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DEVELOPPEMENT ET UTILISATION DE SYSTÈMES D'INFORMATION GEOGRAPHIQUE AUX FINS DE LA LUTTE CONTRE LA TRYPANOSOMIASE

B.D. Perry, R.L. Kruska et R.S. Reid

INTRODUCTION

L'Afrique souffre d'une crise de plus en plus grave en ce qui concerne l'alimentation de sa population en expansion rapide. Actuellement, le déficit alimentaire touche tout le continent et, avec des taux de croissance démographique augmentant de 3,2 pour cent environ (taux continental le plus élevé du monde), ce déficit risque d'augmenter, à moins que des mesures correctives efficaces ne soient prises (Winrock International, 1992). L'accroissement de la production alimentaire suppose l'extension des superficies consacrées à la production vivrière dans le continent et une efficacité plus poussée de celle-ci par surface unitaire des terres dans les zones actuellement cultivées. Les domaines de la production vivrière qui ont besoin d'être améliorés sont vastes et englobent aussi bien les cultures que l'élevage. On est de plus en plus convaincu que la production animale ne contribue pas seulement à fournir des produits traditionnels riches en protéines animales tels que la viande et le lait, mais permet aussi la production optimale de cultures de base telles que le maïs, car les animaux facilitent le labour, fournissent des engrais organiques et transportent les produits végétaux au marché.

La trypanosomiase empêche l'intensification de la production animale dans les zones où elle est actuellement pratiquée (en entravant l'utilisation d'animaux plus productifs mais réceptifs à la maladie) et freine l'expansion de l'élevage là où la survie même des animaux est limitée par la présence de la maladie. Plusieurs méthodes de lutte contre la trypanosomiase existent et ont existé depuis plusieurs années, mais à l'échelle du continent, elles réussissent de moins en moins bien à atténuer l'handicap que constitue cette épizootie. Pourquoi?

Si la lutte contre la trypanosomiase ne donne pas les meilleurs résultats possibles, c'est premièrement à cause des limites inhérentes de certaines des technologies elles-mêmes et deuxièmement, en raison des insuffisances de la diffusion et de l'adoption de ces technologies. Les techniques de lutte disponibles peuvent être grosso modo divisées en trois catégories: la chimiothérapie des infections à trypanosome; la lutte contre la mouche tsé-tsé; et l'utilisation d'animaux ayant une résistance génétique aux effets des infections à trypanosome. Ces trois méthodes ont toutes actuellement certaines contraintes techniques et font l'objet de recherches pour tenter de les surmonter. La chimiothérapie est limitée par le recours à un nombre très limité de composés et ces produits se heurtent à une résistance croissante dans diverses parties du continent. La lutte contre la tsé-tsé grâce à l'utilisation généralisée d'insecticides n'est plus acceptable du point de vue de l'environnement et bien que des cibles imprégnées d'insecticides n'est plus acceptable du point de vue de l'environnement et bien que des cibles imprégnées d'insecticides puisent être très efficaces dans des conditions déterminées, elles ne sont pas partout pour différentes espèces de mouches dans tous les milieux. La résistance génétique de races bovine telles que la N'Dama, pourrait fournir la solution techniquement la plus viable mais la diffusion et l'adoption d'animaux trypanotolérants sont encore insuffisantes. Les traitements chimio thérapiques et les mesures de lutte contre la mouche tsé-tsé sont par ailleurs gravement entravés par le manque des ressources nécessaires à leur application efficace sur le terrain.

Ainsi, l'allocation des ressources, aux niveaux aussi bien national qu'international, ne suffit pas à améliorer les techniques de lutte contre la trypanosomiase et à diffuser efficacement celles actuellement à notre disposition. Dans de nombreux pays africains, la volonté de combattre la trypanosomiase existe mais les ressources financières disponibles ne permettent pas d'allouer des crédits à ce domaine correspondant à sa position dans la liste des priorités. Il en va de même au niveau international mais l'allocation de ressources à ce secteur est également déterminée par la préoccupation suscitée par les modifications éventuelles apportées à l'utilisation des terres qui pourraient résulter de la lutte améliorée contre la trypanosomiase et de l'influence que cela pourrait avoir sur la dégradation des sols et la perte de biodiversité. Malheureusement, une attention considérable a été accordée à cet argument au niveau international, d'ordinaire sans le placer dans le contexte d'autres facteurs influant sur la modification de l'utilisation des terres, en particulier la croissance de la population, et des divers environnements, tant physiques qu'économiques, où la lutte contre la trypanosomiase se pratique sans doute en Afrique. En conséquence, on a tendance à trop privilégier les spéculation quant aux effets nocifs de la lutte améliorée contre la tsé-tsé sur les bovins dans les environnements les plus réceptifs, à savoir les zones marginales et semi-arides du continent (Ormerod, 1976; 1986; 1990). Cela reste du domaine de la spéculation, même dans les zones plus sèches et quand bien même ces préoccupations seraient valables, elles ne peuvent pas simplement être extrapolées à d'autres climats et zones agro-écologiques du continent.

Le LIRMA est un des instituts de recherche travaillant à l'amélioration de l'ensemble des mesures de lutte contre la trypanosomiase dont disposent les gouvernements et les agriculteurs en Afrique. C'est ainsi qu'ils s'occupent des questions relatives à leur application future d'une façon structurée et stratégique, afin qu'elles puissent être efficacement utilisées pour améliorer la production agricole et le bien-être de l'homme dans le continent. Dans le cadre de cette approche, le LIRMA et ses collaborateurs tentent de déterminer l'effet de la lutte contre la trypanosomiase sur l'utilisation des terres et la biodiversité dans le continent, afin d'améliorer la qualité des décisions présentes et futures concernant la réalisation de programmes de développement durable de l'élevage grâce à la lutte contre la trypanosomiase.

De par leur nature, les études stratégiques à l'échelle de tout le continent sont complexes et exigent l'évaluation de nombreuses variables indépendantes qui exercent une influence variable, aussi bien du point de vue géographique qu'avec le temps. Pour cette raison, à la fin des années 80, le LIRMA s'est lancé dans le développement de systèmes de gestion et d'analyse de données informatisées pour répondre à ces exigences. Le Système d'information géographique (SIG) qui en a résulté fournit un moyen puissant et unique de faire face à ces grands problèmes.

A ce jour, le SIG a servi principalement à prédire la distribution et la dynamique des infections transmises par les tiques du bétail dans le continent (Lessard et al., 1990; Perry et al., 1990; Perry et al., 1991; Norval et al., 1991; Norval et al., soumis) et de nombreuses bases de données numériques géoréférencées ont été élaborées à cette fin.

Le LIRMA a reconnu assez tôt que les exigences de la base de données pour une telle recherche dépassiant sa capacité, s'étendant à des domaines d'autres centres internationaux de recherche agronomique (CIRA) du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI), de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE). C'est ainsi que le LIRMA a contribué aux tentatives récentes de définir les besoins de données numériques pour les activités du SIG au sein du GCRAI et d'identifier les instituts ne relevant pas du GCRAI spécialisés dans des secteurs particuliers (tels que le climat, les sols et le terrain, la socio-économie), qui pourraient concourir à la réalisation coordonnée de la base de données.

PROBLEMES DE RECHERCHE STRATEGIQUE

Les effets éventuels de la lutte contre la trypanosomiase sont notoires et ont été examinés pendant plus d'un siècle, mais il faut encore les quantifier du point de vue épidémiologique, écologique et économique dans les différentes régions touchées par la maladie. Lorsque les effets ont été évalués de façon plus précise, cela se fait d'ordinaire a posteriori, dans des zones et régiones limitées à la suite de programmes de lutte contre la mouche tsé-tsé. L'absence de données quantitatives multidisciplinaires entrave les évaluations préalables de la lutte contre la trypanosomaise à l'échelle du continent et donc l'allocation appropriée de ressources à cette fin, ainsi que l'élaboration efficace de politiques de lutte et d'utilisation des terres pour toute l'Afrique.

Parmi les nombreux motifs qui expliquent l'absences de données quantitatives, on peut citer la complexité des analyses multidisciplinaires nécessaires et la difficulté d'extrapoler des données à partir du nombre restreint d'endroits où ces travaux ont été effectués à l'échelle nationale, régionale et continentale. Toutefois, la venue du stockage des données automatisées, les systèmes d'analyse et de visualisation sous forme de SIG rendent maintenant possible et rentable l'extrapolation.

Sous les auspices d'un projet financé par la Fondation Rockefeller, le LIRMA a entrepris un programme de recherche pour quantifier l'avenir de la lutte contre la trypanosomiase avec les objectifs ci-après:

  1. Déterminer de quelle façon la lutte contre la trypanosomiase, les facteurs économiques, écologiques, démographiques et socio-culturels influe sur les décisions relatives à l'utilisation des terres en Afrique. Ces renseignements serviront à placer la lutte contre l'épizootie dans le contexte d'autres pressions exercées sur la modification de l'utilisation des terres et à élaborer un modèle à grande échelle des processus en jeu.

  2. Quantifier l'incidence de la modification de l'utilisation des terres liée à la lutte contre la trypanosomiase sur les propriétés écologiques et socio-économiques à différents degrés de résolution (local, national et continental).

APPROCHE DE LA RECHERCHE

L'analyse du SIG constitue l'une des trois approches utilisées pour atteindre ces objectifs. Les activités du SIG au niveau continental sont intégrées dans une étude de cas à résolution élevée effectuée en Afrique de l'Est, où les processus déterminant la modification de l'utilisation des terres et les incidences de cette modification sont identifiés et quantifiés dans un contexte rétrospectif. Des études de cas seront également effectuées en Afrique de l'Quest et en Afrique australe. En outre, les analyses du SIG et les données tirées des études de cas seront finalement intégrées dans des modèles informatiques commandant des systèmes de soutien des décisions, afin d'évaluer l'incidence de la lutte contre la trypanosomiase.

L'élaboration de strates de données SIG et l'analyse des interactions entre les couches se font à quatre niveaux: continental, régional, national et local. L'analyse est emboitée à dessein de sorte que les résultats à un niveau peuvent être placés dans le contexte du prochain niveau plus élevé. De cette manière, on pourra mieux comprendre quels sont les variables et processus qui demeurent les mêmes ou non, lors de l'évaluation des effets à divers niveaux de résolution.

MODELE CONCEPTUEL

Les activités du SIG sont interdisciplinaires par nature, bien que l'élaboration des données se soit faite tout d'abord en fonction de l'épidémiologie, de la climatologie et de l'écologie. Afin de préciser les lines entre les effets écologiques, épidémiologiques, socio-économiques, un modèle conceptuel a été construit (Fig. 1, tirée de Reid et al., 1993).

Le modèle conceptuel est construit autour de l'interaction de la trypanosomiase et de l'utilisation des terres, imbriqué entre les facteurs écologiques et socio-économiques. L'environnement physique consiste en un ensemble de conditions initiales et de variables agissantes externes qui constituent le capital naturel potentiel (par exemple climat, biodiversité, fertilité du sol, structure de la végétation) et déterminent l'éventail des systèmes d'utilisation des terres viables en un emplacement donné. De même, une série de variables socio-économiques externes déterminantes conditionnent la structure caractéristique des droits de propriété, les techniques de production disponibles et la population humaine dans une zone particulière. Agissant dans cet environnement socio-économique, les populations prennent des décisions quant aux migrations, à l'affectation de la main-d'oeuvre, à la production animale et aux pratiques agricoles qui, à leur tour, déterminent le système effectif d'utilisation des terres. Ce système modifie le capital naturel potentiel qui, à son tour, peut limiter les types possibles d'utilisation des terres.

L'importance des diverses variables dans ce modèle conceptuel changera au fur et à mesure que l'étude passera de l'échelle locale à l'échelle nationale et continentale. Lorsque l'échelle augmente, les phénomènes au niveau local seront regroupés et certaines variables extérieures, autrefois à grande échelle, deviendront internes au modèle.

Le modèle conceptuel servira à lier les échelles voulues de l'étude (local, national, régional, continental, avec les trois méthodologies de l'étude (SIG, études de cas sur le terrain et modélisation). Il sera par ailleurs utilisé comme lien conceptuel avec la recherche actuelle et proposée sur l'adoption, la diffusion et la durabilité des technologies de lutte contre les maladies.

SAISIE ET DEVELOPPEMENT DE LA BASE DE DONNEES SIG

Les bases de données numériques géoréférencées de qualité couvrant les variables de l'étude à un degré approprié de résolution sont indispensables à cette étude et la LIRMA a conçu un vaste réseau d'institutions qui collaborent au développement et à la saisie des données du SIG. L'élaboration de la base de données exige la collecte de données secondaries à une résolution aussi fine que possible, suivie par leur numérisation dans les nouveaux strates du SIG ou leurs liens avec les bases de données spatiales existantes. Chaque fois que possible, les strates de données existantes élaborées ailleurs sont saisies et seules celles qui ne sont pas disponibles sont élaborées au LIRMA. Les strates de données élaborées au LIRMA ont attiré de nombreuses collaborations nouvelles et il faut espérer qu'ils encourageront d'autres institutions à partager leurs bases de données. Le Tableau 1 illustre certaines acquisitions récentes de bases de données utilisées dans cette analyse, ainsi que leurs sources.

Ces nouvelles bases de données illustrent la distribution et l'ampleur des variables écologiques et démographiques à trois échelles: locale, nationale et continentale. Les ensembles de données qui ont été saisies en développant ou en poursuivant les rapports de collaboration ont fait intervenir plusieurs organisations. Tout d'abord, la collaboration s'est poursuivie avec le PNUE/GRID, avec l'acquisition de strates de données à l'échelle du continent concernant la densité de la population humaine et de trois strates différents de données portant sur la distribution de la végétation. Une nouvelle collaboration a été établie avec FEWS (Système d'alerte rapide sur la famine) et des données concernant l'intensité d'exploitation des terres, élaborées à partir d'images-satellite, ont été obtenues pour quatre pays. Une nouvelle autre collaboration a été établie avec le Centre mondial de surveillance de la conservation (WCMC), dépositaire des données du Fonds mondial pour la nature (WWF) et de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Le WCFC a fourni au LIRMA des données numériques continentales sur la distribution et l'état des aires protégées, la distribution et le type des terres humides et des listes d'espèces menacées d'extinction pour certains pays africains. Ces données serviront à déterminer le rapport entre la tsé-tsé et les zones de conservation, et pour connaître quelles zones risquent d'être menacées de développement si la luttre contre la tsé-tsé donne de bons résultats.

L'IFPRI (Institut International de recherche sur les politiques alimentaires) a fourni un modèle d'élévation numérique, qui servira à placer l'emplacement de l'étude de cas sur l'Afrique de l'Est dans ce pays dans un contexte national.

La FAO a fourni des strates de données sur la vocation agricole des terres pour le Kenya; des strates de données sur la tsé-tsé et l'utilisation des terres pour le Togo; des données non numériques sur les effectifs bovins pour l'Ethiopie; les frontières administratives pour l'Afrique; et les sols, toujours pour l'Afrique.

Tableau 1

Strate de données collaborateur

Echelle continentale

Densité du bétail bovinLIRMA
Densité de la population humainePNUE/GRID
VégétationPNUE/GRID
Végétation/utilisation des terresPNUE/GRID
Carte numérique du monde-AfriquePNUE/GRID
Aires protégéesWCMC
Terres humidesWCMC
Liste des espèces menacées d'extinctionWCMC
SolsFAO
Limites administrativesFAO

Echelle nationale

Strate SIG des effectifs bovins--EthiopieLIRMA
Population humaine--Kenya, 1979–89LIRMA
Sols--KenyaPNUE/GRID
Intensité de culture--MaliFEWS
Intensité de culture--Burkina FasoFEWS
Intensité de culture--ZambieFEWS
Intensité de culture--ZimbabweFEWS
Frontières administratives--EthiopieIFPRI, FEWS, USGS
Reliefs--EthiopieIFPRI
Vocation agricole de terres--KenyaFAO
Liste de données sur les effectifs bovins--EthiopieFAO

Echelle locale

Modèle numérique du relief--GhibeLIRMA
Réseau de transport--GhibeLIRMA
Réseau fluvial--GhibeLIRMA
Utilisation des terres, interprétation de photos aériennes, 1992, GhibeLIRMA
Utilisation des terres, interprétation des images Landsat TM, GhibeLIRMA
Analyse par satelite du changement de l'utilisation des terres--Vallée de Ghibe, EthiopieUSGS

L'USGS (US Geological Survey) tente d'utiliser des images satellites à faible résolution pour effectuer une analyse dans le temps de la modification de l'utilisation des terres dans un site d'étude de cas pour l'Ethiopie, en échange d'une version reclassée d'une nouvelle images satellite que nous avons récemment obtenue.

Au LIRMA, trois grands strates de bases de données SIG sont élaborées pour cette étude: un strate de données sue les effectifs bovins pour l'Afrique, un autre pour la population humaine du Kenya et d'autres encore à résolution élevée pour le relief, les routes, les villes et les cours d'eau dans la Vallée de Ghibe, en Ethiopie. Lorsqu'ils seront achevés, ces strates de données serviront à analyser l'incidence sur l'environnement et la situation socio-économique de la lutte contre la maladie.

SYSTEMES D'INFORMATION GEOGRAPHIQUE: MATERIEL ET LOGICIEL

Quatre systèmes d'information géographique sont utilisés pour l'élaboration et l'analyse de la base de données: ARC/INFO version 6.1.1.1et GRASS 4.02 qui fonctionnent sur postes Sparc SUN et le pcARC/INFO, version 3.4D Plus1 et la version IDRISI 4.03 fonctionnant sur ordinateurs compatibles avec le matériel IBM. Les deux versions d'ARC/INFO constituent le fondement du développement de la base de données, car la présentation des données utilisées sert désormais de modèle à l'échelle mondiale pour l'échange de bases de données. La structure vectorielle ARC/INFO peut être facilement convertie en toute une série d'autres structures, y compris IDRISI et GRASS. Pratiquement toutes les bases de données de cette étude ont été analysées à l'aide du système à trame GRID (un module d'ARC/INFO) et d'IDRISI. De nombreuses bases de données détaillées, telles que les couches sur l'intensité de culture, ont une résolution si élevée qu'elles doivent être conservées sous forme de trame. En outre, en incorporant un grand nombre de bases de données provenant de diverses sources, de nombreux problèmes de compatibilité des données surgissent, tels que les différences dans les projections des cartes, l'échelle, la résolution et l'intégrité spatiale. Tous ces problèmes peuvent être facilement résolus grâce au logiciel GRID. Parmi les puissantes prestations de GRID, on peut citer:

1 Environmental Systems Research Institute, Redlands, Californie (Etats-Unis).

2 US Army Construction Engineering Research Laboratory, Champaign, Illinois (Etats-Unis).

3 Université Clark, Worcester, Massachusetts (Etats-Unis).

L'IDRISI, qui fonctionne sur pratiquement tout système PC, fournit à divers collaborateurs un moyen bon marché d'accéder aux bases de données existantes, de les traiter et de les analyser. IDRISI et GRASS fournissent également des modules de traitement des images satellites qui ne font pas partie du logiciel ARC/INFO. Les deux progiciels serviront à l'analyse de la détection des modifications de l'utilisation des terres dans l'étude de cas éthiopienne.

ANALYSE DES DONNEES

Comme on l'a déjà dir, la lutte plus efficace contre la trypanosomiase transmise par la tsé-tsé peut ouvrir de vastes régions à l'élevage, accroissant ainsi le potentiel de production vivrière et mettant en danger les réservoirs de biodiversité dans le continent. Si l'on élimine le problème de la trypanosomiase, on assistera probablement à une expansion de l'agriculture grâce à l'utilisation accrue de la traction animale. Si cette affirmation reflète la réalité, il devrait y avoir un fort rapport inverse entre la distribution de la tsé-tsé et la distribution des terres cultivées ou l'utilisation des terres agricoles en Afrique. L'analyse du SIG dans le cadre de ce projet a pour premier objectif de déterminer si ce rapport entre la distribution de la tsé-tsé et celle de l'utilisation des terres agricoles existe. Le cas échéant, il s'agira en second lieu de déterminer la force du lien entre tsé-tsé et production agricole par rapport à d'autres facteurs qui pourraient influer sur l'utilisation des terres (à savoir population humaine, pluies, altitude).

Toutefois, il n'existe pas de bases de données continentales géo-référencées montrant bien la distribution de l'utilisation des terres de sorte qu'on a eu recours à deux approches alternatives. Premièrement, la distribution de la tsé-tsé a été liée à la densité de la population humaine à l'échelle du continent, en utilisant cette variable comme substitut des données sur l'utilisation des terres. En second lieu, les données sur l'utilisation des terres agricoles ont été obtenues pour trois pays, grâce au Système d'alerte rapide sur la famine (FEWS) et ces données ont été liées à la distribution de la tsé-tsé. Ces données géo-référencées sur l'intensité de l'utilisation des terres ont été élaborées à partir de couvertures à l'échelle d'un pays d'images satellites Landsat (MSS) pour le Burkina Faso, le Mali et la Zambie. Afin de lier ces deux approches, l'hypothèse que la densité de la population humaine est un substitut de l'intensité d'utilisation des terres a été vérifiée pour ces trois pays. L'analyse a été effectuée en superposant les couches de données pertinentes (distribution de la tsé-tsé, population humaine, pluies et élévation) et en effectuant ensuite des analyses statistiques à plusieurs variables (analyse discriminante et modélisation catégorielle), pour quantifier ces rapports.

RESULTATS

Les résultats des analyses préliminaires de ces données ont été récemment communiquées (Reid et al., sous presse) et ceux-ci sont résumés ci-après. Pour l'analyse continentale, la présence de la tsé-tsé était un discriminant légèrement meilleur (73 pour cent corrects) de la densité de la population humaine que les pluies (67 pour cent corrects) ou l'altitude (65 pour cent corrects) (Figure 2). Même si l'on éliminant de l'analyse l'effet des pluies, les résultats révélaient que, le plus souvent, les zones infestées par la tsé-tsé étaient moins peuplées que les autres. Cela ne démontre pas un rapport de cause à effet, mais fait penser que la tsé-tsé peut être un obstacle important à la présence de l'homme.

Comme on le supposait, il y avait un fort rapport positif entre l'intensité d'utilisation des terres et la densité de population pour le Burkina Faso, la Zambie et le Mali. La possibilité d'un seuil de densité de la population humaine en dessous duquel l'utilisation des terres par l'homme était faible ou nulle a été prise en considération. Ce seuil a pu ensuite être utilisé pour prédire, sur la base de la densité de la population, l'utilisation des terres par l'homme. La limite inférieure de densité de population au-dessous de laquelle il n'y avait peu ou pas de cultures variat entre 7–25 personne/km2 pour les trois pays étudiés.

Quant à l'analyse par pays, on s'attendait à ce que l'utilisation des terres soit faible en présence de la tsé-tsé. C'est manifestement le cas de la Zambie, où les zones infestées de tsé-tsé coïncident avec des bandes de faible utilisation des terres agricoles (Figures 3 et 4). Ces mêmes bandes contiennent la majeure partie des aires de conservation en Zambie (y compris les parcs nationaux de Kafue et Luangwa). Au Mali par contre, la présence de la mouche tsé-tsé était associée aussi bien avec une forte qu'une faible intensité d'utilisation des terres, dépendent de la zone des pluies (Figure 5). Il est probable que les zones ayant une forte densité d'utilisation des terres mais où est aussi présente la tsé-tsé au Mali sont celles où les eaux souterraines sont particulièrement élevées le long du fleuve Niger. Alors que l'on ne s'y attendait pas, au Burkina Faso, la présence de la tsé-tsé était systématiquement associée à une utilisation plus intensive des terres. Dans ce cas, cela peut s'expliquer par le type et la fertilité des sols, indépendamment de la présence ou de l'absence de la tsé-tsé. Les zones où la tsé-tsé et l'utilisation intensive des terres agricoles se chevauchent sont peut-être celles où les sols sont particulièrement fertiles (comme dans le sud-ouest du Burkina Faso). Par contre, celles où la tsé-tsé est absente et l'intensité de culture est faible peuvent être des zones où la pluviosité est faible et les sols peu fertiles.

On peut aussi expliquer les résultats du Burkina Faso par le fait que les ensembles de données sur la distribution de la tsé-tsé ne sont plus corrects et qu'ainsi la forte intensité d'utilisation des sols ne se recoupe plus avec la tsé-tsé. Pour vérifier cette hypothèse, des données à jour et à résolution élevée sur la distribution de la tsé-tsé sont nécessaires. Toutefois, avec l'amélioration rapide de la qualité des modèles de prévision de la distribution de la tsé-tsé (Rogers et Randolph, 1993), les évaluations préalables des distributions de vecteurs pourraient jouer un rôle croissant dans ces analyses.

Il ressort de l'analyse statistique que la distribution de la tsé-tsé est un discriminant important de la distribution de l'utilisation des terres agricoles (Tableau 2). Au Burkina Faso et en Zambie, la tsé-tsé est plus importante pour déterminer la répartition de l'utilisation des sols que la densité de la population humaine ou les pluies. Comme le montre la Figure 3 toutefois, ce rapport était positif au Burkina Faso et négatif en Zambie. Dans les résultats du modèle log-linéaire catégoriel, les pluies et la population humaine étaient tour à tour plus importantes que la tsé-tsé pour expliquer la fluctuation de la variable de distribution de l'utilisation des sols.

CONCLUSIONS

Nous avons présenté ici des résultats préliminaires qui démontrent clairement la capacité des systèmes d'information géographique de contribuer sensiblement aux analyses des facteurs à l'échelle continentale qui influent sur la distribution de la tsé-tsé, la densité de la population humaine et l'intensité d'utilisation des sols. On estime que ces analyses joueront un rôle croissant à l'aventir dans le processus d'allocation des ressources pour améliorer la production vivrière du continent, grâce à la lutte plus efficace contre les maladies.

REMERCIEMENTS

Nous voudrions adresser nos remerciements à M. Jack Doyle pour ses observations constructives à propos des premières versions du manuscrit.

Tableau 2. Résultats de l'analyse discriminante et des modèles log-linéaires catégoriels montrant l'importance de la tsé-tsé, de la population humaine et des pluies pour expliquer la distribution de l'utilisation des terres agricoles

Eléments de modèleAnalyse discriminanteModèles log-linéaires catégoriels
Variable dépendenteVariables indépendentesPrévision correcte
(pour cent)
Effets importantsX2Valeur P
BURKINA FASO n = 32906 cellules)
Présence/absence d'utilisation des sols (+/-)1. Tsé-tsé +/-66%1. Population humaine1 171,3<,0001
2. Population humaine62%2. Tsé-tsé +/-287,7<,0001
3. Pluies60%3. Pluies251,9<,0001
4. Toutes variables68%   
MALI (n = 72538 cellules)
Présence/absence d'utilisation des sols (+/-)1. Pluies80%1. Pluies12 604,2<,0001
2. Tsé-tsé +/-68%2. Tsé-tsé +/-2 430,7<,0001
3. Population humaine58%3. Population humaine2 053,4<,0001
4. Toutes variables81%   
ZAMBIE (n = 45888 cellules)
Présence/absence d'utilisation des sols (+/-)1. Tsé-tsé +/-61%1. Population humaine1 479,2<,0001
2. Population humaine59%2. Tsé-tsé +/-949,9<,0001
3. Pluies56%3. Pluies802,2<,0001
4. Toutes variables63%   

Note: La présence/absence d'utilisation des terres correspond à l'intensité (chiffres ci-dessus) répartie en deux classes de culture (<10 pour cent = culture absente, >10 pour cent = culture présente).

Figure 1.

Figure 1. A conceptual model of the environmental, social and economic impacts of trypanosomiasis control (from Reid et al., 1993).

Figure 2.

Figure 2. A continental comparison of human population density in tsetse-infested and tsetse-uninfested areas of the continent, stratified by rainfall zone.

Figure 3.

Figure 3. Mean land-use intensity (percent cultivated) in areas with and without tsetse, stratified by rainfall zone in Burkina Faso (a), Mail (b) and Zambia (c).

Figure 4.

Figure 4. Overlay of the maps showing agricultural land-use intensity, tsetse distribution and conservation areas for Zambia.

Figure 5.

Figure 5. Overlay of the maps showing agricultural land-use intensity, tsetse distribution, and rainfall isohyets for Mali.

Figure 6.

Figure 6. Overlay of the maps showing agricultural land-use intensity, tsetse distribution, and rainfall isohyets for Burkina Faso.

REFERENCES

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Reid, R.S., Perry, B.D., Kruska, R.L., and Ellis, J.E. (in press). Preliminary analysis of the environmental impacts of trypanosomiasis control in Africa. ILRAD Annual Scientific Report.


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