Previous Page Table of Contents Next Page


EXAMEN DES METHODES APPLIQUEES JUSQU'A PRESENT ET UTILISATION POTENTIELLE DES TECHNIQUES MODERNES SUR GRANDE ECHELLE

N.J. Alsop

RESUME

On examine ici les problèmes rencontrés jusqu'à présent lors de l'application des stratégies de lutte contre la mouche tsé-tsé et la trypanosomiase. Pour tenter d'assurer la durabilité à long terme des furturs programmes dans un climat financier qui risque d'être plus difficile, on réexamine actuellement les tactiques utilisées. Les inquiétudes des donateurs ont poussé à adopter une approche plus analytique du problème et à considérer la lutte contre la trypanosomiase sous un angle beaucoup plus vaste, en l'intégrant au développement rural dans son ensemble.

On envisage d'une part l'éradication localisée et de l'autre la lutte à long terme. Etant donné la terrible pénurie de crédits nationaux pour l'avenir immédiat et le refus des donateurs d'appuyer des projets à long terme, non ciblés et renouvelables, on étudie la possibilité d'associer les communautés pour assurer la durabilité des projets de lutte et l'on examine aussi les limites de cette approche.

On passe en revue les différentes techniques de lutte et d'éradication actuellement disponibles, leurs avantages et leurs inconvénients et notamment leur potentiel d'application sur grande échelle et les possibilités d'une participation communautaire. L'examen approfondi de l'application de ces différentes techniques aboutira à une politique d'utilisation de techniques intégrées pour tout programme de grande ampleur. Il faut encourager les programmes d'intervention régionaux coordonnés qui offrent une solution plus crédible au problème.

1. Méthodes récentes

Depuis une trentaine d'année la lutte contre la trypanosomiase animale repose sur l'emploi de médicaments et dans certains cas, d'insecticides dans le cadre de programmes de lutte ou d'éradication locale du vecteur qu'est la mouche tsé-tsé.

La lutte médicamenteuse a surtout été employée comme thérapie; une prophylaxie a parfois été appliquée pour protéger le bétail soumis à un risque faible à modéré, mais uniquement dans les entreprises commerciales productives où le renouvellement du cheptel est réguilier. Les élevages traditionnels ne font pratiquement jamais assez de profits pour pouvoir payer une prophylaxie systématique. L'apport de médicaments est généralement irréguiler car le financement est insuffisant (dans le cas de fonds publics) et les devises font défaut (financement public et privé). A cause de cela les médicaments ont été employés à mauvais escient ce qui a provoqué le développement de trypanosomes résistants. Le probléme est d'autant plus grave que la gamme de médicaments disponibles est limitée. De plus, les médicaments ont souvent été distribués de manière anarchique sans respecter ni la marche à suivre ni les doses recommandées.

Par ailleurs, le manque de matériel, de réactifs et de personnel qualifié empêche de progresser dans le diagnostic et le suivi de la trypanosomiase, qui sont des conditions essentielles à une planification et une mise en oeuvre correctes des traitements prophylactiques et thérapeutiques. L'absence d'informations sur la répartition et l'incidence de la maladie complique aussi grandement la planification et la justification économique des campagnes de lutte.

Mais de nombreux pays ont dû recourir surtout aux médicaments pour combattre la trypanosomiase car ils n'avaient pas d'argent pour financer des mesures de lutte contre le vecteur. C'est le cas de la plupart des pays d'Afrique occidentale et orientale.

Les zones humides et subhumides d'Afrique centrale et occidentale ont exploité les races trypanotolérantes N'Dama et courtes cornes d'Afrique occidentale. Il faut souligner toutefois qu'elles sont uniquement tolérantes et succombent à la maladie quand l'exposition ou les contraintes physiologiques sont élevées.

Une lutte efficace contre le vecteur, essentiellement à l'aide d'insecticides, a pu être mise en oeuvre dans certaines régions et certains pays quand des fonds publics étaient disponibles. Généralement, il s'agissait de faire face à une aggravation de la maladie ou à une prolifération des mouches. En Ouganda, la lutte contre les glossines visait à enrayer une épidémie de maladie du sommeil. Dans les zones subhumides et semi-arides d'Afrique australe, la lutte contre le vecteur a servi à freiner l'expansion rapide de la zone infestée par les mouches. Après l'épizootie généralisée de peste bovine du début du siècle qui a décimé une partie de la faune sauvage et réduit considérablement les populations de mouches, de nombreux exploitants commerciaux et traditionnels se sont installés dans ces zones qui venaient d'être “nettoyées”. Quand le gibier et les mouches sont revenus, ces régions sont redevenues dangereuses. Des barrières ont été édifiées pour enrayer leur progression et l'on s'est efforcé de stopper la réinvasion au moyen de pulvérisations terrestres puis aériennes.

Mais, les difficultés techniques et les dépenses de construction et d'entretien des barrières qui n'étaient pas totalement efficaces, ainsi que l'introduction de techniques nouvelles, ont amené à réexaminer cette stratégie.

2. Effort de continuité des programmes

Jusqu'à présent, la plupart des campagnes de lutte contre les glossines et la trypanosomiase dépendaient de l'aptitude des gouvernements à financer les travaux. Elles dépendaient aussi bien entendu de l'importance que les gouvernements accordaient au problème et à leur évaluation des contraintes. L'importance relative de l'élevage dans l'économie et la structure sociale du pays déterminait le niveau de financement, mais aussi, bien sûr, l'ampleur des épidémies de maladie du sommeil ou des invasions de mouches.

Le Zimbabwe, la Zambie, le Botswana, le Nigéria, le Cameroun et l'Ouganda sont les principaux pays qui ont eu la chance d'avoir à la fois des ressources suffisantes et des gouvernements assez responsables pour pouvoir adopter des stratégies efficaces de lutte contre le vecteur. Plusieurs ont mis en oeuvre de vastes programmes d'éradication visant à repousser voire éliminer les zones d'infestation. Le Nigéria est parvenu à éliminer les mouches sur plus de 200 000 km2 dans le nord et le Cameroun a dégagé environ 30 000 km2 dans les terres d'altitude d'Adamoua pour y pratiquer l'élevage. Le Zimbabwe, après avoir consolidé ses barrières de protection, a entrepris des programmes d'éradication pour éliminer les glossines, réalisant des progrès substantiels au cours des années.

La continuité des programmes devait être assurée par la régularité du financement et permettre aux gouvernements de poursuivre la lutte grâce à leurs organisations de terrain efficaces et expérimentées. La continuité des programmes a rarement été mise en doute, de même que l'idée que l'éradication complète est forcément plus rentable que la lutte périodique. D'ailleurs, l'éradication des tsé-tsé était envisagée presque comme une fin en soi et l'on a négligé la question de l'utilisation des terres en fonction des autres priorités du développement.

Récemment, cette approche a dû être révisée car les fonds publics se sont amenuisés et, dans des pays comme le Nigéria, la lutte contre le vecteur est à présent très limitée.

D'autres pays ont eu la chance d'obtenir suffisamment d'aide des donateurs, comme le Cameroun et les pays d'Afrique australe participant au Programme régional de lutte contre la trypanosomiase et la mouche tsé-tsé, pour pouvoir mener à bien leurs opérations de lutte et d'éradication.

Toutefois, cette dépendance pratiquement totale vis-à-vis des donateurs, ainsi que les nouvelles techniques disponibles, amène à revoir les objectifs et les stratégies de lutte.

3. Projets recevant une aide extérieure

A l'heure actuelle seuls quelques rares pays, comme le Botswana, peuvent financer eux-mêmes leurs activités de lutte. Parfois d'autres parviennent à financer en partie la fourniture de médicaments trypanocides. La plupart du temps il leur faut trouver des donateurs ce qui influera sur le choix de toute stratégie future.

3.1 Mise au point d'une politique de lutte

La lutte contre les glossines et la trypanosomiase est depuis toujours un domaine peu attractif pour les donateurs. Ce refus de participer à des programmes de grande échelle est dû en partie à des doutes quant à la rentabilité réelle d'une intervention contre le vecteur et plus récemment à des soucis écologiques: pour certains, la mouche tsé-tsé serait “le sauveur de l'Afrique” qui protège des zones supposément primitives du surpeuplement et d'une dégradation des terres. Ces dernières années, le recours massif aux insecticides a également suscité des craintes pour l'environnement, essentiellement de nature émotionnelle.

De nombreuses études sur l'environnement ont permis de balayer la majeure partie de ces craintes en prouvant que les effets secondaires sont très limités et passagers. Des études de rentabilité ont également démontré que, dans certains cas, une lutte efficace contre les tsé-tsé est utile. De plus, on prend conscience du fait que l'absence de lutte contre les glossines ne permettra pas de sauver les zones “primitives” de l'Afrique pour la postérité car la pression démographique du continent est telle que les populations s'installent dans les terres infestées dans l'espoir de nourrir leur famille. Ces zones “primitives” sont donc progressivement colonisées sans aucun plan d'utilisation des terres ni aucun contrôle. Les agents de lutte contre la trypanosomiase et les donateurs commencent donc à comprendre que la lutte planifiée contre les glossines et l'installation contrôleée des populations offrent au moins une chance de promouvoir l'utilisation durable et équilibrée de la terre.

Ces faits nouveaux ont permis récemment d'attirer le soutien des donateurs. On tient compte actuellement des conséquences plus larges de la lutte contre la tsé-tsé et la trypanosomiase et les projets de grande envergure couvrent également l'utilisation des terres et la surveillance de l'environnement. De nos jours, on considère à juste titre les tsé-tsé et la trypanosomiase comme un aspect seulement du développement rural et l'on s'efforce de l'incorporer à tous les autres aspects du développement. En outre, si la trypanosomiase est la principale maladie du bétail dans de nombreuses régions, on sait qu'elle ne constitue qu'un aspect du problème complexe des maladies sur ce continent.

Depuis dix à quinze ans l'aide des donateurs aux projets s'est accrue régulièrement. Dans bien des cas elle a servi à colmater des brèches dans le financement de programmes déjà établis. Par exemple, le programme visant à éliminer les mouches des terres d'altitude d'Adamoua au Cameroun était financé au départ par le Gouvernement camerounais, l'Office allemand de la coopération technique (GTZ) et la Banque mondiale. Dans les années 80 le financement du GTZ a pris fin et plus tard le Gouvernement camerounais n'est même plus parvenu à payer le personnel. C'est pourquoi la Banque mondiale, qui ne finançait au début que l'achat d'insecticides pour des pulvérisations par hélicoptère, a été invitée à couvrir tous les frais. Ces dernières années l'apport financier a été irrégulier, ce qui a eu des conséquences graves pour le programme. L'objectif à long terme était de nettoyer la majeure partie des terres d'altitude (30 000 km2 environ) puis de protéger par une barrière les périmètres susceptibles d'être réinfestés. Malheureusement quand le financement s'est ralenti le programme n'avait pas encore atteint cette étape. Ainsi, à titre d'exemple, toutes les pulvérisations de la campagne 1991/92 (sur 3 850 km2) n'ont servi qu'à récupérer le terrain perdu par les réinvasions des deux précédentes campagnes au cours desquelles le manque de ressources avait empêché de pratiquer des pulvérisations. C'est une très mauvaise utilisation des ressources qui montre combien il est nécessaire d'assurer la continuité du financement pour atteindre les objectifs du projet. Sans continuité du financement il est impossible de planifier les opérations, les ressources sont mal employées et toute la crédibilité du projet est remise en cause. Le moral du personnel en pâtit également.

Espérons que ces exemples feront comprendre aux donateures que s'ils proposent leur soutien à des programmes d'éradication ou de lutte sur grande échelle, ils devront fournir une aide financière à long terme. Il est difficile d'envisager que les économies des pays africains puissent progresser assez rapidement pour leur permettre de prendre à leur compte le financement de ces programmes.

Le programme de lutte contre les mouches tsé-tsé du GTZ en Côte d'Ivoire a commencé en 1978 avec une aide allemande (KFW). Il visait essentiellement à réduire le risque de trypanosomiase dans les régions de savane et à encourager les troupeaux transhumants de zébus à s'installer dans ces régions pour limiter les importations de viande de boeuf (85 pour cent d'importations en 1978). La zone couverte de pièges imprégnés d'insecticide contre les espèces riveraines G. palpalis et G. tachinoides s'étend actuellement sur 60 000 km2, de la frontière du Burkina Faso vers le sud jusqu'en-dessous de Yamoussoukro. La campagne a donné de très bons résultats, les populations de mouches ont rapidement diminué d'environ 98 pour cent et l'incidence de trypanosomiase est passée de 25 pour cent à 3 pour cent. L'estimation des coûts n'est que de 25 dollars E.-U./km2/an. Jusqu'à présent toutes les dépenses ont été couvertes par le projet. Mais il faut maintenant que le donateur assume le financement régulier et permanent du projet ou qu'il trouve un moyen de remboursement, par exemple inciter les propriétaires de troupeaux à payer. Nous reviendrons sur cet aspect ultérieurement.

Les donateurs ne veulent plus participer au financement régulier de projets à long terme non spécifiques de cette nature. Ils sont prêts à financer les études initiales, l'élaboration et la mise en place des techniques et des stratégies, mais ces dermières devront être conçues de façon à s'autofinancer à l'avenir, avec la participation financière des agriculteurs et/ou des communautés. Sans cela on ne voit pas comment ces projets pourraient être durables, dans la conjoncture économique actuelle de l'Afrique.

La CEE a accepté de financer la seconde phase du Programme régional de lutte contre la mouche tsé-tsé et la trypanosomiase en Afrique australe. Au départ, l'objectif de ce programme était très ambitieux visant à éliminer toute la zone infestée de mouches commune au Zimbabwe, à la Zambie, au Malawi et au Mozambique; on estimait qu'à long terme cette solution serait plus rentable compte tenu des difficultés et des dépenses croissantes de la précédente stratégie qui consistait à protéger contre l'avancée des mouches les zones d'élevage et de production agricole déjà établies. De grands progrès ont été réalisés pendant la première phase, mais des techniques d'échantillonnage plus sensibles ont permis de découvrir des poches d'infestation dans des régions qu'on croyait nettoyées et de plus les opérations de nettoyage ne s'accompagnaient d'aucun plan d'utilisation des terres, par conséquent l'équipe de contrôle a proposé un ralentissement des opérations et une période de consolidation pour la phase 2. C'est peut-être aussi le signe que l'on ne peut compter sur le donateur pour financer les opérations jusqu'à la réalisation des objectifs fixés. Cela doit inciter d'autant plus à trouver des systèmes d'autofinancement, sur une base communautaire, dans le cadre d'une stratégie globale. Cela restera limité car de nombreuses régions sont actuellement peu peuplées.

3.2 Approches nationale et régionale

Dans le passé, certains pays ont mis en place des stratégies nationales de lutte contre la trypanosomiase qui ont évolué en fonction des priorités et des ressources disponibles. D'autres pays n'en ont pas eu les moyens et ne disposent d'aucune stratégie d'ensemble, adoptant des mesures au cas par cas en fonction des crises locales. Une stratégie nationale est essentielle pour obtenir le financement des donateurs.

Il faut veiller aussi à éviter tout gaspillage indû et injustifié des ressources.

Les pays qui ont entrepris d'importantes activités de lutte contre la mouche tsé-tsé et dont les programmes d'éradication atteigent les frontières commencent à compredre que si les pays voisins n'appliquent pas des politiques parallèles, il leur faudra à l'avenir dépenser beaucoup pour protéger les zones frontalières de la réinvasion. Le Programme régional de lutte contre la mouche tsé-tsé et la trypanosomiase en Afrique australe est actuellement dans ce cas. Il faut une approche régionale multidisciplinaire face à un problème commun, car on multiplie les chances de trouver des donateurs et on fait un meilleur usage du personnel, de l'expérience et des ressources disponibles.

4. L'éradication ou la lutte comme objectif

4.1 L'éradication

Autrefois de nombreuses organisations nationales de lutte contre la trypanosomiase ont mis l'accent sur l'éradication obtenant d'importants succès, surtout par l'épandage terrestre et aérien d'insecticide, dans des pays comme le Zimbabwe, la Zambie, le Botswana, l'Ouganda, le Nigéria et le Cameroun. Mais la réussite de cette méthode reposait sur deux conditions essentielles:

Les coûts élevés et la complexité de ces opérations ont empêché pratiquement toutes les organisations nationales de mener à bien des programmes d'éradication sans aide technique et financière importante de l'extérieur.

Par ailleurs, les organisations de lutte ont été incapables d'éviter la réinvasion des zones nettoyées à cause des difficultés techniques et du manque d'argent pour ériger les barrières.

Par conséquent, les problèmes techniques et financiers rencontrés par les organismes concernés ont empêché les stratégies d'éradication, qui peuvent sembler à première vue intéressantes, d'être appliquées efficacement. On voit donc que l'éradication est plus indiquée pour lutter contre des populations de tsé-tsé isolées et peu nombreuses occupant une zone réduite ou lorsqu'il existe des barrières naturelles importantes comme des lacs, des montagnes ou des zones d'agriculture intensive limitant l'étendue des barrières artificielles. Il faut assurer la continuité du financement avant de se lancer dans un tel programme.

4.2 La lutte ou la suppression

La réussite de cette méthode dépend des possibilités de réalisation technique, du coût qui doit rester raisonnable et de la possibilité de garantir la continuité des opérations.

La plupart des techniques en usage permettent de réduire considérablement la densité des tsé-tsé et pourraient théoriquement être utilisées: nous les étudierons ultérieurement, individuellement et dans leur ensemble.

Pour que les coûts restent raisonnables il faut que la réduction de la quantité de mouches s'accompagne d'une réduction égale du risque de trypanosomiase et que les avantages qu'en retirent les communautées concernées dépassent le coût des opérations.

Les avantages seront évalués comme suit:

La lutte ou la suppression nécessitent un apport financier et humain constant et durable. Pour que cette méthode soit réalisable dans un avenir immédiat, ces engagements devront être pris en charge en grande partie par les collectivités locales. Elles devront soit payer directement les opérations de lutte menées par les services gouvernementaux soit acheter et employer les techniques elles-mêmes, éventuellement avec une aide limitée des services de vulgarisation nationaux.

5. Participation éventuelle des collectivités à la lutte

Comme la plupart des pays africains n'auront pas les moyens dans un avenir proche de financer une lutte suivie contre la mouche tsé-tsé et comme les donateurs ne pourront prendre en charge que les études initiales, l'élaboration et la mise en place des stratégies (et non le financement suivi des programmes en cours), la responsabilité des opérations matérielles de lutte contre le vecteur et du financement des apports nécessaires incombera en grande partie aux communautés rurales.

Est-ce une approche réaliste et quelles sont ses chances de succès?

Pour qu'une approche basée sur la participation communautaire donne de bons résultats, il faut que certains critères soient remplis:

Dans certaines situations on estime que cette approche a plus de chances de succès:

Lorsque les effectifs de bétail sont importants et les contraintes découlant de la trypanosomiase, élevées (décès, avortements, faibles taux de vélage, faible gain pondéral, etc.), la rentabilité de la lutte contre les tsé-tsé sera plus forte et plus directe, donc plus encourageante pour les propriétaires de troupeaux. Dans les zones de peuplement où les pratiques culturales sont appliquées depuis longtemps, les populations assimilent l'occupation du sol à un “droit”, même si le régime foncier africain repose rarement sur une base juridique. L'agriculture mixte et les systèmes agropastoraux offrent sans doute les meilleures possibilités: des résidents bien installés intéressés par la productivité à long terme de “leurs” terres, qui travaillent souvent en collaboration avec leurs voisins. L'avantage est alors double:

Il s'agit surtout de suppositions car on manque d'expérience sur le sujet. Il est habituel, pour les programmes financés par des donateurs, d'examiner la faisabilité des diverses techniques et stratégies (séparément ou de manière intégrée). Cette méthode a ses limites et dans certains cas les collectivités refusent de collaborer et/ou de payer pour diverses raisons. Par exemple, dans beaucoup de pays pauveres, la consommation de produits d'origine animale baisse à cause de la crise économique générale et les gens ne peuvent se permettre d'acheter de la viande: s'il n'y a que des éleveurs, le taux d'abattage sera faible et ils ne pourront obtenir l'argent nécesaire au financement de la lutte contre les tsé-tsé. Il faut étudier attentivement la situation socio-économique et les maladies pour déterminer les limites d'une participation communautaire éventuelle qui ne pourra se faire du jour au lendemain.

Il est indispensable de connaître ces limites car dans bien des cas cette approche ne pourra fonctionner pour plusieurs raisons. Lorsque la pression démographique d'un pays est élevée et que le potentiel foncier est bon, il conviendra d'appliquer des programmes recevant l'aide de donateurs pour “ouvrir” ces zones aux frais du “gouvernement”, puis y installer les populations qui adopteront des pratiques culturales équilibrées.

Il serait faux de faire croire aux donateurs que la lutte contre les tsé-tsé sur une base communautaire constituera une réponse définitive au combat à long terme contre la trypanosomiase en Afrique ainsi qu'aux problèmes d'utilisation durable des terres qui en découlent. Plus tôt cela sera établi, mieux cela vaudra.

6. Analyse du potentiel des techniques modernes de lutte contre la tsé-tsé et la trypanosomiase

Le chapitre suivant passe en revue les techniques et les options actuelles en matière de lutte contre la trypanosomiase, en ce qui concerne tout particulièrement: leur adaptation à la lutte et/ou l'éradication, les possibilités de participation communautaire, leur durabilité pour une utilisation à grande échelle et l'évaluation générale de leurs avantages et de leurs inconvénients.

6.1 Lutte contre le parasite

Autrefois de nombreux pays ont dû appliquer une thérapie médicamenteuse pour lutter contre la maladie, en raison du manque de fonds publics et d'infrastructures de lutte contre le vecteur. La méthode a été en partie efficace, mais on a rencontré des problèmes de résistance aux médicaments dus à leur mauvaise utilisation; cela est d'autant plus grave qu'il y a peu de médicaments disponibles et que les choses ne deveraient guère changer dans l'avenir immédiat. De plus, le manque d'informations fiables sur l'étendue réelle du problème a empêché de planifier une campagne nationale ou même d'en établir la justification économique. Les fournitures de médicaments sont généralement irrégulières et les “fonds de roulement” créés pour y remédier se sont habituellement soldés par un échec car les difficultés de remboursement ont contraint à puiser dans les ressources. Certains pays envisagent actuellement, pour améliorer l'efficacité et répondre à la pression des donateures, de confier la distribution et la vente de médicaments trypanocides au secteur privé.

Il ne faut envisager une prophylaxie médicamenteuse que lorsqu'il existe un bon système de gestion des médicaments, c'est-à-dire en général dans les grandes exploitations et dans les élevages commerciaux où cette intervention se trouve justifiée par des critères économiques, en raison des gains de productivité et de la fréquence des abattages.

6.2 Bétail trypanotolérant

La plupart des races de bétail indigène sont trypanotolérantes par rapport aux races exotiques, mais surtout en Afrique occidentale et centrale, les N'Dama et courtes cornes d'Afrique occidentale.

Ces animaux sont bien sûr potentiellement intéressants dans les zones agroécologiques humides d'où ils proviennent et auxquelles ils sont adaptés, mais il ne faut pas oublier qu'ils ne sont que tolérants et qu'ils succombent à la trypanosomiase lorsque le risque est élevé ou les contraintes physiologiques fortes, par exemple lorsque le pâturage est insuffisant en cas de sécheresse. Il ne sont probablement pas adaptés aux climats très arides. Dans ces dernières régions, où les priorités sont une production laitière accrue et des animaux de trait plus puissants, les propriétaires préférent nettement les races zébus beaucoup plus sensibles à la trypanosomiase.

Une sélection plus poussée au sein d'une même population et l'attribution génétique éventuelle de la trypanotolérance des races N'Dama et courtes cornes à d'autres races, pourraient permettre dans un avenir plus lointain d'utiliser plus largement leur caractère tryapanotolérant.

6.3 Lutte contre le vecteur

6.3.1 Pulvérisations terrestres

Cette technique est à la base de la plupart des opérations de lutte sur grande échelle depuis les années 50 jusqu'aux années 80; elle consiste à faire une seule application de DDT ou de diéldrine rémanents sur l'habitat limité des mouches en saison sèche. C'est la technique de la plupart des premiers programmes de lutte par exemple au Zimbabwe, en Zambie, au Nigéria et en Ouganda.

Pour limiter l'étendue qui risque d'être perdue à cause des réinvasions lors de la saison des pluies suivante, on traitait une zone aussi large que possible à chaque saison séche, en employant des équipes de terrain très nombreuses, bien formées et disciplinées. Si le pourcentage de la superficie totale devant faire l'objet de pulvérisations (généralement appelé pourcentage de discrimination) pouvait être maintenu à un faible niveau (généralement moins de 15 pour cent), les coûts étaient acceptables et si la surveillance était bonne, les résultats mesurés en fonction de l'étendue désinfestée par rapport à l'étendue totale, étaient satisfaisants. C'était un moyen d'arriver à une éradication localisée dans le cadre de programmes en cours visant à faire reculer les zones d'infestations. Des pulvérisations terrestres étaient parfois effectuées pour renforcer les barrières ou réduire le risque dans les zones où la maladie du sommeil était endémique.

Ces dernières années, l'emploi de pulvérisations aériennes a été réduit au strict minimum pour plusieurs raisons:

Cette technique reste une option valable pour l'éradication des mouches des groupes morsitans et palpalis dans les habitats de savane plus secs. Elle est trop onéreuse et demande trop d'organisation pour être considérée comme un outil de lutte, car elle nécessite plusieure traitements répétés chaque année; d'autres solutions comme les pièges et les cibles sont plus indiquées à l'heure actuelle.

Cette technique n'est pas applicable dans les programmes communautaires, surtout à cause des besoins de surveillance technique, mais aussi à cause du danger de l'utilisation non contrôlée des insecticides.

Elle pourrait toutefois être utilisée à l'avenir sur une petite échelle pour exterminer des populations, dans le cadre d'un programme d'éradication de grande ampleur, par exemple lorsqu'on rencontre localement des difficultés dans l'utilisation des pièges et des cibles. Il est impossible d'envisager le retour de cette méthode sur grande échelle comme dans le passé car elle nécessite des équipes nombreuses, disciplinées et organisées.

6.3.2 Pulvérisations aériennes

6.3.2.1 Application d'insecticide rémanent à partir d'hélicoptères

Cette technique était utilisée autrefois en Afrique occidentale dans les programmes d'éradication des groupes de mouches palpalis et morsitans dans la savane et la zone guinéenne au Nigéria et elle est couramment appliquée dans les terres d'altitude d'Adamoua au Cameroun pour lutter contre G.m. submorsitans.

Elle consiste à effectuer une seule application d'insecticide rémanent sur l'habitat de la mouche plus limité pendant la saison sèche. On traite généralement la végétation riveraine en utilisant le tirage descendant de l'hélicoptère pour insuffler l'insecticide à travers la cime des arbres.

Cette technique est plus coûteuse que les autres, même si le pourcentage de discrimination est maintenu en deçà de 12 pour cent. De plus, les effets secondaires sur les organismes non visés sont plus marqués et durables qu'avec les autres techniques insecticides. Ce sont les deux principaux facteurs qui en ont limité l'utilisation et elle ne sera probablement jamais plus employée sur grande échelle.

Son gros avantage était de permettre de traiter rapidement et efficacement de grandes superficies avec le minimum de personnel local formé. Deux hélicoptères permettaient par exemple de traiter 4 000 km2 en trois ou quatre mois pendant la saison sèche.

Son coût très élevé en faisait uniquement un outil d'éradication. Des applications répétées seraient trop coûteuses et trop dangereuses pour l'environnement. Elle n'est employée que sur de vastes zones car pour de petites superficies les coûts de base deviendraient prohibitifs au kilomètre carré. Evidemment, ce n'est pas une méthode qui se prête à une participation communautaire.

6.3.2.2 Pulvérisations répétées d'aérosol

Cette méthode consiste à renouveler des applications (généralement cinq ou six applications à 12 ou 20 jours d'intervalle) d'insecticide non rémanent, à très faible dosage en aérosol fin, à partir d'un avion à voilure fixe.

Elle est largement utilisée depuis 25 ans dans les programmes d'éradication des groupes de mouches morsitans dans la savane d'Afrique australe et orientale, et elle a été utilisée aussi contre le type palpalis en Afrique occidentale, mais avec moins de succès.

Son principal avantage est de permettre de traiter de vastes superficies (généralement de 2 000 à 6 000 km2) très rapidement (trois mois) avec un minimum de personnel d'appui sur le terrain. De plus, les effets secondaires non désirables sont assez faibles et passagers. Quoique élevés les coûts sont acceptables quand 90 à 95 pour cent de la superficie traitée est totalement désinfestée, ne laissant qu'une surface très limitée à nettoyer ensuite.

Cette méthode ne peut être utilisée que sur des terrains relativement plats. Etant donné les coûts relativement élevés et le degré d'organisation nécessaire, elle est particulièrement indiquée dans les programmes d'éradication de grande ampleur. Elle n'est pas assez économique pour être utilisée lors de traitements répétés et ne s'adapte pas aux petites superficies ni, bien entendu, aux programmes comportant une participation communautaire.

Cette technique peut s'avérer utile pour le traitement rapide de vastes superficies où la maladie du sommeil est endémique et où il est urgent de réduire rapidement la population de mouches pour éviter les contacts hommes/mouches.

Toutes ces techniques à base d'insecticides posent un problème de durabilité. Elles peuvent être employées dans le cadre d'un programme global visant à repousser progressivement les zones d'infestation de mouches jusqu'à les éliminer entièrement, ou alors les zones nettoyées doivent être protégées par des obstacles naturels ou artificiels qui soient efficaces et bon marché, ce qui est rare.

6.3.3 Techniques de l'insecte stérile (TIS)

Cette technique ne se justifie que si l'objectif est l'éradication et si son coût est raisonnable. Ses avantages - lutte spécifique contre une espèce et respect de la nature - sont presque toujours contrebalancés par les coûts élevés de la production en masse et des lâchers d'insectes stériles.

Cette méthode peut au mieux être envisagée pour éliminer en fin de programme des populations peu denses dans des zones relativement restreintes, et même dans ce cas il existe sans doute des méthodes plus rapides et moins onéreuses.

6.3.4 Pièges et cibles

La mise au point, récemment, de pièges et de cibles relativement efficaces, souvent améliorés par des odeurs attirant les insectes, ouvre de nouvelles possibilités dans la lutte contre de nombreuses espèces de glossines, dans toute une variété de situations. Ces méthodes offrent aux agents sur le terrain des outils plus sensibles d'échantillonnage et d'enquête.

Le groupe palpalis est beaucoup moins sensible que le groupe morsitans aux odeurs synthétiques. Pour le groupe morsitans, les pièges et les cibles même sans odeurs suffisent à attirer des insectes et représentent un outil de lutte efficace. Les pièges sont parfois utilisés sans insecticide; les villageois vident régulièrement les pièges ce qui est une bonne façon d'inciter les communautés locales à soutenir les efforts de lutte contre la maladie du sommeil.

D'ordinaire, les pièges et les cibles sont imprégnés d'un insecticide persistant renouvelé tous les deux-trois mois. Ainsi, des pièges Vavoua imprégnés d'insecticide sont utilisés dans le programme de lutte contre la trypanosomiase animale qui s'étend actuellement sur 60 000 km2 de savane en Côte d'Ivoire, pour combattre les espèces riveraines G. palpalis et G. tachinoides. Tous les travaux et tous les coûts sont à la charge du projet. Cependant, dans le même pays, les activités de lutte contre la maladie du sommeil gambienne, avec le même système de pièges (et de cibles) imprégnés d'insecticide, associent la population locale qui doit contrôler les dispositifs et les réimprégner d'insecticide.

Les mouches du groupe morsitans, qui sont réparties sur un vaste territoire dans la savane, n'ont pu être combattues efficacement avec des dispositifs destinés à les piéger ou à les tuer que depuis que l'on utilise des odeurs synthétiques fabriquées à partir de l'haleine et de l'urine d'animaux. L'urine de bétail remplace avantageusement certaines odeurs synthétiques qui reviennent cher mais ne sont nécessaires qu'en petites quantités et ne représentent donc pas un coût élevé par rapport à l'ensemble des technologies. Avec une densité aussi faible que quatre au kilomètre carré, ces dispositifs imprégnés d'insecticide ont donné d'excellents résultats dans la lutte et, lorsque l'emplacement et la densité sont adéquats, même dans l'éradication. Actuellement, les cibles imprégnées d'insecticide et d'odeur sont à la base du Programme de lutte contre la trypanosomiase et la mouche tsé-tsé en Afrique australe. Elles constituent également un moyen relativement efficace de maintenir toute l'année des barrières contre une réinvasion éventuelle.

Les avantages des pièges et des cibles sont bien connus. Ces techniques sont relativement simples et certainement moins polluantes que les autres méthodes insecticides car elles visent spécifiquement l'espèce ciblée.

Du point de vue du coût, cette méthode est la moins chère si l'on choisit d'adopter une stratégie de lutte périodique. Dans le programme de lutte contre la trypanosomiase animale dans le nord et le centre de la Côte d'Ivoire, les coûts ont été évalués à 25 dollars E.-U./km2, soit - et cela est très important compte tenu de la densité du bétail - moins que le coût d'une seule piqûre curative de Berenil par an. Cela a permis une réduction des taux d'infection des troupeaux en élevage traditionnel allant d'environ 25 pour cent à moins de trois pour cent. Pour ce qui est de la lutte contre la maladie du sommeil chez l'homme dans le même pays, mais avec la participation des collectivités concernées, les coûts n'ont été que d'une centaine de dollars E.-U. au km2 pendant la première année, tombant ensuite à 25 dollars par an environ.

Les avantages économiques de ces techniques par rapport aux autres méthodes d'éradication, sont moins évidents. Le coût total au kilomètre carré dépend largement de la rapidité de l'éradication. A titre d'exemple, les coûts comparatifs cités précédemment pour les pièges utilisés dans le programme de lutte en Afrique australe étaient évalués sur la base d'une éradication en un an. Mais en fait, de nombreuses régions ont gardé des pièges pendant trois ou quatre ans sans discontinuer et sans parvenir au stade où il était possible de les enlever sans risque. Dans ce cas, il faut tenir compte du coût cumulatif au kilomètre carré pendant toute la période en jeu, lorsque l'on compare la rentabilité de cette technique avec celle des autres méthodes de lutte contre le vecteur.

Il est certain que les méthodes utilisant des pièges et des cibles sont très bonnes sur petite échelle pour combattre les groupes de tsé-tsé palpalis et morsitans, mais sur grande échelle il y a des problèmes logistiques comme par exemple pour la bonne exécution des pulvérisations terrestres. Il faut avoir des équipes bien formées, motivées, disciplinées, encadrées et avoir bien planifié les opérations. C'est particulièrement important dans les campagnes où la rentabilité dépend de la rapidité de l'éradication. Si l'installation et l'entretien des pièges sont trop lents, l'éradication prendra plus de temps et les coûts par unité de superficie augmenteront.

Il y a des problèmes pratiques tels que la perte des cibles qui peuvent être volées ou abîmées par l'homme, le feu ou les animaux, et, tout particulièrement dans la lutte contre les espèces riveraines, les pièges et les cibles peuvent être emportés par l'eau pendant la saison des pluies. Tout ces facteurs varient selon les situations. Certains programmes connaissent peu de vols et d'autres beaucoup, par exemple en Somalie. Même dans les pays où il n'y a pas eu de vols depuis longtemps, des changements économiques ou d'autres problèmes peuvent provoquer une recrudescence des vols comme ce fut le cas récemment le long des frontières du Zimbabwe et en Zambie.

L'entretien régulier des pièges et des cibles est indispensable pour garantir l'efficacité des dispositifs. Si l'herbe autour des dispositifs n'est pas bien entretenue, ils sont moins visibles pour les mouches et leur mouvement dans le vent est limité, ce qui les rend moins attractifs.

Le renouvellement de l'insecticide représente une part importante du budget total. Auparavant, on mettait suffisamment d'insecticide et d'odeurs pour que les pièges fonctionnent pendant trois mois, mais actuellement, pour réduire le nombre de visites on a essayé de voir s'il était possible de les remplir de façon à tenir, par exemple, pendant une année. C'est une option à utiliser uniquement si les vols et les dégâts sont rares dans la région concernée car il est parfaitement inutile d'aller faire le tour des pièges après un an pour constater qu'ils ont été volés il y a longtemps.

Le principal avantage des pièges et des cibles est d'être sans doute la seule méthode actuelle de lutte contre le vecteur qui se prête à une participation des collectivités concernées. Il a été prouvé qu'il est relativement simple d'associer les collectivités locales aux travaux et même aux coûts de tout système de lutte contre la maladie du sommeil chez l'homme, mais cela est beaucoup moins vrai en ce qui concerne la lutte contre la trypanosomiase animale, surtout dans le secteur de l'élevage traditionnel. Certains petits programmes se sont intéressés à la question et comme les donateurs souhaitent actuellement encourager cette approche pour favoriser les systèmes durables et autofinancés, il convient de tout mettre en oeuvre pour s'engager dans cette voie.

Il y aura forcément des limites à cette méthode et il faut maintenir une approche souple pour pouvoir faire face à tous les imprévus. Dans le secteur de l'élevage traditionnel la pauvreté et les mentalités rétrogrades limitent l'abattage du bétail et par conséquent l'argent disponible pour financer de telles activités. La collectivité dans son ensemble seraitelle prête à y participer? Apporterait-on un soutien à certaines activités? Un appui des services de vulgarisation nationaux sera-t-il nécessaire pour mettre en place et suivre ces programmes?

Ces programmes ont de bonnes chances de succès dans les cas suivants:

6.3.5 Bétail traité aux insecticides

Cette technologie a été mise au point récemment à partir de la méthode des cibles; au lieu de pièges ou d'écrans fixes, on utilise des animaux domestiques traités aux insecticides, surtout du bétail, comme cibles mobiles attractives.

On applique des insecticides par des bains ou des dépôts dorsaux individuels.

Des bains d'insecticides, associés à des dépôts dorsaux quand les bains ne sont pas praticables ou pas efficaces, dans les zones infestées de G. pallidipes et G. morsitans au Zimbabwe ont donné de très bons résultats contre le vecteur et contre la trypanosomiase. Cependant, pour que cette méthode ait de bonnes chances de succès, il faut:

On trouve ces conditions réunies surtout dans les élevages commerciaux mais parfois aussi dans les élevages traditionnels bénéficiant de traitements réguliers et presque gratuits comme dans le nord-est du Zimbabwe. Bien souvent il y a déjà l'infrastructure nécessaire aux bains anti-parasitaires utilisés pour lutter contre les maladies transmises par les tiques.

Dans chaque cas, il faut vérifier la rentabilité de cette approche. La méthode doit être plus rentable que la chimioprophylaxie qui reste cependant facultative dans les zones où le risque de maladie est relativement faible.

On dispose de peu d'expérience concernant le taux de réussite de cette approche dans les programmes de lutte contre la trypanosomiase avec participation communautaire. On peut aisément imaginer qu'en demandant aux éleveurs une participation financière (même partielle) pour des soins qui étaient pratiqués auparavant gratuitement par les organismes vétérinaires publics, on réduira considérablement le nombre d'animaux amenés pour être traités. Les animaux qui seraient traités seraient alors protégés mais leur faible nombre ne permettrait pas d'obtenir des effets durables appréciables sur la population de tsé-tsé.

Dans des pays comme le Burkina Faso où il n'y a pas d'infrastructure pour les bains et où la fourniture de médicaments est irrégulière, on s'efforce de promouvoir dans certains cas les applications par dépôt dorsal. Les cultivateurs-éleveurs ont subi de graves pertes dues à la trypanosomiase et semblent prêts à investir dans une telle stratégie de lutte. Ils peuvent constater que les dépenses engagées pour la lutte bénéficient directement à leurs propres animaux. Mais il faudrait sans doute, pour étayer ces traitements, placer des pièges ou des cibles dans les zones à forte densité de mouches. Là encore, chaque cas doit être examiné séparément.

Pour une bonne suppression du vecteur, il faudra trouver, dans chaque cas, la proportion d'animaux qui doivent être traités et la fréquence des traitements; en réduisant la fréquence des traitements on abaisse les dépenses annuelles, mais il faut surveiller les effects négatifs éventuels d'une stabilité enzootique des maladies transmises par les tiques.

6.3.6. Association de plusieurs méthodes

Comme nous l'avons déjà vu toutes les techniques disponibles ont leurs avantages et leurs inconvénients et aucune d'entre elles n'est préférable en toute circonstance. Dans chaque programme de grande ampleur il faut choisir entre l'éradication et la lutte puis trouver la méthode la plus rentable compte tenu de l'infrastructure locale. Dans la pratique il y a de nombreuses situations différentes qui exigent de méthodes différentes et une approche intégrée est nécessaire. Cela peut amener à utiliser des techniques différentes dans les zones voisines ou à employer deux ou plusieurs techniques qui se superposent dans la même zone: une pour supprimer le gros des mouches et une autre pour se débarrasser de la population résiduelle.

7. CONCLUSIONS

Compte tenu du rôle essentiel des donateurs, à l'avenir, dans le financement des programmes, il est indispensable d'assurer dans la mesure du possible la viabilité à long terme de toutes les interventions proposées contre les tsé-tsé et la trypanosomiase. Il faut donc faire des études approfondies de l'utilisation des terres en tenant compte des pratiques actuelles et du potentiel futur de la région. Toutes les autres maladies et tous les aspects du développement qui entrent en jeu doivent être pris en considération pour que cette stratégie s'insère dans le développement rural global de la région. La rentabilité à long terme d'une telle intervention doit être positive.

Quand on envisage d'ouvrir de “nouvelles” zones, on doit effectuer des études préliminaires pour déterminer les priorités, compte tenu du potentiel de la zone.

Dans chaque cas il faut envisager les avantages comparatifs de l'éradication et de la lutte périodique. L'éradication nécessite un investissement financier et technique unique, mais elle peut être difficile à réaliser. L'option qui consiste à protéger les zones nettoyées contre une réinvasion au moyen de barrières construites par l'homme nécessite une analyse très approfondie car ces barrières sont rarement complètes et durables.

Si l'on choisit l'éradication, le degré d'agressivité dans la mise en oeuvre des techniques choisies peut être important pour la rentabilité globale et les besoins en personnel; en effet, des techniques plus onéreuses qui permettent d'achever l'éradication plus rapidement, constituent une meilleure solution que d'autres méthodes moins chères, qui s'avéreront moins rentables si l'éradication est plus longue à réaliser.

Dans tout programme de grande ampleur il importe de ne pas perdre de vue toute la gamme des techniques disponibles car l'évolution de la situation nécessite presque toujours une approche intégrée. Outre une approche intégrée il faut aussi une coordination régionale des programmes de lutte.

Pour attirer les donateurs et assurer la durabilité générale des opérations, en particulier dans la lutte contre la trypanosomiase (par opposition à l'éradication), il importe d'examiner d'emblée les possibilités de participation communautaire. Dans certains cas les dépenses et l'exécution des opérations pourront être totalement à la charge de la collectivité, mais la plupart du temps il faudra un soutien financier et technique du gouvernement. Dans certains cas aussi de fortes pressions démographiques justifient la colonisation de nouvelles terres offrant un bon potentiel et les frais initiaux incomberont aux gouvernement et/ou aux donateurs.

Une planification rigoureuse et un choix judicieux des méthodes sont essentiels pour assurer la durabilité des résultats et du soutien financier. Le manque de continuité du soutien financier est sans doute un des principaux facteurs d'échec des programmes passés, échec qui explique leur manque de crédibilité auprès de certains.


Previous Page Top of Page Next Page