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La biodiversité au service de l'humanité

La biodiversité fournit la matière première, les combinaisons de gènes qui produisent les variétés de plantes et races d'animaux dont a besoin l'agriculture. Des milliers de variétés différentes et génétiquement uniques de plantes cultivées et de races d'animaux doivent leur existence à trois milliards d'années d'évolution biologique naturelle, et à une sélection et des soins judicieux par nos ancêtres agriculteurs et pasteurs sur une période de quelque 12 000 ans.

Qu'elles soient utilisées dans des systèmes traditionnels d'exploitation agricole, pour des opérations de sélection de type conventionnel ou moderne, ou pour le génie génétique, les ressources zoo-et phytogénétiques revêtent une valeur inestimable pour l'ensemble de l'humanité. Avec l'érosion de la diversité génétique, notre capacité d'entretenir et améliore la productivité des cultures, des forêts et de l'élevage diminue parallèlement à notre faculté d'adaptation à l'évolution des circonstances. Les ressources génétiques sont la clé d'une plus grande sécurité alimentaire et d'une amélioration de la condition humaine.

Les plantes cultivées et les espèces sauvages apparentées

La diversité génétique utilisée en agriculture-les plantes dont nous nous nourrissons et les espèces sauvages apparentées-est en train de se perdre à une vitesse alarmante. Tout juste neuf plantes cultivées (blé, riz, maïs, orge, sorgho/millet, pomme de terre, patate douce/igname, canne à sucre et soja) comptent pour plus de 75 pour cent dans la contribution du règne végétal à la satisfaction des besoins d'énergie humains.

Aucune des cultures de base pratiquées dans le monde ne risque de disparaître. Pourtant, ces cultures sont, elles aussi, menacées-non de la perte d'une espèce particulière telle que le blé ou le riz, mais d'une perte de diversité au sein des espèces.

Grains de vie

Toutes les principales cultures vivrières de base pratiquées et consommées par l'immense majorité de la population mondiale sont originaires des zones tropicales et subtropicales d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine. Au fil des ans, les agriculteurs ont sélectionné et acclimaté toutes les grandes cultures vivrières dont dépend aujourd'hui l'humanité. Ainsi, le blé et l'orge sont venus du Proche-Orient, le soja et le riz de Chine, le sorgho, les ignames et le café d'Afrique. Les pommes de terre et les tomates proviennent des Andes-en Amérique du Sud, et le maïs d'Amérique du Sud et d'Amérique centrale.

La diversité génétique des plantes cultivées se concentre encore principalement dans des régions appelées “centres de diversité”, situées dans le monde en développement. Les agriculteurs de ces zones, qui pratiquent encore une agriculture traditionnelle, cultivent des variétés locales ou “écotypes locaux” sélectionnés avec le passage de nombreuses générations. Celles qui survivent en milieu naturel sont appelées “espèces sauvages apparentées”. Les écotypes locaux constituent avec les espèces sauvages apparentées les plus riches réserves de diversité génétique. Des milliers de variétés différentes et génétiquement distinctes d'importantes cultures vivrières doivent leur existence à des millions d'années d'évolution, et à une sélection et des soins judicieux par nos ancêtres agriculteurs durant quelque 12 000 ans d'agriculture. Cette diversité protège une culture et l'aide à répondre à des exigences environnementales et humaines différentes. Les pommes de terre, par exemple, sont originaires des Andes, mais on les trouve aussi aujourd'hui au-dessous du niveau de la mer derrière les digues hollandaises, ou en haute altitude dans les montagnes de l'Himalaya. Une variété de riz survit avec à peine 60 cm de pluie par an, tandis qu'une autre supporte 7,5 m d'eau.

L'héritage évanescent de l'agriculture

La FAO estime que, depuis le début du siècle, quelque 75 pour cent de la diversité génétique des plantes cultivées ont été perdus. Nous dépendons dans une mesure croissante d'un nombre de plus en plus réduit de variétés cultivées et, en conséquence, de réserves génétiques de moins en moins abondantes. Cela tient principalement au remplacement des variétés traditionnelles par des variétés commerciales uniformes - même, et c'est là le plus inquiétant, dans les centres de diversité. Lorsque les agriculteurs abandonnent des écotypes locaux en faveur de nouvelles variétés, les variétés traditionnelles s'éteignent. L'introduction, qui a commencé dans les années 50, de céréales à haut rendement mises au point par des instituts internationaux de sélection végétale a conduit à la révolution verte. La propagation des nouvelles variétés dans le monde en développement a été spectaculaire. En 1990, elles couvraient la moitié du total des terres emblavées et plus de la moitié des rizières-soit en tout quelque 115 millions d'hectares. Certes, les rendements ont fortement augmenté, mais au détriment de la diversité des plantes cultivées.

Les douze mégacentres de plantes cultivées
(les tableaux indiquent un choix de cultures vivrières)

L'érosion de la diversité génétique des plantes cultivées représente une grave menace pour les approvisionnements alimentaires. Pour entretenir la résistance aux ravageurs et aux maladies des principales plantes cultivées, par exemple, ou pour leur conférer des caractères désirables tels que la tolérance à la sécheresse ou un arôme amélioré, les sélectionneurs ont besoin d'infusions fraîches de gènes provenant des exploitations agricoles, des forêts et des champs du monde en développement. La mise au point des cultivars d'élite à haut rendement nécessaires à l'agriculture moderne est tributaire d'un approvisionnement ininterrompu en matériel héréditaire exotique nouveau. Les phytogénéticiens s'efforcent sans cesse de mettre au point de nouvelles variétés pour devancer des milliers de ravageurs et de maladies. Si elle cessait d'avoir accès aux écotypes locaux traditionnels et aux espèces sauvages apparentées, l'agriculture moderne serait gravement compromise.

Dangers de l'uniformité génétique

L'agriculture industrialisée favorise l'uniformité génétique. Typiquement, de vastes superficies sont plantées en une unique variété à haut rendement-pratique connue sous le nom de monoculture-en recourant à des intrants coûteux tels que l'irrigation, les engrais et les pesticides pour maximiser la production. Au cours de ce processus, non seulement des variétés traditionnelles de plantes cultivées mais aussi des écosystèmes agricoles qui existaient depuis longtemps sont oblitérés, de même que des prédateurs naturels qui auraient pu aider à combattre les ravageurs. L'uniformité génétique est une invitation au désastre parce qu'elle rend une culture vulnérable aux ravageurs et aux maladies-il suffit d'un plant affecté pour qu'ils se propagent rapidement dans toute la culture.

La grande famine qui a sévi en Irlande dans les années suivant 1840 offre un exemple impressionnant des dangers de l'uniformité génétique. Aucune des quelques variétés de pommes de terre du Nouveau Monde introduites en Europe au XVIe siècle n'était résistante au type de mildiou qui a sévi en Irlande à partir de 1840. La récolte de pommes de terre a été réduite à zéro. Il y a eu plus d'un million de morts durant la famine quis'en est suivie et un million d'émigrants sont partis pour le Nouveau Monde.

Plus récemment, en 1970, l'uniformité génétique a rendu les cultures de maïs des Etats-Unis vulnérables à un flétrissement bactérien qui a détruit pour presque 1 milliard de dollars de maïs et provoqué une chute des rendements allant jusqu'à 50 pour cent. Plus de 80 pour cent des variétés commerciales de maïs alors cultivées aux Etats-Unis étaient vulnérables à la maladie virulente qu'est la flétrissure des feuilles. Une résistance a fini par être trouvée dans la variété de maïs africain Mayorbella. Une catastrophe majeure a été évitée en incorporant cette résistance dans des variétés commerciales.

Valeur de la diversité génétique des plantes cultivées

La diversité génétique a une énorme valeur en phytogénétique moderne. Le Gouvernement des Etats-Unis estime qu'un gain de productivité de 1 pour cent signifie un bénéfice de 1 milliard de dollars pour l'économie américaine. Les experts scientifiques italiens calculent que les bénéfices de l'utilisation d'un matériel héréditaire exotique pour une unique culture, le blé durum, s'élèvent à 300 millions de dollars par an. Non seulement les espèces cultivées, mais aussi les gènes d'espèces sauvages apparentées ont une valeur énorme. En termes d'amélioration des rendements et de résistance aux maladies, la contribution apportée par les espèces sauvages à l'économie agricole des Etats-Unis de 1976 à 1980 a été estimée à 340 millions de dollars par an.

Riz rabougri: une espèce sauvage à la rescousse

Pendant les années 70, le virus du rabougrissement herbeux a dévasté les rizières de l'Inde à l'Indonésie, mettant en danger la principale culture vivrière mondiale. Après quatre ans de recherches durant lesquelles plus de 17 000 échantillons d'espèces cultivées et sauvages de riz ont été évalués, une résistance à la maladie a été trouvée. On a découvert qu'une population seulement de l'espèce Oryza nivara, croissant à l'état sauvage prés de Gonda dans l'Uttar Pradesh, possède un gène conférant une résistance à la souche 1 du virus du rabougrissement herbeux. Aujourd'hui, des hybrides résistants contenant le gène de l'espèce sauvage indienne sont cultivés sur une superficie de 110 000 km2 dans les rizières asiatiques.

Dans le monde en développement, la diversité génétique des plantes cultivées permet aux agriculteurs de sélectionner des cultures adaptées aux conditions écologiques et aux traditions culturelles. En l'absence de diversité, des options en matière de durabilité à long terme sont perdues. Cette remarque vaut particulièrement dans les zones marginales ayant des environnements très variés. La variété cultivée détermine dans une large mesure les besoins d'engrais, de pesticides et d'irrigation. Les communautés qui perdent des variétés traditionnelles, adaptées avec le passage des siècles aux exigences et conditions locales, risquent de devenir dépendantes de sources extérieures de semences et des intrants nécessaires pour les cultiver et les protéger. Un système agricole doit être en harmonie avec une communauté et son environnement, sans quoi l'autosuffisance en agriculture est impossible.

Pour alimenter une population mondiale croissante, il faudra faire appel à toutes les ressources génétiques disponibles, y compris les espèces sauvages apparentées aux plantes cultivées. Les techniques modernes d'amélioration des plantes ainsi que les nouvelles biotechnologies offrent la possibilité d'exploiter des espèces végétales peu connues comme sources de nourriture, et de valoriser les qualités des plantes qui sont sous-utilisées-spécialement des plantes traditionnelles revêtant une valeur spéciale pour des populations pauvres, telles que des céréales, légumineuses, graines oléagineuses, fruits et légumes traditionnels et locaux.

Les cultures vivrières traditionnelles, souvent pratiquées par les familles rurales pour tenir jusqu'au bout de la “période de disette” juste avant la récolte, offrent de nombreux avantages. Beaucoup d'entre elles sont résistantes à la sécheresse, peuvent être cultivées sans intrants onéreux et ont de bonnes qualités d'entreposage. Pour de nombreux pays en développement, l'autosuffisance en matière de production alimentaire dépendra d'une agriculture à faible coefficient d'intrants, dans des environnements médiocres pour la production. La capacité de cultiver diverses variétés, en particulier celles résistantes aux ravageurs et aux maladies et adaptées aux terres marginales, revêt une importance capitale pour une agriculture et une sécurité alimentaire durables.

Géopolitique des ressources phytogénétiques

Au cours de l'histoire, les experts scientifiques des pays industrialisés se sont aventurés vers le Sud à la recherche de plantes exotiques pour des travaux de sélection. Des semences trouvées dans des centres tropicaux de diversité ont été librement collectées et utilisées ultérieurement pour l'amélioration des plantes. En conséquence, une grande partie de la diversité collectée dans le tiers monde s'est trouvée entreposée dans l'hémisphère Nord ou dans des banques de gènes créées par des pays développés.

Le problème du contrôle, de la propriété et de l'accès à la diversité phytogénétique est venu au premier plan au cours des deux dernières décennies. La sélection végétale est devenue dans le monde industrialisé une activité de plus en plus commercialisée et elle est maintenant dominée par des sociétés semencières agrochimiques transnationales. Pour promouvoir les innovations et mettre les sélectionneurs à même de récupérer leurs investissements dans la recherche, de nombreux gouvernements du monde industrialisé ont adopté un système de “droits des sélectionneurs”. Ce système confère aux sélectionneurs une protection du type brevet, avec des droits de monopole limités sur la production, la commercialisation et la vente de leurs variétés pendant une période pouvant aller jusqu' à 20 ans.

La contradiction entre d'une part l'accès sans restriction aux ressources génétiques, y compris les écotypes locaux des agriculteurs, et de l'autre l'existence de droits de propriété tels que les “droits des sélectionneurs” sur les variétés améliorées a alimenté un débat intense sur l'inéquité de l'approvisionnement du monde industrialisé avec du matériel génétique provenant du monde en développement. Aux Nations Unies, les représentants des pays en développement demandent: Pourquoi des semences brevetées, originaires en dernier ressort du tiers monde, assurent-elles des bénéfices à des sociétés semencières des pays industrialisés sans rémunération correspondante pour les pays en développement? Quelle contrepartie sera prévue pour ceux qui ont entretenu la diversité génétique des plantes cultivées dans le monde et continuent à la conserver et à la rendre disponible aujourd'hui?

QUELQUES DONNÉES

Plusieurs milliers d'espèces végétales ont été utilisées au cours de l'histoire pour l'alimentation humaine, mais on n'en cultive plus aujourd'hui que 150 à peu prés et pas plus de trois fournissent quelque 60 pour cent des calories et protéines tirées des plantes.

Depuis le début du siècle présent, quelque 75 pour cent de la diversité génétique des plantes cultivées ont été perdus.

Le kénaf (Hibiscus cannabinus), plante d'Afrique de l'Est apparentée au coton et à l'okra, pourrait offrir une alternative pour la production de pâte à papier; dans le sud des Etats-Unis, il a un rendement en pâte de trois à cinq fois supérieur à celui des arbres, etle traitement chimique nécessaire pour blanchir les fibres est moins important.

A partir d'ananas sauvages provenant de la zone découverte du Chaco en Amérique du Sud, les sélectionneurs ont réussi à impartir aux variétés cultivées une forte teneur en sucre et un arôme distinct de “fruit sauvage”.

Les gènes transférés d'une espèce sauvage de tomate trouvée sur les rivages des îles Galapagos ont conféré une tolérance au sel aux variétés cultivées, grâce à quoi celles-ci peuvent être irriguées en utilisant un tiers d'eau de mer.

La FAO fait progresser l'utilisation et la conservation des ressources phytogénétiques

L'agriculteur utilise les ressources phytogénétiques comme semences ou comme matériel de reproduction végétative; elles sont souvent l'unique intrant qu'il est à même de produire à son propre usage. L'aide apportée par la FAO comprend des projets consacrés à la production et à l'utilisation de semences de bonne qualité, des activités de formation et la fourniture d'une aide consultative pour la reproduction et la multiplication, le contrôle de qualité, le traitement, l'entreposage et la distribution de semences améliorées. La FAO fournit des échantillons et des informations aux centres de recherche, aux experts scientifiques et aux projets de terrain aux fins d'utilisation pour l'introduction, l'évaluation et la sélection de plantes cultivées.

La FAO, en tant qu'organisme de parrainage du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI) apporte un soutien aux activités de sélection végétale et autres recherches conduites dans les centres de recherche internationaux. Ses projets sont axés sur des cultures traditionnelles telles que les racines et tubercules, dont la contribution au total des calories consommées atteint 46 pour cent dans certaines régions en développement. Les racines et tubercules peuvent tolérer un large éventail de conditions et conviennent bien aux systèmes traditionnels d'exploitation agricole. On peut les intercaler avec d'autres cultures et, dans la plupart des cas, on peut les faire pousser tout au long de l'année et disposer ainsi d'un supplément de calories pendant la saison de disette. Il n'a pas encore été procédé à une étude génétique approfondie des cultures traditionnelles, mais leur potentiel d'amélioration par sélection semble très prometteur.

La FAO a joué un rôle de pionnier dans la collecte de ressources phytogénétiques. L'une des toutes premières activités a consisté à envoyer sur le terrain des missions de collecte de semences, particulièrement dans des centres de diversité où des cultivars modernes supplantaient déjà des variétés traditionnelles. Récemment, ce travail et autres activités connexes ont été entrepris en coopération avec le Conseil international des ressources phytogénétiques (CIRP), centre du GCRAI qui a été créé en 1974.

Depuis 1983, la FAO a mis au point un système mondial pour les ressources phytogénétiques, fondé sur le principe que la diversité phytogénétique est l'héritage de l'humanité. L'objectif est d'assurer la conservation en toute sécurité, l'utilisation durable et la disponibilité sans restriction de matériel héréditaire végétal au profit des générations présente et future (voir page 23).

Animaux domestiqués et espèces apparentées

Les ressources zoogénétiques comprennent toutes les espèces, races et lignées d'intérêt économique, scientifique et culturel pour l'humanité aux fins de l'agriculture, dans le présent et pour le futur. Les espèces communément représentées dans le secteur agricole comprennent les ovins, les caprins, les bovins, les équins; les porcins, les buffles et les poulets, mais beaucoup d'autres animaux domestiqués tels que les chameaux, les ânes, les éléphants, les rennes, les lapins et certaines espèces de rongeurs sont importants pour différentes cultures et régions du monde.

La domestication des animaux remonte à quelque 10 000 ans lorsque les hommes ont commencé à les sélectionner pour la production de nourriture ou de fibre, pour les faire travailler et autres utilisations agricoles. Le bétail fournit des produits de grande valeur tels que les peaux, la laine et le fumier, importants à la fois pour assurer leur subsistance et procurer un revenu aux communautés rurales. Le bétail transforme les fourrages et les déchets agricoles qui ne sont pas comestibles pour l'homme en produits alimentaires nutritionnellement importants. Approximativement 40 pour cent du total des terres disponibles dans les pays en développement ne peuvent être utilisées que pour quelque forme de production fourragère. On estime que 12 pour cent des habitants de la planète vivent dans des zones où la population est presque entièrement tributaire de produits provenant des ruminants - bovins, ovins et caprins.

Des siècles de sélection humaine et naturelle ont créé des milliers de races génétiquement diverses d'animaux domestiques, adaptées à un large éventail de conditions de milieu et d'exigences humaines. Certaines sont, par exemple, résistantes à des maladies parasitaires, tandis que d'autres supportent l'humidité ou la sécheresse, ou des extrêmes de chaleur et de froid. La diversité zoogénétique représentée par ce large éventail de races est essentielle pour assurer de façon soutenue la productivité de l'agriculture.

Porc Taihu

Les animaux apportent une contribution directe de 19 pour cent à l'approvisionnement mondial en denrées de consommation courante, mais ils fournissent également une puissance de traction et des engrais pour la production végétale, ce qui porte leur contribution globale à 25 pour cent. En outre, le bétail représente une forme très importante de réserve de caisse dans beaucoup de systèmes d'agriculture mixte. Si l'on prend cet aspect en considération, les estimations indiquent que les animaux satisfont 30 pour cent du total des besoins alimentaires et agricoles de l'homme.

L'arche sombre

En Europe, la moitié des races qui existaient à la fin du siècle se sont éteintes; un tiers des 770 races restantes sont en danger de disparaître au cours des 20 prochaines années. En Allemagne, par exemple, il ne reste plus que cinq races indigènes de bétail alors que l'on en comptait au moins 35. En Amérique du Nord, plus du tiers des races de bétail et de volaille sont considérées comme rares ou en voie de disparition.

On en sait beaucoup moins sur les races qui existent dans le monde en développement. De même pour les plantes, c'est dans le monde en développement que l'on trouve la plus grande diversité d'animaux domestiques. L'Asie, par exemple, a plus de 140 races de porcins, tandis que l'Amérique du Nord ne peut en revendiquer que 19. Sur la base de données préliminaires, la FAO prévoit qu'une race non européenne de bétail sur quatre est peut-être en danger d'extinction et, selon toute probabilité, plus de la moitié d'entre elles dans les pays en développement.

Dans le monde entier, la diversité des animaux domestiques est particulièrement menacée par le caractère hautement spécialisé de la production animale moderne. Dans le monde développé, l'élevage commercial du bétail est fondé sur un très petit nombre de races qui ont été sélectionnées aux fins de la production intensive de viande, de lait ou d'œufs dans des conditions hautement contrôlées. La diffusion des systèmes de production intensive dans le monde en développement fait courir un risque à des milliers de races indigènes. Les races commerciales importées d'Amérique du Nord et d'Europe du Nord ne sont généralement pas en mesure d'assurer une production élevée dans des environnements moins hospitaliers. Elles requièrent des systèmes d'exploitation intensifs et d'importantes quantités d'intrants tels qu'aliments artificiels à haute teneur en protéines, médicaments et abris. L'introduction de la production animale intensive crée une dépendance à l'égard de technologies importées: elle n'est pas à la portée - ni immédiatement ni à long terme - de la plupart des agriculteurs du monde en développement.

Après des milliers de générations de croisements contrôlés, il n'existe plus, pour la plupart des animaux domestiqués, d'espèces sauvages apparentées susceptibles de fournir du matériel héréditaire. Lorsqu'une variété s'éteint, une base génétique déjà étroite se rétrécit irréversiblement. Les races commerciales adaptées à la production intensive n'offrent pas de réservoir génétique adéquat pour l'avenir. Leur base génétique reflète l'accent mis sur la maximisation de la production. Le dindon produit en masse dans les élevages industriels d'Amérique du Nord et d'Europe, par exemple, a été sélectionné pour sa large poitrine si charnue qu'il ne peut plus se reproduire sans assistance. Cette souche lourde - qui représente 99 pour cent du total des dindons élevés aux Etats-Unis aujourd'huis'éteindrait en une seule génération en l'absence d'aide humaine sous forme d'insémination artificielle.

Quelle est la valeur de la diversité zoogénétique?

La diversité génétique actuellement trouvée dans les races d'animaux domestiques permet aux agriculteurs de sélectionner des souches ou de créer de nouvelles races compte tenu des modifications de l'environnement, des menaces de maladie, de l'état du marché et des besoins de la société - facteurs qui sont tous dans une large mesure imprévisibles.

Les races indigènes de bétail possèdent souvent des caractères précieux tels que résistance aux maladies, haute fertilité, bonnes qualités maternelles, longévité et adaptation à des conditions rigoureuses et à une alimentation de médiocre qualité, autrement dit toutes les caractéristiques désirables pour une agriculture durable à faible coefficient d'intrants. Ainsi, les rares porcs Taihu de Chine possèdent des caractères très intéressants pour les éleveurs de porcs du monde entier. Ils ont une peau épaisse et ridée et de longues oreilles tombantes. Leur régime peut comporter une proportion élevée de fourrage. Le porc adulte a peu de viande maigre - c'est pourquoi les Chinois aiment tant le porcelet. Mais les porcs Taihu parviennent à maturité sexuelle en 64 jours seulement et ils sont extraordinairement fertiles, produisant des portées de 16 en moyenne, contre 10 seulement pour les races européennes. Les chercheurs d'Europe et des Etats - Unis explorent les moyens d'incorporer ces caractéristiques avantageuses dans des races commerciales. Une société britannique, la National Pig Developement, a déjà produit un hybride commercial du Meishan, qui est l'une des sept souches de porc Taihu. Annoncé en 1992, cet hybride associe la fécondité de la race chinoise traditionnelle à une teneur plus élevée en viande maigre.

Une race ancienne de bétail africain est résistante à une maladie dévastatrice

Trente pour cent du cheptel africain, à savoir approximativement 160 millions de bovins, sont menacés par la trypanosomiase - maladie débilitante et fréquemment fatale transmise par la mouche tsé - tsé dans 36 pays d'Afrique couvrant une superficie de plus de 10 millions de km2. Cette maladie dévastatrice menace non seulement les approvisionnements africains en lait et en viande, mais aussi d'importants sous-produits et services tels que cuirs et peaux, production de fumier, carburant et traction animale. Rien que pour la production de viande, les pertes annuelles sont estimées à 5 milliards de dollars.

Plusieurs races africaines traditionnelles de bovins, parmi lesquelles le petit N'Dama sans bosse, ont développé une résistance (trypanotolérance) au cours de milliers d'années d'exposition au parasite-caractère que les races africaines relativement modernes ne possèdent pas. Cette résistance à base génétique offre un espoir de réduire ou de contrôler les effets de la trypanosomiase.

Les agriculteurs ouest-africains élèvent depuis longtemps en petits nombres des bovins N'Dama trypanotolérants dans les zones agricoles marginales. Les N'Dama prospèrent bien avec du fourrage de médiocre qualité et, bien qu'ils soient moins productifs que les races modernes, leur taux élevé de survie et de reproduction et leur longévité les rendent précieux dans des environnements difficiles.

En utilisant une technique connue sous le nom de “transfert d'embryons”, on a déjà accru la population de bovins N'Dama trypanotolérants dans le but de conserver cette souche rare, d'améliorer ses performances et d'étudier sa résistance aux maladies. La robustesse des N'Dama, leur tolérance à la chaleur et leur résistance aux maladies ont également été reconnues. Les bovins N'Dama ont été croisés avec le Red Poll, race britannique en danger d'extinction, pour produire la race Senepol. Le Senepol a été introduit avec succès aux Caraïbes et dans le sud des Etats-Unis.

Conserver la diversité zoogénétique

La diversité génétique est déjà devenue moindre chez les animaux de ferme que chez les plantes cultivées et plus du tiers des ressources zoogénétiques restantes sont actuellement menacées. En 1992, la FAO a lancé un programme détaillé en vue d'assurer la conservation des ressources zoogénétiques dans le monde. Il prévoit:

La FAO étudie la possibilité de créer un centre mondial pour la diversité génétique chez les animaux domestiques, pour focaliser les efforts en vue de mettre terme à la présente érosion de ces ressources irremplaçables, et pour promouvoir leur utilisation efficace et soutenue. La conservation de la diversité zoogénétique est indispensable pour assurer la sécurité alimentaire mondiale et préserver notre aptitude à relever les défis futurs.

QUELQUES DONNÉES

En Europe, la moitié des races de bétail qui existaient à la fin du siècle ont disparu et le tiers des 770 races restantes est menacé d'extinction. Dans le monde en développement, la proportion est de presque 20 pour cent.

Les moutons de l'île de North Ronaldsay, en Ecosse, se sont adaptés à une nourriture d'algues de mer, et le porc Ming s'est quant à lui adapté aux hivers froids et aux étés chauds du nord-est de la Chine.

Les bovins de Secotra (île située au large du Yémen) se classent parmi les plus gros producteurs de lait au monde par kg de poids corporel.

Le dindon à large poitrine-qui représente 99 pour cent des dindons élevés aux Etats-Unis aujourd'hui - disparaîtrait en l'absence d'insémination artificielle.

Poissons et vie aquatique

Les océans, les lacs et les cours d'eau couvrent quatre cinquièmes de la superficie de la planète, mais on ne sait pas grand-chose de leurs ressources biologiques. Moins d'espèces aquatiques que d'espèces terrestres ont été décrites, mais il n'y a aucune raison pour que la biodiversité aquatique soit moindre.

Le lieu de l'Alaska, espèce démersale, représente presque 6 pour cent des captures de poissons marins

Les eaux tropicales sont les plus riches en ce qui concerne la diversité des espèces. Ainsi, l'Indo-Pacifique contient, selon les estimations, 1 500 espèces de poissons et plus de 6 000 espèces de mollusques, contre seulement 280 espèces de poissons et 500 de mollusques dans l'Atlantique Est.

Les eaux intérieures se caractérisent aussi par une grande diversité d'espèces, surtout concentrée là aussi dans les zones tropicales. Il pourrait y avoir en Thaïlande, par exemple, jusqu'à 1 000 espèces de poissons d'eau douce, mais jusqu'à maintenant des données n'ont été recueillies que sur 475 d'entre elles. On estime qu'il y a au Brésil plus de 3 000 espèces de poissons d'eau douce - trois fois plus que dans tout autre pays.

Le pilchard d'Amérique du Sud, petite espèce pélagique, représente presque 5 pour cent des captures de poissons marins

Pour la plus grande partie, la récolte aquatique consiste en espèces sauvages plutôt qu'en espèces provenant des élevages. La production mondiale, dont 90 pour cent de poissons proprement dits, atteint presque 100 millions de tonnes par an, dont 13 millions de tonnes seulement provenant de l'aquaculture. Plus de 4 millions de tonnes d'algues sont aussi récoltées chaque année.

Importance des pêcheries

La pêche, la transformation du poisson et le commerce du poisson sont depuis des siècles des sources de nourriture, d'emploi et de revenu pour les communautés côtières et celles qui vivent en bordure des eaux intérieures. Le poisson apporte une contribution substantielle aux disponibilités mondiales de protéines animales, soit directement, soit en conséquence de son utilisation pour l'alimentation du bétail - presque le tiers des captures de poisson sont transformées en farine et en huile.

La part des pays en développement dans les captures mondiales dépasse 50 pour cent. Le secteur de la pêche dans ces pays est dominé par les petits producteurs ou artisans pêcheurs. Les pêches artisanales, utilisant typiquement de petits bateaux et pirogues, assurent plus de 25 pour cent des captures mondiales. Elles fournissent plus de 40 pour cent du poisson utilisé pour la consommation humaine. Elles représentent aussi une source importante d'emplois - on estime que, dans les pays en développement, 100 millions de personnes dépendent en totalité ou en partie de la pêche pour leur subsistance.

On escompte que, d'ici la fin du siècle, la demande de poisson dépassera de quelque 20 millions de tonnes la capacité de production, estimée à environ 100 millions de tonnes, des stocks actuellement exploités par les pêches de capture. L'accroissement des revenus et le fait que l'on se rend de mieux en mieux compte de la valeur diététique du poisson stimulent la demande de poisson et de produits de la pêche dans les pays industrialisés, spécialement la demande d'articles “de luxe” tels que les huîtres, les crevettes, le saumon et le thon. Dans les pays en développement, la croissance démographique et la nécessité d'exploiter toute source potentielle de nourriture et de devises sont les principaux facteurs déterminant une intensification des activités de pêche.

Une réponse à la demande croissante de poisson et à la réduction des disponibilités a été le développement de l'aquaculture. Cette source de nourriture qui se développe rapidement fait peser certaines menaces sur la biodiversité, car l'aquaculture se concentre sur une très petite gamme d'espèces et une base génétique également étroite chez ces espèces. Lorsque des poissons s'échappent en grands nombres des élevages ou que l'on libère délibérément des stocks pour des opérations d'élevage extensif, on influence semble-t-il la composition génétique des ressources sauvages.

Eaux troublées

La biodiversité aquatique est principalement menacée par les déprédations humaines et la mauvaise gestion, aussi bien des ressources biologiques que des écosystèmes qui les abritent. La perte d'habitats, la surexploitation et l'introduction d'espèces exotiques sont les risques principaux.

L'anchois du Pérou, jadis la plus grande pêcherie monospécifique du monde, est devenu moins abondant par suite de la surpêche et des modifications de l'environnement

Surexploitation. Les stocks de poissons sont une ressource renouvelable, mais déjà beaucoup d'entre eux sont pêchés à la limite de ce qu'ils peuvent supporter. Avec le passage des années, ils ont souffert de l'idée très répandue que les mers sont inépuisables, des pressions économiques qui ont encouragé la surexploitation et, jusqu'il y a tout juste un peu plus de 10 ans, d'un régime international qui permettait un accès presque illimité à la majorité d'entre eux. Toutes les activités de pêche sont tributaires d'une ressource de base fragile qui, si elle est mal gérée et surexploitée, peut facilement s'épuiser.

Les tentatives pour réglementer les pêcheries marines remontent à la fin du XIXe siècle, époque où a été créée en Europe le Conseil international pour l'exploration de la mer. De nombreux organismes ayant pour fonction de développer et réglementer les pêches dans les eaux marines et dans les eaux intérieures ont été créés depuis lors - neuf d'entre eux sous les auspices de la FAO. Malgré cette prise de conscience de la menace liée à la surpêche, le taux d'exploitation des stocks est resté trop élevé pour leur permettre de se reconstituer.

Toutes les espèces démersales (vivant en eaux profondes) telles que la morue, l'églefin et le lieu sont maintenant soit pleinement exploitées, soit surexploitées, soit épuisées. Les grandes espèces pélagiques (vivant dans les eaux de surface) telles que le hareng, les sardines et les anchois, dont les stocks peuvent accuser des fluctuations considérables d'une année à l'autre, ont grand besoin d'être aménagées. Des crustacés tels que les crevettes, les langoustes et les crabes sont aussi surexploités. Seuls les mollusques bivalves tels que les moules et les clams, et des céphalopodes tels que les encornets et les poulpes, offrent d'importantes possibilités d'accroissement de la production.

La capture mondiale de poisson a plus que quadruplé au cours des 40 dernières années, mais l'utilisation à mauvais escient de techniques modernes, associée au soutien des gouvernements à une production par ailleurs anti - économique, ont eu un effet dévastateur sur les stocks de poissons. Les flottilles utilisant des systèmes perfectionnés de détection, des filets non sélectifs (ayant jusqu'à 50 km de long) et des chaluts de fond amènent certaines espèces au bord de l'extinction. La FAO chiffre à quelque 30 milliards de dollars par an le coût de la surexploitation.

La production de crustacés, provenant principalement de l'aquaculture, a progressé de façon spectaculaire au cours des 10 dernières années, pour dépasser 4,25 millions de tonnes au début des années 90.

Les effets de la surexploitation des pêcheries atteignent peut-être leur maximum dans le monde en développement. La pêche commerciale dans les eaux tropicales assure souvent de précieuses recettes en devises aux pays en développement, mais elle peut aussi conduire à une intense concurrence avec les artisans pêcheurs, dont beaucoup approvisionnent les consommateurs et marchés locaux, qui voient leurs taux de capture diminuer. La hausse des prix, résultant d'une demande accrue exacerbée par la surpêche, met le poisson hors de la portée d'un nombre croissant de consommateurs pauvres. Le poisson a cessé d'être “un plat de viande bon marché” - slogan utilisé pour sa commercialisation au Royaume-Uni dans les années 50.

Sélectivité des méthodes de pêche

Les engins de pêche traditionnels, qui vont du simple harpon à un piège à poisson en forme de panier, sont typiquement sélectifs aussi bien pour ce qui est des tailles que des espèces capturées, et ils sont adaptés à la diversité des poissons capturés; par contre, les engins commerciaux tels que les sennes coulissantes, les grands filets dérivants et les chaluts ramènent souvent des captures accessoires d'espèces indésirées. La renonciation aux méthodes de pêche traditionnelles, associée à l'introduction de nouveaux matériels et à une forte mécanisation des opérations ont contribué à la surexploitation des ressources en milieu marin comme en eau douce.

Dégradation de l'environnement.

A la pression d'exploitation, il faut ajouter la dégradation ou la destruction des écosystèmes aquatiques causées par la pollution ou des utilisations concurrentes. Les océans fonctionnent comme un déversoir pour le dioxyde de carbone, les sols emportés par l'érosion, les contaminants, les engrais, les déchets humains et industriels. La plupart des activités urbaines et industrielles et, de fait, une grande partie de la vie humaine, se concentrent à proximité d'eaux côtières, de cours d'eau et de lacs. Six personnes sur dix vivent dans des zones côtières et l'émigration vers ces zones s'intensifie.

Le développement de l'aquaculture intensive a, dans certains cas, causé des dommages aux écosystèmes côtiers et aux ressources en eaux, suscité des conflits relativement à l'utilisation des terres et des ressources, et même porté localement préjudice à l'emploi et à l'approvisionnement alimentaire. Dans certaines parties de l'Asie, la culture du paddy a été remplacée sur des milliers d'hectares par l'élevage de crevettes de haute valeur marchande ou bien les rizières ont vu leur productivité réduite par la salinisation causée par les entreprises d'aquaculture avoisinantes. Dans l'Indo-Pacifique, plus d'un million d'hectares de forêts de mangrove ont été converties en étangs d'aquaculture. Les mangroves servent de frayères et de nurseries à de nombreuses espèces marines, et revêtent une importance vitale pour le maintien de l'équilibre écologique et de la biodiversité.

Le tilapia: un “poulet aquatique”

Les tilapias, qui comprennent les espèces des genres Tilapia, Oreochromis et Sarotherodon, sont originaires d'Afrique et se sont largement répandus dans le monde entier. Ils sont maintenant à la base de la petite aquaculture pratiquée par de nombreux agriculteurs pauvres dans le monde en développement, ainsi que par des entreprises du monde développé. Il s'agit de l'espèce la plus largement élevée en Asie, particulièrement en Chine, aux Philippines et en Thailande.

Tilapia nilotica

Surnommés “poulets aquatiques”, les tilapias possèdent de nombreuses caractéristiques intéressantes qui permettent leur élevage dans des systèmes très variés d'aquaculture: ils ont d'excellents taux de croissance avec un régime alimentaire contenant peu de protéines; ils sont tolérants à un large éventail de conditions environnementales; ils sont extrêmement résistants aux maladies et aux infections parasitaires, ils se reproduisent facilement en captivité et sont faciles à manutentionner; enfin, ils sont largement acceptés par les consommateurs.

Etant donné que les tilapias sont si largement élevés dans le monde en développement, le Centre international d'aménagement des ressources bioaquatiques, qui est basé aux Philippines et est le centre du GCRAI s'occupant des pêches, a mis en place le programme d'amélioration génétique du tilapia d'élevage dans le but d'accroître la production alimentaire et le revenu des petits producteurs. Le programme a collecté des souches de tilapias et évalué leur élevage et leur croissance dans différents environnements.

Les experts scientifiques ont découvert, par exemple, que les espèces de tilapias élevées en Asie se dégénèrent en conséquence de générations de consanguinité. A l'avenir, les efforts de sélection devront exploiter une plus large base génétique, en incorporant du matériel génétique venu d'Afrique. On voit donc combien il est important d'assurer pour le futur la conservation et l'utilisation des races indigènes africaines de tilapias.

Introduction d'espèces exotiques.

L'introduction d'espèces exotiques de poissons peut avoir de nombreuses conséquences imprévues. Le lâcher de la perche du Nil dans le lac Victoria, en Afrique, en donne un exemple classique. La perche introduite à la fin des années 50 pour la pêche sportive a, du fait de sa voracité et de sa grande taille, causé l'extinction de beaucoup d'espèces indigènes plus petites. Quelques experts scientifiques pensent que peut-être 200 à 300 espèces de poissons ont été perdues.

La population croissante de perches du Nil fait du lac Victoria l'une des pêcheries lacustres les plus productives au monde, avec un rendement de 200 000 à 300 000 tonnes par an. Mais cette productivité accrue a peut-être coûté cher écologiquement et socialement. Le lac fournit de plus en plus du poisson destiné à l'exportation plutôt qu'à la consommation locale. Les communautés de pêcheurs riveraines ont perdu des espèces qu'elles consommaient traditionnellement et qui soutenaient l'économie locale. Les effets à long terme ne sont pas encore visibles, mais cet exemple est une leçon très utile pour ceux qui envisagent des introductions et transferts d'espèces de poissons.

Perche du Nil

Pêche responsable

En mai 1992, la Conférence internationale sur la pêche responsable, réunie à Cancún (Mexique), a invité la FAO à élaborer, en consultation avec d'autres organisations internationales, un Code international de conduite pour une pêche responsable. Le concept de “pêche responsable” englobe l'utilisation durable des ressources halieutiques en harmonie avec l'environnement et l'emploi de méthodes de capture et d'aquaculture ne portant pas préjudice aux écosystèmes, aux ressources ou à la qualité des produits alimentaires.

La FAO appuie des programmes complets d'aménagement des pêcheries, aussi bien pour des zones côtières que pour la haute mer. Elle participe également aux efforts internationaux pour introduire des techniques de pêche écologiquement sans danger. Elle fournit une assistance technique visant à assurer que les pratiques d'aquaculture soient respectueuses de l'environnement, ainsi qu'à faire place à l'aquaculture dans la planification du développement rural.

Pour conserver la biodiversité aquatique, la FAO met l'accent sur l'utilisation durable des ressources aquatiques. Les activités comprennent: des programmes de sélection génétique en aquaculture; l'élaboration de codes d'usages pour l'introduction et le transfert d'organismes aquatiques, ainsi que pour ce qui a trait à l'accès aux ressources génétiques et aux biotechnologies; enfin, le fonctionnement d'une base mondiale de données sur les introductions et les transferts, ainsi que d'une base de données pour l'identification des espèces, des souches et des races.

Arbres et forêts

QUELQUES DONNÉES

A 100 millions de tonnes, les pêches de capture ont atteint, voire dépassé leur rendement à long terme, et l'écart entre l'offre et la demande atteindra, selon les estimations, 20 millions de tonnes en l'an 2000.

Quelque 300 types de poissons sont élevés aux fins de la consommation humaine, mais la carpe représente 85 pour cent de la production et les tilapias l'essentiel du restant.

Dans le nord-ouest des Etats-Unis, 159 populations génétiquement distinctes d'espèces de poissons migrant dans l'océan courent un risque élevé ou modéré d'extinction.

Approximativement 7 000 espèces de poissons marins ont été décrites en Indonésie, qui compte plus de 13 000 îles et a la plus grande longueur de côtes des pays tropicaux.

Environ 30 pour cent de la superficie terrestre non couverte de glace consistent en forêts ou en terres boisées. Elles couvrent actuellement 3 à 3,5 milliards d'hectares - superficie égale à celle de l'Amérique du Nord et du Sud. Selon des estimations récentes, les forêts tempérées couvrent approximativement 1,43 milliard d'hectares dans les pays industrialisés et 210 millions d'hectares dans les pays en développement non tropicaux. Les forêts tropicales, aussi bien humides que sèches, occupent une superficie estimée à 1,76 milliard d'hectares.

Avantages et utilisations des forêts

Les forêts fournissent des produits alimentaires, du fourrage, des médicaments et du bois d'œuvre, des poteaux et du bois de combustible, ainsi que des matières premières pour l'industrie. Le revenu tiré des arbres et des forêts est d'une importance capitale aussi bien pour les populations rurales que pour le budget national. Les forêts abritent une population estimée à 300 millions de personnes - agriculteurs itinérants et communautés vivant de la chasse et de la cueillette - pour l'ensemble du monde. Dans le passé, l'agriculture sur brûlis pratiquée par les habitants des forêts était durable, mais la pression démographique a réduit la superficie disponible pour l'agriculture itinérante; le raccourcissement des périodes de jachère et la surutilisation transforment des méthodes traditionnellement durables en méthodes destructrices.

Les populations rurales vivant à l'intérieur et autour des zones forestières dépendent pour leur subsistance d'une grande variété de produits forestiers. Les produits alimentaires tirés de la forêt constituent un élément important du régime de certains groupes de population dans les zones rurales des pays en développement. Ils comprennent des feuilles, des graines et des noix, des fruits, des racines et tubercules, de la sève et des gommes, des champignons et des animaux. Les aliments d'origine forestière prennent souvent plus d'importance au cours de la saison de disette qui atteint son point culminant juste avant les récoltes et lorsque les récoltes sont mauvaises.

Les espèces ligneuses constituent la principale source d'énergie pour les trois quarts ou davantage de la population des pays en développement. Dans ces pays, on utilise huit fois plus de bois comme combustible que l'on n'en exploite à des fins industrielles. Dans de nombreuses zones, le bois de feu est actuellement récolté plus vite qu'il n'est replanté. D'ici l'an 2000, le manque de combustible pourrait affecter près de 3 milliards d'habitants.

Les forêts remplissent des fonctions écologiques vitales. En absorbant le gaz carbonique et dégageant de l'oxygène au cours du processus de photosynthèse, elles aident à contrôler la teneur en gaz responsable de l'effet de serre et créent l'atmosphère indispensable au maintien de la vie. La végétation forestière aide à recycler les éléments nutritifs. Le couvert forestier réduit aussi l'érosion des sols en ralentissant le ruissellement de l'eau, et en réduisant les risques d'inondations et l'envasement des réservoirs et des voies d'eau.

Les forêts, les terrains boisés et autres zones primitives sont de plus en plus appréciés en tant que patrimoine naturel et culturel, ainsi que dans des buts éducatif et récréatif. L'écotourisme, par exemple, est la troisième source de revenu du Rwanda, grâce en grande partie au gorille de montagne.

Déclin de la forêt dans le monde

Les forêts existant dans le monde diminuent à des rythmes sans précédent. Les principales menaces sont le déboisement et la pollution atmosphérique. A cela s'ajoute le rétrécissement de la base génétique des essences forestières qui est une conséquence de la foresterie commerciale.

Alors que dans les zones tempérées la superficie reboisée dépasse maintenant celle qui a été déboisée, la disparition des forêts tropicales est quant à elle préoccupante. Une enquête récente de la FAO indique que ces forêts ont été détruites à raison de 15,4 millions d'hectares par an entre 1980 et 1990. Pour ce qui est de la superficie boisée, les pertes les plus considérables ont été observées en Amérique latine et aux Caraïbes (en moyenne 7,4 millions d'hectares par an), suivies de l'Afrique (4,1 millions d'hectares par an) et de l'Asie-Pacifique (3,9 millions d'hectares par an).

Les causes du déboisement varient d'une région à l'autre. Les plus importantes sont: la conversion à l'agriculture; l'utilisation excessive de bois de feu et de charbon de bois; l'agriculture itinérante avec des périodes de jachère trop courtes; l'exploitation forestière de type non durable; l'expansion des zones urbaines et industrielles; enfin, le surpâturage et la récolte de fourrage. La pauvreté est la cause fondamentale de beaucoup de ces activités préjudiciables à l'environnement.

Les champignons, communément appréciés pour remplacer la viande, fournissent en grande quantité des protéines et des sels minéraux essentiels

En Europe, malgré une augmentation nette de la superficie boisée, la pollution et les incendies ont été cause d'une grave réduction de la biodiversité et de la vigueur des forêts. Les forêts d'Allemagne et de l'ex-Tchécoslovaquie ont été particulièrement affectées. Moins évidente, mais tout aussi alarmante, est la perte de diversité génétique des espèces forestières aussi bien d'Europe que d'Amérique du Nord. Cette érosion génétique résulte principalement du déboisement aggravé, pour quelques espèces économiquement importantes, par une sélection intensive aux fins de la foresterie commerciale. La FAO estime que la variabilité génétique de quelque 400 essences forestières est menacée dans sa totalité ou pour une part importante.

Les produits non ligneux et les services, dont beaucoup sont utilisés depuis longtemps par ceux qui vivent à l'intérieur et autour des forêts, sont de plus en plus appréciés en tant que source de développement durable. De nombreuses cultures vivrières et de nombreux produits industriels, commerciaux et pharmaceutiques sont à l'origine des produits forestiers non ligneux. Les incitations économiques et sociales liées aux produits forestiers non ligneux encouragent la conservation et offrent une défense contre la perte de biodiversité.

Lorsque la forêt se rétrécit ou lorsqu'elle est abattue, la perte est loin de concerner seulement les arbres. La forêt héberge de nombreux animaux et plantes dont la survie dépend de l'environnement qu'elle leur offre. Beaucoup de ces espèces, leur valeur potentielle pour la société et leur importance écologique sont encore à découvrir. Entre autres trésors inexploités il y a des cultures possibles, des produits pharmaceutiques, des bois, des fibres, des pâtes, une végétation restauratrice du sol, des produits de remplacement du pétrole et d'innombrables autres produits et ressources. L'écorce du rare if occidental Taxus brevifolia, qui n'existe plus maintenant que dans l'ancienne forêt de conifères du nord-ouest des Etats-Unis, est la source du taxol, l'une des plus puissantes substances anticancérigènes que l'on ait découverte. Si les forêts continuent d'être abattues au rythme actuel, de nouvelles sources d'information scientifique seront probablement perdues et une inestimable richesse biologique sera détruite.

La noix d'acajou, produit forestier nutritif facile à cueillir et à rôtir

Même lorsque des mesures de conservation ont été prises, elles ne mettent pas obligatoirement terme à la réduction de la biodiversité et, donc, de l'ensemble des ressources génétiques contenues dans l'écosystème forestier. A l'heure actuelle, moins de 5 pour cent de la superficie terrestre de la planète sont réservés pour la conservation en tant que parcs nationaux, stations scientifiques ou autres types de terres protégées par la loi. Les secteurs à préserver ont été délimités pour de nombreuses raisons, mais il est rarement fait état de leurs précieuses réserves génétiques. Ils sont fréquemment trop petits pour permettre de conserver des populations viables des espèces et variétés menacées qu'ils contiennent effectivement. Par ailleurs, toutefois, l'expérience montre que les politiques visant à contrôler et protéger des réserves de ce genre resteront sans résultat en l'absence d'un soutien actif de la population locale et de programmes complémentaires en vue de satisfaire ses besoins quotidiens.

Développement durable des forêts

Convenablement aménagés, les écosystèmes forestiers peuvent fournir des biens et des services tout en perpétuant les ressources génétiques qu'ils contiennent. On progresse actuellement vers de nouveaux modes d'aménagement. Un système durable de récolte des produits forestiers non ligneux peut améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition, tout en accroissant les revenus et offrant des possibilités d'emploi. L'agroforesterie - système d'exploitation agricole associant les arbres, les cultures et l'élevage - permet aux agriculteurs, même les plus pauvres, de diversifier leur production et de remettre en culture des terres dégradées. La dégradation des forêts peut également être réduite par des pratiques de récolte qui permettent l'exploitation forestière tout en favorisant et préservant la régénération. L'utilisation soutenue des forêts, associée à l'entretien d'un réseau de zones vouées à la protection des écosystèmes et de leurs fonctions, est la seule solution pour assurer durablement la conservation génétique.

Activités de la FAO en vue d'assurer la conservation des ressources génétiques forestières

Le Groupe FAO d'experts des ressources génétiques forestières, créé voici 25 ans, guide les initiatives prises par l'Organisation pour conserver les ressources génétiques forestières. Le Département des forêts de la FAO collabore avec des instituts nationaux ou régionaux qui participent ou souhaitent participer à ces activités. Ses projets de terrain permettent de fournir des avis techniques et apporter une aide aux gouvernements pour planifier et exécuter des projets de conservation, ainsi que pour intégrer la conservation des ressources génétiques dans la planification de l'utilisation des terres et de l'exploitation forestière.

Parmi les activités figurent spécifiquement la fourniture d'une aide pour la prospection, la collecte et l'évaluation des ressources génétiques forestières, la planification et la création de centres semenciers, et la création et l'entretien de systèmes de conservation, in situ et ex situ, d'espèces prioritaires. Le Département des forêts de la FAO publie aussi et diffuse un large éventail de matériels didactiques consacrés à l'utilisation et à la conservation des ressources génétiques forestières.

L'if occidental, source de taxol, anticancérogène puissant

Le système mondial FAO de conservation et d'utilisation des ressources phytogénétiques comprend les essences forestières. Dans le cadre de l'Engagement international FAO sur les ressources phytogénétiques, le Département des forêts sert de centre de convergence pour les activités intéressant la conservation in situ des ressources phytogénétiques.

QUELQUES DONNÉES

Le déboisement des forêts tropicales humides denses pourrait faire perdre jusqu'à 100 essences par jour.

Le Kalimantan (Indonésie) est un centre important de variation génétique pour les arbres fruitiers tropicaux, notamment le manguier, l'arbre à pain et le durion. Sur les 16 espèces de mangues existant dans la province du Kalimantan oriental, 13 sont comestibles.

Les exportations de chiclé, toute-épice et xate rapportent au Guatemala 7 millions de dollars par an et permettent de faire vivre quelque 6 000 familles de la région de Peten.

La cueillette, l'extraction et la transformation des graines des fruits du babassu assurent, selon les estimations, 25 pour cent de leur revenu à 300 000 familles de l'Etat de Maranhão au Brésil.

En Côte d'Ivoire, la récolte d'escargots géants (Achatina achatina) dans la zone tampon entourant le parc national Tai est à la fois une source de nourriture et de revenu: chaque escargot fournit 100 à 300 g de viande, et leurs coquilles fournissent du calcium destiné à la fabrication d'aliments pour animaux ou d'engrais.

Plus de 20 tonnes de champignons, principalement des chanterelles (Cantharellus spp.), sont récoltées et consommées chaque année par les quelque 700 000 résidents de la zone du Shaba supérieur au Zaïre.


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