des pasteurs Mbororos pratiquent un élevage bovin-ovin semi-sédentarisé. L'abondance des herbages n'autorise qu'une courte transhumance de saison sèche. Autour des campements plus ou moins fixes, certains éleveurs pratiquent une agriculture intensive en collaboration avec les autochtones bamilékés pour valoriser le fumier des aires de stationnement nocturne du bétail (Fotsing, 1990).

- Sur les terres récemment cultivées, les techniques d'exploitation sont expéditives, les aménagements sommaires et les associations culturales simplifiées à l'extrême. On y pratique de préference les cultures maraîchères (pomme de terre, oignon, aïl, carotte...) ou les cultures vivrières de rapport immédiat (maïs, haricot...), qui ne couvrent que très faiblement le sol.

Ces espaces ouverts brûlés en saison sèche, offrent un paysage d'openfield, parsemé de loin en loin par quelques rares arbres fruitiers. Les seuls boisements présents sont les haies pionnières d'Eucalyptus dont l'intérêt antiérosif est négligeable car elles sont situées sur les têtes de vallons et sur les replats, là où les risques d'érosion sont peu évidents.

Les risques

TRANSFORMATIONS RECENTES DES SYSTEMES AGRAIRES

- Dans les zones d'agriculture intensive, la "faim de terres" liée à la forte pression démographique, entraîne le fractionnement des exploitations familiales et une densification de l'espace. De plus en plus, on installe les fils ou les frères sur les parties supérieures des concessions et on octroie aux émigrés des parcelles pour la construction de résidences secondaires. Dans les quartiers du plateau basaltique de Bafou, la densité du bâti est de 3,3 cases à l'hectare et le taux d'accroissement annuel des constructions d'environ 3 %, avec des densités de population à la limite du tolérable (plus de 1200 hab/km2 ). L'espace est moins saturé dans la zone granitique longtemps soumise à une émigration plus intense. Le rythme annuel des constructions y est plus faible (1,5 %), la densité du bâti aussi (0,82 case à l'hectare) (Ducret & Fotsing, 1987).

Sur les exploitations de plus en plus réduites - 1,3 ha en moyenne - le maraîchage entraîne une simplification des haies et une réduction des boisements. La jachère tend à disparaître et l'utilisation des engrais minéraux se généralise à l'ensemble des cultures. Cette fertilisation minérale est complétée par les déchets des élevages hors-sols notamment les fientes des poules. La disparition des pâturages des sommets réduit l'élevage des moutons et des chèvres aux piquets. L'adoption du soja, du maïs "Z 230" et de la pomme de terre "cardinal", variétés culturales vulgarisés par l'UCCAO (Union Centrale des Coopératives Agricoles de l'Ouest), confirme la tendance à la diversification et parachève la saturation de l'espace agraire.

- Dans les zones périphériques, les exigences en terres agricoles favorisent la colonisation anarchique des terres et la mise en culture des pentes fortes. La chasse aux éleveurs porte un coup fatal à l'élevage du gros bétail. Sur les Bamboutos en moins de 5 ans, la colonisation agricole n'a laissé à l'élevage que des terrains pentus impropres à l'agriculture (Fotsing, 1989). Les parcours encore disponibles sont surchargés et gérés suivant des stratégies cycliques articulées sur des déplacements saisonniers (Fotsing, 1990).

DES ZONES DIVERSEMENT EXPOSEES A L'EROSION

La pluie est le principal agent d'érosion qui menace les terres agricoles du pays Bamiléké. Cependant, les précipitations érosives sont celles qui s'abattent sur des sols peu couverts, avec des intensités de 75 à 120 mm/h. Or les averses de 150 mm/h pendant 15 minutes sont relativement fréquentes (Morin, 1989). Elles sont liées aux lignes de grains et tombent en mars-avril, en juin et en octobre, sur des sols à peu près nus (début des cultures et périodes de sarclage et récolte).

En début de saison humide, les averses battent la surface des sols desséchés parfois pulvérulents, mal protégés par le couvert végétal brûlé, voire totalement dénudés par les défrichements ou le billonnage. En milieu de saison des pluies, ces orages s'abattent sur des parcelles sarclées et gorgées d'eau. Même si le ruissellement ne se produit qu'une fois la saturation du sol assurée, il peut alors provoquer des crues brutales voire des glissements de terrain.

Les coefficients de ruissellement sont faibles du fait de la porosité totale élevée des formations superficielles. L'infiltration est de 50 à 100 mm/h, sur sols d'origine basaltique et, seulement de 9 à10 mm sur sols granitiques. La grande profondeur des sols basaltiques et l'épais manteau d'altérites qu'ils recouvrent, quelquefois sur plus de trois mètres, absorbent la quasi totalité des eaux de pluie et inhibent le ruissellement. Sur les versants granitiques, la texture sablo-limoneuse et la faible épaisseur des sols autorisent la formation d'une croûte de battance et un ruissellement accru. Par ailleurs, la faible longueur des versants due au vallonnement du relief, réduit la vitesse des écoulements superficiels et par conséquent leur capacité érosive. A peine concentré, le ruissellement s'étale dans les bas-fonds, les marécages ou les bassins d'effondrement.

TYPES D'EROSION ET DE DEGRADATION OBSERVES

Sur les hautes terres de l'ouest, l'érosion dépend initialement de la battance des pluies, et de la présence de sols qui autorisent l'apparition du ruissellement. Mais son efficacité est largement tributaire des techniques d'exploitation du sol.

Dans les zones de polyculture intensive traditionnelle, l'érosion ne s'exerce que faiblement. Seule la technique de confection des billons provoque une érosion mécanique sèche. Toutefois, les terres de bas de versants concaves, les plus anciennement cultivées montrent des traces d'appauvrissement, signes évidents de la faiblesse des apports colluviaux, de l'importance de l'érosion et de la lixiviation locale. Par ailleurs, les transformations en cours favorisent l'installation du ruissellement et de l'érosion. Les abords des cases et les bas côtés des routes, les cours et les chemins tassés sont soumis à une érosion en rigoles qui s'amplifie à proximité des résidences secondaires et à l'exutoire des canalisations installées par les Travaux Publics sur les voies publiques.

L'exploitation continue des mêmes parcelles entraîne le recours à la fertilisation minérale. Les engrais chimiques (N20-P10-K10, urée et N12-P6-K20), officiellement destinés aux caféières, sont détournés vers les cultures vivrières et maraîchères. Les niveaux de fertilisation sont élevés (250 à300 kg/ha, sur les parcelles maraîchères du piédmont de Djutitsa), mais on constate un excès d'azote et une insuffisance de potasse (154N 63P 54K pour le café, 147N 72P 72K pour les cultures vivrières et 427N 218P 235K pour les cultures maraîchères) (Ducret & Grangeret, 1986). Sur les sols gravillonnaires des sommets de collines, le maïs présente des carences en azote, potasse et phosphore que les agriculteurs attribuent à l'épuisement de ces sols gravillonnaires qui "ne retiennent pas bien les engrais".

Sur les hauts versants à végétation naturelle conservée, les eaux ruissellent sur le tapis herbacé couché, sans causer de dégats aux sols même sur fortes pentes. Sur les versants à végétation appauvrie, l'érosion hydrique aréolaire conduit peu à peu au déchaussement de la base des touffes de chaumes et de leurs racines, puis interfère avec le piétinement du bétail qui tasse le sol, pour préparer l'intervention du ruissellement concentré. Quelques sables et graviers peuvent alors être transportés (Morin, 1989).

Sur les terres récemment occupées, les pratiques culturales sommaires favorisent la dégradation des sols. Dans les Bamboutos, les écobuages successifs détruisent la structure des sols humifères sur trachytes peu cohérents à l'origine. A Baleng, sur des versants à 25 % de pente, cultivés en billons disposés dans le sens de la pente, Olivry (1974) a mesuré une dégradation de 120 t /ha en trois mois de saison de pluies. Il attribue le débit solide élevé du Mbam pendant toute la saison pluviale à l'apport des particules issues de l'entretien des parcelles des cultures vivrières en pays Bamiléké. Toutefois, ces chiffres demeurent modestes, comparés aux 500 et 700 t/ha/an enregistrés à Adiopodoumé, sous cultures sur des sols ferrallitiques sableux à 22 % de pente (Roose, 1977).

En définitive, la dégradation des sols en pays Bamiléké n'est pas proportionnelle à la pente mais inversement proportionnelle à l'intensification de la culture et du couvert végétal au ras du sol. Une telle situation appelle une réorientation des stratégies actuelles de mise en valeur de l'espace en tenant compte du savoir-faire paysan patiemment accumulé au cours du temps.

Quelques propositions d'améliorations

LES AMENAGEMENTS ANTIEROSIFS (figure 69)

La restauration du bocage traditionnel: entretenir les clôtures juridiques et améliorer leur qualités fourragères d'une part, et planter les haies vives fourragères sur les parcelles de culture situées sur des terrains pentus d'autre part. Ces haies vives fourragères de Leucaena, Callyandra callothyrsus ou hibiscus fourrager, seront taillées tous les 3 mois, pour donner du fourrage au bétail, fumer et pailler les parcelles cultivées, sans réduire de trop la surface cultivable. Renforcées horizontalement de nervures de raphia, elles vont ralentir la vitesse des eaux, arrêter les transports solides et contrôler les déplacements du bétail. On les installera tous les 15 m sur les pentes inférieures à 25 % et tous les 10 m sur les pentes plus fortes. Cet espacement devra tenir compte de la taille des exploitations familiales, de la présence des enclos d'élevage et des clôtures autour des habitations. Des bandes enherbées viendront renforcer ces clôtures vers la partie aval pour renforcer leur efficacité à freiner les transports solides. Une incitation à la généralisation de l'élevage des moutons facilitera la reconversion du bocage.

FIGURE 69

: Quelques aménagements antiérosifs à réaliser

La disposition des billons sur les versants en fonction de la pente:

- Sur des pentes inférieures à 25 %:

• Des petits billons isohypses, de préférence cloisonnés, au sommet des collines sur des sols peu épais pour faciliter l'infiltration des eaux et éviter la formation du ruissellement. On veillera à ce que les billons se terminent au même endroit afin de créer un couloir de ruissellement privilégié.

• Des billons cloisonnés en bandes tous les 5 mètres, à mi-versant sur les parcelles de polyculture vivrière associée aux caféières. Les différentes bandes de 6 à 8 billons chacune, seront séparées par des haies vives fourragères. Entre 2 bandes contiguës, un sillon régulièrement paillé et interrompu vers l'aval par un petit cordon de pierres, canalise le ruissellement.

• Des gros billons perpendiculaires à la pente à proximité des talwegs sur des sols épais réservés aux tubercules et cultivés en permanence. Cette disposition évitera des risques de ravinement en cas de fortes averses et, du fait de la couverture continue du sol, freinera l'érosion.

- Sur des pentes supérieures à 25 %:

• Des petits billons isohypses cloisonnés du sommet de colline au tiers inférieur des versants. Cette disposition tient compte des contraintes physiques qu'impose le billonnage du sol et nous semble plus efficace que les billons isohypses pour briser la force du ruissellement et faciliter l'infiltration des eaux de pluie.

• Des billons en bandes alternées vers le bas de versants tous les 5 mètres. Si la couverture pédologique est peu épaisse et riche en éléments grossiers, on évitera le billonnage dans le sens de la pente car les associations culturales dans ce cas sont très réduites et le sol est presque nu en période de fortes averses.

L'édification de petits cordons de pierres. Disposés dans le sens des courbes de niveau à mi-chemin entre les haies vives et de préférence au travers du passage des eaux, ils réduiront la vitesse du ruissellement et partant, freineront l'érosion des sols. Ils seront construits à l'aide des cailloux que les paysannes rassemblent en petits tas dispersés sur les parcelles de culture.

La construction de gros cordons de pierres à l'amont des haies vives tous les 10 ou 15 mètres. Les blocs rocheux qui encombrent les terres agricoles en zone granitique fourniront les matériaux nécessaires à leur élaboration. Ces cordons viendront renforcer les structures antiérosives et, en freinant l'érosion mécanique, ils seront un préalable à la création des terrasses progressives.

Le paillage léger des parcelles de cultures: pratiqué à l'aide des feuilles de bananiers, de palmiers raphias et des tiges coupées sur les haies vives, il est nécessaire sur les parcelles non cultivées pendant la deuxième campagne culturale. Il limite l'évaporation et conserve l'humidité du sol. Les plantes pourront mieux supporter les déficits hydriques de début de saison culturale. Sous caféiers ombragés, il évitera les labours fréquents qui coupent les racines de l'arbre et accélèrent l'érosion mécanique sèche.

Le reboisement par l'eucalyptus associé aux cultures annuelles sur des pentes comprises entre 40 et 60 %. Cette association sera fondée sur un système particulier d'assolement semi-itinérant. Pendant les 2 premières années de mise en place du reboisement, toute la parcelle est labourée et cultivée. De la 3e à la 6e année, jachère et cultures alternent tous les ans sur les différentes parties du reboisement. Dès la 6e année, des éclaircies préparent le renouvellement progressif de la plantation. On contrôle la croissance des arbres en éliminant systématiquement les racines superficielles nuisibles aux cultures. Ils développent alors ses racines pivotantes et contribuent à la stabilité des versants. Ses feuilles à humification lente agissent comme un "mulch" et protègent les sols de la battance, conservent son humidité et ne demandent qu'un labour léger en début de cultures. Dans le périmètre de reboisement des

Bamboutos, des parcelles de pommes de terre, d'ails ou d'oignons prospèrent entre les eucalyptus espacés de 5 à 8 m.

Le reboisement systématique par l'Eucalyptus des pentes supérieures à 60 % avec interdiction de pratiquer toute culture nécessitant un labour. Les arbres doivent être plantés à distance suffisante (3 à 4 m) pour laisser développer un sous-étage protecteur du sol contre la battance. Il peut servir de parcours éventuellement lorsque les arbres ont plus de 2 m de haut. Si les versants reposent sur un plan de glissement, les eucalyptus, exploités en taillis tous les 5-7 ans assèchent progressivement la nappe souterraine et stabilisent les pentes. Cet arbre fournit aussi une part importante de bois de chauffe, de bois d'oeuvre et procure des revenus substantiels (Fotsing, 1992a).

LA RESTAURATION DE LA FERTILITE DES SOLS

L'utilisation rationnelle des engrais minéraux et la commercialisation des fertilisants appropriés compensera les carences en potasse et phosphore. Le labour permettant l'enfouissement de P et K avant le semis, des apports de N en cours de végétation, seront certainement profitables et moins coûteux: le 20 - 10 - 10 fournit des unités de P2O5 et de K2O plus chères que les autres produits.

L'amélioration de la jachère par l'introduction des légumineuses semées en dérobé sous la dernière culture après sarclage, facilitera la reconstitution des éléments fertilisants des parcelles au repos. Leur exploitation en pâturages pour le petit ruminant permettra de valoriser le fumier laissé par les animaux.

L'amélioration des méthodes d'élevage. Pour le petit bétail, elle consistera à déplacer rationnellement les piquets d'attache afin d'éviter la surexploitation des mêmes secteurs. Pour le gros bétail, il faut instituer un système en semi-stabulation à proximité des campements, et un système de pâturages tournants couplé à une courte transhumance de saison sèche sur l'ensemble du territoire pastoral.

La construction de citernes pour une meilleure gestion des eaux en saison sèche. Dans les zones de fortes densités du bâti, elle piègera l'eau des toits, des cours d'eau et des chemins. Cette réserve d'eau sera utilisée pour les travaux de confection des briques, permettra une irrigation d'appoint des jardins potagers en contre-saison, la pratique de l'irrigation observée chez certains maraîchers de Bafou et l'abreuvement du bétail. Ceci évitera aux pasteurs le recours à la transhumance de saison sèche qui favorise l'invasion des pâturages par les cultivateurs (Fotsing, 1988).

L'intégration de l'agriculture et de l'élevage dans les zones montagneuses après délimitation précise des aires d'influence de chaque activité. Le fumier des lieux de stabulation des troupeaux fertilisera les parcelles cultivées et la mise en défens d'une portion du territoire pastoral facilitera le recru fourrager. Le bétail pourra aussi exploiter les résidus de récoltes des champs cultivés.

La construction des compostières-fumières-poubelles. Dans les zones habitées, cette pratique pourra se généraliser à partir des trous d'où l'on extrait la terre pour les briques de cases. Les déchets de cuisine, les cendres domestiques, la pulpe et la parche de café, les drèches de brasserie, les résidus des élevages hors-sol, les stipes de bananier y seront entassés et se décomposeront lentement à l'ombre des arbres des alentours des habitations. Les déchets à humification lente seront laissés sur place tandis qu'une partie de la fumure organique transportée sur les champs facilitera la généralisation du maraîchage. Dans les zones d'élevage extensif, elles seront construites au contact des terroirs pastoraux et les terres agricoles. Ainsi, le fumier ramassé sur les parcours mélangé à la paille sèchée constituera un apport important en fertilisants organiques. Cette technique réduira la pratique des feux de saison sèche qui exposent les sols au ruissellement et à l'érosion.

Quelques mesures d'accompagnement viendront complèter ces propositions d'amélioration. Nous pensons d'abord à la réorganisation du marché des engrais ainsi que de l'ensemble des circuits d'approvisionnement et de commercialisation des produits. Ceci permettra à tous d'accéder aux intrants et d'écouler plus facilement leur production. La création des "banques d'engrais" de quartiers, relais entre les associations paysannes et les coopératives agricoles est une nécessité fondamentale (Fotsing, 1992). Enfin, la refonte générale du système foncier est impérative pour donner aux paysans la "sécurité foncière" indispensable à toute oeuvre durable.

CONCLUSIONS

Devant la menace persistante d'érosion et de dégradation des sols en pays Bamiléké, les initiatives concertées des pouvoirs publics se sont soldées par des réussites mitigées. Le faible engouement des paysans pour les aménagements antiérosifs proposés relève avant tout d'une profonde inadéquation entre les propositions et la logique paysanne d'exploitation du sol. Or les formes de dégradation des sols aujourd'hui observées sont une réalité que les systèmes actuels ne peuvent plus freiner. Pourtant, les techniques traditionnelles relativement efficaces ne demandent qu'à être améliorées puisqu'elles sont bien inféodées au milieu et tiennent compte de la place centrale de la femme dans le processus de la production agricole. C'est ainsi que nos propositions s'inspirent largement des savoir-faire locaux. Bien appliquées, elles peuvent préserver encore pour longtemps, les potentialités agricoles de cette région.


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